Extraits d’œuvres
Quand j'étais de ce monde (Montmartre – Passage des Brumes – 1984 ) - extrait
quand j'étais de ce monde
je serrais sur mon cœur des poignées de mains ivres
des bouquets de couteaux et des épingles d'eau
je lançais des paillettes
à des sources magiques
et mes mille ans tout neufs à des orgues fanées
j'avais organisé l'évasion des lumières
dénoncé les serrures posées contre les nuits
pour me retrouver seul
avec une grande plaie
en ce temps-là
je n'ai pas eu le temps d'être un enfant dans la femme
en ce temps-là
j'habitais en silence dans les siècles à venir
je me couchais sous les orages
je me couchais sous les trains fous en serrant mon amour
j'étais un romantique
j'avais l'âme incomplète
on m'appelait Matthias du château des Carpates
j'avais les bras plus plus grand que les révoltes
j'étais le roi d'un monde absent
cherchant l'homme à abattre
dans la grande maladie des hommes désemparés
et je portais ma chair à l'épaule du jour
vêtu d'une autre peau
volée un soir de de fête dans le vestiaire d'un bal
.
quand j'étais de ce monde
je descendais des hommes
j'habitais cette rue
où naissent les organistes en deuil
au pied du Sacré Cœur
les couleurs tenaient mal sur ma peau
je semais sur la neige des yeux de fleurs fanés
et je fuyais les maladies de ma naissance
en cherchant une tombe où passerait la mer
en ce temps-là
je cachais sous la terre mes vieux doigts de sourcier
des oiseaux morts tombaient du ciel
.
et les arbres tombaient de sommeil
je serrais sous l'eau blanche un enfant échoué
avec au fond du cœur
un grand soleil de fin du monde
en ce temps-là
je cherchais l'or du rêve
le cadavre du feu
et je cherchais mes morts dans la mémoire des puits
je déchirais la peau des torches
en jouant du piano pour des vagues défuntes
j'allais aux chambres délirantes
boire des fleurs d'acacia en costume de larmes
et les soirs de veuvage
j'allais dans les éclipses
des veines dans les miroirs avec de longues ophélies
et puis j'allais m'abattre à des portes de sable
.
quand j'étais de ce monde
j'ouvrais des veines dans les miroirs
pour voir couler le sang sur des livres anciens
je mimais les aveugles pour qu'il me vienne des yeux
et quand venaient les équinoxes
je me couchais devant les vagues
en refermant les yeux pour continuer la nuit
je ne quittais la mer
qu'à l'heure de recevoir une pierre de lumière
entre les deux épaules
.
********************Et soit cet océan
Il
y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de
la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés
invisibles où je sauvais la mort sur les restes du jour
certains
jours je mettais des années de côté
et
mes yeux repoussaient à chaque démesure
je
donnais des oublis au fond des parcs sombres
et
j’ai su quelquefois ressembler à ma voix
j’ai
même accompagné les invasions secrètes
et
des blessures m’ont fait la peau
quand
on fêtait les guerres
je
me joignais aux grands défigurés
je
marchais dans ma chute
je
ne changeais jamais les murs
et
parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout
ces temps de chien où j’étais mis à prix
je
n’avais de pitié pour les terres habitées
et
quand les jours ne m’allaient plus
je
mettais mon passé pour traverser vos rues
je
n’avais plus que mon silence à vous donner
il
y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau
s’est séparé de son vol inutile
alors
après ma mort
ne
fouillez pas mes poches
vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme
Le passeur du silence
Quand
un enfant blessé se prend pour un navire
et
regarde la mer de son lit de poussière
quand le filin des jours
vous glisse entre les doigts
quand le vent tient ouverts même les
yeux des morts
quand les pierres se détachent de nos années
perdues
quand la douleur ressemble à quelqu’un qui
approche
alors on aimerait bien pour mourir l’un à
l’autre
trouver une maison où l’on oserait vieillir
_____________________________________________
L'amer nous guide
Je
suis né d’une erreur du vent et de la mer
c’est
pourquoi j’ai vécu au rythme des marées
entre les hommes
et dieu je n’ai pas pu choisir
poisson-lune égaré sur un
trottoir vitreux
je n’ai fait que passer sans pouvoir
respirer
un enfant replié s’est pris dans ma mémoire
qui
m’empêche d’atteindre au pays d’où je viens
quand
trouverai-je enfin de quoi crever mes yeux
sur le plancher
glissant d’une barque fantôme
si je viens à mourir qu’on
me jette à la mer
dans l’aube bleue des sables je
trouverai ma route
j’arriverai enfin à cette grande
fête
où mon corps fait face à l'intérieur du sel
Somnambule
corps fait surface à l’intérieur du sel Je suis né d’une
erreur du vent
Dans un
désert de peau je guette un enfant fou
je vois dans les bûchers
des émeutes de miroirs
et le même visage à toutes les
fenêtres....
