lundi 13 juin 2022

Jamey BRADBURY – Sauvage – Gallmeister Poche 2021

 

L'histoire

Tracy, 17 ans, vit avec son père et son frère dans le nord de l'Alaska. De sa mère décédée elle a un don magique qui ne peut s'accomplir que lors d'un rituel très particulier. Mauvaise élève, bagarreuse, elle n'aime que ses chiens pour devenir musher et la forêt proche où elle chasse et vagabonde. Et soudain, après un incident en forêt, son père bien seul pour tout le travail à faire dans une ferme d'élevage de chiots de couse engage un jeune homme de son âge Jesse. Un individu mystérieux au passé incertain, charismatique, dont Tracy va se sentir proche. Mais la réalité va la mener jusqu'au bout de l'irréparable.


Mon avis

Encore un beau livre signé Gallmeister (maison d'édition française) qui sait signer des jeunes auteurs. Après Nell et Eva (Dans la Foret), Turtle de My Absolute Darling, Lucy de Peter Fromm, voici Tracy. Connectée avec la nature glaciale de l’Alaska cette héroïne use de ses dons comme une nécessité vitale. A la fois têtue et naïve, elle se rêve en musher pour gagner les plus grandes courses du monde dont l'Iditardod, la plus difficile course de chiens. Mais Tracy est reliée par sa mère, une femme qui a aussi le don mais dont on devine la fragilité qui la conseille et lui fixe des règles. Si cela n'est pas mentionné dans le livre, on pourrait penser à une femme inuit, car Jamey Bradbury semble s'être inspirée des traditions chamaniques des peuples de l’Arctique.

Ce roman est inclassable. Ni polar au sens classique du terme, ni fantastique, proche de la nature sans en faire le sujet principal, on écoute la voix de Tracy qui se pose des questions, va s'inventer des histoires. Face à elle, un père aimant mais qui ne la comprend pas et surtout le personnage de Jesse, je dirais son double maléfique, ce Jesse qui va provoquer des sentiments contradictoires envers l'héroïne, la peur, la méfiance, l'amour impossible.

Ici il est question de trouver son chemin dans la vie, et de savoir utiliser un don ou ne pas l'utiliser mais pour cela Tracy n'a pas les codes, elle ne sait pas. Pour ne pas spoiler je ne parlerais pas du don et de la manière de le faire vivre. Il y a aussi le rapport à la mère. Trop vite disparue, sans donner les réponses, alors Tracy fouille sa mémoire pour chercher des indices, sur cette femme dépressive, malade, qui semble-t-il a pu contrôler le don. Il y a l'amour infini du père et le soutien indéfectible de son petit frère, mutique mais observateur. Et les chiens que Trace (comme une trace de pas dans la neige) comprend mieux que personne

La structure du roman est à la première personne du singulier au « je », sauf quand Tracy entend penser ceux sur lesquels elle a pratiqué le don. Seul, une partie de Jesse va lui échapper et lui nuire. Car Tracy, malgré ses pratiques qui peuvent sembler horribles, ne peut pas pénétrer totalement l'esprit de Jesse, individu à l'apparence gentille mais qui sait la manipuler, jusqu'au drame. Il n'y a ni pardon, ni rédemption dans ce livre, si ce n'est la résilience de Tracy à la toute fin où elle va vivre sa vie sauvage. Mais il y a l'instinct de protection, celui de protéger ceux qu'elle aime le plus au monde, son père, son frère et Jesse. Moralement, elle prend la place de la mère trop vite disparue, une place bien trop lourde pour elle.

Un livre déroutant, vous n'aurez jamais lu une histoire pareille, mais attachant aussi, par l'incroyable imaginaire qu'il développe.

La critique lui a fait un excellent accueil, alors si vous n'avez pas froid aux yeux, si le petit coté gore ne vous dérange pas, faites cette expérience de littérature unique et fabuleuse.


Biographie :

Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest. Après avoir obtenu une maîtrise en beaux-arts de l'Université de Caroline du Nord, elle est tombée amoureuse de l'Alaska et s'y est installée. Elle y vit depuis quinze ans.

Elle a été réceptionniste, actrice, assistante littéraire, secouriste et bénévole à la Croix Rouge. Elle partage aujourd’hui son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Chaque année, elle fait partie de l'équipe des bénévoles encadrant l'Iditarod, la célèbre course de chiens de traîneau dont elle s'est inspirée pour écrire son œuvre. 

Sauvage est son premier roman et a reçu le Prix Littérature Monde Étonnants Voyageurs de Télérama.


Extraits :

  • C'est comme ça, la vie n'est qu'un vautour avide. J'ai lu des choses sur les vautours, ils mangent et mangent et mangent encore, même quand ils sont repus ils continuent, ils dévorent tout ce qu'ils ont devant eux. La vie avale un truc et ça ne fait que la rendre plus avide, alors elle se met à en avaler d'autres.

  • L’eau ne suit pas un cours rectiligne, elle contourne les arbres et les rochers, se faufile par les cols des montagnes, sans jamais cesser de descendre jusqu’à son but. À observer Jesse, j’ai commencé à apprendre que, pour obtenir ce que l’on veut, il est parfois plus simple de prendre son temps et de contourner les obstacles au lieu de tenter de passer en force.

