vendredi 28 octobre 2022

Les Hommes qui marchent - Malika Mokkedem

Que te raconte-t-il de si beau, le mutisme de ces papiers, pour te tenir ainsi éloignée de nous, Kehdi ?
- Ils disent la vie et le monde, Honna, les au-delà des ergs ergs des océans. Tu, tu dis que tu n'as plus que tes mots et tes contes pour continuer à respirer, à faire revivre ton univers nomade et ne pas te laisser mourir. Pour moi, la mort est dans l'immobilité des esprits. Et pour que mes pensées puissent continuer à avancer, j'ai besoin des mots des autres, de leurs écrits.
 
 

 Trouvé sur l'excellent blog de mon ami Julien : ICI

jeudi 27 octobre 2022

MANUEL VASQUEZ MONTALBAN – L'homme de ma vie – Poche POINT 2002

 

L'histoire

Le célèbre détective Pépe Carvalho se retrouve à enquêter sur le meurtre d'un jeune homme membre d'une secte sataniste. Pars ailleurs alors que l'an 2000 arrive, il renoue avec Chario, disparue depuis 7 ans qui l’entraîne dans les mouvements indépendantistes catalans.

Mon avis

Ah ! Montalban et son célèbre détective privé Carvalho, une des joies de la littérature polar, tant le personnage est l'anti-héros. Sa copine de toujours Charo, une ex-prostituée s'est refait une virginité avec une bon client qui lui a offert une boutique d'herboristerie bio dans les nouveaux quartiers de Barcelone. L'amour s'éteint un peu, alors que Yes, la gamine des Oiseaux de Bangkok, réapparaît dans sa vie, et notre détective, un peu déboussolé, refuse cette histoire d'amour impossible. Car il vieillit Pépe, et il ne reconnaît plus sa Barcelone, les JO sont passés par là, et les quartiers se transforment, cèdent à la mondialisation, les petites gargotes authentiques font place à des restaurants branchés.

Écrit 2 ans avant sa mort, Montalbano dont c'est l'avant-dernier roman nous montre un héros vieillissant, fatigué de la vie, n'ayant plus goût à grand chose, même si (comme dans tous les romans du mètre espagnol, on retrouve la traditionnelle recette de cuisine, mais pas de voyages, le traditionnel brûlis de livres, et des balades dans un Barcelone agrandi).

En parallèle c'est l'histoire de la Catalogne espagnole qui se joue. Il y a les indépendantistes, les nationalistes, ceux qui s’opposent à une idée du triangle réunissant Toulouse/Barcelone/Milan, terres de la grande Catalogne qui serait un poumon économique qui réjouit les capitalistes.

Ce roman n'est qu'un prétexte pour avertir le lecteur de la dérive indépendantiste qui s'est emparée de la Catalogne il a vingt ans déjà. A travers une enquête sur l'assassinat d'un fils de la grande bourgeoisie barcelonaise, on découvre les liens insoupçonnés entre une partie de l'intelligentsia locale le clergé nationaliste et l'embryon des services secrets catalans . Sur un ton volontairement décalé, voire parfois moqueur, mais sans arrière-pensée malveillante, l'auteur démontre à quel point, province autonome d'Espagne se rêve en leader mondial des peuples sans nation. Rien que ça!

Montalban n'est ni pour ni contre la Catalogne libre, lui son combat est le capitalisme qui se croit tout permis. Même si il avertissait déjà, en 2003, que la fuite de milliers d'entreprises et les pertes d'emplois y afférentes (finalement réellement provoquées par le référendum sur l'indépendance de 2017) ne dérangeraient pas les anti-Madrid les plus farouches. Au contraire, conscient du niveau de vie privilégié de la Catalogne par rapport au reste de la péninsule ibérique, ces jusqu'au-boutistes estiment qu'un relatif appauvrissement leur serait favorable ! Selon eux, il ramènerait la population vers de supposées vraies valeurs comme la religion catholique, la langue et la culture catalanes et l'entraide à l'échelon local. Bref, un bon gros délire orchestré par des séminaristes exaltés et des fils de bonne famille qui n'ont jamais manqué de rien !

Le ton un peu différent, désabusé, montre un détective vieillissant, toujours un peu fauché, mais qui sent une fin proche. Son papa, Montalban est mort en 2005.

J'ai presque lu tous les Carvalho, je conseille à tous de lire au moins une des enquêtes du détective le plus déjanté de Barcelone, un monument littéraire. Parmi mes préférés  Les oiseaux de Bangkok, la rose d'Alexandrie, les mers du Sud.


