mardi 4 octobre 2022

CAROLINE LAURENT – Ce que nous désirons le plus – Éditions Les escales - 2022

 

L'histoire

L'éditrice Caroline Laurent raconte son ressenti après la révélation provoquée par le livre de Camille Kouchner « La familia grande » publié en janvier 2021.

Pour rappel : Camille et Antoine (Victor dans le livre de sa sœur), jumeaux, sont nés du mariage entre Évelyne Pisier, sœur de l'actrice Maire-France Pisier, avec Bernard Kouchner. Leur mère divorce en 1984 pour se mettre en couple avec le politologue Olivier Duhamel. Celui-ci abusera de son beau-fils à partir de 1988, Antoine a 13 alors 13 ans. Alors qu'elle se revendique féministe, intellectuelle engagée à gauche, elle décide de couvrir son mari alors que son fils lui avoue les viols qu'il subit. Elle prévient toute fois sa sœur Marie-France Pisier actrice, dont le décès en 2011 pose quelques questions (accident, noyade suicide ou crime?). Olivier Duhamel qui finalement a reconnu les faits a dans un premier temps dédouané sa compagne Évelyne, alors très ébranlée par le suicide de ses deux parents (sa mère militait alors au planning familial) est en pleine dépression et boit énormément d'alcool. Elle meurt d'un cancer en 2017. En raison du délai de prescription, l'affaire Duhamel n'aura pas de suite juridique.


Mon avis

Caroline Laurent a co-écrit un livre avec Évelyne Pisier en 2017, une auto-biographie de l'actrice Marie-France Pisier. Elle considérait Évelyne Pisier comme une amie. Elle se sent alors doublement trahie. D'une part par le décès soudain de sa co-autrice mais surtout par le scandale que provoque le livre de Camille Kouchner qu'elle ne connaît pas.

Comme elle est à la périphérie de l'entourage du couple Pisier/Duhamel, elle se fait harceler par les journalistes. La France est encore en pleine période Covid, et tout d'un coup toutes ces certitudes s'effondrent. La perte d'une amitié (une valeur forte pour elle) par la trahison, car elle n'a jamais été au courant de ce qui se passait dans la famille d’Évelyne Pisier, l'amène à remettre tout en question. L'intelligentsia française savait sans savoir ce qui se passait réellement avec Duhamel, ces gens issus de mai 1968 qui prônent la tolérance, ces femmes engagées féministes qui ferment les yeux . Toute cette gauche dit « bobo «  ou « Rive gauche » dont elle n'a jamais fait partie, celle qui protège les siens au lieu de protéger un adolescent en détresse la dégoûte. Elle remet en cause le système politique de l'époque mais aussi le sacro-saint patriarcat qui régit le monde depuis toujours. Elle en va même à se détacher de son mari, un homme gentil, traducteur qui n'a absolument aucun lien avec l'affaire de la « Familia Grande », dans un refus de l'homo-érectus. Même l'écriture, qui est sa raison de vivre lui semble un subterfuge.

Elle se livre à nous, sans chichis, en relatant presque au jour le jour sa terrible souffrance. Non, elle ne savait pas, malgré l'amitié qui la liait à sa co-autrice Évelyne Pisier. Non, elle ne se doutait en rien de ce qui se tramait.

Je ne suis pas friande de ce genre de lecture, mais là j'avoue que j'ai été scotchée pour lire le livre d'une traite. La puissance des mots, le pouvoir libérateur de l'écriture ou de la lecture, cette façon brute de nous livrer son chagrin, physique d'abord, puis moral en suite, la colère, la puissance de la douleur, quand les larmes ne sortent pas, cela tient de l'Universel. Je n'ai pas versé une larme au décès de mes parents. Mais après les enterrements et le soutien amical je me suis effondrée un soir, dans une crise de larmes qui a duré un bon moment. Et le besoin de s'isoler pour se reconstruire, loin de la crise médiatique, de la crise tout court. Voyager, retrouver ses racines mauriciennes, Se retrouver, plus forte qu'avant.

Le tout est servi par une écriture magnifique, forte de références aux autrices qu'elle admire (Annie Ernaux, Marguerite Duras, Emily Dickinson, Anaïs Nin) ou des chansons qu'elle écoute en boucle (Barbara, Mouloudji). Et puis cette façon d'interroger les mots, de leurs racines latines ou grecques pour les polir, les mieux définir. C'est aussi passionnant quand on aime les mots, les jeux de mots, la poésie, bref tout ce que les mots, et surtout pour moi ceux qu'on lit. Et nous entraîner sur le chemin d'autres découvertes d'auteurs, de cinéastes, d'artistes c'est en cela aussi que réside la force de Caroline Laurent.


Extraits :

  • Je me souviens du message de mon éditeur au réveil le lundi. Quelque chose n’allait pas. Un « problème », des « nuages sombres » concernant « notre ami commun » (se méfier des mots banals, usés jusqu’à la corde, que l’inquiétude recharge brusquement en électricité).
    Je me souviens que la veille, dans une boutique de Saint-Émilion, ma mère m’offrait un bracelet pour prolonger Noël et fêter un prix littéraire qui venait de m’être décerné. Il s’agissait d’un cuir sang combiné à une chaînette de pierres rouges, de l’agate, symbole d’équilibre et d’harmonie.
    Je me souviens du soleil blanc sur la campagne, des reflets bleus lancés par le cèdre. Sur la branche nue du lilas des Indes, une mésange semblait peinte à l’aquarelle.
    Je me souviens du thé en vrac au petit déjeuner, « Soleil vert d’Asie », mélange du Yunnan aux notes d’agrumes, qui avait le goût étrange du savon.
    Je me souviens de l’attente, ce moment suspendu entre deux états de conscience, l’avant, l’après, l’antichambre de la douleur, moratoire du cœur et de l’esprit.
    Je me souviens d’avoir pensé : Je sais que je vais apprendre quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Et juste après : Tout peut être détruit, tout peut être sauvé.
    Je me souviens du regard inquiet de ma mère.
    Je me souviens de la citation de Diderot dans la chambre jaune, ma grotte d’adolescente aux murs tatoués d’aphorismes : « Dire que l’homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d’aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n’est pas lui faire son procès, c’est le définir. »
    Je me souviens d’un coup de téléphone, de mon ventre qui cogne et d’une voix qui me répète : « Protège-toi. »
    Je me souviens des rideaux aux fenêtres de ma chambre, la dentelle ajourée, les motifs d’un autre âge, on appelle ça des « rideaux bonne femme », pourquoi cette expression ? J’aurais dû voir le monde, je ne voyais plus que la fenêtre.
    Quelques jours plus tôt, je me souviens que je regardais La vie est belle de Frank Capra, touchée par la dédicace finale de l’ange gardien à George, le héros : « Cher George, rappelle-toi qu’un homme qui a des amis n’est pas un raté. »
    Je me souviens du téléphone qui vibre vers 17 heures.
    L’impensable.
    Je me souviens de l’article de journal, de la photo officielle de mon ami, du mot accolé à la photo. Tout éclate.

  • Comment négocier avec le souvenir ? Comment concilier le regard de l'être aimé, si doux, si sincère, et le visage déformé de celui qu'on n'a pas vu, pas deviné ? Comment penser aujourd'hui à ces personnes que j'aimais, et que veut dire aimer des personnes dont je découvre les plus noirs secrets?