  • e passais autant de temps que je pouvais dans la forêt. À me voir, vous vous seriez peut-être dit, Mais t’as que dix-sept ans, t’es une fille, t’as rien à faire toute seule dehors dans la nature sauvage où un ours pourrait te déchiqueter, un élan te piétiner. Mais la réalité, c’est que si on m’emmenait moi et n’importe qui d’autre dans la nature sauvage et qu’on nous y abandonnait, vous verriez bien lequel de nous deux en reviendrait une semaine plus tard, saine et sauve, et même en pleine forme. Je fais du traîneau pratiquement depuis que je sais me tenir debout, et à l’âge de dix ans j’emmenais des petits attelages sur la piste pour des sorties de deux jours, et parfois plus, sans autre compagnie que celle de mes chiens. J’ai participé à l’Iditarod Junior dès que j’ai pu, et à seize ans je concourais dans mes premières compétitions professionnelles.

  • La vie avale un truc et ça ne fait que la rendre plus avide, alors elle se met à en avaler d'autres. Ça commence par Maman. Elle marche dans la nuit et ne revient jamais. Ensuite ce sont les chiens, cédés les uns après les autres. Puis notre mode de vie. Puis Papa, la façon dont les choses se passaient entre nous deux. Et si vous croyez qu'il est possible de s'habituer à ce genre de deuils, c'est que vous n'avez pas encore assez vécu. Rien ne reste.

  • Le problème quand on a un secret c'est qu'on en a vite deux. Puis trois, puis tellement qu'on finit par avoir l'impression que tout risque de se déverser sitôt qu'on ouvre la bouche.

  • On ne peut pas fuir la sauvagerie qu'on a en soi.


En savoir plus :

Sur l'Iditarod : https://fr.wikipedia.org/wiki/Iditarod_Trail_Sled_Dog_Race



jeudi 9 juin 2022

Jeanine Cummins – Américain Dirt – Éditions Rey – 2020 - ou poche 10/18 2021

 

L'histoire

Lydia bibliothécaire, et son fils de 8 ans Luca voient leur famille massacrée par un des cartels de la drogue à Acapulco (Mexique). Son mari,journaliste d'investigation pour un grand quotidien connaît l'identité  du nouveau chef du cartel qui fait la loi depuis quelques mois dans la ville. 16 personnes sont tuées et achevées, autrement dit toute sa famille, et Lydia connaît leur assassin un lecteur assidu de la librairie qu'elle dirige.

Se sachant en danger, elle doit fuir au plus vite en protégeant ce qu'elle a de plus cher au monde son fils. Mais où aller à par «El Norte » autrement dit les États-Unis où elle a un oncle qui vit à Denver. Déjà il faut fuir Acapulco, joindre Mexico et se diriger vers la frontière, rendue de plus en plus inaccessible par les polices mexicaines et américaines. Il faut sauter sur des trains de marchandises puis trouver un passeur qui ne soit pas un escroc. Des lieux de passages dangereux, des amitiés de fortune mais solides, des « coyotes » (passeurs frauduleux), tout un univers que découvre Lydia, dans sa fuite pour essayer de recommencer une vie ailleurs.


Mon avis

Un livre à lire absolument pour comprendre que le phénomène migratoire n'est pas un rêve d'absolu ou un mirage d'un monde meilleur mais juste pour sauver sa peau. En 2017, un migrant mourrait toutes les 21 heures à la frontière entre le Mexique et les USA, et à l'intérieur du continent d'Amérique Latine, un migrant mourrait toutes les 90 minutes. Le nombre de personnes déclarées disparues au Mexique s'élève officiellement à 40 000 et chaque jour, la police découvre des fosses communes où s'entassent des milliers de morts. Ce n'est pas une fiction c'est une réalité dans ce pays dominés par les cartels qui font la loi et qui s'infiltrent partout. Le Mexique reste 1er au triste rang des journalistes tués.

Ce roman raconte le difficile parcours des migrants, les femmes et les jeunes filles surtout. Comment il faut savoir se fondre dans la foule, se cacher, avoir de quoi survivre, pouvoir payer un passeur. Et plus que tout c'est aussi un roman d'amour entre une mère qui doit taire ses angoisses et ses peurs pour protéger son enfant, mais on se demande parfois si ce n'est pas l'enfant doué d'un sens de l'observation hors du commun qui protège sa mère.

L'écriture électrique de Jeanine Cummins nous fait vibrer à chaque rebondissement et on se prend à souhaiter que les deux héros arrivent enfin à trouver la paix dans un pays qui n'est pas le leur, où il faudra se cacher encore pour avoir la fameuse carte verte. L'entraide entre migrants est aussi forte que la défiance vis-à vis d'individus suspects ou peu scrupuleux. De plus, on comprend que Lydia n'est pas une pauvre femme sans ressources. Elle parle l'anglais, a des moyens financiers, pas énormes mais assez pour survivre avec son fils. Bien loin des clichés et furieusement en écho avec l'actualité en Ukraine. Un livre à lire absolument pour en finir avec les migrants, pour comprendre que chaque histoire est complexe et qu'un jour nous aussi, nous aurons hélas pas d'autres choix que celui de partir vers un ailleurs où notre sécurité sera assurée.


