vendredi 6 mai 2022

Délia OWENS – Là où chantent les écrevisses – Poche Point - 2021

 

Kya a 6 ans quand sa mère quitte le foyer, une cabane dans la zone marécageuse de Caroline du Nord (USA). A cause d'un père violent et alcoolique qui tyrannise sa femme et ses ses 5 enfants, les aînés partent à leur tour e l'héroïne se trouve bien seule. Et puis un jour son père disparaît aussi.

A 10 ans, elle ne sait ni lire ni écrire et échappe aux services sociaux. Elle survit en vendant des moules à son ami noir Jumping qui tient une épicerie et sa femme l'habille et l'aide. Mais la ségrégation est encore de mise dans les années 50 et « la fille du marais » a mauvaise réputation.

Grâce à un ami de son frère, Tite, un jeune homme brillant et respectueux, Kay va apprendre à lire, et s'intéresser à la faune et la flore du marais. Elle publiera des livres qu'elle illustre elle-même et de poèmes. Mais la vie de Kya est pleine de surprise.

Le livre aux 4 millions d’exemplaires vendus aux USA est devenu un phénomène littéraire. D'une part parce que l'on y trouve une intrigue à l'issue incertaine mais Délia Owens fait revivre la vie des années 1950/1970 et cette vie sauvage dans les marais où se réfugient des évadés de prisons, des noirs fuyant la ségrégation. On y vit de la pêche et notamment de la pèche aux crevettes. Les plus aisés vivent dans des jolies maisons mais les plus pauvres dans des cabanes bricolées dans les bois.

Solitude et Multitude

Kya est une jeune fille farouche, qui a peur du monde mais qui redoute encore plus la solitude, ce qui l'amènera a une l'histoire entremêlée dont je ne vais rien vous dire.

Mais Kya est aussi envahie par la multitude, celle de la nature de ces marais. Elle est amie avec les oiseaux qu'elle va nourrir, connaît chaque coquillage, chaque herbe, chaque recoin de son aire bien à elle. Toute la flore et la faune sont étudiées par la jeune femme, qui possède un savoir incomparable, et finit par devenir une spécialiste de cette région.

Elle est aussi seule contre tous, victimes des préjugés, et à part la famille noire et Tate

celui qu'elle aime et celui sur lequel elle pense pouvoir compter. L'amour pour Kya relève de méfiance et sentiment d’abandons qu'elle ressent dans sa chair.

L'écriture poétique

Delia Owens n'a pas son pareil pour décrire cette nature spécifique sans jamais lasser le lecteur. Elle y incorpore des poèmes (Emily Dickinson par exemple) et aussi ceux que compose Kya sous un pseudonyme qui reflètent ses états d'âme. Même si ce n'est pas un génie de la poésie(ce qui est voulu par l'auteure), cela apporte un certain charme au roman comme des petites pauses dans ce tourbillon de plumes, de coquillages, d'herbes, de marécages.

Un roman engagé

J'ai lu des critiques qui reprochaient le coté « passif » de Kya et le coté pygmalion de Tate ? Il n'en est rien. Kya sait assurer sa sécurité, même si ce personnage si sensible a des rancœurs tenaces. Face à elle, les autres femmes que l'on croise dans le roman ne sont que des exemples des femmes de la société de l'époque. Puritaines, racistes, incapables de tolérer la moindre différence. Le soutien sans faille de Jumping puis de Jacob, personnes de couleurs préfigurent la lutte pour l'égalité des noirs, et Kya ne se pose pas la question. Ce sont des amis, ceux qui l'aident vraiment quand tout le visage médit sur celle qui va devenir une très belle femme. Par son autonomie, sa liberté de jugement, sa vie active à une époque où les braves dames ne travaillent pas, c'est révolutionnaire. N'oublions pas que le roman se situe en Caroline du Nord état sécessionniste où le drapeau trône encore à la mairie. C'est aussi une critique sociale : les pauvres, les riches sans aucune solidarité, ceux qui ont et prennent et ceux qui n'ont rien et tombent dans le banditisme ou les petits trafics même si l'auteure ne s'attardent pas sur ces faits. C'est d'emblée de jeu au premier chapitre.

Extraits :

  • Pour Kya, il était suffisant de faire partie de cette suite naturelle d’événements, rythmée par la même régularité que les marées. Elle se sentait attachée à sa planète d’une façon que peu de gens connaissent. Elle était enracinée dans la terre. Elle lui devait la vie.

  • Au point le plus vulnérable de sa vie, elle se tournait vers le seul gilet de sauvetage qu'elle connaissait : elle-même.

  • Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé.

  • C'est exactement ce que personne ne comprend à mon sujet.
    D'une voix de plus en plus forte, elle poursuivit :
    Moi, je n'ai jamais détesté les gens. c'est eux qui m'ont haïe. Eux qui se sont moqués de moi. eux qui m'ont quittée. Qui m'ont harcelée. Eux qui m'ont agressée. C'est vrai, j'ai appris à vivre sans eux. Sans toi. Sans Ma! Sans personne!