  • Le chagrin est un pays de silence. On le croit à tort bruyant et démonstratif, mais c'est la joie qui s'époumone partout où elle passe. Le chagrin, le vrai, commence après les larmes. Le chagrin commence quand on ne sait plus pleurer.

  • Je commençais à le comprendre, nos stratégies de contournement. si élaborées soient-elles, nourrissent toujours nos futures défaites. dans le fond, c’est peut-être ce que nous recherchons : que quelque chose en nous se défasse. l’écriture est une voie tortueuse pour accéder à ce délitement, conscient ou pas. C’est comme si elle nous précédait, comme si elle savait de nous des choses que nous-mêmes ignorons. Qu’on la dise romanesque, autobiographique, intime ou engagée, la littérature nous attend déjà du mauvais côté. Celui où nous tomberons. Elle nous échappe en nous faisant advenir à nous-mêmes, nous pousse à écrire ce que jamais on ne dirait, sans doute pour assouvir notre désir de connaître, de nous connaître (cette pompeuse libido sciendi détaillée par Saint Augustin et Pascal, qui forme avec le désir de la chair et le désir du pouvoir l’une des trois concupiscences humaines).

  • Ce qu'il reste de l'amour plus étincelant que le mal, c'est notre part d'enfance, c'est ce noyau-là, cette grâce. Le petit garçon ou la petite fille qui regarde le monde avec appétit, les yeux écarquillés, sans se douter qu'un jour c'est précisément ce monde qui l'engloutira.

  • Écrire après ça est une forme de continuité. Je suis plus nue dans l’écriture que sur une scène en justaucorps, et que je vous plaise ou non ne me concerne pas, ne m’appartient pas ; cela, la danse me l’a appris.

  • Dans mes poumons s’est logée une pierre noire qui paralyse tout, le corps, l’esprit, l’énergie, le désir. Sidération minérale. Mais tout cela n’est rien, rien à côté de la peur de ne plus pouvoir écrire.


Biographie :  

Caroline Laurent est écrivaine et éditrice franco-mauricienne.
Après un master 1 sur l’animalité dans "Les Chants de Maldoror" du Comte de Lautréamont, puis un master 2 sur le renouvellement de la littérature engagée chez Georges Perec, elle obtient son agrégation de lettres modernes à l'Université Paris-Sorbonne (2008-2011). Depuis 2012, elle prépare une thèse à l’Université Paris-Sorbonne sur l’esthétique du cynisme dans l’œuvre de Céline, Cioran et Philippe Muray.
Elle a commencé sa carrière aux Éditions Jean-Claude Lattès, au sein desquelles elle a cofondé la collection "Plein Feu" (2013), une collection de nouvelles apportant un éclairage sur le monde contemporain, puis a créé en 2016 la collection "Domaine français" aux éditions les Escales.
Elle est également l’auteure de "Et soudain la liberté" (Les Escales, 2017), un premier roman signé avec Evelyne Pisier, qui a reçu le prix Marguerite Duras, le grand prix des lycéennes ELLE, le prix Première Plume et a été traduit dans de nombreux pays.
Directrice littéraire pour les littératures françaises et francophones aux éditions Stock, depuis 2018, elle a lancé en janvier 2019 une nouvelle collection de fiction : "Arpège".

En parallèle, Caroline Laurent a été nommée en octobre 2019 à la commission Vie Littéraire du CNL.
Après le succès de son premier livre, elle signe son nouveau roman "Rivage de la colère" (2020). Il est lauréat du Prix Maison de la Presse 2020 et sélectionné pour le Prix Babelio 2020.

Instagram :https://www.instagram.com/caroline.laurent.livres/?hl=fr*


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lundi 3 octobre 2022

EMILY RUSKOVITCH – Idaho – Éditions Gallmeister Totem N° 134 - 2017

 

L'histoire

Ann, la seconde épouse de Wade, cherche à comprendre le drame terrible qu'à vécu son mari, neuf ans plus tôt. Wade perd la mémoire, et Ann se met à retracer la vie d'avant. Mais que pense-t-elle découvrir ?


Mon avis

Tout premier roman d' Emily Ruskovitch, Idaho s'inscrit totalement dans le « nature writing » qui fait le succès d'Olivier Gallmeister et de sa bande. Les paysages de l'Idaho, du coté des montagnes rocheuses est magnifiquement dépeint, mais c'est l'intrigue qui interroge. Sans être un polar, il y a une quête. Celle d'Ann qui veut comprendre la vie d'avant de Wade, avant que la mémoire ne s'efface totalement. Mais si la tâche semble perdue d'avance, elle traduit une quête difficile non pas d'une vérité, mais c'est surtout une quête de soi et son individualité qui est la clé de ce roman. Ici tout est éclaté, le récit est polyphonique avec des aller-retour dans le passé puisque l'histoire se passe de 1973 à 2025.

L'obsession d'Ann a connaître une vérité dont elle ne fera jamais partie part dans le fantasque. Ici, la nature grandiose et hostile renforce les douleurs, comme le souffle de ce vent qui descend des montagnes. Chaque personnage est étudié mais sans forcer sur une psychologie de comptoir non plus. La délicatesse de l'écriture de cette autrice, pour ce premier roman, est précise, ciselée, Les héros sont complexes, comme la nature, la tragédie vécue n'est pas larmoyante, car le génie de l'autrice est de toujours nous faire pressentir et anticiper. Profondément humain, ce roman est aussi le reflet de nos vies, avec leurs cicatrices anciennes mais aussi l'amour infini qui apaise, renforce et est nécessaire à toute vie.

Un roman inoubliable.


Extraits :

  • Petite, elle se faisait une idée précise de ce que signifiait être adulte : être adulte voulait dire posséder une maison que l'on remplissait d'objets comme celui-ci. Des objets auxquels vous ne teniez pas individuellement, que vous n'aviez pas le souvenir d'avoir choisis ni même achetés, mais qu'au fil des ans la vie s'était chargée de collectionner pour vous et qui, par conséquent, parlaient pour vous. Dans l'esprit enfantin d'Ann, de tels objets étaient nécessaires, ennuyeux, beaux, et surtout assortis. Tout ce qui pouvait vous arriver d'horrible quand vous grandissiez pouvait être atténué par l'assurance que ces objets procuraient. Ils étaient une protection, comme si collectivement ils détenaient un pouvoir magique, formant une sorte de bouclier épars.

  • Quand May se réveille, Wade, assis au bord du lit, la regarde. Il la prend dans ses bras et se rend dans la cuisine, puis s'agenouille avec elle, la tête de la petite appuyée contre son épaule. Devant eux, sur une serviette pliée, la corneille est là, respirant laborieusement sous le soleil de l'après-midi. - Regarde, May.
    Alors elle regarde. Elle pointe son doigt vers la corneille et dit :- Corbeau. - Qu'est-ce que tu as dit ? demande Jenny qui se dépêche de les rejoindre et de s'agenouiller à côté d'eux. - Corbeau. Comment ce mot peut-il faire partie du vocabulaire de May alors qu'aucun d'entre eux ne le lui a appris ? Sans qu'ils ne remarquent rien, elle est devenue plus profonde. Sous ses cheveux à la blondeur presque blanche se trouvent deux nouveaux yeux, et il n'a aucune idée de ce que ces yeux voient. Elle est capable de garder quelque chose pour elle, puis de le révéler subitement. Comment a-t-elle appris à être cette nouvelle May ? Il place une main à l'arrière de sa tête et l'approche, conscient déjà que tout ça va passer trop vite, et qu'elle est déjà en train de devenir une personne indépendante, composée d'un savoir secret.

