vendredi 1 avril 2022

La vie dont nous révions de Michelle Sacks - 10/18

 

Qui a tué Connor, le bébé de Merry et de Sam, américains qui ont décidé de vivre dans un coin perdu de Suède ?
 
S'agit-il d'une morte subite du bébé ? Est-ce Merry, cette femme souffrant d'un grave symptôme post-partum, quasiment sous l'emprise de son mari qui veut faire d'elle la femme au foyer parfaire ? Est-ce Sam, ce mari volage et tyrannique, qui apprend qu'il souffre d'un déficit de stérilité et se demande si ce bébé est bien le sien ? Ou est-ce Francès l'amie de toujours de Merry, belle femme fortunée et qui prend de plus en plus de place dans la vie du couple ?
 
Dans ce huit-clos, les traumatismes et les mensonges finissent par ressurgir.
La journaliste et écrivaine Michelle Sacks nous interroge sur la maternité désirée ou subie, sur le pire des crimes, l'infanticide, sur le devoir d'être mère ou mère par procuration. Un sujet délicat, qui me fait penser à cette phrase qu'écrivait dans son journal Anaïs Nin en 1912 (ayant appris sa stérilité) : "la création d'une femme ne passe pas nécessairement par l'enfantement".
A lire tant l'ambiance étrange donne à ce roman tout son charme.
En poche 10/18.


Philppe Frey, le spécialiste du désert

 


 Philippe Frey,  est le grand spécialiste des déserts qu'il parcoure depuis des années. 

Dans "Nomades du désert", l'ethnologue revient sur les rencontres particulièrement marquantes qu'il a fait parmi les peuples nomades. Aussi bien des guides et amis que des ennemis. 

Car dans le désert, il faut avant tout survivre, prendre soin des chameaux et de soi (eau, ravitaillement), avoir des connaissances extrêmement précises de la faune et de la flore. C'est chacun pour soi selon les pays, ou des amitiés profondes. 

Des moments de pure beauté mais aussi douloureux toujours racontés avec humour et simplicité. Et puis la plus belle des rencontres avec Théodore Monod, ce grand humaniste. A offrir ou à s'offrir Chez Laffont - Nomade du déserts - Phlippe Frey

 


Il passe presque 365 jours par an dans les déserts qui représentent plus de 17% des sols de la planètes. Philppe Frey est reconnu comme le grand spécialiste actuels des déserts qu'il explore toujours et encore.
 
Dans son dernier livre "Peuples des déserts" il raconte ces dernières visites dans des lieux aussi divers que le (les en fait) déserts de Gobi, du Haut Sahara, d'Australie, et du Mexique. Fascinants mais dangereux, l'explorateur nous raconte ses voyages, les conditions du survie (avec une connaissance parfaite des faune et flores locales), nécessaires à l'alimentation des nomades et des animaux.
 Et aussi ses amitiés à travers le globe avec les nomades aussi divers que passionnants, les mongols de Chine, les afars d'Afrique, les bédouins, les aborigènes, tous ceux qui gardent un mode de vie d'une extrême simplicité sans céder au consumérisme mondialisé, parce qu'ils sont tout simplement heureux dans ces univers hostiles et majestueux, où la solidarité est un devoir, l'amitié indéfectible. En parallèle, cet ethnologue de formation pose un regard terrible sur notre société, et nous livre des pensées qui m'ont séduites. C'est vraiment un ouvrage que je vous conseille, un magnifique voyage et une réflexion magistrale sur notre société.
"Peuples du désert" par Philippe Frey, aux éditions Arthaud qui publie tous ses livres.

 

Dans les forêts de Sibérie - Sylvains Tesson - Stock ou folio

 

L'écrivain voyageur Sylvain Tesson, a passé 6 mois dans un coin perdu de Sibérie. 

Il nous livre - avec une écriture parfaite - son carnet de voyage, ses rencontres, son amour pour cette terre glacée, sauvage, sa vie d'ermite, ponctuée de grandes marches dans l'immensité. Alors qu'il arrive dépressif, il va devoir réapprendre la survie - avec pas mal d'alcool hélas - mais aussi se reconnecter à la nature. Et réapprendre à vivre.

