vendredi 1 avril 2022

Chants Navajos

 

Rituel du vent
j’avancerai dans la beauté j’avancerai dans la beauté
beauté devant moi beauté derrière moi
beauté au-dessus et en dessous de moi beauté tout autour
dans mon vieil âge je veux marcher sur un chemin de beauté
tout finira dans la clarté tout finira dans la clarté
bonheur devant moi bonheur derrière moi
bonheur au-dessus et en dessous de moi bonheur tout autour
dans mon vieil âge je veux marcher sur un chemin de clarté

the voice that beautifies the land the voice above
the voice of thunder within the dark cloud again and again it sounds
the voice that beautifies the land
the voice that beautifies the land the voice below
the grasshopper among the plants again and again it sounds
the voice that beautifies the land

Extrait du Kledzé Hatal ou “Nuit des Chants”
sur la piste marquée de pollen fasse que je marche
avec des sauterelles à mes pieds  fasse que je marche
avec la rosée à mes pieds fasse que je marche
avec la beauté fasse que je marche
la beauté devant moi fasse que je marche
la beauté tout autour de moi fasse que je marche
dans le vieil âge errant sur la piste de la beauté avec un sentiment de vie fasse que je marche
dans le vieil âge errant sur la piste de la beauté à nouveau vivant fasse que je marche
accompli dans la beauté


La voix qui magnifie la Terre
La voix venue d’en haut
La voix du tonnerre
Dans les nuages sombres
Encore et encore, elle roule
Cette voix qui magnifie la Terre

La voix qui magnifie la Terre
La voix venue d’en bas
La voix de la sauterelle
Parmi les plantes
Elle roule encore et encore
La voix qui magnifie la Terre
(Chant sacré Navajo)


 Chant de l'intérieur de la terre
Étonnant!
C'est la forme intérieure de la terre
qui bouge avec moi,
qui se dresse avec moi,
qui se tient debout avec moi.
Maintenant c'est la forme intérieure
de la longévité,
et la forme intérieure du bonheur
qui bouge avec moi,
qui se dresse avec moi,
qui se tient debout avec moi,
qui reste immobile avec moi
YiYe! C'est vraiment étonnant!

Momar Kane

 

 

Momar Désiré Kane, bien connu des salles toulousaines est né au Burkina-Fasso, a grandit au Sénégal,
Docteur es lettres, enseignant à l'Université de Toulouse, Momar vient de publier l'Africaine, l'Afrique et ses représentations : de la périphérie du monde au coeur de l'imaginaire occiendental aux éditions L'Harmattan.
Musicien, cinéaste, Momar est égalment un poète.
 
Morceaux choisis (avec l'aimable autorisation de l'auteur).

Sauf présomption
l'aube est innocente
Seule importe ce qu'elle apporte
De son séjour
De la nuit
Ecarlate

***************************

Rassemble mon peuple
A dit le mage
Et l'aube s'est tue
A deux doigts de dire l'improbable

********************************

Charme le roseau
Danse la liane, sa danse serpentine
Chante en choeur la spirale des jours
L'homme nait d'un désir et d'une goutte d'eau
L'homme croit et l'homme un jour entend
L'homme entend le désir de la mer
L'homme prend sur ses épaules devenues larges et robustes
L'homme prend la route
et l'homme chémine vers la mer
L'homme voit les poissons dans l'eau et la mer
L'homme apprend aussi que les poissons ont une mère
L'homme s'en retourne auprès de sa mère
et l'homme enfante l'homme
dans l'intimité d'une mère
Ainsi va le monde
Vers la mer et s'en revient
Et toujours l'homme retourne
Auprès de sa mère.
************************

A l'heure du loup,
quand s'admie en silence
un éclat d'or sur l'aile rendue d'une hirondelle
s'élargit le ciel du soupir du monde

Vole l'oiseau indécis
puis se pose frêle sur un fil
Et chante son chant d'amour
Vole l'oiseau indécis
puis se pose frêle sur un fil
Et chante son chant d'amour solitaire

Tremble mon corps
A l'appel de l'amant convoité
Une pince à linge qu'émeut sa danse
Esseulée.
*******************************

 

Moine Roykan

 


Très aimé par les villageois, Roykan n'hésitait pas à descendre boire un verre de saké, discuter avec les paysans et honorer les fêtes du village proche de son lieu de retraite. On raconte qu'il fabriquait aussi des jouets pour les enfants. Si son surnom de Taigu (littéralement grand sot) peut nous paraître indélicat, il toujours vénéré pour sa bonté innocente.