  • Ô lune qui décrois,
    Éclaire et suis mes pas
    Dissipe de ta lumière
    Les ombres de la Terre
    Viens éveiller mes sens
    Pénétrés de silence
    Tu sais comme le temps
    Étire les moments
    Jusqu'à l'autre rivage
    Quand nul ne les partage
    Le ciel n'est qu'un soupir
    Quand le temps se retire...
    Sur le sable mouvant.

  • Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges.
    Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c’est au cœur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie.

  • Les feuilles d'automne ne tombent pas, elles volent. Elles prennent leur temps, errent un moment, car c'est leur seule chance de jamais s'élever dans les airs. Reflétant la lumière du soleil, elles tourbillonnèrent, voguèrent et voletèrent dans les courants.


Bibliographie

Née en 1949, Delia Owens est une écrivaine et une zoologiste américaine.

Diplômée en zoologie et biologie de l'Université de Géorgie, elle est titulaire d'un doctorat en comportement animal de l'Université de Californie à Davis. En 1971, elle rencontre Mark Owens, chercheur et biologiste comme elle. Ils se marient en 1972 et déménagent dans l'Oregon.
Elle part s’installer avec son mari au Botswana en 1974. Ensemble, ils étudient les différentes espèces de mammifères de la région. De 1986 à 1997, Delia et son mari vivent au parc national de Luangwa Nord en Zambie où ils étudient les éléphants.
Grâce à cette incroyable expérience au Kalahari puis en Zambie, ils publient trois livres de non-fiction, tous bestsellers aux USA : "Le cri du Kalahari" ("Cry of Kalahary", 1984), qui obtient la Médaille John Burroughs 1985, "The Eye of the Elephant" (1992) et "Secrets of the Savanna" (2006).
Delia Owens publie également de nombreux articles scientifiques dans Nature, Natural History, Animal Behavior, Journal of Mammalogy, en menant ses recherches sur les espèces animales en danger et elle monte des projets de sauvegarde de grande ampleur. Elle a vécu pendant 23 ans en Afrique.
"Là où chantent les écrevisses" ("Where the Crawdads Sing", 2018) est son premier roman. Il a été adapté au cinéma.

En savoir plus :

    Son site : son site : https://www.deliaowens.com

     https://www.youtube.com/watch?v=tjPEL-A5RYQ


dimanche 1 mai 2022

Judith PERRIGNON – Là où nous dansions – Rivage et Payot poche - 2020

 

Détroit – Michigan (USA).

En 1935, avec l'essor économique due à l'industrie automobile, arrivent des travailleurs noirs, qui vivent dans des bidonvilles. Avec le New Deal, Eleanor Roosevelt, la femme du Président américain annonce la création de millions de logements, avec eau courante froide et chaude, cuisine équipée pour un loyer des plus modiques. Se construisent alors très rapidement des tours (façons HLM), et un nouveau quartier « le Brewster Douglass Project ». Plus de 10 000 logements sont construits pour les populations noires.

Les habitants y vivent heureux avec leurs commerces, et surtout leurs clubs de jazz, où tout le monde vient danser sur les musiques des atistes de la Motown qui est crée en 1951 et qui trouvent dans la ville des artistes qui connaîtront une renommée internationale : Les Suprêmes et Diana Ross, Marvin Gaye, Steevie Wonder ou Aretha Franklin qui y emménage à 5 ans, son père étant pasteur du quartier.


Mais le Brewster a été trop vite construit. Il n'a jamais été totalement achevé, et aucun budget n'a été alloué pour entretenir les bâtiments qui vont se dégrader.Depuis 1950, la ville est habitée par des noirs, les populations blanches se sont déportées sur des banlieues chic. Pire encore les usines automobiles ferment et se délocalisent, laissant des milliers de personnes au chômage. La ville devient l'une des plus dangereuses des USA. En 1967, des émeutes raciales font 43 morts et la situation empire avec la crise économique de 1974 (choc pétrolier).Mal gérée, la ville se déclare en faillite en 2013.

C'est cette période-là qu'évoque Judith Perringnon, à travers les souvenirs des personnages, récit choral dans différentes époques et toujours dans ce quartier de Brewster devenu une ruine (il sera finalement démoli en 1991 et remplacé par une friche industrielle puis totalement démoli en 2013). Mais les souvenirs restent, les souvenirs joyeux d'une époque révolue, où l'amitié, la musique et la joie de vivre étaient à l'image des habitants, chaleureux et toujours prêts pour danser. Ce roman est le témoignage à la fois joyeux et triste d'une ville et d'un passé définitivement perdu.

La prose légère de l'auteure nous donne envie de réécouter un tube de Diana Ross ou le son grunge des Stooges, voir le rap d'Eminem (natifs de la ville).