Extraits :

  • Cela dit chef, je me réjouis de voir si nous allons gagner les élections contre Pujol et les catalanistes. Je suis personnellement plus catalan que quiconque, mais tant de nationalisme a fini par me fatiguer. Pour quelle raison les nationalistes le sont-ils autant ? Pourquoi sont-ils si lourds et si unidimensionnels ?

  • Les temps sont durs. La mondialisation nous frappe de plein fouet. Les multinationales ont pris le contrôle du marché de la police privée et on commence à considérer les indépendants comme une curiosité anthropologique. Il n’y a jamais eu autant de théologie sécuritaire ni autant de voyous et d’assassins sur le marché, mais la concurrence des multinationales de la répression est déloyale. Ce qui se passe avec l’OTAN est innommable. Pour l’instant, ils bombardent avec des missiles intelligents, mais ils vont bientôt arrêter les gens à distance et mettre en prison au moyen d’aimants sensibles à la chair humaine vaincue.

  • Les meilleurs tueurs à gage viennent des régions où l'on ne mange pas à sa faim ou de celles ravagées par la guerre. Or, ces pauvres ne sont pas stupides: ils savent pertinemment que les élites des pays riches ont toujours besoin d'assassins.

  • J’ai toujours vu dans les mathématiques un produit éthéré, séraphique, sujet aux plus stricts préceptes, sans tache, sans fissures, virginal, aussi solide et consistant que… c’était dégoûtant ; jusqu’à l’apparition à l’horizon, pour les tirer de leur goût de rance, de leur rigidité, de leur odeur de vertu (des mites ?), l’apparition, donc, desdites équations (tel le septième de cavalerie en panavision, avec la bande sonore qu’il faut à ce moment-là), et grâce à elles les mathématiques devinrent : magiques, imprévues, surprenantes, indéterminées, ambiguës ; en un mot : déconcertantes.

  • Si l’amour est une roulette russe, pourquoi pas le sexe ? Quand on me met une capote, on me fait prendre tellement de distance que je ne bande plus. C’est comme si on m’avait mis un stigmate sur la queue. Je comprends qu’il soit important pour les athlètes sexuels de ton âge de ne choper aucune infection pour pouvoir voter aux prochaines élections et aux suivantes, tenir le pays à bout de bras, faire des enfants et agiter des drapeaux jusqu’à ce que la mort nous sépare.

  • On peut mourir de froid parce qu’on n’a pas un rond, et on peut aussi avoir le froid en dedans parce qu’on n’a pas un sentiment, une affection, même pas le souci de soi.

  • Tout être humain devrait pouvoir faire un enfant, écrire un livre, planter un arbre et déposer une recette de poulet fricassé à l’américaine.

  • Je ne crois pas à la modernisation. Tout est moderne, en permanence. Aujourd’hui est un jour plus moderne qu’hier. Et ne parlons pas de demain.

  • Los individuos pueden tener compasion, los pueblos no. Ser una nacion me complicaria demasiado la vida. Pero adoro las naciones de los otros.

  • Todo ser humano deberia poder tener un hijo, escribir un libro, plantar un arbol y patentar una receta de pollo en pepitoria.

Biographie :

Manuel Vázquez Montalbán (1939 - 2003) est un romancier, essayiste, poète et journaliste espagnol. Il est surtout connu pour les romans policiers de Pepe Carvalho.

Il fit des études de philosophie et de lettres à l'Université Autonome de Barcelone, et fut diplômé de l'école de journalisme de Barcelone.
Il s'engage politiquement dans les mouvements de gauche catalans, milite au PSUC et devient même membre du Comité Central. Ces activités le mènent dans les prisons franquistes. En 1962, un conseil de guerre le condamne à trois ans de prison pour ses activités dans la résistance antifranquiste. C'est dans la prison de Lérida qu'il écrit son premier essai, "Informe sobre la información".

Après être sorti de prison, il commence sa carrière de journaliste dans la revue Triunfo, et collabore à plusieurs publications, telles que Siglo XX, Tele/Xprés, Por Favor. Par la suite, il écrit également dans des journaux réputés tels qu'El País, Interviú ou Avui, dans lesquels il signe des articles jusqu'à sa mort.