Sur le bouddhisme

Eveil et illusion sont dépendants l'un de l'autre.

Le destin et les phénomènes sont liés.

Le jour, je récite des sutras sans paroles. La nuit, je médite sans méditer.

Le coucou chante près de la rivière où baigne le saule. Le chien aboie dans la clarté de la lune.

La loi du Bouddha n'est pas contraire à l'harmonie de la nature. Qu'ai-je d'autres à transmettre ? Il y a un joyau qui existe depuis toujours, jour et nuit. Il illumine l'obscurité du monde. Quand tu le possèdes, tu ne peux pas le transmettre, mais le contempler sans douter ni hésiter.

Un tel joyau existe, dans le ciel ou sur la terre, mais qui le sait ?

Il est en toi.

Errances

Toujours errant avec ma robe et mon bol

Je m'assois pour brûler de l'encens malgré mon corps malade

La nuit, je regarde la pluie qui tombe en silence par la fenêtre sombre. Et je revois ma vie d'errance pendant plus de 10 années.

Richesses et honnneurs m'indiffèrent.

Je n'espère pas l'immortalité. Ma condition de moine me suffit. Le nom n'est rien, à quoi sert-il ?

J'emporte toujours avec moi mon bol et un sac de toile. Parfois je me promène devant l'entrée du temple, je rencontre des enfants.

Comment rendre compte de mon existence ?

Vivant ainsi, je demeure dans la sérénité.

J'ai fini de mendier dans le village.

Heureux, je rentre en portant ma besace.

Voulez-vous savoir où je rentre ?

Ma demeure se trouve à la limite des nuages blancs

Passé

De passage dans le temple d'Arima,

J'écoute la grêle sur les feuilles de bambou

Dans ma maison natale, on voit peut-être la lune ce soir.

C'est la fin de l'année, le temps passe paisiblement. Sous la voûte du ciel, le givre est dense. Mille montagnes, mille arbres dépouillés. Dix mille sentiers mais personne ne passe. Pendant la nuit, je brûle des feuilles sèches. Parfois on entend le vent et la pluie.

Me remémorant ma vie passée, elle m'apparait comme un vaste songe.

Plus de 70 ans ont passé. Ce que les hommes appellent le vrai et le faux ne me concerne pas. La neige de la nuit efface la trace de mes pas. Sous la fenêtre, brûle l'encens.
 -----------------------------------------------------------------------------
 
Les poèmes de Roykan abordent des thèmes divers.
Voici mes préférés :

Solitude
J'habite une forêt profonde
Les glycines poussent chaque année un peu plus
Nulle préoccupation moderne ne m'atteint.
Parfois un bûcheron chante.
Je recouds ma robe de moine au soleil
Je lis des poèmes à la lumière de la lune
Je voudrais dire aux hommes que peu de choses sont nécessaires pour être heureux.

***************************

Une cabane délabrée de quelques mètres carrés
Toute la journée sans voir personne
Assis seul devant la fenêtre paisible
On entend juste le bruit des feuilles qui tombent.

***************************

La nuit est froide et la pièce vide
L'encens brûle, le temps passe
Dehors la forêt de bambous
Sur le lit quelques livres
La lune apparaît et la fenêtre devient blanche
Les insectes chantent
les quatres voisins sont silencieux
Habité par un sentiment de plénitude
Aucune parole n'est possible.
 
*****************************************

Une lampe à la main
Nuit de neige en montagne
Dans le silence les flocons s'envolent librement
Le vrai, le faux, quelle importance ?
 
******************************************
Haiku
le voleur m'a tout pris
sauf la lune
à ma fenêtre

Montrant leur envers
Puis leur endroit
les feuilles dispersées par le vent d'automne

un iris
près de ma cabane
m’a enivré

Des journées entières
Sous la pluie
L'homme se fait toujours plus vieux

L'automne se termine
Qui pourrait comprendre
Ma mélancolie ?
 
************************************ 
En rangeant ma bibliothèque, j'ai retrouvé un livre de poésie de Roykan, qui est considéré au Japon comme une sorte de saint bouddhiste.
Sa vie, telle qu'elle est racontée par les moines, est une légende et de nombreuses anecdotes louent son détachement, sa bonté, son humilité, tout ce qui fait la voie du Zen.

