L'histoire
Uqsuralik, une toute jeune fille inuit, est séparée des siens, lors d'une rupture de la banquise Elle va devoir apprendre à survivre dans un milieu hostile, où les nuits sont longues pour ne pas dire infinies. Un roman sous forme de contes comme nous a habituée Bérengère Cournut.
Mon avis
Ce roman est au programme des collégiens de 4ème, dans la catégorie romans contemporains. C'est aussi une façon de les sensibiliser à la fonte de la banquise. Mais les adultes qui aiment les contes peuvent aussi le lire bien évidemment. L'héroïne reste seule sur la banquise avec juste ces chiens et quelques objets, elle doit penser à sa survie.
Le roman mêle des poèmes ou chansons à la vie sur un glacier mais aussi des légendes chamaniques, et des légendes inuits. Notre jeune Ulysse aux pays des glaces doit avancer pour survivre et c'est un chemin de vie qui se profile. L'amour de la nature pourtant hostile, l'amitié indéfectible des animaux, les leçons des ancêtres, tout cela est dépeint avec la poésie et l'imaginaire que l'on connaît à B. Cournut.
Sur
cette terre gelée là où le blanc prédomine Uqsuralik doit se
diriger à l'instinct, tous ses sens à l'affût.
On la suit,
captivé, dans son épopée onirique au cœur de décors vertigineux,
de l'imprévisible banquise, de la toundra, des fjords, des iceberg,
des chenaux dessinés dans la mer de glace sous les pleins soleil de
minuit, les aubes blanches et bleutées, la brume opaque ou le
blizzard.
La superbe écriture de Bérangère Cournut parvient à
installer une ambiance fantastique où se mêlent rêves, voyages de
l'âme, cérémonies rituelles, chants célestes, recherche
identitaire mais où il est aussi question d'amour, d'enfantements,
de transmissions et de deuils.
Cette guerrière des temps anciens,
cette femme en devenir, affronte la famine, fraie avec certains
esprits se protège contre d'autres.
Elle fera des rencontres
étranges comme celle avec « l'homme-lumière » ou le géant sous
la glace.
Se déplaçant de campements en maisons communautaires
elle chasse, pêche, tanne, coud, dépèce confectionne, construit.
Son parcours la transformera à jamais.
Bérengère
Cournut a adopté une démarche d'ethnographe en s'immergeant dans la
bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle ( plus particulièrement
dans les fonds polaires de Jean Malaurie et les fonds d'archives de
Paul-Emile Victor ),
Un carnet de photographies en prime, ce
roman merveilleux est à lire sans hésitation.
Extraits :
Depuis que je sais qu'un enfant est là
Qu'un enfant va passer par moi
Je ris, je ris en secret
Je ris comme une brassée de palourdes
Qui roulent depuis les collines
Jusqu'aux galets lourds
Du rivage.
Et depuis plusieurs lunes
Que le sang bat et reste en moi
J'ai l'impression que
Sous la banquise
La mer rit avec moi. (chanson)Chant du vent et de l'orage
Nous sommes l'été
Nous sommes le Nord et le Sud
Nous sommes les vents violents
Qui soulèvent la terre et l'eau
Nous sommes la chaleur et la fièvre
Nous sommes l'air vibrant dans la lumière
Nous sommes le sang qui coule
Dans tes veines et sous ta peau
Nous sommes les esprits puissants
Dans des corps encore débiles
Que personne à part toi
Ne sent ne palpe,
Ni ne voitJe sais maintenant, grâce à mon propre chant, me propulser hors de mon corps jusqu'au monde des esprits. J'apprends petit à petit à dialoguer avec eux sans avoir peur. Le voyage est pourtant terrifiant. J'ai chaque fois l'impression qu'on m'arrache les entrailles. Mon cœur vient taper contre mes oreilles, une sensation de vertige m'assaille.
Nous découvrons ensemble, avec la même joie, le même émerveillement, le tout nouveau manteau de neige. Désormais, le jour naît de la terre. La faible clarté du ciel est généreusement reflétée par une infinité de cristaux. La neige tombée durant la nuit est si légère qu'elle semble respirer comme un énorme ours blanc.
Nous allons loin parfois. Au-delà de la baie, au pied des icebergs qui passent au large. Ces géants de glace sont comme des montagnes posées sur l'eau. Aux heures où le soleil monte dans le ciel, ils sont éblouissants, on ne peut pas les regarder sans se blesser les yeux. Ils parlent une langue étrange — de succion, d'écoulements et de craquements. Ils sont plus imprévisibles encore que la banquise.
Il faut aussi entretenir les lampes, car le grand froid est venu tôt cette année - bien avant la naissance des phoques annelés. C'est à cause de Pilarngaq, le vent femme qui souffle depuis les grandes glaces tout là-haut. Seuls les hommes sortent encore pour chasser, sans pouvoir rester longtemps dehors.
Naja m’a aidée à atteindre cet état d’extase qui permet de rejoindre l’espace céleste. Je sais maintenant, grâce à mon propre chant, me propulser hors de mon corps jusqu'au monde des esprits. J’apprends petit à petit à dialoguer avec eux sans avoir peur. Le voyage est pourtant terrifiant.
Tous ceux qui nous ont rejoints cet hiver-là étaient des parents plus ou moins proches. Je continue d'attendre l'étranger qui viendra.
Car naître ou mourir, cela est si proche...
Les femelles le savent
Qui naissent et meurent
Comme chaque être vivant
Et qui deux,quatre ou huit fois dans leur vie
Donnent naissance à un, deux ou quatre petitsIl paraît qu'à une époque reculée, on pouvait rejoindre en hiver une île lointaine où le gibier abonde. Depuis, les courants ont changé, et il n'est plus possible de s'y rendre en traîneau. Ainsi se meut notre territoire - dans une grande respiration qui nous entraîne.
Je l'ai trouvé en arrivant au pied du glacier. Il avait repris sa forme lumineuse - ample vague verte irisant le ciel. J'ai cherché l'escalier de pierres noirâtres et je l'ai gravi avec les pieds, avec les mains, à la vitesse d'un renard qui détale. Soudain, j'ai senti ses bras sous les miens. L'homme au capuchon m'emmenait dans les airs. Les étoiles tournoyaient autour de moi. Mes membres étaient écartelés dans les quatre directions, mon ventre était agité du même fracas que la banquise en débâcle.
Biographie :
En savoir Plus :
Sur le roman
Sur les inuits
Sur leurs légendes
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mythes-et-legendes-des-inuits
https://inukexpedition.wordpress.com/2014/10/26/la-mythologie-inuit/
Sur l'art inuit
https://www.aloha-antiquites.com/blogs/posts/lart-inuit-peuple-du-froid
https://www.artinuitparis.com/artinuit.php
Sur la fonte de la banquise
https://www.notre-planete.info/actualites/3956-fonte-banquise-arctique-antarctique-superficie
https://www.grands-espaces.com/nature/fonte-de-la-banquise-rechauffement-climatique-grands-espaces/
Petite Galerie Photo







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