L'auteure

Judith Perrignon est née en 1967 est une journaliste française et écrivaine. Elle a séjourné plusieurs fois à Détroit (en 2010, 2014, 2015) pour comprendre le mécanisme de l’effondrement de la ville et y a rencontré des habitants. Elle a publié  15 romans. https://www.franceculture.fr/personne-judith-perrignon.html

Extraits

8 août 2013. J’ai vu l’aigle à tête blanche tourner au-dessus du Project, l’autre jour. L’immeuble où j’ai grandi est devenu l’abri des rapaces. Il y a tout ce qu’il faut là-haut, dans les étages, vêtements déchirés, fauteuils défoncés, cloisons affaissées, fils arrachés, télés renversées, capotes usées, tout le reliquat, toutes les fibres de nos vies pour tisser le nid de notre emblème national.

Mâle et femelle le fabriquent ensemble.
C’est écrit dans cette vieille encyclopédie que j’ai entre les mains.
Ils l’installent près d’une étendue d’eau, sur une falaise, un buisson ou dans un arbre. Faudrait peut-être ajouter qu’une bonne vieille dalle de béton à l’abandon près d’une rivière peut aussi faire l’affaire.
Mais ce livre est trop ancien pour avoir envisagé notre déclin.
C’est pour ça que je viens ici, chez John King. Des étagères de bois remplies jusqu’à la gueule, des bouquins d’occasion à l’infini sur quatre étages, écrits par de plus optimistes que nous. D’ordinaire, je fréquente le rayon des polars, c’est plein d’histoires plus compliquées à résoudre que les miennes, mais aujourd’hui j’ai pris la travée d’en face, la numéro 7, j’ai tiré la ficelle du néon au plafond, et j’ai regardé les titres sur les tranches : Oiseaux du monde, Oiseaux du désert, Oiseaux des villes et des villages, Oiseaux américains en couleur, Oiseaux du Canada et du nord des États-Unis. J’ai choisi celui-là.
Reprenons.
La reproduction se déroule d’avril à août. Les couples se reforment chaque année pour la parade nuptiale, ils s’accrochent par les serres, ils tournoient en plein ciel, se laissent tomber et se séparent juste avant de toucher le sol. Les deux partenaires sont fidèles l’un à l’autre tout au long de leur vie.
Tout au long de leur vie !
Valent mieux que nous, les aigles.
Je me rappelle des cris qui s’échappaient de la cour, de maman qui soupirait,
Le point faible ici, c’est les pères.
Le mien compris. On habitait au deuxième étage de la tour 303. Appartement 2046.
Ça n’a plus beaucoup d’importance, les numéros. Comme les fenêtres d’ailleurs, il n’y en a plus depuis longtemps. Les oiseaux entrent sans se demander si c’était là une cuisine ou une chambre, c’est chez eux, c’est l’été, ils pondent. Pendant que d’autres tuent. On a trouvé un corps, là-bas, au pied des tours, la semaine dernière. Une balle en pleine tête.
Ce matin, le maire a enfilé son costume, puis son long manteau tout droit sorti des années 1950. Étrange, cette façon qu’il a de vouloir ressembler à un lieutenant de Luther King. Il est trop tard. Un conseiller d’Obama était à ses côtés. C’est pas si mal. Le gouvernement fédéral lâche six millions de dollars pour raser le Brewster Project. Alors « 3, 2, 1, let’s go ! » ont décompté le maire et le type de Washington dans le micro. Les mauvaises herbes caressaient doucement les ourlets de leur pantalon. J’ai vu ça à la télé. Puis la mâchoire d’une pelleteuse s’est abattue sur le toit d’un vieux condo de deux étages qui semblait en carton. Quelques journalistes filmaient avec leur téléphone. Le maire a dit,
– C’en est fini du Brewster Project, paradis des criminels.
Il n’a pas mentionné le corps retrouvé l’autre jour. Les journalistes ne l’ont pas évoqué. Ça ne nous surprend plus. Nos habitudes nous rongent. Moi le premier. J’ai envoyé en taule trop de copains d’enfance.
Comme Tim, ça fait un bail. J’aurais préféré te revoir ailleurs.
Je lui ai parlé du bon vieux temps au Project, on a ri de nos virées, de l’ascenseur qui tombait en panne, on s’est remémoré quelques noms, et je ne sais pas pourquoi il s’est rappelé cette fois où ma mère l’avait embarqué avec nous à la bibliothèque municipale sur Woodward Avenue. Elle nous y conduisait tous les dimanches, moi et mes frangins, à l’heure des enfants. Ça faisait une bonne marche depuis le Project, deux miles pas plus, mais qui semblait contenir des siècles, nous mener vers d’étranges faveurs. Une fois arrivés, c’était comme si un château nous ouvrait ses lourdes portes cuivrées, laissait des gosses noirs et minuscules traîner leurs pieds sur son marbre et grimper ses massifs escaliers de pierre. Tim s’en est souvenu dans mon bureau trente ans plus tard. Au bout d’un quart d’heure à discuter, je lui ai tendu une cigarette.
Tu veux me dire la vérité ? je lui ai demandé.
Oui. Parce que ta mère m’a traité comme un être humain.
Et je l’ai revu dans la bibliothèque qui se baladait la nuque en arrière, ce n’était pas les livres qu’il regardait, c’était les plafonds sculptés, les fresques et les fenêtres si hautes, les colonnes que nos deux bras ne pouvaient pas enlacer, et qui soutenaient l’autre versant du monde.
Aux infos ce matin encore, c’était comme un chœur d’église. Ou comme le lancement de je ne sais quelle guerre dont notre grand pays a le secret. Bankruptcy ! Ils n’ont plus que ce mot-là à la bouche. Detroit vient d’être déclarée en faillite, ça fait les titres dans tout le pays, même à l’étranger. La belle affaire ! Oh, mon Dieu, ça y est ! Le frisson de la crise, de la rouille, du crime, de l’effondrement. Mais quoi ? Tout ça c’est bon pour ceux qui vivent loin d’ici. Nous autres, toutes races confondues, je veux dire hommes et animaux, ça fait longtemps qu’on l’a compris. C’est sauvage, Detroit. L’aigle à tête blanche est en ville. On a aussi repéré un félin bien trop grand pour être un chat dans les quartiers est, la semaine dernière. Bankruptcy, ça alors ! Quelle surprise ! C’est un mot d’ordre ou une prière ? Cette ville, depuis qu’elle respire mal, c’est comme un corps malade mis en quarantaine, un héros national qui a mal tourné et s’en va sans avoir remboursé ses dettes. Ils veulent récupérer leur fric. C’est ça leur mise en faillite. Récupérer la ville surtout. Ils ont nommé un manager. Quant au maire et au gouvernement, c’est-à-dire ceux qu’on a élus, ils n’ont qu’à se charger des ruines et du nettoyage.
Le maire a dit, Nous n’oublierons jamais ce que le Brewster Project a représenté pour tant de gens ici. Moi, ça me laisse de marbre. Et je suis bien content que ma mère ne soit plus de ce monde.
Elle aurait pleuré.
Mais elle serait heureuse de me voir chez John King, parmi les bouquins. C’est bien ici, c’est même mieux que la bibliothèque municipale sur Woodward, il n’y a rien qui t’écrase, rien de savant, c’est nous, notre poussière, nos parquets usés, nos vieilles bibles, nos grands et nos mauvais écrivains, nos musiciens, nos vedettes, nos stars, nos animaux, nos recettes de cuisine. 15 dollars, l’encyclopédie des oiseaux d’Amérique du Nord. Je la prends, elle est belle, avec son tissu délavé et ses gravures à chaque page. Je redescends. Les livres débordent jusque dans l’escalier. Y a aussi quelques croûtes, des peintres du dimanche qui ont tenté un portrait de Hendrix ou de Kennedy. C’est notre grenier, John King. Aucun système informatique n’a répertorié ce qui est ici. Faut chercher, suivre les étiquettes, les genres, les tranches alphabétiques, tout est écrit à la main. Nos vies, nos rêves, nos cauchemars sont dans ces milliers de livres. 