En 1967, il publie son premier recueil de poésie, "Une éducation sentimentale", suivi en 1969 de "Movimientos sin éxito". La même année parait son roman "Au souvenir de Dardé". Mais c'est en 1972 qu'il crée le célèbre personnage du détective Pepe Carvalho.
Manuel Vázquez Montalbán reçoit plusieurs prix dont le Premio Nacional de Narrativa pour "Galindez" en 1991, le prix Europa en 1992 et le Premio Nacional de las Letras Españolas en reconnaissance de toute son œuvre en 1995.
Il meurt d'une crise cardiaque à l'aéroport de Bangkok, de retour d'une tournée littéraire en Australie.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_V%C3%A1zquez_Montalb%C3%A1n


En savoir Plus :

Sur l'auteur :

Sur la Catalogne

Sur Barcelone


Photos des lieux du roman

Barceloneta, quartier populaire

Barrio Chino, quartier populaire et ouvrier

La horchata, boisson au lait d'amande glacée et sucrée

Ville Olympique, devenue quartier chic de Barcelone (Montjuic)

San Cuga, dans l'arrière pays


Vallvidreda, quartier où réside Carvahalo

Cimetière de poblenou - Quartier gothique

Mémorial de Walter Benjamin

Parc Guell, autour de la Sagrada Familia de Gaudi

Quartier gothique du vieux Barcelone

Ramblas de Raval, quartier dangereux réhabilité depuis

Le parc Tibérola, un des poumons verts de Barcelone

Chapelle Guell inachevée de Gaudi dans la banlieue de Barcelone à Santa Coloma

mercredi 26 octobre 2022

RUMI - le grand poète soufi

 

Tout est un, la vague et la perle, la mer et la pierre. Rien de ce qui existe en ce monde n'est en dehors de toi. Cherche bien en toi-même ce que tu veux être puisque tu es tout. L'histoire entière du monde sommeille en chacun de nous.

Il est bon de franchir chaque jour une étape.Comme l'eau vive qui ne stagne pas.Hier s'est enfui, l'histoire d'hier elle aussi est passée. Il convient aujourd'hui de conter une histoire nouvelle 

Je t’aime ni avec mon cœur, ni avec mon esprit
Le cœur peut s’arrêter, l’esprit peut oublier
Je t’aime avec mon âme
L’ Âme jamais ne s’arrête ni n’oublie…
- Djalâl-od-Dîn Rûmî Le livre de Chams de Tabriz

J'étais mort, puis vivant.
Pleurant, puis riant.
Le pouvoir de l'amour est entré en moi,
et je suis devenu féroce comme un lion,
puis tendre comme l'étoile du soir.

La blessure est l’endroit où la lumière entre en vous.

Certaines nuits,
Reste debout jusqu’à l’aube.
Sois un grand seau,
Tiré des obscures profondeurs d’un puits,
Et porté vers la lumière.
Quelque chose ouvre nos ailes.
Quelque chose fait disparaître l’ennui et la peine.
Quelque chose remplit notre coupe
Nous goûtons alors au sacré.

J’ai regardé dans mon propre cœur :
C’est là que je L’ai vu.
Il n’est nulle part ailleurs.
Je ne suis ni chrétien, ni juif, ni parsi, ni même musulman.
Je ne suis ni d’Orient ni d’Occident, ni de la terre, ni de la mer.
J’ai abdiqué la dualité, j’ai vu que les deux mondes ne sont qu’un.
Un Seul je cherche, Un Seul je contemple, Un Seul j’appelle.
Il est le premier, Il est le dernier, l’extérieur et l’intérieur.
Je ne sais rien d’autre que « Ô Toi », « Ô Toi qui est ».Je suis enivré par la coupe de l’Amour.

On meurt dans la pluie.
La Douleur du Nord
Aime ce décor
En saisons pourries.
Pégase y est mort
Une nuit de pluie.
Pourquoi, Poésie,
Ce cri vers le Nord ?
Les ailes cassées
Dans des cheminées
Saigne l'ange lourd :
Ô ville épuisée
Qui t'es couronnée
Du corps de l'Amour.

La Ville est dans ma chambre
Ce fauteuil est un port.
Avez-vous vu mes lampes
Mes mâts et mes bateaux ?
Le tabac et les vagues
Chantantes du ciel noir,
Le jeu, le bruit des algues
Aux vitres, mes miroirs,
Tout m'y plaît, m'y agrée :
J'y respire un bon air
Léger comme un beau vers.
Ô ville ravagée
Restez dans ma maison
Qui n'a qu'une saison.

En savoir plus

    -Citation

    - poème des papillons 

    - les 7 conseils

sa vie ici

(cliquez sur les liens)



 

 

 

mardi 25 octobre 2022

TONY HILLERMAN – Blaireau se cache – Rivages noir 2002

 

L'histoire

3 malfrats attaquent un casino en territoire hute (ennemis jurés des Navajos) et tuent un policier. Le FBI, diverses agences d'état et la police navajo sont mis à contribution pour retrouver les bandits. La police tribale est évidemment au bas de l'échelle, et doit faire le sale boulot. Mais avec le lieutenant Leaphorn et le sergent Jim Chee, l'enquête sera vite résolue.