Biographie :

Jeanne Cummins est une romancière américaine née en 1974 à Cadix en Espagne d'une mère espagnole et d'un père américain. Elle même a épousé un migrant mexicain un universitaire recherché dans son pays. American Dirt est son quatrième roman qui a subi une controverse de la part de l'écrivaine et féministe mexicaine Myriam Gurba qui avance l'idée que Jeanine Cummins n'a pas la légitimité pour écrire des histoires mettant en scène des personnes issues d'autres communautés que la sienne. Mais le roman a fait l'objet de recherches très sérieuses de la part de l'auteure et elle n'a en aucun cas fait un plagiat quelconque. Americain Dirt a été un énorme succès Outre Atlantique.


Extraits :

  • En suivant les rails qui traversent la ville, elle est terrifiée à l’idée que quelqu’un les remarque, que le garde de la veille soit en route pour son travail à bord de son véhicule – est-ce que ces hommes font la navette pour aller travailler ? Si c’est comme ça que ça s’appelle ? Est-ce qu’ils embrassent leurs femmes et leurs enfants le matin, grimpent dans la berline familiale et partent pour une journée de viols et de chantages, puis reviennent le soir, épuisés et affamés, manger leur rôti de bœuf ?

  • La fuite de la violence et de la pauvreté, les gangs plus puissants que leurs gouvernements. Elle écoutait raconter leur peur et leur détermination, tout résignés qu’ils étaient à atteindre les Estados Unidos ou à mourir sous l’effort, parce que demeurer dans leur pays signifiait que leurs chances de survie étaient encore plus minces.

  • Le taux d'affaires criminelles non résolues au Mexique dépasse les quatre-vingt dix pour cent. L'existence d'une policia en tenue constitue un poids illusoire à l'impunité réelle du cartel. Lydia le sait. Tout le monde le sait.

  • Le seul bénéfice que procure l'état de migrant, d'avoir adopté aussi complètement ce déguisement, c'est une quasi-invisibilité. Personne ne les regarde, en fait les gens s'emploient à ne pas les regarder.

  • Il est donc bien là. Le réservoir de chagrin qui se remplit, intense et profond sous la meurtrissure, la preuve que son humanité est toujours présente, intacte. Il faut qu'elle l'enterre de nouveau, c'est trop tôt pour le laisser s'exprimer.

  • Elle songe à quel point les migrants doivent faire preuve de capacité d'adaptation. Ils sont obligés de changer d'avis, chaque jour, chaque heure. Et de ne s'entêter que pour une seule chose : survivre.

  • Les différentes façons de mourir à bord de "la Bestia" sont plus épouvantables les unes que les autres : vous pouvez être écrasé entre deux wagons quand le train emprunte une courbe. Vous pouvez vous endormir, tomber du toit, être aspiré sous les roues, avoir les jambes sectionnées (…) Pour finir il y a la violence ordinaire omniprésente : on peut mourir battu, poignardé, à moins qu'on vous tire dessus. Le vol est évidemment à prévoir. Les enlèvements en vue de rançon sont monnaie courante. Les kidnappeurs torturent souvent leurs victimes pour mieux persuader la famille de payer. Dans les trains, les uniformes représentent rarement ce qu'ils sont censés représenter. La moitié des gens qui se prétendent migrants, "coyotes", ingénieurs des chemins de fer, ou membres de la migra travaille pour le cartel. Tout le monde touche des pots-de-vin.


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mercredi 8 juin 2022

Ake EDWARDSON – Ce doux pays – poche 10/18 - 2009

 

 

L'histoire

Un bon petit polar cela vous dit. On connaît le succès du polar suédois, mais voici un auteur que j'aime beaucoup par ses histoires qui nous montre la Suède différemment.

Un triple meurtre est commis dans une supérette en bas de la « colline » qui mène aux quartiers nord de la ville, ceux construits pour les émigrés et qui ressemble furieusement à nous HLM. 86 ethnies y cohabitent. Sur ce crime, le commissaire Winter et son équipe n'ont rien : pas de traces adn, pas de témoins et surtout difficile de faire parler les habitants. L'omerta règne en mettre. Même les gangs connus et infiltrés d'indics n'y comprennent rien. Il va en falloir de la patience et un peu d'instinct pour résoudre cette fusillade.