Le chemin du Zen
En rangeant ma bibliothèque, j'ai retrouvé un livre de poésie de Roykan, qui est considéré au Japon comme une sorte de saint bouddhiste.
Sa vie, telle qu'elle est racontée par les moines, est une légende et de nombreuses anecdotes louent son détachement, sa bonté, son humilité, tout ce qui fait la voie du Zen.
Né en 1758, dans un village au Nord-Ouest du Japon, un pays froid et humide, il était fils d'un homme lettré, qui se suicida après un échec politique. Il acheva des études consacrées à l'art de la calligraphie et l'étude des maîtres (Confucius, Han Chan),puis il entra, à 17 ans, comme novice au temple zen Khôsho d'Amaze, puis au Temple d'Entsu plus au sud.
Elève studieux, puis moine ardent, il partit en Chine, pour étudier le bouddhisme.
Nommé maître, il enseigna à Kyoto, au Kosho-ji. Il finit sa vie rétiré dans les montagnes.

Il est mort le 6 février 1831, en laissant plus de 2800 poèmes en japonais et en chinois, aux termes d'une vie consacrée à la méditation, à l'étude et à l'enseignement.
(extrait du livre Roykan, le chemin du vide aux Editions Dervy - 2003)
 

Haiku du printemps

 

Pluie de printemps
Un parapluie et un manteau
se promènent en devisant (Buson)

Un seul pétale
Choit du cerisier
Silence de la montagne (K. Tanemura)

Longue journée de printemps !
Nous baillons en coeur
Et nous nous quittons (N. Soseki)

Où l'on trouve des mouches
On trouve aussi des humains
Et des bouddhas (Issa)

L'alouette chante
Tout le jour
Et le jour n'est pas assez long (Bashô)

Réveilles-toi, réveilles-toi
Tu seras mon ami
Papillon qui dort (Bashô)

De temps en temps
les nuages nous reposent
De tant regarder la lune (Bashô)

Pas de discours vains
Les nuages sont dans le ciel

L'eau est dans le puits (Yao Chan)

Peter Handke. Histoire du crayon

 


Controversé Peter Handke.
Je ne reviendrais pas sur la
biographie de cet auteur, tour à tour écrivain, scénariste de Wim Wenders, cinéaste et essayiste, ni sur la polémique qui fit couler beaucoup d'encre en 2006, pour des déclarations pro-serbes et pro Slobodan Milosevic.

Quand l'artiste se fourvoie et emprunte des chemins troubles... Handke n'est pas le seul à avoir dérapé dans l'histoire des arts. On songera aux liens ambigüs entre Dali et Franco, à l'écrivain Céline etc. Que doit-on retenir ? Le comportement ou l'oeuvre ?

En 1987, Handke sort un étrange livre, assez innovant. Une série de notes prises lors de la rédaction d'Histoire d'enfant. On connaissait les livres d'aphorismes, les citations, les biographies. Il n'est nullement question de cela chez Handke. Avec poésie et maitrise de l'écriture, il s'interroge sur le processus de création, sur le monde qui l'entoure, livrant des fragments de vie. Ceivre à ouvrir à n'importe quelle page ouvre aussi des portes à la littérature, dans l'informel - ce qui est l'une des clés pour comprendre le parcours littéraire de l'écrivain autrichien.

Qelques extraits :

inspiration apparait comme une couleur, un nuage. Un nuage de couleur foncée.

C'est lentement que je deviens.

Mon écriture ne devient nécessaire que quand d'autres peuvent en être l'objet.

Rêver d'abord, formuler ensuite : le difficile est qu'en écrivant, il faut que tous les deux aient lieu en même temps.

Ecrire, ce serait aussi aimer avec quelqu'un.
L'amour ce serait aussi étudier avec quelqu'un.

Une légère obscurité sur ton beau visage, et ce serait la vérité.

Chacun a, dès l'enfance la nostalgie de celui (le seul) auquel ou à laquelle il pourrait avec enthousiasme montrer son royaume.

Parfois j'ai besoin d'un Dieu ou plutôt : d'une image de la grâce. Ce n'est pas un besoin, c'est une envie.

Quand on parle de l'homme, pourquoi ne pas prendre une fleur comme unité de mesure ?

L'imaginaire poétique le plus beau serait celui où ne naîtraient ni images, ni rythmes, ni jeux de mots, ni histoires, mais où simplement le langage s'animerait et permettrait de nommer les choses.