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  • J’ai toujours pensé qu’il y a un gamin de neuf ans en chacun de nous, le meilleur comme le pire d’entre nous. Et c’est à celui-là que je m’adresse quand je cuisine quelqu’un, c’est lui que je cherche, que je veux atteindre. Y a pas besoin de violence pour faire avouer un suspect, pas besoin de briser les gens, ils le sont déjà, ils n’ont rien à perdre, faut s’approcher, les pousser à se confier, à se soulager, chercher le gosse sous le cuir, des restes d’innocence, cet âge où tu commences à mentir à ta mère sans être mauvais encore. C’est à ce môme que je donne à manger ou que j’offre une douche. À ce môme qui aurait pu être mon copain dans le Project. Que j’ai été aussi.
    Mais je n’ai jamais trouvé l’enfant de neuf ans chez celui de quatorze.
    Il aurait pourtant dû être là, pas loin, à quelques années, à portée de main, de mots. Les couches de la vie ne sont pas si épaisses, aussi dure soit-elle. Il devait être là, dans ce flot de larmes qui coulaient devant moi, j’ai creusé, cherché sa trace, les réflexes de l’enfance, le besoin de l’adulte, cette volonté qu’on a tous en nous qu’on nous fasse du bien, j’ai espéré Tim le tueur à gages en lui, mais je n’ai entrevu personne, rien ni personne que je puisse reconnaître. Il n’y avait rien de tendre à l’intérieur, aucune attente, aucune demande, aucune incompréhension, juste des glandes lacrymales programmées pour s’enclencher en cas de stress, des cordes vocales pour ânonner maman, sans que je sois sûr qu’il mesure l’affection que transportent naturellement ces deux syllabes. Je n’ai vu que le vide, le vide qui a mangé la ville et pousse en nous maintenant, chez certains de nos gosses en tout cas, qui leur bouffe le cœur, leur brûle le cerveau. J’avais devant moi un assassin de quatorze ans. Ce n’est pas lui qui a tiré. Mais j’avais l’impression qu’il pouvait devenir le pire de tous. Il savait parfaitement ce qu’il avait fait.
    – Ça en valait la peine ? je lui ai demandé.
    – Non, ça valait pas la peine.