Mon avis

C'est toujours agréable de lire ou relire un Tony Hillerman. D'autant que celui-ci se base sur un fait divers (une chasse à des bandits responsables du meurtres de 4 policiers, qui impliqua 250 000 agents, repartis entre l'Utah et l'Arizona, mais ne permit pas d'arrêter les meurtriers.

Blaireau est un être mythique qui, selon une croyance navajo, a la faculté d'apparaître et de disparaître à son grè. et cette faculté, ceux qui ont accompli le braquage sanglant du casino indien, semblent la posséder aussi.Mais le lieutenant Joe Leaphorn de la police tribale navajo et Jim Chee, sont à leurs trousses. On retrouve une intrigue toujours complexe, qui a fait le succès de Tony hillerman, avec l'étude du terroir, et la parfaite connaissance des enquêteurs navajos dans ce paysage incroyable.Ici, comme souvent dans ses romans Hillerman dénonce les dérives de la civilisation américaine sur les croyances indiennes, exclues du rêve américain.

Ici entre les canyons et les mesas entre l'Utah et l'Arizona, la nature est âpre et les malfaiteurs agissent pour un groupe fasciste, qui veut redonner l'Amérique aux américains, rejette la démocratie, Ce roman écrit en 2002 nous rappelle hélas les ultras qui ont attaqué le Capitole lors des élections américaines de 2020.

C'est aussi la première fois qu'Hillerman donne un rôle plus important à deux personnages féminins, l’anthropologue Louise amie de Leaphorn et surtout l'adorable Bernadette Manuelito, agent de la police tribale, une navajo attachée aux traditions.

Comme toujours, un plan de la zone d'action et un glossaire en fin de livre nous permettent de comprendre les coutumes des navajos qui vivent dans la Grande Réserve où il sont soit employés dans le tourisme, soit dans les réserves minières, ou alors restent des nomades dans leur territoire pour élever du bétail.

Rappelons qu'actuellement les peuples navajos, Zunis et Hopis qui vivent sur la Grande Réserve se mobilisent contre un projet d'extraction de lithium, qui se trouvent sur des sites sacrés.

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/23/dans-le-nevada-un-projet-de-mine-geante-de-lithium-menace-toute-une-region_6103223_3244.html


Extraits :

  • ils quittèrent le comptoir d’échanges un quart d’heure plus tard, avec des instructions très précises pour se rendre aux deux endroits où Jorie pourrait se trouver, un ajout à la carte tracée sur le sac d’épicerie précisant quelles bifurcations prendre sur quelles routes pour localiser Main de Fer, et une vague hypothèse selon laquelle Baker était peut-être parti s’installer à Blanding. Par ailleurs, ils avaient recueilli une profusion de rumeurs concernant les enjeux politiques dans la zone frontière Utah-Arizona, les activités militantes, les suppositions sur les auteurs du hold-up au Casino Ute, et un récit des actes scandaleux les plus récemment commis par le Service des Forêts, le Bureau des Réclamations, le Service des Parcs et autres agences au niveau du pays, de l’État et du comté, contre le bien-être de diverses personnes qui menaient une existence besogneuse dans la région des canyons aux limites de l’Utah.

  • Pourquoi tenez-vous à ce que ces individus soient arrêtés ? Est-ce simplement pour venger Cap Stoner ?
    – C’est en partie pour ça, reconnut Gershwin. Mais ces types, ils vous font froid dans le dos. Certains d’entre eux, en tout cas. Je jouais un petit rôle, avant, dans cette action politique, aux côtés de ceux qui l’ont lancée. Mais après, ils ont pris des positions trop extrémistes.
    Gershwin avait été sur le point de finir son lait. Il reposa son verre.
    – Ces salopards du Service des Forêts, ils se comportaient comme s’ils étaient les propriétaires des montagnes. Nous, on y avait vécu toute notre vie et tout à coup on ne pouvait plus faire brouter nos bêtes. Couper du bois. Chasser le wapiti. Et les bureaucrates de l’Attribution des Terres étaient pires. Nous étions les serfs, et eux, les seigneurs. Nous voulions seulement faire un peu entendre notre voix au Congrès. Que quelqu’un rappelle aux bureaucrates qui paye leurs salaires. Et puis il y a les dingues qui sont arrivés. Les extrémistes écolos qui voulaient dynamiter les ponts que les exploitants forestiers utilisaient. Ce genre de choses. Après on a eu les gosses style New Age, les survivalistes et les opposants à la mondialisation. J’ai décroché progressivement.
    – Alors ce sont certains de ces types-là qui ont fait le coup du casino ? C’était politique ?
    – D’après ce que j’ai entendu dire, ça devait être pour financer la cause. Mais je pense que certains avaient besoin d’argent pour manger. Si on ne travaille pas, je suppose qu’on peut appeler ça un geste politique. Mais peut-être qu’ils voulaient réellement acheter des armes à feu, des munitions et des explosifs. Ce genre de trucs. Enfin bon, c’est ce que racontent les types que je connais dans ce mouvement. Ils avaient besoin de fonds pour se procurer des armes afin de chasser le gouvernement fédéral hors de chez nous.