En écrivant, j'ai tout de même parfois entrevu une humanité. Oui l'écriture a raison seulement si elle chante le monde - sur le mort il ne peut y avoir que du bavardage ; et le bavardage produit l'irréalité.

Pouvoir faire de la magie, oui, mais avec les yeux.

L'écriture doit surgir au bord du désespoir et au bord de la félicité (mais toujours aux bords) et les mots doivent border le merveilleux.

Je termine l'année les doigts barbouillés d'encre et je jure fidélité aux étoiles et au bruit du vent.

Froid de l'hiver : portails ouverts; c'est le dernier jour de l'année. Je vois un amour lointain sous une voute de lumière, et une fois encore j'aimerai vivre éternellement.

Histoire du crayon - Peter Handke - Editions Nrf Gallimard.

René Char

l est certainement l'un des plus grands poètes français. Grand résistant, affilliés aux surréalistes, amis de Camus, René Char (1907-1988) est un musicien des mots. Juste le plaisir de lire ou relire quelques uns de ses poèmes. 

Lettera Amorosa (extraits) 

"Je n'ai plus de fièvre ce matin. Ma tête est de nouveau vlaire et vacante, posée comme un rocher sur un verger à ton image. Le vent qui soufflait du Nord hier fait tressaillir par endroits le flanc meurtri des arbres. (...) Pourrais-tu accepter contre toi un homme si haletant ? (...) Lunes et nuit, vous êtes un loup de velours noir, village, sur la veillée de mon amour. (...) Je ris merveilleusement avec toi. Voilà la chance unique. Absent partout où l'on fête un absent. Je ne puis être et ne veux vivre que dans l'espace et la liberté de mon amour. Nous ne sommes pas ensemble le produit d'une capitulation douloureuse, ni le motif d'une servitude plus déprimante encore. Ainsi menons-nous malicieusement, l'un contre l'autre, une guérilla sans reproche. (...) Tu es plaisir, avec chaque vague séparée de ses suivantes. Enfin toutes à la fois changent. C'est la mer qui se fonde, qui s'invente. Tu es plaisir total, corail de spasmes. (...) Souvent, je ne parle que pour toi, afin que la terre m'oublie. Je viens de rentrer, j'ai longtemps marché. Tu es la Continuelle. Je fais du feu. Je m'assois dans le fauteuil de panacée. Dans les plis des flammes barbares, ma fatigue escalade à son tour. Métamotphose bienveillante alternant avec la funeste. (...) Mon exil est enclos dans la grêle. Mon exil monte à sa tour de patience. Pourquoi le ciel se voute-t-il ? (...) Pourquoi le champs de la blessure est-il de tous les plus prospère ? Les hommes aux vieux regards, qui ont eu un ordre du ciel transpercé, en recoivent sans s'étonner la nouvelle. (...) Ce n'est pas simple de rester hissé sur la vague du courage quand on suit du regard quelque oiseau volant au déclin du jour. Je ne confonds pas la solitude avec la lyre de désert. Le nuage qui cette nuit cerne ton oreille, n'est pas de neige endormante, mais d'embruns enlevés au printemps. Il y a deux iris, jaunes, dans l'eau verte de la Sorgue. Si le courant les emportait, c'est qu'ils seraient décapités. Ma convoitise cosmique, mon voeu glacé : saisir ta tête comme un rapace à flancs d'abîme. Je t'avais maintes fois, tenue sous la pluie des falaises, comme un faucon encapuchonné. Merci d'être sans jamais te casser, iris, ma fleur de gravité. Tu élèves au bord des eaux des affections miraculeuses, tu ne pèses pas sur les mourants que tu veilles, tu éteins des plaies sur lesquelles le temps n'a pas d'action, tu ne conduis pas à une maison consternante, tu permets que toutes les fenêtres reflétées ne fasse qu'un seul visage de passion, tu accompagnes le retour du jour sur les vertes avenues libres. 

**********************

Pourquoi se rendre ? 

Oh! Rencontrée, 

nos ailes vont côte à côte 

Et l'azur leur est fidèle. Mais qu'est-ce qui brille encore au-dessus de nous ?  

Le reflet mourant de notre audace. Lorsque nous l'aurons parcouru,

  Nous n'affigerons plus la terre : Nous nous regarderons

********************************

. Qu'il vive !

  Dans mon pays, les tendres preuves du printemps 

et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains. 

 La vérité attend l'aurore à coté d'une bougie. 

Le verre de fenêtre est négligé. 