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J’aurais pu leur dire,
À ton âge, mon père était en taule.
Ça nous faisait deux points communs. Mais je ne l’ai pas fait. Il y avait un abîme entre nous. Il y aurait eu un abîme entre eux et Tim. Un trou où l’humanité s’est dissoute, où l’on ne tue pas sur ordre, pour sauver ou gagner sa vie, mais pour rien, par désœuvrement. La vie n’a plus de valeur. Ni la leur ni celle des autres. J’abandonne à quiconque l’exploit de trouver de la lumière dans ce puits sans fond. Je n’avais rien à leur dire. Ils défaisaient mon idée des hommes, qu’il n’est personne de complètement, de radicalement mauvais.
Ni mon père…
Ni Tim…

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samedi 30 avril 2022

Michael Farris Smith – Blackwood – Éditions Sonatine 2021 ou poche 10/18/

 

Voici le dernier roman de traduit en français de Michael Farris Smith dont j'avais adoré « Une pluie sans fin » → https://nathbiblio.blogspot.com/2022/04/michael-farris-smith-une-pluie-sans-fin.html.

Farris a le goût pour les univers sombres et mystérieux.

Redbluff, Missippi, un village qui se meurt lentement. Le héros Colburn qui y a vécu une enfance traumatique revient s'y installer, en tant que sculpteur. Le village n'a pas oublié le drame de son enfance et il est regardé avec méfiance. Mais d'autres étrangers échouent aussi Redbluff, un vagabond malsain, son fils mendiant qui erre dans la ville et sa femme qui va disparaître mystérieusement. Puis d'autres habitants du village disparaissent à leur tour  dans cet univers envahi par les herbes sauvages, vignes folles et kudzu, cette plante invasive qui cache aussi des secrets.

Farris Smith a un don pour les univers troubles et parfois irréels. Dans ce village, rien ne fonctionne vraiment. Maisons abandonnées et délabrées, commerces fermés, les enfants jouent dans les rues et les adultes qui vivaient autrefois de l'agriculture restent figés dans un autre temps. La bière coule à flots au bar de Célia, qui vit elle aussi dans la maison familiale, et qui se comporte comme la jeune fille du livre « Une pluie sans fin », protectrice et garde-fou du héros obsédé par son enfance, qui cherche sa maison natale, enfouie sous les herbes et surtout qui cherche une raison à sa vie et en finir avec ce passé qui le hante.

L'écriture de l'auteur du Mississippi est toujours à la fois poétique et laisse une place importante à la nature. Cette nature indomptable que l'homme n'a plus la force de combattre est le thème récurrent des écrits de Farris Smith. C'est aussi une quête de soi, de sa propre vérité, et des mystères ici inquiétants de la vie. Mais comme le dit lui-même l'auteur « ce qui est brisé ne se répare jamais vraiment ».

J'ai toute fois préféré « Une pluie sans fin », mieux construit, plus cauchemardesque mais si original. Mais ce livre reste un excellent livre pour entrer dans l'univers complexe de cet auteur prometteur qui en est à son 4ème roman traduit en français.

Extraits :

  • La brutalité de l’indifférence et les années d’enfance qu’il avait gâchées à tenter de plaire à un homme à qui il n’était pas possible de plaire et les années de jeunesse qu’il avait gâchées à tenter de comprendre ce qu’il avait fait pour qu’il se passe la corde au cou. La main de sa mère tendue vers lui quand elle lui avait parlé de son frère. Comme si un geste aussi simple pouvait effacer une vie de questions et de culpabilité, et comment il avait laissé cette main posée là sur la table. Ouverte et vide.


  • Je devrais avoir mieux à faire mais je ne sais pas quoi, songea-t-il. Comment est-on censé savoir ? À un moment vous dégagez un cerf de la route et à l'instant suivant toute la ville vous demande des réponses que vous n'avez pas. Il secoua la tête. Regarda son ombre sur le sol. Conscient que toute sa vie durant il avait marché vers ce moment de grande attente et regrettant de ne pas avoir été plus attentif. De ne pas avoir affûté les choses en lui qui avaient besoin d'être affûtées. Ces événements se produisent et tu n'es pas prêt. Tu es en train de devenir un vieil homme qui n'a rien à donner. Un vieux boiteux. (P.234)

  • Il ne voulait plus être comme ses parents. Garder tout en soi après des années à se fatiguer les yeux et à faire des sourires forcés, ravalant leur chagrin dans un silence empoisonné qui ne pouvait que se répandre et tout gâcher.