Mon avis

Ake Edwardson vit à Göteborg en Suède (Nord Ouest). Cela se passe il y a plus de 20 ans mais l'histoire reste très actuelle. Face à l’afflux de migrants venus surtout du Kurdistan, pour fuir les persécutions régulière dont ils sont victimes en Turquie, mais aussi en Irak et en Iran, la Suède construit des cités. Dans les quartiers nord de Göteborg, on avait pensé mixité sociale. Mais les plus aisés et les bons suédois bien blonds ont migré vers des quartiers plus paisibles au sud de la ville. Donc dans ce coin on vit dans la peur. Peur d'être reconduit au bled parce qu'on est sans-papiers, peur d'être mêler à un trafic de drogue, peur de ne pas avoir d'emploi. Il est plus facile de gagner de l'argent avec la drogue et son système bien organisé. Mais cela les flics sont au courant. Ils laissent plus ou moins faire, du moment qu'il n'y a pas de drogues dures comme le crack. Mais il n'y a pas de trafic d'armes ni de prostitution à leur connaissance. Mais voilà, il est loin le pays kurde où les femmes ont un statut qui en font les égales des hommes... Petit à petit, les langues se délient, et l'enquête finit par démonter un réseau de prostitution où des très jeunes filles sont livrés à des blancs, trafic peu important et discret qui va voler en éclats.

L’intérêt du roman, outre le fait qu'il dresse un constat implacable de la politique migratoire de la Suède, est sa structure. Hormis les chapitres consacrés à l'enquête et écrit à la 3ème personne de singulier ou du pluriel, une voix écrite au « je » raconte son histoire, celle de la peur, de la difficile migration, de la mort toujours, bref de l'enfer que vivent tous ceux qui ne sont pas désirés dans leur pays.

Étrange écho avec l'actualité en Ukraine qui jette sur les routes des millions de civils.

Par ailleurs, et l'on peut parler d'une anticipation, l'action se déroule à la Saint Jean, le jour le plus court de l'année en Suède qui est particulièrement sec et chaud. Plus de 30°, 37° même sans un nuage à l'horizon. Le réchauffement climatique dont on nous parle de plus en plus était aussi une urgence il y a 20 ans.


Biographie :

Ake Edwardon est considéré comme l'héritier direct d'Henning Mankell, la grande référence du polar suédois, avant l'éclosion de la jeune génération (Stieg Larsson, Camilla Lakberg). Né en 1953, il a été journaliste puis il se consacre à l'écriture. Plus de 12 romans ont été traduit en français. D'autres publications ne sont pas traduites pour le moment. Il écrit aussi pour la jeunesse . Il est professeur de littérature à l'Université de Goteborg où il vit.

Extraits :

  • Il y avait un panneau à l'entrée de la grand place de Ranneberg, le centre économique du quartier. Winter apercevait une pizzeria qui ouvrait sur la place par une large baie vitrée. Il se gara en face du complexe sportif. En sortant du parking, il déchiffra le panneau : «Nous aimons la banlieue»
    Peut-être était-ce le Service du logement social qui l'avait fait poser. Ils percevaient les loyers. À moins qu'il ne s'agisse de la commune, ou d'une autre institution publique... Tout le monde aime la banlieue, pourvu qu'elle reste la banlieue, songea-t-il. Pourvu que les banlieusards n'en bougent pas. On appréciait moins leurs sorties dans le centre-ville. À Vasaplats. Du coup les bourgeois déménageaient... vers le sud, les banlieues sud. Encore plus au sud. C'était plus propre, plus beau, plus blanc. Pourtant à Ranneberg aussi, c'était beau et blanc. Le Service du logement social avait décidé qu'il n'y aurait pas plus de trois familles immigrées par bâtiment. Dommage qu'on n'y ait pas pensé avant, c'était ça la clé de l'intégration.

  • ans de nombreuses familles immigrées, les parents ne pouvaient rien contrôler. Ils n'avaient aucun contact avec le monde environnant, ne pratiquaient pas la langue, n'avaient aucun repère en dehors de la maison. Ils avaient peur. Les enfants sortaient dehors, dans ce monde étranger, effrayant. Les enfants, eux, faisaient d'incessants allers-retours entre ces deux mondes. Ils passaient la frontière cent fois dans la journée. Parfois ils ne rentraient pas à la maison.

  • Les Kurdes s'étaient répandus au-delà de leur territoire d'origine, puis à travers le monde entier, ils avaient franchi les frontières non reconnues comme telles de leur pays: une forme de diaspora qui rappelait si besoin en était que vivre sans frontières ne signifie pas toujours vivre libre.

  • Le crime, c'était une appartenance communautaire qui ne connaissait ni frontière ni religion.


En savoir plus : C

lundi 6 juin 2022

Fann ATTIKI – Cave 72 – Editions JC Lattès - 2021

 

Le marathon des mots est un important festival littéraire que se tient de 23 au 30 juin 2022 à Toulouse et dans la région. Il réunit des écrivains, et des artistes. Cette année l'Afrique est mise à l'honneur.


L'histoire

Trois jeunes étudiants laissent tomber leurs études universaitaires pour se retrouver au café « Cave 72 » à Brazzaville (Congo), un établissement fondé par Mama Nationale où l'on discute de tout, surtout d'amour, de livres, de philosophie. Mais quand un complot politique vise un ancien ministre, le Président a des coupables tout trouvé, les jeune de la Cave 72. Mais c'est sans compter sur le peuple qui en fait des héros populaires.