  • I have a theory not yet endorsed by any sociologist, he said. You city folks have so many people crowding you they are a bother. So you try to avoid them. We rural people don't have enough, so we're interested. We sort of collect them."
    "You'll have to make it a lot more complicated than that to get the sociologists to adopt it. Louisa said. But I know what you're driving at.

  • And Chee, Largo said, use your head for once. Don't get crosswise with the Bureau again. Have some manners. Give'em some respect"
    Chee nodded.
    Largo was grinning at him. "If you have trouble giving 'em respect, just remember they get paid about three times more than you do.""Yeah,Chee said, that'll help.

  • I'll take this wonderful old myth that had been floating around free as the air all these generations and punch it into my computer. Then one of these days I will call it up out of the hard disk and petrify it in a paper for whichever scholarly publication will want it.

  • Sans aucune raison autre que l'habitude née d'une enfance passée dans un hogan rempli de monde, Joe Leaphorn se réveilla aux premières lueurs de l'aube.

  • Et maintenant, avant de dormir, je dois t'apprendre la dernière leçon pour que tu puisses être yataalii.

     

Biographie :

Né à Sacred Heart (Oklahoma) , le 26/05/1925 et décédéMort à Albuquerque (Nouveau Mexique) , le 26/10/2008, Tiny Hillerman est le fils d'un farmer et le dernier de trois enfants.


Il fait ses études dans une école de filles en raison d'une mesure exceptionnelle envers les enfants de farmer. Il finit ses études secondaires en 1942 et rejoins l'armée en 1943 pour combattre durant la Seconde Guerre Mondiale. Blessé il est décoré de la silver cross et du purple heart. Il est démobilisé en 1945.
Il rejoint l'université d'Oklahoma dont il sort diplômé en 1948. La même année il se marie. Le couple aura six enfants.

Il travaille comme journaliste de 1948 à 1962 pour différents journaux. Il obtient ensuite, une maîtrise en journalisme. Il deviendra enseignant dans cette matière de 1966 à 1987 à l'université d'Albuquerque .
Son premier roman paraît en 1970. Ses romans se déroulent presque tous en territoire Navajo.
Il est décédé d'un cancer.
Sa fille Anne a décidé de continuer l'oeuvre de son père en reprenant les personnages crés et d'autres intrigues.


En savoir Plus :

Sur le peuple navajos :


Sur la mythologie navajo

Galerie Photos

Mesas et Arroyos

Frontière entre Utah et Arizona, canyons

Hogan, maison traditionnelle navajo

Shiprock

Window Rock.

Village de Bluff Utah

Farmington - Nouveau Mexique

Gothic Creek - Utah

Montezuma creek Utah

Mines de charbon à ciel ouvert Utah



lundi 24 octobre 2022

AKI SHIMAZAKI – Suisen (série l'ombre du Charbon) – Babel poche 2020

 

L'histoire

Gorô riche homme d'affaires japonais est le mari aimant et père de deux enfants. Il a également deux maîtresses, ce qui complique un peu son emploi du temps. Évidemment cet homme vieillissant n'est pas la modestie incarnée, il est fier de tout, son succès, ses femmes, son monde. Et si un grain de sable venait enrayer la mécanique.


Mon avis

Un petit roman, le troisième de la série « L'ombre du Charbon » qui nous met face à un macho raffiné certes, et narcissique à souhait comme le montre la fleur qui illustre ce roman. Gorô vit dans son monde de certitudes, convaincu qu'il le centre du monde. Mais les certitudes ne sont pas faites pour durer.

A travers ce roman réjouissant, l'auteure nous montre le peu d'évolution des femmes dans la société japonaise, considérée comme objet de confort, de réussite sociale. Le couple n'existe pas, c'est pour le décorum. Les maîtresses sont là pour les plaisirs charnels ou culinaires. Le petit peuple, les pauvres, sont ignorés. L'idéal japonais est la réussite, la compétition permanente, les horaires à rallonge. Tous les travers du Japon résumés en 138 pages.

Pourtant Gorô n'est pas antipathique, ni pathétique. C'est sur ce subtil équilibre que repose tout l'art de madame Aki, qui compose une histoire avec une économie de mots, sans négliger la psychologie des personnages et leurs aventures rocambolesques, mais toujours avec délicatesse et humour.