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vendredi 29 avril 2022

Haikus traditionels

 

Basho

Mon père et ma mère 

sans cesse je pense à eux

le cri du faisan.


Cet automne-ci

pourquoi donc dois-je vieillir ?

oiseau dans les nuages


D’après moi

l’au-delà ressemble à ça -

soir d’automne


Le son de la rame

frappant les vagues glace mes entrailles

cette nuit - des larmes


Rêves éphémères

les pieuvres dans les amphores

lune de l’été


Sur une branche morte

Un corbeau s'est posé

Soir d'automne

**********************************

Buson Yosa (1716 - 1783)

Un cerf-volant flotte

Au même endroit

Où il flottait hier.


Pas une feuille ne bouge

comme il est effrayant

le bois d’été !


Douleur. Dans la chambre à coucher

j'ai marché sur le peigne de ma femme

morte.


Ah ! quelle douleur

le peigne de ma femme morte

sur le sol de ma chambre


Pluie d'hiver

une souris passe

sur le koto.


Sur la cloche du temple

un papillon dort

profondément.


La pauvreté

m’a saisi à l’improviste

ce matin d’automne


Une solitude

plus grande que l’an dernier

fin d’un jour d’automne

**********************************

Issa (1763 - 1827)

On lui demande son âge

Elle montre une main

Elle est vêtue d'été


Porte de bois

en guise de cadenas

cet escargot.

 

Libellule rouge,

Tremblante, sur la carcasse

D'un bateau échoué !

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Seegan Mabesoone

Dans l'odeur des fleurs

D'orangers, se dresse une île !

Pays de ma mère.


Le père et son fils

Dorment sous la même tombe,

Au coeur du printemps.

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Toshi Harada

Cerisier sauvage

Au bout d'une branche

Un village

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Oono Rinka (1904-1984)

Dans le ciel estival

Du vieux palais impérial,

Un minuscule nuage !

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Teiko Takagi

Il rit, le bébé !

Dans sa main immaculée,

Un piment écarlate.

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Kanta Ômori

Derrière le papier

De la lanterne, ils grésillent,

Les grillons bleutés !

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Issa Kobayashi

Frelon d'hiver

cherche un endroit

pour décéder

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Murakami Kijô

Plein midi d'été. La mort

les yeux mi-clos

regarde un homme

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Seisensui

Copulations de coccinelles

mottes de terre

stupidité.

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Kusatao

Sieste

la main cesse

de mouvoir l'éventail



Arnaldur Indridason – Les fantômes de Reykjavík – Poche points – 2021

 


Konrad, policier à la retraite, est chargé par deux retraités de savoir ce qui est arrivé à Danni, leur petite fille, droguée notoire. Retrouvée morte (overdose ou assassinat), l'enquête est confiée à sa collègue Marta toujours en poste.

Par ailleurs, à la demande d’une amie, il va se pencher sur un cols case datant des années 1960, la mort suspecte d'une petite fille de 12 ans.

On ne présente plus Indridason, le roi du polar islandais. Qui a déjà publié 13 polars traduits en français, et d'autres ouvrages. Né en 1961, il suit des études d'histoire , puis travaille pour un grand quotidien islandais et écrit des scénarios de films. Depuis 2005, il publie régulièrement des polars, qui mettent en avant des enquêteurs tourmentés mais aussi des cols case qui lui permettent de faire le point sur la société islandaise, loin de la carte postale et du bon vivre qu'on imagine.

Il y a toujours un coté social chez Indridason : dans ce roman comme dans d'autres, les plus démunis vivent dans des caves ou des sous-sols de la capitale islandaise, voire dans des ghettos vétustes. La ville évolue avec ses gratte-ciels, ses lieux touristiques, mais les démunis ont du mal à s'adapter à la société numérique, à trouver un emploi, la pêche industrielle est plus rentable. Les hommes s'enivrent, les jeunes se droguent. Le sort des femmes pauvres n'est guère reluisant, gérer un maigre budget, subir les violences des maris ivres. Mais chez les plus riches, on peut tout se permettre pour sauver sa réputation, son petit confort bourgeois et vivre comme si rien n'avait jamais changé. Petite nouveauté dans l'univers plutôt noir de l'auteur, le personnage d'Eyglo, médium dont les intuitions sont justes et qui apporte un peu de magie dans le monde si sombre.

Tous les romans d'Indridason ne se valent pas (j'en ai lu plusieurs), celui-ci est un bon cru. Konrad est un inspecteur qui succède au célèbre policier Erlendur, et son personnage est donc plus approfondi.

Mais il reste attaché à ces thèmes de prédilection : l'évocation de la société islandaise, son histoire et les violences faites aux femmes.