Mon avis

Ce premier roman de Fann Attiki est un petit bijou d'humour, entre faux polar et satire d'une société dictatoriale. On s'amuse beaucoup avec de petit livre qui est aussi une dénonciation des abus des puissants. Parler avec légereté des choses graves est un défi qui en dit plus qu'un long manifeste. Les combines maffieuses des généraux au pouvoir, sans retenue, leur méprus du petit peuple n'est pas sans rapport avec l'actualité, et la situation de certains pays d'Afrique. Le style vif et plein d'un humour corrosif nous fait lire d'une traite ce roman qui révèle un auteur plein de talent. Il a reçu en 2021 le « Prix Voix d'Afriques'.


Biographie :

Fann Attiki est né en 1992 à Pointe Noire au Congo.En 2011, il rejoint un atelier de slam et écrit ses premiers textes. Il s'installe à Brazzaville en 2016 pour se consacrer à l'écriture et au théâtre. Il est considéré comme un des meilleurs espoirs littéraires du continent africain. « Je partage avec mes personnages un certain rapport à la subversion, avoue Fann Attiki. Je suis de ceux qui rêvent et qui refusent de penser que tout doit obéir à une norme. »

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/09/03/fann-attiki-auteur-congolais-subversif-et-tranquille_6093278_3212.html


Extraits :

  • Il redoutait de souffrir de la haine de soi en refusant d’assumer le vil personnage qui dévorait sa personnalité.
    Ce personnage , à la conscience souillée après avoir croqué le fruit empoisonné du pouvoir , à la conscience salie par les ambitions vénales
    .Ses pensées, comme son corps , fondaient dans la profondeur des ténèbres qui régnaient dans la véranda.
    À quel moment son cœur s’était - il vidé d’une par de son humanité? .
    Comment en était - il arrivé à prôner l’homicide comme la fin qui justifierait les moyens de son ascension professionnelle ? »

  • Il y a aussi l'histoire du haut cadre du Parti qui, lorsqu'il veut se débarrasser d'éléments gênants, les invite dans son bureau repeint au préalable d'une peinture composée d'une substance toxique, tandis qu'il aurait déjà avalé un antidote pour contrer les effets du poison. Ces gars font preuve de prudence en utilisant des poisons à effet lent pour tuer leurs cibles une ou deux semaines plus tard.

  • C’est à la sueur de notre front que nous boirons de notre vigne

  • Dans notre société les jeunes qui ont encore la volonté d’ouvrir les livres, de raisonner, ceux avec qui on peut tenir une conversation intelligente sont un patrimoine rare, et on a moins de chance de les trouver dans des caves de PK ou autres endroits similaires que de trouver un diamant dans n’importe quel sous-sol de la RDC.



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Djaïli Amadou Amal – Les impatientes – Editions Collas 2020 ou Poche J'ai Lu

 


Le marathon des mots est un important festival littéraire que se tient de 23 au 30 juin 2022 à Toulouse et dans la région. Il réunit des écrivains, et des artistes. Cette année l'Afrique est mise à l'honneur.


L'histoire

Elles s'appellent Hindou, Ramla ou Safira. Elles vivent au sud du Sahel dans des familles qui appliquent à la lettre Le Coran. Dès l'enfance on les a déjà promise à des hommes qui n'ont que des intérêts financiers avec les familles et on les éduque à être des bonnes épouses soumise à la loi du mari. Certaines n'en ressortiront jamais indemnes, d'autres trouveront la force de s'enfuir.


Mon avis

Ce premier livre traduit en français de Djaïli Amadou Amal est en partie le reflet de sa propre histoire. Mariée à 17 ans contre son gré, elle réussira à s'enfuir du Cameroun, pour un autre pays d'Afrique. Grâce à des études elle trouve un emploi et devient écrivain. Elle a déjà publié 4 romans.

Les Impatientes raconte le sort des femmes du sahel condamnées à des mariage arrangé. Il s'agit d'unir des clans riches pour augmenter les fortunes. Viol conjugal, violences, polygamie, rien n'est épargné à ces femmes souvent très jeunes à qui on refuse souvent une éducation scolaire pour les préparer à leur vie d' épouses parfaites, selon les lois d'un islam strict qui considère la femme comme « esclave de son mari ». Et ce ne sont pas les mères – qui ont subi le même sort – qui vont décourager leurs filles. Sauf une mère un peu érudite mais dont les pouvoirs sont limités. Car les mariages sont arrangés par tout le clan, les pères mais aussi les oncles selon la place qu'ils tiennent dans la famille (souvent liés à la richesse).

Ce petit roman court mais poignant dénonce avec forces des coutumes d'un autre age et d'un autre temps. Combien sont ces femmes qui aujourd’hui encore sont mariées de force à qui l'ont demande de la patience et dont on adoucit le sort par des tenues magnifiques, des bijoux en or, des servantes ?

Un livre qui se lit très facilement mais qui nous donne à réfléchir sur l'emprise du patriarcat absolu dans certaines régions d'Afrique.

L'écriture sobre et volontairement simple est au service de ce que l'on ne sait pas, de ce que l'on ne veut pas voir.


Biographie :

Né en 1985 dans le nord du Cameroun, Mariée 2 fois à 17 et 22 ans (le dernier conjoint étant un homme alcoolique et violent), l'auteure réussi à s'enfuir. Elle publie son premier roman en 2010 aux éditions africaines Ifrika.

