L'histoire
Lorenzo a tout pour être heureux : , homme marié à une femme intelligente, père de deux charmants enfants, et directeur respecté d'une entreprise de chocolat haut de gamme. Mais voilà, un soir, alors qu'il est en réunion pour un week-end, il croise son amour fou de jeunesse, la mystérieuse Laura. Il ne peut résister à cet amour de jadis pour le meilleur mais surtout pour le pire.
Mon avis
Avant-dernier roman de Gilda Piersanti, voilà encore un petit bijou qui nous montre à quel point cette autrice de polars est talentueuse. Avant le style loufoque de « Les Somnambules », elle nous livre ici un exercice de style dans le thriller psychologique et noir, toujours à Rome, mais cette fois centré sur le personnage central de Lorenzo.C'est la déchéance programmée d'un homme qui va tout perdre pour l'illusion de l'amour.Piersanti a une culture hors du commun (en raison des différentes activités qui ont émaillé sa vie). Elle ne choisit pas au hasard le nom des deux protagonistes. Lorenzo fait penser au Lorenzaccio de Musset : un personnage ironique, triste et énigmatique. Dans le roman, le personnage s'enfonce dans le mensonge, et recherche finalement à redevenir l'enfant qu'il a été, incomplet par le départ de sa mère. Un enfant choyé qui se découvre une passion pour les voitures de luxe et pour un circuit de train assez grand qu'il remet en état dans la profonde solitude où il s'est ancré.
Laura, la femme, nous fait penser à la Laura de film noir magnifique d'Otto Preminger (un inspecteur de police tombe amoureux d'une jeune femme assassinée). Le choix est voulu par un indice que Piersanti glisse dans un titre de chapitre « Retour à Laura's End » (allusion au très jolie film de James Ivory (Retour à Howard Ends, qui est aussi une histoire d'amour compliquée).
Tout est centré sur Lorenzo, complètement aveuglé par cette femme qui le subjugue, qui lui promet la vie rêvée. Souvenir du premier amour qui reste dit-on toujours, nostalgie du temps qui passe, perversité des relations toxiques, le tout dépeint sans tomber dans le cliché ou le pathos, parce qu'il y a la rédemption aussi fragile soit-elle. A la limite ce roman sombre n'est pas un polar comme nous y a accoutumé Piersanti, mais une réflexion sur l'amour, sur la façon que nous avons de nous mentir à nous-même, persuadés que nous sommes dans notre bon droit.
A coté le duo formé par Maria-Elena (qui elle aussi aura un choix à faire) et Frederico qui se veut l'ami parfait ne sont que des ombres dont le héros ne peut pas accepter l'aide.
Un chef d’œuvre de plus.
Extraits :
Le retour à la maison fut un moment de retrouvailles parfaites. J'étais si heureux de les revoir tous les trois, ma petite famille. J'avais même réussi à acheter un Lego pour Gio, qui en eut ainsi deux, ma femme en ayant déjà acheté un de son côté. […] Ma fille boudait, car elle n'avait pas reçu deux cadeaux comme son frère, sans compter que Maria Elena avait choisi pour elle un objet utile, ce qui minait le principe même du cadeau. Déjà qu'elle était convaincue que sa mère lui préférait Gio...
Nos enfants n'avaient pas la chance d'avoir des grands-parents refuge comme j'en avais eu moi-même. Maria Elena ne semblait pas regretter cette absence, elle disait que la famille n'est pas toujours le foyer de chaleur que l'on chante et que la flamme y brûle souvent comme en enfer.
Elle m’avait enflammé, brûlé, puis réduit en cendres. J’ai eu néanmoins le temps, entre les flammes et les cendres, de connaître le bonheur.
Ce qui teignait de mélancolie tout attachement amoureux fut mon meilleur atout avec les filles ; j'en ai assez profité, tout de même. J'ai triché, mais dans les règles, comme au poker ; je ne volais pas et ne laissais pas le jeu envahir ma vie. Après mon mariage, je me suis rarement écarté de ma femme. J'ai commis quelques adultères sans conséquence, je savais choisir mes cartes. Pas une seule fois ces brèves excursions de quelques nuits, le plus souvent une seule, toujours lors de mes déplacements professionnels, n'ont mis en danger mon couple. […] C'était ce que je croyais avant de revoir Laura.
Je l’aimais. Je l’aimais plus que je ne l’avais aimée. Pourtant, pas une seule fois je ne pensai à quitter Maria Elena. Laura n’était pas l’amour chez soi, celui qu’on veut à ses côtés chaque jour de sa vie.
Mentir est une drogue, et se mentir est un poison qui tue. On s’enfonce tout doucement, puis on découvre un jour que le mensonge a pris les rênes et qu’il a tout décidé à votre place.
J’étais noyé dans l’égocentrisme aveugle de la passion amoureuse. Je vivais à l’aise dans deux mondes parallèles que je traversais sans entraves ; j’avais le don de l’ubiquité et m’étais persuadé que je ne mentais à personne puisque j’avais deux vérités qui se tournaient le dos et que j’étais le seul à pouvoir relier. J’étais au-dessus des lois et du jugement d’autrui.
Laura ne pouvait exister que dans ce surplus de vie que nous nous étions inventé. J’aimais ma femme, j’aimais mes enfants, j’aimais ma vie à Rome, j’aimais mon travail. Mais ce qui désormais reliait tous les hommes que j’étais, c’était mon amour pour Laura. J’allais enfin la revoir où elle avait décidé que nous devions nous revoir. Pourquoi Rotterdam ? Je ne le savais pas et je ne cherchais pas à le savoir. J’aurais pu tout aussi bien la rejoindre au pôle Nord, je voulais simplement être avec elle, le lieu m’était indifférent puisqu’elle habitait toute la Terre.
Biographie
Née en 1957 à Rome, Gilda Piersanti habite à Paris depuis vingt ans.Elle reste un an à l’Ecole d'Architecture de Rome et obtient un doctorat en Philosophie (thèse sur l'esthétique de Baudelaire). Elle exerce l'activité de critique littéraire, traduit des œuvres de la littérature française et est commissaire pour deux expositions concernant Constantin Guys et Charles Meryon.Elle se consacre exclusivement à l'écriture depuis 1995. Elle est aussi l’auteur d’un roman intitulé "Médées", dans lequel elle réinterroge à la faveur d’une intrigue très contemporaine le mythe de Médée, la mère infanticide.https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilda_Piersanti
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