  • Elle a appris à gérer les moments où la mémoire de Wade défaillait. Parfois, ele sentait que cela se produisait sans même qu'il ait prononcé le moindre mot. Un jour d'automne ensoleillé, allongée à côté de lui dans l'herbe, tandis qu'il somnolait, elle a senti l'ancienne vie de Wade, ses souvenirs, s'évaporer à travers sa peau. Elle a senti que tout le quittait, tout sauf elle.
    Alors elle s'est à son tour vidée de sa propre vie pour être sur un pied d'égalité avec lui. Ils sont restés étendus l'un contre l'autre, tel un fragment de temps. Un nuage est passé devant le soleil et, à l'intérieur de Wade, il y a eu un basculement qu'elle a perçu. A ce moment-là, elle a laissé un basculement se produire à l'intérieur d'elle-même, et ainsi ils sont redevenus les êtres qu'ils étaient habituellement, encore tout chauds de l'amnésie qu'ils venaient de vivre.

  • La maladie peut prendre une chose triviale et la retourner dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle vous donne la nausée ; quand on ne va pas bien, les choses les plus ennuyeuses se retrouvent infectées par une importance qu'elles n'ont pas.

  • Les lignes sur une paume forment un M. Leur signe. Deux pics de montagne, d'abruptes pentes. Une montagne si loin derrière l'autre, au-delà d'une vallée, mais comment cela peut-il être visible sur une paume ? Au lieu de ça, les deux montagnes semblent se toucher, la distance entre elles réduite à un espace en deux dimensions. Cette soirée singulière, l'une. Cette soirée singulière, l'autre.

  • La vallée est noyée dans le brouillard. Ils ne voient ni les montagnes en face ni les routes en dessous. Un élan émerge de la brume, arrache avec ses dents le lichen gris qui recouvre un arbre. La neige porte la trace de ses seuls sabots et des empreintes de pattes d'un lynx. Depuis le perron, Jenny jette des graines de tournesol dans la neige. Les mésanges à tête noire surgissent de nulle part en piaulant à tort et à travers puis, dès qu'il ne reste plus de graines, elles s'évanouissent de nouveau dans la blancheur.

  • Wade et Jenny sont des gens des plaines. Des gens des plaines vivant sur une montagne dont ils n’avaient pas remarqué qu’elle était beaucoup plus grande qu’eux. Un terrain acheté sans trop réfléchir parce qu’il n’était pas cher, parce qu’il n’avait rien à voir avec la plaine. Que d’arrogance et de puérilité ! Un rêve qui les avait emportés comme une avalanche. 

     

Biographie

Emily Ruskovich a grandi dans les montagnes de l'Idaho Panhandle.Diplômée de l'Université du Montana, elle est titulaire d'un MA d'anglais de l'Université du Nouveau-Brunswick au Canada et d'un MFA de l'Iowa Writers Workshop.Elle a été boursière à l'Université du Wisconsin à Madison, de 2011 à 2012.Elle a publié dans de nombreuses magazines notamment Zoetrope, One Story et Virginia Quarterly Review. En 2015, elle a obtenu le prix O. Henry pour sa nouvelle "Owl", publiée dans One Story en 2014. Elle enseigne l'écriture créative dans le MFA à l'Université d'État de Boise et vit à l'Idaho City."Idaho" (2017), son premier roman, reçoit le prix PNBA (Pacific northwest booksellers association) 2018.

https://en.wikipedia.org/wiki/Emily_Ruskovich

son site : http://www.emilyruskovich.com/

 Galerie Photos (Pinnesota - Idaho)




 

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samedi 1 octobre 2022

GILDA PIERSANTI – Un amour parfait – Poche pocket 2019

 

L'histoire

Lorenzo a tout pour être heureux : , homme marié à une femme intelligente, père de deux charmants enfants, et directeur respecté d'une entreprise de chocolat haut de gamme. Mais voilà, un soir, alors qu'il est en réunion pour un week-end, il croise son amour fou de jeunesse, la mystérieuse Laura. Il ne peut résister à cet amour de jadis pour le meilleur mais surtout pour le pire.


Mon avis

Avant-dernier roman de Gilda Piersanti, voilà encore un petit bijou qui nous montre à quel point cette autrice de polars est talentueuse. Avant le style loufoque de « Les Somnambules », elle nous livre ici un exercice de style dans le thriller psychologique et noir, toujours à Rome, mais cette fois centré sur le personnage central de Lorenzo.C'est la déchéance programmée d'un homme qui va tout perdre pour l'illusion de l'amour.

Piersanti a une culture hors du commun (en raison des différentes activités qui ont émaillé sa vie). Elle ne choisit pas au hasard le nom des deux protagonistes. Lorenzo fait penser au Lorenzaccio de Musset : un personnage ironique, triste et énigmatique. Dans le roman, le personnage s'enfonce dans le mensonge, et recherche finalement à redevenir l'enfant qu'il a été, incomplet par le départ de sa mère. Un enfant choyé qui se découvre une passion pour les voitures de luxe et pour un circuit de train assez grand qu'il remet en état dans la profonde solitude où il s'est ancré.

Laura, la femme, nous fait penser à la Laura de film noir magnifique d'Otto Preminger (un inspecteur de police tombe amoureux d'une jeune femme assassinée). Le choix est voulu par un indice que Piersanti glisse dans un titre de chapitre « Retour à Laura's End » (allusion au très jolie film de James Ivory (Retour à Howard Ends, qui est aussi une histoire d'amour compliquée).

Tout est centré sur Lorenzo, complètement aveuglé par cette femme qui le subjugue, qui lui promet la vie rêvée. Souvenir du premier amour qui reste dit-on toujours, nostalgie du temps qui passe, perversité des relations toxiques, le tout dépeint sans tomber dans le cliché ou le pathos, parce qu'il y a la rédemption aussi fragile soit-elle. A la limite ce roman sombre n'est pas un polar comme nous y a accoutumé Piersanti, mais une réflexion sur l'amour, sur la façon que nous avons de nous mentir à nous-même, persuadés que nous sommes dans notre bon droit.

A coté le duo formé par Maria-Elena (qui elle aussi aura un choix à faire) et Frederico qui se veut l'ami parfait ne sont que des ombres dont le héros ne peut pas accepter l'aide.

Un chef d’œuvre de plus.


Extraits :

  • Le retour à la maison fut un moment de retrouvailles parfaites. J'étais si heureux de les revoir tous les trois, ma petite famille. J'avais même réussi à acheter un Lego pour Gio, qui en eut ainsi deux, ma femme en ayant déjà acheté un de son côté. […] Ma fille boudait, car elle n'avait pas reçu deux cadeaux comme son frère, sans compter que Maria Elena avait choisi pour elle un objet utile, ce qui minait le principe même du cadeau. Déjà qu'elle était convaincue que sa mère lui préférait Gio...