Elle vit à Douala en compagnie de son mari, un ingénieur également écrivain. Elle est reconnue comme une femme influente au Cameroun et comme une romancière de premier plan. En France, les Impatientes atteint la finale du Goncourt 2020. Elle remporte cette même année le Goncourt des lycéens et d'autres prix. Elle fonde l'association 'Femmes au Sahel » qui finance des études pour les jeunes filles et les aide à sortir des mariages forcés.


Extraits :

  • L'amour n'existe pas avant le mariage, Ramla. Il est temps que tu redescendes sur terre. On n'est pas chez les Blancs ici. Ni chez les Hindous. Tu comprends pourquoi ton père ne voulait pas que vous regardiez toutes ces chaînes de télé ! Tu feras ce que ton père et tes oncles te diront. D'ailleurs, as-tu le choix ? Epargne-toi des soucis inutiles, ma fille. Epargne-moi aussi, car ne te leurre pas, la moindre de tes désobéissances retombera invariablement sur ma tête.

  • Patience, munyal, Hindou ! On te l'a déjà dit. Une peule ne pleure pas quand elle accouche. Elle ne se plaint pas. N'oublie pas. A chaque instant de ta vie, tu dois te maîtriser et tout contrôler. Ne pleure pas, ne crie pas, ne parle même pas ! Si tu pleures à ton premier accouchement, tu pleureras à tous les autres. Si tu cries, ta dignité sera bafouée. Il y a aura toujours quelqu'un pour raconter au quartier que tu es une poltronne. On serre les dents mais on ne se mord pas les lèvres. Si tu mords les lèvres, tu pourras les transpercer au plus fort de la douleur et sans même t'en rendre compte. C'est la volonté d'Allah d'enfanter dans la douleur mais un enfant n'a pas de prix. Patience !

  • Mon oncle était devenu mon beau-père. Et je devais soigneusement l’éviter, me déchausser avant de passer à côté de lui, baisser les yeux et fléchir le genou pour le saluer. Et je devais garder mon voile sur la tête en la présence de ma tante, devenue ma belle-mère. Je ne pouvais ni boire ni manger devant elle. Il me fallait aussi éviter de parler, de bavarder ou de rire. Mon cousin Moubarak était devenu mon époux. Je lui devais soumission et respect.



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jeudi 2 juin 2022

Tiffany Mc Daniel – BETTY – Gallmeister 2020 (existe en poche)

 

L'histoire

Betty est née en 1954, cadette d'une famille de 8 enfants dont 2 sont décédés. Betty a la peau brune de son père Landon, un cherokee marié à une femme blanche. Une famille pauvre qui se déplace de ville en ville, avant de se fixer dans un village de l'Ohio, dans une maison en ruines que la famille retape au fil du temps. Méprisés par les autres habitants, la famille peut compter sur l'amour infini du père mais aussi sur la force de Betty, « la petite indienne » qui va se mettre à écrire l'histoire de la famille, avec ses drames, ses décès, mais aussi l'amour des collines de l'Ohio, les complicités entre les sœurs, les trahisons, les destins brisés.


Mon avis

Gallmeister a vraiment le chic pour trouver des jeunes auteurs bourrés de talent et de proposer un chef d’œuvre de plus. Tiffany Mc Daniel romance en fait l'histoire de sa propre mère, à la peau trop sombre dans l’Amérique puritaine du « good way of life » des années 50/60.

On parle souvent du racisme envers les noirs, l'auteure elle nous parle d'un autre racisme terrible, celui des indiens (ici des Cherokees, peuple nomade vivant au nord des USA, puis au sud, avant d'être parqués dans les monts Orzaks entre l'Arkansas, le Missouri, une région minière où ils furent exploités. D’autres clans se sont formés ailleurs dans le pays. Les cherokees sont une société matriarcale, la femme possède les terres et a le don de les fertiliser. Au fil du livre, le magnifique personnage du père raconte un peu de l'histoire cherokee à Betty, cette petite fille si vive et qui lui ressemble tant. Ainsi que d'incroyables histoires pour apaiser les enfants. Il a hérité d'un don pour les plantes et pour sculpter le bois. Lui même a été victime du racisme en étant violemment agressé par des ouvriers blancs dans les mines et reste boiteux.

Ce personnage de ce père aimant, un peu fantasque, attachés à des traditions ancestrales est un héros sans médaille qui fera tout pour sa famille, même si il ignore pas mal de choses.

Des choses que Betty sait. Des choses mauvaises, comme si une malédiction pesait sur les femmes de la famille. Il y a la mère, une femme qu'on qualifierait de bipolaire aujourd'hui, entre crises de folie et moments d'inertie au passé cruel que l'on découvrira dans le livre. Il y a Fraya la sœur aînée, discrète, maternelle (surtout avec le petit dernier Lint qui semble être un enfant différent, mais qui est en fait assez solide) qui cache un terrible secret qui la mine et finit par la dévorer. Enfin il y a Flossie, la plus jolie qui veut être star. Flossie, orgueilleuse, parfois mesquine rate en fait le rôle de sa vie. Celle qui se voulait une femme libérée, n'assume ni son mariage forcé et encore moins la maternité qui en découle, elle rejette son fils, et finit par disparaître dans la drogue (nous n'en saurons pas plus).