Un lexique en fin de livre nous permet de nous favoriser avec la vie nippone. L'auteure joue aussi avec les 3 écritures : le Hiragana, le Katakana et le Kanji qui reviennent ici à propos de « Suisen », le narcisse, titre du livre.


Extraits :

  • Tu te marieras dans quelques années. Je te trouverai un homme qui te rendra heureuse. Comme nous, tu dois fonder un foyer idéal.
    — C’est gentil, papa. Mais je le choisirai moi-même. Sais-tu que les jeunes aujourd’hui préfèrent rester célibataires plus longtemps ?
    — Ne dis pas de bêtises, Yôko. Le bonheur des femmes réside dans le mariage. 

  • Je meurs de faim. Je me dirige vers la salle à manger en pensant aux mets spéciaux que j'ai dit à ma femme de me préparer. En y entrant, je m'étonne. Il n'y a rien du tout sur la table. C'est bizarre. Je vais dans la cuisine. l'évier et le comptoir sont vides et propres. Je reste interloqué.
    J'ouvre le réfrigérateur. Il n'y a pas grand chose : fromages, pains tranchés, saucisses. Je n'aime pas ces produits. Je veux manger une soupe miso, du poisson grillé, des yakitoris, des sashimis. Ce sont les plats que j'attendais ce soir avec de la bière. La colère m'envahit. Je monte à l'étage pour réveiller ma femme.

  • Je fixe le plafond. Les paroles de Yuri tournent dans ma tête :
    "Je suis amoureuse de lui." Elle perd la raison. Une femme de trente- six ans qui parle comme une adolescente. "Gorô, c'est fini entre nous. Adieu." Quelle arrogance ! C'est à moi qu'elle doit tout son succès. Je n'accepterai jamais un refus pareil. Il faut que je me venge de cette humiliation.

  • Tout à coup, j'aperçois quelques cheveux gris sur ma tempe gauche. J'examine de près : "Ce n'est pas vrai..." Je me rappelle mon père , décédé à l'âge de soixante et un an. Sa chevelure est restée noire jusqu'à la fin. A mon âge, ce ne serait pas drôle d'avoir la tête blanche. En caressant mes cheveux, je murmure : "Mieux vaut être chauve.

  • Papa ne changera pas de conduite. Je crois qu'il est toujours blessé par son enfance malheureuse, qu'il n'a pas pu développer son amour de soi. Il doit séduire les femmes pour occuper son cœur vide.

  • Ma vie conjugale aussi se déroule bien. Ma femme doit être heureuse avec moi : riche, gentil et généreux. Nous vivons ensemble depuis vingt trois ans sans problème particulier. Elle n’est pas au courant pour mes maîtresses. Peu importe. Pour moi, ces relations extérieures ne sont que des aventures. Je n’ai pas l’intention de divorcer, quoi qu’il arrive. Le divorce, c’est la honte.

Biographie :

Aki Shimazaki est une romancière québécoise née en 1953 au Japon. Elle est née au Japon dans une famille dont le père est agriculteur. Durant sa jeunesse, elle développe une passion pour la littérature. Cependant, elle travaille pendant cinq ans comme enseignante d'une école maternelle et a également donné des leçons de grammaire anglaise dans une école du soir.

En 1981, elle émigre au Canada, où elle passe ses cinq premières années à Vancouver, travaillant pour une société d'informatique. Après cela, elle part vivre pendant cinq ans à Toronto. À partir de 1991, elle s'installe à Montréal où, en plus de son activité littéraire, elle enseigne le japonais.

En 1995, à l'âge de 40 ans, elle commence à apprendre le français tant par elle-même que dans une école de langue. Puis, elle commence à écrire en français de courts romans. Tous les titres de ces livres portent un mot japonais.

Pour son premier roman "Tsubaki" (1999), elle a obtenu le Prix de la Société des écrivains canadiens et a été finaliste du Prix Littéraire de la Ville de Montréal 1999 et du Grand Prix des lectrices Elle Québec 2000. Pour "Hamaguri" (2000), elle s'est méritée le prix Ringuet 2001 et a été finaliste pour le Prix des Cinq Continents de la Francophonie 2001.

Ses premiers romans sont publiés dans la collection "Un endroit où aller" chez Leméac/Actes Sud. Il s'agit d'une série de cinq titres, un premier cycle intitulé "Le poids des secrets" (1999-2004), qui racontent la même tragédie, mais chaque fois sous angle différent puisque le narrateur change d'un roman à l'autre.
Elle a remporté le Prix littéraire Canada-Japon du Conseil des Arts du Canada 2004 pour "Wasurenagusa" (2003) et le Prix du Gouverneur général du Canada 2005 pour "Hotaru" (2004).