  • Nos enfants n'avaient pas la chance d'avoir des grands-parents refuge comme j'en avais eu moi-même. Maria Elena ne semblait pas regretter cette absence, elle disait que la famille n'est pas toujours le foyer de chaleur que l'on chante et que la flamme y brûle souvent comme en enfer.

  • Elle m’avait enflammé, brûlé, puis réduit en cendres. J’ai eu néanmoins le temps, entre les flammes et les cendres, de connaître le bonheur.

  • Ce qui teignait de mélancolie tout attachement amoureux fut mon meilleur atout avec les filles ; j'en ai assez profité, tout de même. J'ai triché, mais dans les règles, comme au poker ; je ne volais pas et ne laissais pas le jeu envahir ma vie. Après mon mariage, je me suis rarement écarté de ma femme. J'ai commis quelques adultères sans conséquence, je savais choisir mes cartes. Pas une seule fois ces brèves excursions de quelques nuits, le plus souvent une seule, toujours lors de mes déplacements professionnels, n'ont mis en danger mon couple. […] C'était ce que je croyais avant de revoir Laura.

  • Je l’aimais. Je l’aimais plus que je ne l’avais aimée. Pourtant, pas une seule fois je ne pensai à quitter Maria Elena. Laura n’était pas l’amour chez soi, celui qu’on veut à ses côtés chaque jour de sa vie.

  • Mentir est une drogue, et se mentir est un poison qui tue. On s’enfonce tout doucement, puis on découvre un jour que le mensonge a pris les rênes et qu’il a tout décidé à votre place.

  • J’étais noyé dans l’égocentrisme aveugle de la passion amoureuse. Je vivais à l’aise dans deux mondes parallèles que je traversais sans entraves ; j’avais le don de l’ubiquité et m’étais persuadé que je ne mentais à personne puisque j’avais deux vérités qui se tournaient le dos et que j’étais le seul à pouvoir relier. J’étais au-dessus des lois et du jugement d’autrui.

  • Laura ne pouvait exister que dans ce surplus de vie que nous nous étions inventé. J’aimais ma femme, j’aimais mes enfants, j’aimais ma vie à Rome, j’aimais mon travail. Mais ce qui désormais reliait tous les hommes que j’étais, c’était mon amour pour Laura. J’allais enfin la revoir où elle avait décidé que nous devions nous revoir. Pourquoi Rotterdam ? Je ne le savais pas et je ne cherchais pas à le savoir. J’aurais pu tout aussi bien la rejoindre au pôle Nord, je voulais simplement être avec elle, le lieu m’était indifférent puisqu’elle habitait toute la Terre. 

      

Biographie

Née en 1957 à Rome, Gilda Piersanti habite à Paris depuis vingt ans.Elle reste un an à l’Ecole d'Architecture de Rome et obtient un doctorat en Philosophie (thèse sur l'esthétique de Baudelaire). Elle exerce l'activité de critique littéraire, traduit des œuvres de la littérature française et est commissaire pour deux expositions concernant Constantin Guys et Charles Meryon.Elle se consacre exclusivement à l'écriture depuis 1995. Elle est aussi l’auteur d’un roman intitulé "Médées", dans lequel elle réinterroge à la faveur d’une intrigue très contemporaine le mythe de Médée, la mère infanticide.https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilda_Piersanti

 

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RYE CURTIS – KINGDOMTIDE – Gallmeister 2021


 

L'histoire

A 72 ans, Madame Waldrip est la seule rescapée d'un accident d'avion qui emporte son mari et le pilote, dans les hautes montagnes du Montana. Seule dans cet univers hostile, elle parvient pourtant à survivre grâce à un fantôme bienveillant et le secours d'une ranger quelque peu déjantée et accroc au merlot premier prix.


Mon avis

Présenté comme cela, on pourrait penser à un roman de nature wrtiting qui fait la spécialité des éditions Gallmeister. Certes la nature du haut Montana est majestueuse, et ici entourée d'un peu de magie bienveillante. Mais il y a deux choses notables.

Premièrement, le style de l'auteur, très guindé quand Madame Waldrip, qui a reçu une bonne éducation évangéliste, épouse remarquable, qui ne manque ni la messe ni les actions charitables. Et le style bien plus décontracté de la ranger Debra Lewis, qui noie dans l'alcool le désastre de sa vie. Et tout un tas de personnages improbables réunis là par la magie de l'auteur.

Mais c'est surtout un roman de femmes (écrit avec la sensibilité du jeune auteur qu'est Rye Curtis). Des femmes, peu importe leur âge ou position sociale, sont à un tournant de leur vie. Cloris Waldrip, qui découvre finalement un sens de l'initiative dont elle ne se serait jamais crue capable, même si elle le met sur le compte d'un gentil fantôme, marche finalement vers son autonomie. Debra, complètement paumée a besoin de sa dose de vin, devant le vide de sa vie trouve en sa fille Jill, 18 ans, un espoir de rédemption. Et tous ces bras cassés de l''équipe de la ranger, des losers magnifiques, parfois grotesques, parfois tendres. Ajoutons un tueur recherché dans le coin et la galerie des personnages est presque au complet.

Certes le roman nous livre des pages magnifique de cette nature montagnarde et qui semble indomptable, mais l'histoire aussi est un peu loufoque. Le fantasque se mêle au réel, la brutalité des hommes se mêle à l’innocence, le mystique à l'humour, mais l'humanité triomphe toujours. Certes ce roman n'a pas la force romanesque et scénaristique de Gabriel Tallent, Jean England ou de Delia Owens mais c'est un premier roman prometteur. On aimera ou on détestera, mais la critique littéraire est positive et personnellement je me suis régalée à lire les 395 pages de ce roman finalement un peu inédit dans sa forme.

Extraits :

  • Ma femme me disait toujours que les gens sont les animaux les plus terrifiants et les plus turbulents qui aient jamais marché à la surface du monde, mais qu’il était possible de leur apprendre à ne pas chier sur la moquette.

  • Cependant, si vous êtes suffisamment attentif vous apprenez, avant d'être très vieux, qu'il est impossible de réécrire une vie et que c'est par votre propre main secrète que vous êtes vous-même l'auteur de votre propre perte.

  • Je m’approchai un peu. Terry n’allait pas bien du tout. Il avait recraché un segment de sa mâchoire qui contenait encore plusieurs dents et qui était tombé dans son col de chemise. Un de ses yeux bleus était complètement noir. À son comportement, il semblait incapable d’y voir quoi que ce fût avec aucun de ses yeux. Il continuait à pousser ses cris fous, et je faisait écho à chacun d’entre eux. Mes mains tremblaient et mon cœur bondissait comme un lièvre. Nous étions juste là, lui et moi, à nous hurler dessus l’un l’autre. Dans un monde meilleur, ce grand spectacle eût pu être comique.

  • Je ne vous envie pas d'être attirée par quelqu'un que vous ne pouvez ou ne voulez pas courtiser. Mais vous devez choisir si vous voulez être gouvernée par vos élans ou bien vos regrets. Si vous faites quelque chose, ça peut s'avérer bon ou mauvais. Mais comment pourrez vous jamais le savoir ?Voyez, il se pourrait qu'on ne puisse jamais savoir où est le bien, où est le mal, parce qu'on ne peut pas connaître à l'avance toutes les conséquences de toutes les actions possibles, et voilà pourquoi des hommes d'âges mûrs s'inscrivent à des croisières.