 Rencontres littéraires, mais aussi avec les rares habitants qui veillent sur lui et lui permettent de se reconnecter à l'humain. S. Tesson, personnage parfois ambigu mais écolo de la première heure sait écrire et sait captiver, même si ces réflexions manquent parfois à mon avis d'un coté sociétal. Mais c'est l'occasion d'un joli et étrange voyage. En poche Folio

S'adapter, de Clara Dupont-Monod chez Stock.


 [face au handicap]. 

Dans son roman "S'adapter", Clara Dupont-Monod s'attaque à un sujet délicat : la présence d'un bébé très lourdement handicapé au sein d'une famille. Elle étudie les réactions des 2 ainés. 

Le fils tout dévoué à ce bébé qui ne parle pas, ne pleure pas, ne semble pas voir, et est difforme. La soeur cadette qui ne peut supporter cet enfant mais prend en charge la famille totalement désorienté. Et le dernier cherche à comprendre ce frère qu'il n'a pas connu et qui est devenu une sorte de tabou familial. 

L'originalité de ce roman, qui nous permet d'aborder la différence de différents point de vue (celui des enfants avec leurs propres ressenti), est qu'il est écrit par les grosses pierres qui bordent l'allée de la maison familiale perdue dans les montagnes cévenoles, loin de tout. Car les pierres voient tout, entendent tout et sont les témoins invisibles des drames qui se jouent dans ce huit-clos familial     Un très joli livre, sans effet de style, qui nous amène à réfléchir sur l'autre différent.

True Story de Kate Reed Petty aux éditions Gallmeister - 2021.

 

Que s'est-il passé cette nuit de 1999 ou Alice, lycéenne de 14 ans, a été ramenée par deux étudiants tous sous l'emprise d'alcools et drogues ? Alice ne se souvient de rien. Mais les garçons de vantent lors d'une autre soirée éméchée d'avoir commis de violences sexuelles. Vrai ? Faux ? 

Des années après, alors qu'elle est devenue journaliste et scénariste tente de comprendre. Ce livre n'est pas facile à lire. Tout d'abord sa structure assez originale semble noyer le propos. Mais en fait Kate Reed Perry (journaliste et réalisatrice américaine) démonte les mécanismes de la rumeur. Comment elle se propage, comme elle affecte aussi bien les victimes que les bourreaux, et comment se reconstruire après. 

Elle montre aussi la cruauté du système éducatif américain, avec ses meneurs, ses codes, et le désir suscité de réussite quitte à en oublier la morale. Un roman ambigu (avec un amusant exercice de style dans un chapitre) qui pourra autant agacer le lecteur que l'enthousiasmer. L'apparente déstructure du roman peut désarçonner (la parole est donnée aux différents protagonistes qui exposent leur vérité) mais il reflète l'état d'esprit d'Alice, comme un puzzle qui se termine au dernier chapitre. J'ai eu un peu de mal à rentrer dans ce premier roman qui fait penser à des films adolescents, puis petit à petit les choses se mettent en place. En tout cas, une écrivaine prometteuse à suivre.

Jonas Jonasson, humour suédois

 

 

Nombeko, née à Sowetho (Afrique du Sud) est considérée par les blancs au pouvoir d'analphabète (terme hélas employé avec autres petits noms des plus indélicats pour les populations noires, réduites aux sales boulots). 

Sauf que la jeune fille a des dons exceptionnels en mathématiques, mais sait lire et parle l'anglais, le mandarin et le suédois en plus de sa langue natale. Et pour couronner le tout, elle conseille l'ingénieur - passablement soul 24h sur 24 - spécialisé dans la fabrication de la bombe nucléaire. Par un inextricable mélange de colis, voilà que la 7ème bombe (jamais commandée ni comptabilisée) se retrouve en Suède.

 Ajouter à cela 2 jumeaux dont l'un brille par sa crétinerie, 3 chinoises, 2 agents du Mossad, un potier paranoïaque et une jeune révolutionnaire et vous obtenez un petit bijou d'humour et de fantaisie signée Jonas Jonasson . Le style est aussi déjanté que l'histoire mais on passe un sacré bon moment de lecture intense et explosive ! Sans oublier la lutte contre les racismes et les préjugés en filigrane. En livre de poche. Remède efficace contre n'importe quelle déprime (malheureusement pas remboursé par notre sécu mais gratuit dans les bonne bibliothèques). 