En savoir Plus :



ELIF SHAKAF – Trois filles d'Eve – Éditions Flammarion 2018 (ou poche)

 

L'histoire

Peri, 37 ans, mariée à un riche promoteur immobilier et mère de 3 enfants, se rend une réception avec le gratin de la haute société stambouliote. Une réception où elle s'ennuie et ne se sent pas à sa place. Alors elle repense à son passé, son enfance et surtout ses trois années d'études à Oxford (Angleterre) avec ses amies Shirin et Mona et surtout sous la férule d'un professeur charismatique et ambigu, Azul  qui anime un séminaire sur une approche scientifique de Dieu. Des traumatismes du passé resurgissent et ballottée par l'histoire actuelle, Peri cherche toujours à comprendre qui elle est.



Mon avis

J'avais beaucoup aimé le livre d'Elif Shakaf « L'île aux âmes perdues » (Ici). Je voulais donc me favoriser avec cette écrivaine turque. D'emblée de jeu, le style est différent, sobre, sur une période qui va de 1980 à 2016. Le livre fait des aller-retour dans le passé de Peri, et le présent. La lecture est simple, les dialogues juste, pas de superflu.

Ici il est question de l'identité, et du rapport avec la foi, mais aussi de l'enseignement. L'enfance de Peri est marquée par l'opposition systématique entre son père Mensur, homme cultivé qui pousse sa fille à lire, qui est cultivé. Dans sa bibliothèque on trouve les ouvrages de Marx et Engels, de Trotsky et autres. La mère Selma est à l'opposée confite en religion, tout est la volonté d'Allah, et les époux se chamaillent sans cesse, ce qui tiraille la fillette puis la jeune fille car elle aime ses parents, et si intellectuellement elle est bien plus proche de son père, elle tente aussi de se rapprocher de cette mère qui ne l'aime pas tant que cela, en raison d'un drame alors qu'elle avait 4 ans.

Peri, solitaire, aime plus que tout lire et devient une excellente élève, de sorte que son père l'inscrit à Oxford, bien évidemment une des meilleures université du monde. Très étonnée par ce changement de lieu, de climat, elle se noue d'amitié avec Shirin, une iranienne émancipée qui est ouvertement athéiste. Personnage extravertie, venue d'une famille riche, Shirin peut se permettre toute les extravagances. Mona, elle, est une musulmane féministe. Elle porte le voile, car elle est croyante, mais elle veut changer la place de la femme dans l'Islam. Quand les trois amies vont décider de vivre ensemble, Shirin et Mona vont, à l'instar des parents de l'héroïne se chamailler.

Et puis il y a cette figure d'Azur, professeur émérite mais aussi critiqué pour ses méthodes d'enseignement. Il semble s'intéresser à Péri, trop jeune et inexpérimentée en amour qui tombe amoureuse de lui, sans retour.

Peri est une femme qui se cherche et qui n'a pas de certitudes, elle est timide, repliée sur elle-même, persuadée qu'elle n'est pas douée pour le bonheur. Mais sans s'en rendre compte, sous l'influence de ce professeur, elle réussit à s'affirmer, en lançant des piques lors de ce repas trop bling-bling, trop surfait.

Ici c'est non seulement le portrait d'une femme ballottée par son vécu et par l’Histoire mais aussi, dans une Turquie qui s'adapte difficilement au régime d'Erdogan (jamais nommé), dans une ville où l'insécurité règne. Mendiants agressifs, attentats, mauvais traitements subi par les femmes, le manque d'éducation général, les dérives sectaires. On sait qu'Elif Shafak est une militante féministe qui s'insurge contre les dictatures qui briment les femmes du Moyen-Orient.

De plus le livres est bourré de références aux grands penseurs et poètes (de Rûmî à Spinoza, Ekchart à Omar Kayam, de Byron à Marx), ce qui nous donne aussi des envies d'autres lectures.

Ce roman est aussi une ode à la lecture, à la connaissance, à la part que l'on accorde aux religions. Pari très réussi qui nous donne un autre éclairage sur Istanbul et la Turquie qui semble chercher sa voie dans un monde complexe, sans la trouver, et face à un peuple soumis et muselé.


Extraits :

  • En outre, même si sa vie en dépendait, elle ne pouvait pas se faire aux réactions hostiles à la lecture. Dans divers coins du monde, on est ce qu'on dit et ce qu'on fait, mais aussi ce qu'on lit; en Turquie, comme dans tous les pays hantés par les problèmes d'identité, on se définit, d'abord, par ce qu'on rejette. Apparemment, plus les gens s'en prenaient à un auteur, moins ils avaient lu ses livres.