  • Rien, cependant, n'échappe aux aiguilles de l'horloge. Et rien dans la vie ne finit par signifier exactement ce que vous espériez qu'il allait signifier, et les choses ne sont souvent ni simples ni faciles, surtout lorsque vous atteignez mon âge.

  • Les relations ne sont jamais des forteresses. Ce sont toujours des tentes.

  • Je crois qu'il faut une seconde vie entière pour oublier quelqu'un avec qui on a déjà passé une vie.

 

Biographie

Rye Curtis est un tout jeune auteur américain. Il a grandi à Amarillo (Texas), dans un ranch isolé. Diplômé de l'université de Columbia, il vit maintenant dans le Queens à New York. "Kingdomtide" est son premier roman.

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dimanche 25 septembre 2022

KAWAKAMI HIROMI – Manazuru – Picquier ou livre de poche - 2009

 

L'histoire

Manazuru c'est une île au Japon. L'île où a disparu le mari de Kei, Rei, dans des circonstances jamais élucidées. Depuis 10 ans, sa femme le cherche de temps en temps, en se rendant dans cette petite ville insulaire, envahie par les amateurs de pêche les week-ends, mais déserte et mystérieuse en semaine. Parce que c'est le dernier mot laissé par son mari. Fugue ? Suicide ? Meurtre ? Fei envisage toutes les hypothèses dans une ambiance où le temps semble se figer et avec l'impression de n'être jamais seule, mais avec une présence qui la suit.


Mon avis

Si vous aimez les livres où l'imaginaire, la poésie et le monde flottant sont comme des vagues d'émotion, il faut lire ce roman, magnifiquement écrit.

Kei, personnage central raconte son histoire. Cette femme d'une quarantaine d'année vit avec sa fille Momo, une adolescente joyeuse et parfois capricieuse comme peuvent l'être les adolescents. Sa mère vit aussi dans leur foyer à Tokyo où elle se charge de la cuisine, de garder sa petite fille et de l'harmonie sans la présence du père. Kei a bien un amant, un homme marié qu'elle voit de temps en temps mais qui ne peut lui faire oublié ce mari tant aimé. En rassemblant ses souvenirs, et ses voyages à Manazuru, elle parle à une femme mystérieuse dont l'identité n'est jamais révélée. D'ailleurs cette femme ne serait-elle pas le fruit de son imagination, son double qui mènerait une vie idéalisée ?

Un roman évanescent, qui pose la question de l'abandon. Car Kei vit en fait dans la peur de l'abandon. Celui de sa fille quand elle quittera le foyer pour vivre sa vie de femme, celui de son amant qui se lassera d'elle, d'autant qu'elle le substitue à son mari lors de leurs échanges qui ne l'épanouissent pas. Le rôle de la famille, celle qu'on a créée, celle dont on rêve est central.

L'écriture fluide et poétique de l'auteure, pour une fois très bien traduite par Picquier, alterne les moments de vie quotidienne et de réel avec ceux imaginaires qui se passent dans les rêveries de Kei, cette femme qui n'arrive pas à tourner la page, et qui se demande inlassablement où est sa faute, si il y en a une.

C'est léger, poétique, fantasque et tendre. Une littérature qui affirme aussi la place des écrivaines japonaises.


Extraits :

  • Tandis que je marchais, j’ai senti que je n’étais pas seule.
    La distance était trop grande, je ne pouvais pas savoir si c’était un homme ou une femme qui se trouvait derrière moi. Sans me poser davantage de questions, j’ai continué à avancer.
    J’avais quitté dans la matinée l’auberge près de l’estuaire, et je me dirigeais vers la pointe du cap. J’avais passé la nuit dans un petit hôtel du bourg tenu par un couple dont l’âge laissait supposer que c’était la mère et le fils.
    A mon arrivée de Tokyo après deux heures de train, il était neuf heures du soir et la façade était obscure. En fait de façade, le nom de l’auberge n’y figurait même pas, il y avait simplement un petit portillon de fer que rien ne différenciait d’une habitation ordinaire, avec deux ou trois pins de petite taille aux branches torsadées et une vieille plaque accrochée discrètement sur laquelle on découvrait le caractère «Sunna », « Sable » écrit au pinceau.

  • Le refus de toute intrusion. J'ai conservé cette attitude depuis que Momo est tout bébé. A cette époque d'ailleurs, que je l'admette ou non, rien ne pouvait s'immiscer entre elle et moi. Elle m'était proche de nuit comme de jour. Ce n'était nullement un plaisir. C'était épuisant. Dans une complète immobilité, je vivais repliée sur moi-même, comme un fauve sur la défensive. J'allaitais, je faisais la cuisine, le ménage et la lessive, mon corps s'affairait du matin au soir sans un seul regard pour le monde extérieur. Comme on a le cou rentré dans les épaules, j'avais le regard recroquevillé.

  • Je n'ai pas enlevé son nom. Je continue à l'utiliser quand j'ai à me nommer. Oui, j'éprouve de la rancune, mais ce n'est pas dans la forme, c'est quelque chose au plus profond de moi, mon être tout entier, le noyau de mon corps éprouve du ressentiment pour ce mari disparu sans rien dire.
    En même temps que mon corps entier en veut à Rei, quelque chose au plus profond de moi le réclame. Quelque chose dont Seiji ne peut pas se rendre maître. Il faut que ce soit Rei. Ce n'est pas parce qu'il avait le rôle d'époux, c'est l'homme qu'il était qui pouvait seul s'en rendre maître.

  • Il paraît que si on arrive à voir en rêve ce qu'on a perdu, c'est le début de l'apaisement, l'indice d'une consolation possible.

  • Tout existe dans l'esprit. Tout ce qu'on a vu de ses propres yeux depuis qu'on est au monde, tout, y compris ce qu'on croit avoir oublié depuis longtemps, existe à l'état pur dans la conscience.
    Et ça ne s'arrête pas là ! Même ce qu'on n'a jamais vu existe, jusqu'aux choses qu'on n'a encore jamais imaginées...

  • Rei était comme le reflux.
    On a beau se retenir, la marée descendante emporte tout.
    Je me suis laissée enlever par Rei. Il avait le don de prendre les gens au dépourvu. Persuadée d'avancer sur une route unie, je ne me méfiais pas, et il s'était emparé de moi. Au bout de deux mois de fréquentation à peine, j'étais devenue incapable de penser à autre chose qu'à lui.

  • Le vent a soufflé, faisant bruire les bouts de papier que j'avais fixés sur le frigidaire avec des aimants. La porte donnant sur le jardin était restées entrouverte.
    Les morceaux de papier palpitaient comme des ailes d'oiseau. Ils gonflaient tant que j'ai même cru qu'ils allaient s'échapper de l'emprise de l'aimant, mais ils sont restés.

  • De même qu'une seule goutte d'eau contient l'univers tout entier, le monde de l'enfance connaît peut-être tout de la vie.