 


 
En ces temps tristes de covid, de pouvoir d'achat en berne, voici de quoi vous remontez le moral illico.
 
Tout le monde aimerait bien une petite vengeance (un voisin trop bruyant, un mari un peu trop volage, un chien qui aboie trop). C'est ce que propose la très sérieuse agence 'La Vengeance est douce" une société des pus sérieuses qui vous promet une petite vengeance tout en restant dans le cadre (extensible) de la légalité.
Mais voilà que les affaires se compliquent avec un incroyable melting pot d"un jeune homme né 2 fois, d'un authentique guerrier massaï, d'une jeune historienne de l'art, d'un pot de confitures d'airelles et de deux vraies fausses toiles d'Irma Stern.
 
Qui a dit que les suédois n'avaient pas d'humour ?
Jonas Jonasson, journaliste et écrivain à ces heures est un spécialiste des histoires loufoques avec un style qui n'a rien à envier au so british english humor.
Avec "Douce, douce vengeance" (Editions Les presses de la cité), notre moral grimpe en flèche, et on se surprend à rire tout seul. Une thérapie express que je vous recommande. Ces autres livres sont tout aussi hilarants (en poche). A lire d'urgence !


Ava Ólafsdóttir - Miss Islande aux éditions Zulma


 A 21 ans, la jolie Hekla quitte la ferme islandaise de ses parents pour se rendre à Reykjavik. Des petits boulots pour survivre car la jeune femme est écrivain. Les tabous, elle s'en moque. 

Elle assume son amitié avec son ami de toujours, Jon, un homosexuel qui subit régulièrement des humiliations. Livres, départs, amitiés fidèles rien ne détourne Hekla de son destin. 

Audur Ava Olafsdottir, née en 1958, nous dresse un portrait impitoyable de l'Islande des années 60. La femme est juste bonne à se marier, avoir des enfants et un mari alcoolique ou violent. On vit chichement de la pêche, "les poètes" (cercle d'écrivains masculins) sont plus souvent au café à picoler qu'à écrire, les logements sont insalubres et petits. 

Un coté sombre de l'Islande de l'époque, sans apitoiements, mais sans concession, avec l'énergie de la jeunesse et un but : la liberté créatrice. L'ouvrage se lit facilement et si il est bourré de réferences aux grands poètes islandais et aux eddas (légendes vikings)n il n'en empêche pas la compréhension. L'auteure, historienne de l'art, a reçu de nombreux prix dans son pays. Elle a écrit 7 romans, mais aussi des poèmes, des pièces de théâtre.

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 Un peu de poésie dans ce monde de brutes] J'avais beaucoup aimé "Miss Islande" d'Auður Ava Ólafsdóttir et du coup j'ai voulu en lire plus.

 Un tout jeune homme, déjà papa d'une petite fille, a une grande passion dans la vie : le jardinage et surtout faire pousser des roses. Il quitte donc son Islande natale pour rejoindre un emploi de jardinier dans un monastère tenue par un abbé cinéphile.

 Entre tendresse et roman initiatique, amour à l'envers, ce livre plein de poésie et aussi d'humour (le style détaché avec lequel le jeune homme raconte sa vie) est un petit bijou qui oscille entre poésie, douceur de vivre et bien sur des roses merveilleuse. 

Rosa Candida d'Auður Ava Ólafsdóttir aux éditions Zulma (excellent éditeur des auteurs peu connus du monde). Existe en poche. 

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La narratrice, trentenaire insouciante, est traductrice et parle 11 langues. Elle aime rendre ses traductions en mains propres à ses clients et adore voyager à travers cette Islande mystérieuse.

 Et voilà qu'un jour de novembre glacial, son mari la quitte et qu'elle se voit confier la garde d'un enfant chétif et sourd.

 Pour cette femme qui ne ressent pas particulièrement la fibre maternelle, il va falloir s'occuper de Tumi. Sans trop modifier sa vie. Les deux amis partent alors pour un périple dans toute l'Islande, avec les moyens du bord et la tendresse émerge. 

Drôle,émouvant,poétique, on retrouve là tous les ingrédients de la magicienne qu'est Audur Olafsdottir. Et pour les gourmands 47 recettes (romancées) vous mettrons l'eau à la bouche. Enfin si vous avez l'estomac en pleine forme car les recettes sont carrément fantaisistes voire hilarantes