Extraits :

  • Un matelas crasseux était accolé au mur, le sol jonché de restes de
    nourriture et de saletés. Au milieu de ces détritus, une jeune fille d’une
    vingtaine d’années en jeans et T-shirt avait une seringue fichée dans le
    creux du bras.
    Konrad s’agenouilla auprès d’elle et chercha son pouls. Elle
    était morte, sans doute depuis un certain temps. Allongée sur le côté, les
    yeux fermés, elle avait l’air apaisé. On aurait dit qu’elle dormait.
    Il laissa échapper quelques jurons en se relevant et sortit la photo de sa
    poche pour s’assurer qu’il s’agissait bien de la gamine pour laquelle le
    couple se faisait du souci.

  • Malfridur n'avait aucun doute sur l'existence d'un au-delà et parlait régulièrement du monde de l'éther, cette dimension parallèle où les âmes se retrouvaient après avoir quitté les corps. Une foule de gens en quête de réponses sur la vie après la mort s'étaient adressés à son époux.
    Malfridur avait été témoin d'un grand nombre d'événements que seuls reconnaissaient ceux qui croyaient aux phénomènes surnaturels.

  • La lune flottait en surplomb, comme un conte de fées issu d'un monde lointain. C'est en baissant les yeux qu'il vit la poupée dans l'eau.
    Cette vision éminemment poétique toucha la sensibilité du jeune écrivain. Il sortit de sa poche son petit calepin et le stylo-plume qu'il avait toujours sur lui et griffonna quelques mots sur la perte de l'innocence, la fragilité de l'enfance et l'eau, à la fois source de vie et force destructrice.


En savoir plus :

jeudi 28 avril 2022

Tony puis Anne HILLERMANN – les enquêteurs Navajos.

 

Tony Hillerman (1925 – 2008)

Journaliste de formation, Tony Hillerman a vécu toute sa vie à Albuquerque (Nouveau Mexique USA). Il est très connu pour ses polars ethniques se passant sur la Grande réserve Navajo et grâce aux enquêteurs Joe Leaphorn, Jim Chee et plus tard la femme de Jim Chee, l'adjudante Bernie Manolito.

Chaque enquête détaille un point de la culture navajo ou de son histoire. Les enquêteurs n'utilisent pas L’ADN, ou les techniques policières classiques mais sont des fins observateurs de la faune, la flore, et connaissent par cœur un territoire immense qui regroupe « les four corners) : Arizona, Utah, Nouveau Mexique et Colorado, les territoires de la Grande Réserve qui comptent le peuple navajo (semi-nomade) mais aussi les tribus Hopis et Zunis.

Chaque livre peut se lire indépendamment des autres, mais il vaut mieux les suivre dans l'ordre si on les trouve encore (cette manie du pilori quand les œuvres ont fait leur temps). A chaque roman on trouve une carte où se situe l'action et en fin de livre un dictionnaire qui vous apprendre ce qu'est une mesa, un wash ou des mots navajos.

On suit ainsi l'évolution de la police tribale navajo (qui malgré ses pouvoirs limités ne peut s'empêcher de résoudre les enquêtes qui sont assez dynamiques) et surtout mette en avant les lieux incroyables où vivent ses peuples primitifs.

Tous les romans ont été publiés chez rivage noir (et aussi en poche).

Dans l'ordre de parution (mais qui correspond bien aux enquêtes des policiers).

  • La Voie de l'ennemi (1970)

  • Là où dansent les morts(1986)

  • Femme qui écoute (1988)

  • Le Peuple des ténèbres (2004)

  • Le Vent sombre (1986)

  • La Voie du fantôme (1984)

  • Porteurs-de-peau (1986)

  • Le Voleur de temps (1988)

  • Dieu-qui-parle (1989)

  • Coyote attend (1990)

  • Les Clowns sacrés (1993)

  • Un homme est tombé (1999)

  • Le Premier Aigle (1999)

  • Blaireau se cache (2002)

  • Le Vent qui gémit (2004)

  • Le Cochon sinistre (2006)

  • L'Homme squelette (2008)

  • Le Chagrin entre les fils (2008).

Tony Hillerman a aussi écrit d'autres romans et des nouvelles.

En savoir plus :

https://vimeo.com/59396896?embedded=true&source=vimeo_logo&owner=4666040

https://www.dailymotion.com/video/xfakk2

Anne HILLERMAN
Fille de Tony, elle est est aussi journaliste et spécialiste du peuple navajo. Elle a décidé de reprendre les personnages crées par son père pour continuer à la faire vivre.

Elle a publié 3 romans navajo

  • la fille de femme araignée en 2014 (Rivage noir et Poche Pocket)

  • Le rocher avec des ailes en 2017 (Rivages noir)

  • la longue marche des navajos en 2021 (Rivage noirs).