Biographie

Née en 1958 à Tokyo, Hiromi Kawakami est une romancière, critique littéraire et essayiste japonaise. Elle sort diplômée de biologie de l'université pour femmes d'Ochanomizu en 1980.
Sa première nouvelle, "Kamisama" (littéralement : Dieu), est publiée en 1994. Deux ans plus tard, elle reçoit le Prix Akutagawa pour "Hebi wo fumu" (littéralement : Marcher sur un serpent).
Depuis ses débuts en 1994, elle est devenue l'un des écrivains les plus populaires au Japon, et l'un de ceux qui parviennent à être publiés et reconnus en Occident .
En 1999, Kamisama obtient le prix des Deux Magots et le premier prix Pascal des jeunes auteurs de nouvelles, en 2000 Oboreru reçut le prix de littérature féminine.
En 2000, sa nouvelle Sensei no kaban (Les Années Douces, littéralement : La sacoche du professeur) est récompensée par le prix Tanizaki. Hiromi Kawakami y raconte l' histoire entre une jeune femme trentenaire, Tsukiko, et l'un de ses anciens professeurs de littérature, septuagénaire, rencontré dans un café. Ce roman a été adapté en manga par Jirô Taniguchi et publié en japonais en 2008 et traduit en français en 2010.
Hiromi a su s’imposer dans le monde littéraire japonais par la tonalité très particulière de son style, à la fois simple et subtil dont les thèmes privilégiés sont le charme de la métamorphose, l’amour et la sexualité.


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samedi 24 septembre 2022

CHIGOZIE OBIOMA – la prière des oiseaux – Éditions Buchet-Chastel 2020 (ou poche pocket)

 

L'histoire

Un paysan pauvre sauve du suicide une jeune femme Ndali, qui elle, vient d'un milieu aisé. Il en tombe amoureux, mais ils ne sont pas du même milieu social. Pour la séduire, Nonso va suivre un parcours exemplaire. Il va aller étudier à Chypre, mais sa trop grande naïveté, sa gentillesse naturelle et le peu de culture vont hélas malmener ses projets et le contraindre à la violence.


Mon avis

Un livre qui va voir faire voyager au Nigeria et plus particulièrement dans la culture Igbo, dont est issu ce jeune auteur.

L’originalité du récit est qu'il est raconté par le Chi, sorte d'âme dans la culture igbo, le double spirituel du sujet et par son opposé l'Onyeuwa, sa personne physique incarnée sur cette terre. En résumé, la religion de ce peuple qui se situe au sud-ouest du Nigeria. Troisième ethnie de ce pays, elle compte environ 18 millions de personnes, a sa propre langue. Ils sont souvent des agriculteurs. Après la colonisation anglaise, beaucoup ont été converti à la chrétienté, mais une minorité de la population reste fidèle à ses traditions millénaires. Le peuple igbo a payé un lourd tribu lors de l'esclavage (165% des esclaves entre 1650 et 1900). La société est organisée en clan. Leur cosmologie est riche et le livre s'inspire de nombreuses légendes qui lui donnent ce charme si particulier

Et bien évidemment il y a le volet social. Quand on est pauvre, on ne réussit pas. Hélas la situation est toujours actuelle. Les igbos ne parlent pas tous anglais, et font partie des populations les plus pauvres du Nigeria. On y voit bien les dégâts subis par la mondialisation : arnaques pour partir en Europe, perte des racines, la sagesse des anciens n'est plus écoutée, la religion s'efface au profit de la technologie et on y parle même de "Qui veut gagner des millions ?" . Mais ce qui frappe le plus, c’est le style de l'auteur, mouvant, entre les dialogues avec le chi (que Nanso n'écoute pas souvent). Écrit au « Je » pour le chi, et à l'impersonnel pour le reste de l'histoire, nous passons de moments de poésie pure à des instants cruels, durs. L'esclavagisme est aussi évoqué plusieurs fois, comme une cicatrice qui ne se refermera jamais. Mais aussi la corruption, et tous les travers d'un monde qui ne va pas mieux ici qu'ailleurs.

Un chef d’œuvre à lire pour un voyage enchanteur. D'ailleurs n'est-ce pas un voyage que fait Nonso, entre les travers de la vie, des rencontres improbables, des amours impossible. Et Nonso était le Ulysse africain d'Homère ?


Extraits :

  • L'homme malade commence par éprouver une sensation inhabituelle. A mesure que la douleur se répand dans son corps et que le glas de la fièvre résonne dans son crâne, des émotions surgissent, à commencer par une nervosité insolite. (...) Alors une forme d'angoisse met peu à peu sa machinerie en place. (...) Jusqu'à quand,jusqu'à quels extrêmes la maladie va-t-elle persister? L'homme est submergé d'angoisse. Mais il n'y a pas que cela. Vient la stupéfaction de voir la maladie prendre possession de son corps, dicter quelles parties du corps il faut lui céder, et comment il faut lui complaire pour espérer guérir. Mais le plus grave, c'est comment la maladie instille chez le malade la conviction qu'il en est lui même la cause.(...) Alors la maladie devient le serpent silencieux qui, délogé de sa paisible demeure, en conçoit rage et rancœur, et qui inflige ainsi sa vengeance légitime.

  • Dès qu’il s’endormit, comme souvent quand il entre dans cet état d’inconscience, je me défis des barrières de son corps. Même sans en sortir, je parviens souvent à percevoir ce qui m’est caché lorsqu’il est éveillé. Comme tu le sais puisque tu nous as créés, nous sommes des créatures qui ignorent le sommeil. Nous existons comme des ombres qui parlent le langage des vivants. Et même durant le sommeil de nos hôtes, nous demeurons éveillés. Nous veillons sur eux contre les forces qui s’animent dans la nuit. Lorsque dorment les hommes, le monde de l’éther déborde de bruit, d’agitation, de la susurration des morts. Agwus, fantômes, akaliogolis, esprits et ndiichies de passage sur la terre surgissent des yeux aveugles de la nuit et arpentent la terre avec la liberté des fourmis, oublieux des limites humaines, indifférents aux murs et aux clôtures. Deux esprits en querelle peuvent très bien, en se bagarrant, basculer dans une maison et atterrir sur la tête d’une famille sans même y prendre garde. Parfois, ils se contentent de pénétrer dans les demeures des humains pour les observer...

  • Il venait grossir le troupeau évoqué par Tobe, celui de tous ces gens dépouillés de leurs biens : la jeune Nigériane près du commissariat, l'homme de l'aéroport, et tous les captifs du passé ou du présent contraints de faire ce qu'il ne voulaient pas, pris dans un système qu'ils refusaient. Innombrables. Tous ceux qu'on a enchaînés et battus, au territoire pillé, à la culture éradiquée, tous ceux qu'on a réduits au silence, violés, déshonorés, assassinés. Avec tous ces gens, il partageait désormais un sort commun. Ils étaient les minorités du monde, avec pour seul recours l'orchestre universel qui n'avait plus qu'à pleurer et gémir.

  • Si la proie ne donne pas sa version de l’histoire, le prédateur sera toujours le héros des récits de chasse. (Proverbe igbo)

  • Ô Olisabinigwe, les glorieux anciens disent que, lorsqu'un homme pénètre en pays inconnu, il redevient un enfant. Ô Egbunu, le silence est souvent la forteresse où se réfugie l'homme brisé, car c'est là qu'il peut communier avec son esprit, son âme et son chi.