Seule, malgré sa peau trop brune, Betty qui raconte l'histoire de sa famille, a son baccalauréat (ou son équivalent américain) et devient sans le vouloir une héroïne universelle. Douée pour l'écriture dont elle remplit des carnets et la poésie, elle seule a compris les douloureux secrets de famille, l'amour infini de son père, malgré la pauvreté, la disgrâce. Elle nous conte son enfance avec toutes la gamme des émotions où l'on aime se perdre. Les merveilleuses histoires de son père, emplie de poésie et de sagesse, les chamailleries d'enfants, quelques traits d'humour sont là pour tempérer cette histoire où les femmes sont réduites à être objets des hommes, bonnes épouses, bonnes mères ou putains. Seule Betty avec sa force et « les milliers d « étoiles qui étaient dans le ciel le jour de sa naissance » sait affirmer la femme qu'elle va devenir, forte et jamais soumise, au-delà des chagrins, des deuils et la résilience qui vient des mots et de la nature magique de ce coin perdu dans les Appalaches.

Un roman qui vous prend au tripes, avec l'écriture magnétique de Tiffany Mc Daniel.

Il y aurait tellement à dire sur ce roman que cela ne serait plus un avis mais une avalanches de mots, et je préfère vous laisser découvrir ce livre qui restera longtemps en vous.

J'aime particulièrement les civilisations amérindiennes (qui sont souvent matriarcales comme chez les Navajos). Leur philosophie de vie et leurs croyances me semblent proches. Ce sont des valeurs merveilleuses fondées sur la Nature, la vie simple mais authentique.

Biographie :

Né en 1985 dans l'Ohio, Tiffany McDaniel est une romancière, poétesse et artiste visuelle américaine.

Auteure autodidacte sans formation artistique universitaire particulière, elle écrit de nombreux textes non publiés avant que son premier roman, "L'Été où tout a fondu" 2016), soit finalement accepté par un éditeur, Gallmeister.
Son deuxième roman "Betty" (2020), particulièrement remarqué par la critique lors de sa parution en français, reçoit le prix du roman Fnac 2020 et le Prix America du meilleur roman 2020. Tiffany McDaniel s’inspire de la vie de sa mère, une métisse cherokee, pour livrer un roman enchanteur et tragique.
Elle vit à Circleville dans l'Ohio. Une suite semble prévue pour Betty.

Son site : https://www.tiffanymcdaniel.com/

Extraits :

  • Dans différentes tribus indiennes, les 3 sœurs représentent les 3 cultures les plus importantes. Le maïs, les haricots et les courges...
    L'aînée est le maïs. Elle est la plus grande et c'est à elle que s'accrochent les tiges de ses sœurs plus jeunes.
    La seconde, c'est le haricot. Elle apporte azote et nourriture au sol, ce qui permet à ses sœurs de devenir fortes et résistantes.
    La plus jeune, c'est la courge. Elle est la protectrice de ses sœurs. Elle étend ses larges feuilles pour faire de l'ombre à la terre et empêche les mauvaises herbes de s'installer. Ce sont les tiges de courges qui unissent les
    sœurs par le lien le plus fort qui soit.

  • Avant le christianisme, les Cherokees étaient fiers de leur société matriarcale et matrilinéaire. Les femmes étaient à la tête de la famille, mais le christianisme a donné aux hommes un rôle prédominant. A la suite de ce bouleversement, les femmes ont été écartées de la terre qu'elles avaient possédée et cultivée. On leur a donné un tablier et on leur a signifié que leur place était à la cuisine.

  • ai compris une chose à ce moment-là : non seulement Papa avait besoin que l’on croit à ses histoires, mais nous avions tout autant besoin d’y croire aussi. Croire aux étoiles pas encore mûres. Croire que les aigles sont capables de faire des choses extraordinaires. En fait, nous nous raccrochions comme des forcenées à l’espoir que la vie ne se limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prétendre à une destinée autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées.

  • La nature nous parle. Nous devons simplement nous souvenir de l’écouter.

  • Le plus bel arbre de Noël, c’est celui qu’on laisse dans sa terre pour qu’il puisse y grandir et vivre sa vie.

  • Pas besoin de s’asseoir sur un banc pour entendre parler de la création divine, disait-il. Tout ce que vous avez à faire pour savoir qu’il existe quelque chose de plus grand, c’est aller vous promener dans les montagnes. Un arbre prêche mieux que n’importe quel homme.

  • Devenir femme, c'est affronter le couteau. C'est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d'avoir les genoux assez solides pour passer la serpillière dans la cuisine tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve. Ces vérités peuvent s'affronter à l'infini. Et qu'est-ce que l'infini sinon un serment confus ?