La longue marche des navajos

Nous retrouvons le lieutenant Leaphorn à la retraite et se remettant difficilement de son accident dans le 1er roman « la fille de la femme araignée). Il enquête sur la disparition mystérieuse d'une tunique navajo de grande valeur. Bernie enquête elle sur la mort étrange d'un homme non identifié et son mari sur une série de cambriolages. Ici l'auteure met l'accent sur la perte de la pratique de la langue navajo. Les jeunes parlent anglais, vont travailler en ville, ils ont fait des études supérieures et les vieilles traditions ne les intéressent plus vraiment. Reste sur la Grand Réserve, les plus pauvres, les anciens, ceux qui n'ont pas la chance de vivre dignement, mais qui restent encore fidèles aux traditions et à la religion animique navajo.

Un roman qui se lit tout seul et avec plaisir.

Depuis le début de ses romans navajos, Anne Hillerman met l'accent sur l'adjudante Bernie, la femme de Jim Chee, une jeune femme au caractère bien trempé mais qui en pure navajo s'occupe de sa mère et de sa sœur dysfonctionnelle. Un beau portai de femme qui tranche dans l'univers très masculin de son père.

En savoir plus :

https://www.youtube.com/watch?v=offajxci7BI

https://www.youtube.com/watch?v=Vn7tgaHBh9k



dimanche 24 avril 2022

Wendy Delorme – Viendra le temps de feu – Éditions Cambourakis - 2021

 

Eve, Louise, Rosa, Grâce, l'enfant et Raphaël vivent dans une société totalitaire régit par le Grand Pacte, aux frontière closes, en totale désinformation des habitants. Seuls les livres et films de divertissement sont autorisés, les autres détruits ; La police contrôle tout et surtout ceux qui oseraient franchir la ville, on vit avec des bons et tickets (des bonus si on a comportement exemplaires), et être mère est considéré somme un bienfait pour cette nation.

Dans ce récit polyphonique, se mêlent les voix de ses femmes résistantes, qui savent qu'un autre monde existe, qu'un passé plus libre a existé. Elles sont des guerrières, elles luttent pour leur survie, pour retrouver un monde libre. Chacune son histoire mais elle se retrouvent das une petite communauté secrète où l'on peut parler librement et vivre librement aussi.

L'écriture de Wendy Delorme est à la fois poétique, émotive et cette histoire d'un futur inquiétant nous renvoie à nos heures sombres ou l'actualité de ces derniers mois.

Ce roman, c’est aussi un véritable cri d’amour pour les mots, pour les livres, pour les histoires. Multiples portraits, récits de notre temps, récits d’un futur possible, ce roman est le témoignage du mal d’une époque et une alerte pour tous les lecteurs que nous sommes.

Wendy Delorme rappelle avec justesse l’importance de la littérature et de la transmission pour maintenir en vie celles et ceux qui ont vécu et fait vibrer nos âmes, pour ne pas trahir l’histoire et pouvoir penser l’avenir. C’est apporté avec beaucoup de justesse par une plume élégante, teintée d’une émotion communicative qui peut bousculer en dedans tant pour la justesse des mots choisis que pour leur force évocatrice. Je suis peut-être à fleur de peau en ce moment mais chaque mot faisait éclore en moi des sentiments forts..  

Parce que les messages sont superbes et à encourager, parce que les sentiments qui se dégagent de cette plume poétique et puissante sont aussi tranchants qu’une lame et aussi doux qu’une caresse désirée, je me suis faite pleinement réceptacle des histoires de ces femmes et de ces hommes qui ne désirent qu’une seule chose : vivre libres. C’est un ouvrage poignant, qui nous rappelle la fragilité des utopies mais aussi la force d’un peuple qui s’unit et se soulève. Et j’espère vous donner envie de les découvrir à votre tour.


Extraits :

- « D’ordinaire on se glisse, comme des passe-murailles, saluant brièvement, soldant en quelques mots un échange de vêtement, d’objet ou nourriture avant de nous hâter vers nos entresols. Mais hier nous levions le visage pour nous voir, nous saluer mutuellement. Des visages hâves de gens qui ne mangent pas assez, des visages las, creusés, dans la lueur des flammes, et dans tous ces visages des yeux bien allumés de revanche et d’espoir. »

  • Le terme de librairie, je ne l'ai pas appris de toi ni de l'école, c'est un mot de langue morte, tu le sais comme moi.

  • Souvent, c'est moins le sens des mots qui rend pleinement ce qu'ils tentent de décrire, que le rythme qu'ils prennent à l'oreille qui entend, sans même qu'on les prononcent. Car les mots qu'on écrit présentent ceci d'étrange qu'ils s'égrènent en musique résonnant seulement pour l'être qui les lit. Et c'est cette musique silencieuse et secrète qui dessine le mieux la forme de ce qu'ils disent.

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Repères bibliographiques 

Wendy Delorme, née en 1971, est une docteure en sciences de l’information et de la communication, enseignante à Paris IV, perfomeuse, et féministe française. Auteure de romans, de nouvelles et de traductions depuis l'anglais, elle se produit sur scène depuis les années 2000 en Europe et aux États-Unis.