  • Rien en ce monde n'appartient vraiment à personne. Si on conserve ce qu'on possède, c'est parce qu'on s'y accroche, qu'on refuse de lâcher. En étant ici, debout, sous un toit, je m'accroche à ma vie. Si je lâche, on me l'enlèvera.

  • Ô Ebubedike, les anciens disent d'un homme angoissé et effrayé qu'il est enchaîné.

  • Au temps des grands anciens, seuls les fainéants, les oisifs, les infirmes ou les maudits vivaient dans le besoin, mais aujourd'hui presque tout le monde était dans ce cas. Il suffit de s'aventurer sans les rues, au coeur de n'importe quel marché du pays igbo, pour voir des travailleurs, des hommes aux mains dures comme des pierres, aux vêtements trempés de sueur, qui vivent dans une atroce misère.

  • ans tout le pays des anciens, le sanctuaire d'Ala, la déesse mère, se dressait souvent aux abords du marché. Dans l'esprit des anciens, c'était également un lieu de rassemblement humain par excellence, un endroit propre à attirer les esprits les plus anarchiques : akaliogolis, amosus, esprits manipulateurs, et toutes sortes de créatures errantes et désincarnées. Car sur terre, un esprit sans hôte n'est rien. Il faut habiter un corps pour avoir le moindre impact sur les choses de ce monde. Ainsi ces esprits sont-ils constamment en chasse de réceptacles à occuper, en une quête insatiable de matérialisation.

  • Ô Gaganaogwu, les jours de la vie des amants finissent par se ressembler au point de ne plus se distinguer les uns des autres. Les amants portent dans leur cœur les mots de l’être aimé qu’ils soient ensemble ou séparés ; ils rient ; ils parlent ; ils font l’amour ; ils se disputent ; ils mangent ; ils s’occupent ensemble du poulailler ; ils regardent la télévision et rêvent d’un avenir ensemble. C’est ainsi que le temps file et que les souvenirs s’amassent jusqu’à ce que leur union devienne la somme de tous les mots qu’ils se sont dits, de leurs rires, de leurs étreintes, de leurs disputes, de leurs repas, de leur travail au poulailler, de toutes les choses qu’ils ont faites ensemble. Lorsqu’ils sont l’un sans l’autre, la nuit leur devient indésirable. 

Biographie

Né en 1986 à Akure, Nigeria, Chigozie Obioma est un écrivain nigérian.
Né dans une famille de douze enfants, il fait des études supérieures à la Cyprus International University à Chypre, où il obtint une bourse et un poste d'enseignant.
Il s’est offert une entrée en littérature fracassante en 2015 avec la publication de son premier roman intitulé "Les Pêcheurs" ("The Fishermen"), finaliste du très prestigieux Prix Booker. Ce roman obtient également le prix du premier roman du "Guardian", le prix des nouvelles voix Afrique et Moyen-Orient du "Financial Times" et est traduit dans 26 langues.
Une année plus tard, il part aux États-Unis, où il suit des cours de l'écriture créative à l'Université du Michigan.
Chigozie Obioma enseigne la littérature et l'écriture créative à l’Université du Nebraska à Lincoln.
Son deuxième roman, "La prière des oiseaux" ("An Orchestra of Minorities", 2019), une grande épopée romanesque, a reçu un accueil dithyrambique de la presse étrangère et était finaliste du Prix Booker 2019.


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TANIZAKI JUN'ICHIRO – Noir sur Blanc – Picquier Poche - 2019

 

L'histoire

Mizuno, un écrivain médiocre mais très imbu de lui-même publie des romans sen format de feuilletons dans un journal de Tokyo. Réputé pour son cynisme, il s'inspire d'un journaliste réputé et décide de l'assassiner dans son prochain roman, en se mettant en scène comme l'assassin. Par ailleurs il est fasciné par une femme étrange, habillée à l'occidentale qui se prostitue selon le règlement très stricte qu'elle impose. Mais à force de jouer ce qu'on est pas, on finit par se piéger soi-même


Mon avis

Manuscrit écrit en 1927, les éditions Picquier ont fait traduire ce manuscrit en 2019. Moi qui adore cet auteur , un des plus grand de sa génération, je regrette une fois de plus la traduction peu fluide de Picquier. Je ne retrouve pas le style habituel et vivace de l'auteur.

Bien évidemment, Tanizaki se met en scène dans ce personnage d'écrivain cynique et qui se veut machiavélique. Car toute sa vie, Tanizaki aura pour obsession non as de choquer pour le plaisir de choquer mais pour renouveler la littérature japonaise, en s'attaquant aux tabous de l'époque, homosexualité, obsessions sexuelles, désir et haine, vengeance.

Ici c'est un roman mal traduit qui aurait du receler l'humour implacable de l'auteur. Déjà les premiers pages prêtent à confusion entre Kodama (le héros du livre) et Kojima, le personnage réel et Koyama dans la suite commandée par le journal.

Hors tout tourne autour de la personnalité de Mizuno, un homme plus très jeune, peu séduisant, qui sort peu, si ce n'est pour aller au cinéma, ou dans les maisons de prostitution et s'enivrer. Par ailleurs, il méprise tout le monde, persuadé de son génie. Pourtant il procrastine, passe plus de temps à trouver des stratagèmes pour échapper à son éditeur qu'écrire et bien sur, l'arroseur fini arrosé.

Pourtant on prend un sacré plaisir à travers ce personnage, qui en fait cache sa sensibilité (il tombe réellement amoureux de cette femme dite « l'occidentale » dont il ne saura jamais ni le prénom, ni le lieu réel où elle vit, comme un écho à ses mensonges un peu idiots. Il finit même par éprouver de la tendresse pour son ex-femme dont il a divorcé car il la trouvait ennuyeuse. Le portait d'un homme qui gâche son destin, alors qu'il pourrait avoir une grande carrière littéraire est dépeint magistralement par l'auteur japonais, qui a lui, bien du s'amuser à écrire ce livre.


Extraits :