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mercredi 1 juin 2022

Peter FROMM – Indian Creek – Gallmeister poche - 2020

 

L'histoire

Alors qu'il prépare un doctorat en biologie animale à Missoula (Montana), à 22 ans, Peter Fromm abandonne ses études pour un emploi de 7 mois comme gardien dans les Montagnes Rocheuses. Il s'agit de surveiller des alevins de saumon d'élevage et de les protéger du gel. Car l'hiver est rude dans les montagnes. Alors qu'il na aucune expérience de la vie en altitude où il fait -20°en hiver et -40° la nuit, il accepte cet emploi, motivé par une vie d'aventurier des temps modernes.

Mon avis

Ce premier livre de Peter Fromm est son récit des 7 mois passés dans l'Idaho, au cœur des Montagnes Rocheuses. Il doit vivre dans une cabane de moins de 10m2, et si il a emporté pas mal de nourriture, il doit apprendre à faire des stocks de bois pour le rude hiver, mais aussi s'initier à la chasse. Il n'est ravitaillé que tous les 15 jours voir tous les mois car la piste enneigée est fermée et glacée. Si il raconte avec humour cette aventure, il connaît aussi la solitude des journées où il n'y a rien à faire, mais se lit d'amitié avec de chasseurs (cerf puis lynx) ou des braconniers ce qui est interdit, la zone étant une réserve protégée.

On suit avec délice ses aventures, ses moments de solitude,ses longues balades en raquettes, quelques galères mais aussi un amour de la nature environnante dont il finit par connaître par cœur les caractéristiques. Un encart de très belles photographies nous permet d'imaginer les paysages, de rencontrer Boones, la petite chienne qui l'accompagne et quelques paysages au cœur d'un territoire méconnu et hostile.


Biographie :

Né en 1958 Milwaukee (Wisconsin), Peter Fromm part faire des études de biologie animale dans le Montana. Pendant 7 mois, il est embauché par l'office de réglementation de la chasse et de la pêche de l'Idaho pour rester seul dans les montagnes, en plein cœur de l'aire naturelle protégée de Selway-Bitterroot, à surveiller l'éclosion d'œufs de saumon.

Il suit ensuite des cours de littérature, puis enchaîne des emplois de maître-nageur, puis de ranger au Wyoming.

River Creeks du nom de la rivière qui coule pas loin de sa tente et qui gèle l'hiver) est son premier roman publié chez Gallmeister mais traduit en français seulement en 2020. Il a écrit 8 romans e des recueils de nouvelles, toujours pour parler de la nature qu'il aime tant. Il vit dans le Montana.


Extraits :

-De la mi-octobre à la mi-juin, j’allais être responsable de deux millions et demi d’œufs de saumon implantés dans un bras entre deux rivières. La route la plus proche se trouvait à quarante miles, l’être humain le plus proche à soixante miles. Si j’étais intéressé, précisa-t-il, je n’aurais que deux semaines pour me préparer.
J’entendais de moins en moins ce qu’il disait. Tout me semblait parfait. J’allais enfin découvrir le monde sauvage. Film ou réalité ? Galère ou liberté sans limite ? Mais, de toute manière, peu importe ce que j’allais découvrir, j’aurais une histoire à raconter plus tard, mon histoire.
Je dis au garde que tout cela me semblait très intéressant. Si j’avais été plus attentif, j’aurais sans doute pu l’entendre secouer la tête.
— Et le salaire, ça ne vous intéresse pas ? demanda-t-il.
Je lui répondis que si, bien sûr, même si je n’y avais pas songé.
— Deux cents dollars par mois, lança-t-il.
— D’accord, répondis-je.
C’était trop beau pour être vrai. Être payé, en plus. Il me conseilla d’y réfléchir et de le rappeler le lendemain.
— Entendu, fis-je.
Une formalité. Ma décision était prise.

  • Je jetai un coup d’œil vers la rivière sinueuse, entre les parois sombres et accidentées du canyon qui découpaient déjà le soleil de ce milieu d'après-midi. Il n'y avait rien au-delà de ces murs de pierre et de verdure, si ce n'est les étendues sauvages de la Selway-Bitterroot, à l'infini. J'étais seul, au cœur même de la solitude.

  • Nous fîmes griller du poulet sur un feu interdit et bûmes du whisky bon marché comme le font dans les livres les hommes des grands espaces. La bouteille passait d’un gars à l’autre, virilement, à la manière des trappeurs. Plus tard dans la soirée, en essayant de me mettre debout, je m’écroulai, tête la première, et ne pus me relever avant le lendemain. Les beuveries décrites dans les livres m’apparurent alors invraisemblables…

  • Je souris en imaginant la bagarre frénétique des coyotes, tirant à hue et à dia, jusqu'au plouf final. Et voilà six coyotes, soudain silencieux, sondant les flots et regardant fixement l'endroit où avait glissé leur proie. J'imitai ce que j'imaginais être leur expression stupéfaite et rageuse, me tordant le visage en tous sens avant de prononcer : ''Dommage.''
    Je partis d'un grand éclat de rire. Voilà qu'avaient disparu les dernières traces du lynx et du cerf, de l'aigle et des corbeaux. Si j'avais quitté Indian Creek,

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