de
la mer
où mon corps fait surface à l’intérieur du sel
Dans la nuit survivante
J'apprends très lentement à vivre à ciel ouvert
j'enterre la face humaine sous des gangrènes d'or
et j'ai abandonné des tessons de soleil
dans la chair oubliée des hommes inutiles
dans la nuit survivante les hommes sont contagieux
il y a des fusils plus lourds que les épaules
j'ai vu tomber la neige grise des phalènes
et le corps maternel excisé sous les arbres
mais quand l'écorce enfin aura pitié de l'arbre
quand les oiseaux aveugles chanteront malgré tout
les vagues arriveront jusqu'aux maisons ardentes
alors nous irons seuls dans nos vêtements de pierre
nues sous leur peau les femmes allumeront l'aurore
et j'irai parmi vous comme un crime qui revient
Au mur
J'ai peut-être perdu tous mes yeux dans la mer...
venue comme un ancien pressentiment d'étoiles
une femme soudain m'a donné un visage
qu'elle semblait avoir ramassé dans les cendres
il m'arrivait d'avoir des dimanches de vagues
j'écoutais sur le sable de vieilles détonations
les femmes portaient des masques pour allumer l'aurore
et je dilapidais l'obscurité des mondes
les maisons fortes tombaient lentement dans la mer
un enfant commandait un feu invisible
et je voyais rouiller des hommes privés de gestes
ces femmes recouvraient le visage des jours
elles roulaient dans leurs doigts un peu de ciel rouge
qu'on découvre parfois dans les plis de la mort...
Du pain et des pierres
J'investis mes étoiles dans un ciel toujours vide
et la nuit
je promène sur la mer
mes ongles de cellule
dans une enfance couchée à mort
je marche le long d'une autre vie
et j'ai noué mes poings au vol des cormorans
et les éclats de voix croissent et se multiplient quand la métaphore se fait cri
mon corps est d'un autre âge mon sang d'une autre mer
j'habite les révoltes et les révolutions
*******************
Je
garde sous la peau mon costume de mort
avec à l'intérieur le
long poignard de l'aube
ma voix se couvre mon ombre et moi nous
sommes seuls
et je laisse sur l'eau des blessures insensées
Je
suis à bout de peau je fais des métiers d'absence
je descends
dans le corps des oiseaux somnambules
j'éteins les ombres
blanches sur le miroir des morts
et la couleur du monde s'est
perdue en chemin
Je vois le ciel pendu à des crochets de
plomb
je vois des marées mortes dans le sang blanc des algues
et
sur les seuils de pierre des bracelets d'oiseaux
Dans un
désert de peau je guette un enfant fou
je vois dans les bûchers
des émeutes de miroirs
et le même visage à toutes les
fenêtres....
de
la mer
où mon corps fait surface à l’intérieur du sel
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Poèmes en lignes
http://www.leshommessansepaules.com/auteur-Tristan_CABRAL-260-1-1-0-1.html
https://poeme.a-lire.fr/2008/12/des-mots-pour-lan-01-tristan-cabral.html

