  • Pour dire les choses franchement, si le personnage de l’écrivain du roman choisissait Kodama pour victime sans y mettre aucune implication personnelle, ce n’était pas en revanche sans une certaine animosité que Mizuno avait choisi Kojima pour modèle. Certes, un type avec « une tête à se faire assassiner », ça n’existait pas, on ne pouvait pas dire ça d’un seul individu dans le monde entier, mais si cela avait été, eh bien, Kojima aurait assez bien correspondu à la description. Depuis quelque temps, ce genre de fulgurance lui venait parfois. Évidemment, la gravité d’un crime ne dépend pas de la personnalité de la victime. Mais, toute pensée rationnelle mise à part, s’il fallait en tuer un, eh bien oui, sans doute celui-ci plutôt que celui-là… ou bien, si un type dans son genre se faisait assassiner, eh bien, ma foi, cela ne serait pas si grave… Voilà ce qu’il en venait à se dire. Comme au théâtre, dans la scène avec Mitsugi, le sabreur en série, lorsque se pointe un type en simple kimono de coton qui se fait d’emblée couper en deux par le tueur, pour la seule raison qu’il a croisé sa route. À tous les coups, ce genre de personnage est un maigrichon à la peau mate, au physique ingrat, visage et corps affligeants, bref, ce n’est pas gentil à dire, mais le genre de type, tu souffles dessus, il s’envole. La dignité d’un insecte. Mizuno lui-même n’avait rien d’un bel homme, il était malingre et chétif. À l’époque où il fréquentait le salon de thé Kadoebi, après plusieurs jours sans décoincer, quand il traînait jusqu’à midi assis devant le brasero de la grande salle, la tête prise dans la gueule de bois de la veille, il se disait à lui-même : « Si maintenant entre un type qui a perdu la tête comme Mitsugi et fait un carnage, je figurerai parmi les morts qui se prendront un coup de sabre sans même l’avoir cherché. » Voilà, en un mot, Kojima, c’était ce genre-là. Dès la première fois qu’il l’avait rencontré, quand il était venu le voir avec Suzuki, vraisemblablement, oui, dès le premier rendez-vous, à peine avaient-ils échangé quelques mots que cela lui était venu à l’esprit : « Pauvre type… » Il y a des visages sans intérêt qu’on oublie généralement une heure ou deux après les avoir quittés. Mais Kojima, c’était pire que ça, c’était un visage tellement insignifiant qu’il s’était au contraire imprimé dans son souvenir. Il ignorait de quelle région il était originaire, en tout cas il n’était pas de Tokyo. Vous ne trouverez pas de Tokyoïtes avec un visage aussi plat et aussi mièvre. De complexion, il aurait pu être carrément noir, cela aurait mieux valu que ce teint vaguement bistre comme le cuir d’une vieille godasse. Un nez bas, une lumière étique dans les yeux, une face sans le moindre relief ni la moindre dynamique, comme si elle n’était que bajoues, et en même temps un maniérisme affecté dans les moindres détails. Bref, autant dire que ce n’était pas seulement son teint, c’était dans son ensemble que son visage ressemblait à une vieille chaussure. Et avec ça, une voix opaque, sèche, dénuée de charme, mâchant les mots de façon incompréhensible. On entendait une voix, mais quand on le regardait, les mouvements de sa bouche ne correspondaient pas, bref, une chaussure qui parle, il n’y a pas d’autre mot.

  • Il était habitué à la vie de bohème depuis son jeune âge, ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait s'abîmer dans la neurasthénie du solitaire; n'empêche, les gares suscitent toujours ce sentiment ambivalent, inhérent aux voyages, comme lorsqu'on regarde le soleil couchant loin de son pays natal, surtout quand la nuit est froide comme ce soir.

  • L'homme ne contrôle pas son esprit, son cerveau n'est que l'appareil de projection de son cinématographe intérieur; un projecteur automatique pour tout dire, d'où jaillissent les monstres des films délirants qu'il a décidé de visionner et qu'il s'oblige à regarder.

  • Depuis qu’il était né, il n’avait jamais éprouvé d’amour pour quiconque, hormis pour sa propre personne. Le monde n’est qu’un grand n’importe quoi de bout en bout, voilà le nihilisme sous-jacent qui parcourait son œuvre. Et plus son talent artistique s’amenuisait, plus il se sentait enclin à appliquer cette idée à la vie elle-même. D’un côté, c’était à cette mentalité qu’il devait de n’avoir aucun véritable ami et de mener la vie recluse et cynique qui était la sienne. S’il n’avait eu ce don particulier pour la fiction, sa vie n’aurait été que vanité et solitude. Mais d’un autre côté, il ressentait le besoin de se tester : n’éprouvait-il vraiment aucune mauvaise conscience ? Le seul fait de se le demander était la preuve que déjà la folie couvait en lui, il ne s’en était simplement pas encore rendu compte. De toute façon, à son sens, sentir le poids de la conscience relevait tout bonnement de la névrose. Le système nerveux de l’homme est tellement délicat. Qu’on force sur ses capacités cérébrales ou qu’on soumette son esprit à une stimulation un tant soit peu excessive, et le voilà qui s’épuise et se détraque en un rien de temps, sans avoir pour cela besoin de commettre quoi que ce soit d’immoral. Par conséquent, c’était bien simple, pour accomplir un crime sans être oppressé par le fardeau de la conscience, il suffisait, soit de tromper son système nerveux, soit de l’endormir jusqu’à ce qu’il s’accoutume au mal. Et dans la mesure où « tromper son système nerveux » signifiait tout simplement « agir avec logique »… il devait être tout à fait loisible d’enseigner à ses nerfs que commettre un acte de ce genre n’avait rien d’effrayant, qu’il ne s’agissait au contraire que de mettre héroïquement en accord ses actes avec ses idées. Il suffisait de s’endurcir peu à peu dans le mal en surveillant ses réactions nerveuses du coin de l’œil pour devenir capable d’accomplir n’importe quel crime en toute indifférence.

Biographie

Né en 1886 et mort en 1967 à Tokyo, Né dans une famille aisée de marchands, fortune due à l'ingéniosité de son grand-père, il fait de brillantes études à l'Université impériale de Tôkyô, mais en 1910 la ruine de son père le contraint à les interrompre. Il considéra son père comme un être faible qu'il transposera dans ses écrits. La même année, il publie son premier texte, une nouvelle cruelle et raffinée, "Le Tatouage", dans la revue qu'il a fondée avec quelques amis. L'histoire de la belle courtisane et de son tatouage en forme d'araignée fait scandale et lance sa carrière d'écrivain.

En 1913, il rassemble toutes ses nouvelles dans un recueil intitulé "Le Diable" et subit les foudres de la censure qui les juge « immorales ». Il publie sans trêve drames, comédies et scénarios à une époque où le cinéma en est encore à ses balbutiements, il traduit également la pièce d'Oscar Wilde "L’Éventail de Lady Windermere".
Installé à Yokohama, il fréquente les résidents étrangers et découvre l'image de la femme occidentale. Lorsqu'un terrible tremblement de terre détruit la ville en 1923, il s'installe définitivement dans le Kansai. Le séisme le bouleverse profondément : alors qu'il puisait son inspiration dans un Occident et une Chine exotiques, il revient vers le Japon à partir de 1924, date à laquelle paraît son premier roman, "Un amour insensé".
Dans les années 30, il multiplie les publications : "Yoshino" (1931), "Le Récit de l’aveugle" (1931), "Histoire secrète du sire de Musashi" (1932), "Le Coupeur de roseaux" (1932), "Shunkin, esquisse d’un portrait" (1933), "Éloge de l'ombre" (1933).

Il se consacre ensuite à la traduction en japonais moderne de "Le Dit du Genji" de Murasaki Shikibu. En 1943, la publication en feuilleton de son chef-d'œuvre "Quatre sœurs" est interdite car jugée inconvenante en temps de guerre. Après la guerre, Tanizaki publie des romans audacieux comme "La Mère du général Shigemoto" (1950) et "La Clef : La Confession impudique" (1956).

Son état de santé s’aggrave après 1960. Sa souffrance et son obsession de la mort apparaissent dans son "Journal d’un vieux fou" (1961).
En 1964, il fait partie des six derniers candidats retenus de la short list du comité Nobel.
Décerné en son honneur, le prix Tanizaki est l'une des principales récompenses littéraires au Japon


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