  • Le problème aujourd'hui, c'est que le monde attache plus de valeur aux réponses qu'aux questions. Mais les questions devraient compter bien davantage ! Je crois au fond que je veux faire entrer le diable à l'intérieur de Dieu et Dieu à l'intérieur du diable.

  • Peri avait quitté la table avec les autres mais s'attarda au milieu du salon. Comme toujours elle se sentait partagée dans ce genre de situation. Elle détestait la ségrégation par sexe courante dans les réunions mondaines d'Istanbul. Dans les familles conservatrices, la séparation était si marquée qu'hommes et femmes pouvaient passer la soirée entière sans échanger un mot, isolés dans des parties éloignées de la maison. Les couples se divisaient en arrivant et se retrouvaient à la fin de la réception avant de franchir le seuil.
    Même les cercles libéraux n'excluaient pas cette pratique.

  • Si elle avait causé de l'anxiété à qui que ce soit, c'était à Dieu et Dieu, même si un rien L'indispose et si on Le dit capricieux, Dieu ne souffre jamais. Souffrir et faire souffrir, voilà un trait foncièrement humain.

  • Toute doctrine crée son opposition. Là où il y a beaucoup de saints, il y a forcément beaucoup de pêcheurs !

  • Ça signifie que nous allons mettre les choses en pagaille, estomper les lignes. Mettre ensemble les idées irréconciliables et les gens incompatibles. Imaginez, un islamophobe s’amourache d’une musulmane... ou un antisémite devient ami intime d’un juif... et ainsi de suite, jusqu’à ce que nous prenions les catégories pour ce qu’elles sont : des fruits de notre imagination. Les visages que nous voyons dans le miroir ne sont pas vraiment les nôtres, mais de simples reflets. Nous ne pouvons découvrir notre être véritable qu’à travers le visage de l’autre.

  • Quant à Peri, elle puisait son réconfort dans la littérature. Nouvelles, romans, poèmes, pièces de théâtre...elle dévorait tout ce qu'elle trouvait dans la maigre bibliothèque de l'école. Quand elle n'avait plus rien à se mettre sous la dent, elle lisait les encyclopédies. (…) Les livres vous libéraient, ils débordaient de vie. Elle préférait habiter la terre des histoires que la terre maternelle.

  • rappelez-vous : « La plus haute activité dont soit capable l’être humain, c’est d’apprendre pour comprendre, car comprendre c’est être libre." - Spinoza

  • Un pays natal, on l'adore, bien sûr ; parfois il peut aussi être exaspérant et déroutant. Pourtant j'ai fini par apprendre que pour les écrivains et les poètes qui estiment que les frontières nationales et les barrières culturelles doivent être remises en question, encore et encore, il n'y a en vérité qu'une seule terre natale, perpétuelle et portable.

  • "Quand je te regarde, je vois en germe une intellectuelle orientale typique, avait-il ajouté. Amoureuse de l'Europe, en conflit avec ses racines."
    Pourquoi les racines avaient-elles plus de prix que des feuilles ou des branches, Peri n'arrivait pas à le comprendre. Les arbres avaient d'innombrables pousses dans toutes les directions, au-dessus comme au-dessous des terreaux anciens de la planète. Si même les racines refusaient de rester en place, comment espérer l'impossible de la part d'êtres humains ?

  • ll existe une boîte dans la partie du cerveau qui conserve la mémoire – une boîte à musique au vernis égratigné – et diffuse les notes d'une mélodie obsédante. Empilé à l'intérieur, il y a tout ce que l'esprit ne veut pas oublier ni n'ose se rappeler. Dans les moments de stress ou sous l'effet d'un traumatisme, ou peut-être sans raison visible, la boîte s'ouvre et son contenu se répand à la ronde.

  • Écris et efface, mon âme. Je ne peux pas t'apprendre à éviter les idées noires. Moi-même je n'y suis jamais arrivé." Mensur fit une pause. "Mais j’espérais que tu pourrais au moins frotter dessus pour les effacer. - Comme ça, je pourrai avoir de nouvelles idées noires ? - Et bien oui...des idées noires neuves, c'est mieux que des vieilles.

  • Mais en nous focalisant sur les conflits religieux, politiques et culturels, nous passons à côté d'une énigme cruciale : Dieu. Alors que les philosophes de jadis – et leurs élèves – sondaient l'idée de Dieu plus que la religion, maintenant c'est le contraire. Même les débats entre théistes et athées, qui sont devenus très populaires dans les cercles intellectuels des deux côtés de l'Atlantique, portent plus sur la politique, la religion et l'état du monde que sur la possibilité de Dieu. En émoussant notre aptitude cognitive à formuler des questions existentielles et épistémologiques sur Dieu, et en coupant notre lien avec les philosophes du passé, nous perdons la faculté divine d'imaginer.

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