Qu'importe à l'attentif. 

Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.  

Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée. 

Bonjour à peine est inconnu dans mon pays.  

On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté. 

Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays.

 Les branches sont libres de ne pas avoir de fruits.  

On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur. Dans mon pays, on remercie.(Les Matinaux).

*******************************************
 

Lorand Gaspar, sol absolu

 


Lorand Gaspar est né en 1925, en Transylavnie. Enfant, il rêvait de devenir physicien et écrivain.
Prisonnier pendant la guerre, une époque dont il n'aime pas parler, il réussit à s'enfuir et rejoins Paris en 1946. Malgré des conditions de vie difficile, il entame des études de médecine. "J'y voyais une sorte synthèse entre l'art et la science" écrit-il en préface du receuil "Sols Perdus" (NRF GALLIMARD).
Il gagne de à peine de quoi se nourrir et va habiter avec d'autres amis hongrois dans une ancienne maison clause, boulevard Edgar Quinet. "Nous formions une république à tout point de vue bigarrée, difficile à gouverner".

En 1954, Lorand Gaspar finit ses études de médecine et trouve un poste de chirurgien à l'hopital français de Betlhéem. Il embarque avec sa femme et ses trois enfants, ravi de découvrir un monde "d'images fabuleuses". La réalité est plus complexe : "la pureté du chant des paysages millénaires portait dans la sérénité immuable la violence de la passion des hommes".
Plus tard, il visitera les villes légendaires de Damas, Alep, Sidon, Jericho, Antioche.

L'hopital français s'est établi dans un ancien couvent, dans la partie israélienne de Betléem. Peu pratique d'accès, encombré, il y reçoit pourtant de très nombreux malades. Même si il reste d'une grande modestie, on imagine que le médecin-poète a mis toute son énergie pour la construction d'un hôpital plus
moderne. Ce qui ne l'empêche pas de pratiquer également la chirurgie à Jérusalem. Très vite, il s'attache à cette terre multiple, allant se ressourcer dans les déserts de la péninsule arabique, toujours à la recherche d'authenticité et de beauté.
"Il me faudrait l'espace d'un livre pour essayer de faire revivre tant de visages, essayer de rendre quelque chose des joies, des angoisses, des passions vécues avec tant d'intensité, la faim que je sentais en moi, intarissable, d'aller, de découvrir, de connaître".

Il exercera son métier de chirurgien à Jérusalem jusqu'en 1970, souffrant des tensions incessantes. Il raconte la difficulté de travailler lors de la guerre des 6 jours en 1967, la peur aussi, sa maison est pillée.
"Depuis l'enfance, je connaissais ces abîmes infranchissables opposées par la passion d'un bien unique, entre deux récits exclusifs l'un de l'autre, mêlant des faits, des argumentations indéniables aux inventions et aux utopies de l'imagination".

Lassé par une vie quotidienne devenue complexe, il accepte un poste de chirurgien à Tunis, même si il dit quitter ce pays "la mort dans l'âme".
Retraité actif, il s'investit dans la recherche médicale et dans les sciences cognitives à l’Institut de Médecine Environnementale de Paris.

Dès 1968, il publie "Le quatrième état de la matière" qui recoit le prix Apollinaire en 1967.
En 1998, il reçoit le prix Goncourt pour l'ensemble de son oeuvre.
Ses oeuvres sont publiées chez Gallimard.


Mais laissons le poète parler.

Si loin que le sourire ne sait les paupières
Tiré des cris longs d'oiseaux en vol
la lettre fluide des choses sans mémoire
le jour brûlé, il arrive qu'on oublie les paroles

****************************

Ces métaux que je courbe dans ma voix
pour que tu existes dans le noir
J'ai vidé la nuit de sa brillante pacotille
et j'entends la foulée qui ouvre encore
tout un poumon dans les pierres -

*********************
l'extrême patience qui nous lime
Le pain d'un jour, et l'eau mesurée
la démesure de nous taire
et parmi tant de blancs
trouver à tâtons
les chemins étroits de nos veines.

***************************
mais comment dire l'amour
le désastre et le commencement
le temps courbé sous la veille infinie
et les débris de plâtre
incrustés sous la peau -

*********************
Telle une présence ronde dans la paume de l'homme élargit
ton âme jusqu'à manquer à la terre.
Par cette pente du fugitif
j'aperçois les tables nues de vents;
la vacuité de ta demeure
Départ et fin de même signe.