L'histoire
Dans les années 1950 à Tokyo, la résidence K est uniquement réservées aux femmes. Veuves de guerre, veilles femmes, 150 studios permettent une tranquillité et une sécurité dans le Japon d'après-guerre . Si certaines travaillent, la majorité reste quand même des femmes ayant dépassé la soixantaine, et qui pour beaucoup s'ennuient. Par sécurité une clé permet d'ouvrir toutes les habitations. Mais quand la clé disparaît mystérieusement, des petits ou grands secrets nous sont révélés.
Mon avis
Publié au Japon en 1962, ce polar à la sauce nippone vient d'être publié en traduction française pour la première fois, alors que son autrice, très célèbre au Japon est décédée en 2016.
Le passe-partout a des faux airs d'un roman d'Agatha Christie. Dans la résidence K, sept femmes vont retenir notre attention. Chacune a quelque chose à cacher ou jalouse une autre femme. Certaines sont riches, d'autres sont pauvres comme cette « Madame Algues », aux airs de mendiante et fouineuse qui se procure le passe-partout pour espionner une voisine qu'elle soupçonne du vol d'un violon de grande valeur. Et voilà que ce passe-partout passe de mains en mains chez les résidentes, permettent de découvrir des secrets ou de rétablir des vérités.
Le style est vif, concentré sur les faits, mais le véritable propos du roman est le sort de ses femmes vieillissantes, sans famille ou avec une famille trop éloignée, qui s'ennuient la plupart du temps. Elle doivent aussi composer avec les règles de l'établissement notamment ne pas recevoir de compagnie masculine ou prévenir d'une visite auprès des 2 gardiennes qui se relayent, toutes les deux aussi seules et peu passionnées par ce travail routinier.
C'est la description d'une capitale en pleine rénovation et mais aussi de la situation des femmes de cet époque. Sous prétexte de leur offrir la sécurité, on les enferme en fait dans des petits studios, avec douches et cuisines commune sur le palier. Ces femmes, sur lesquels l'autrice pose un regard à la fois amusé et ironique, vont s'imaginer des choses sans réelles importances, alors que des faits plus graves ont été commis dans le plus grand secret. Il faut bien sur attendre l'épilogue pour le dénouement des 7 intrigues, les unes totalement futiles et 3 autres un peu moins.
La solitude, l'absence totale de sororité – sauf quand cela arrange l'une des héroïnes, renvoie l'image d'un pays où les droits de la femme ont bien du mal à percer, et les femmes jugées trop âgées qui sont finalement comme emprisonnées dans la résidence K. Bien sur, elles peuvent sortir faire quelques emplettes, ou des promenades mais elles n'ont pas beaucoup d'argent et les dépenses sont essentiellement consacrées à la nourriture. Pas d'entraide, certaines ne sortent presque jamais, confinées dans des petits logements. Bien sur il faut se replacer dans le contexte et le temps où le livre a été écrit.
A la fois surprenant, d'une écriture précise sans fioriture, parfois cocasse, ce petit livre est une jolie surprise.
Extraits
Comme l’avait dit la femme, ce trou était idéal pour enterrer la valise.
Il lui tendit la lampe de poche avant de commencer à casser à la pelle le ciment dur comme de la pierre de l’un des sacs. Les morceaux s’entassaient sur le sol. Puis il dut faire de nombreuses allées et venues jusqu’au robinet, un petit seau de métal à la main. La conduite d’eau tremblait avec un bruit effrayant. Bientôt, le ciment eut la bonne consistance. La femme ouvrit la valise. La tête de l’enfant, cachée par la couverture, était complètement invisible. La femme prit la pelle, remplit la valise de ciment, puis la referma.
« On lui a fait un beau cercueil, déclara-t-elle posément, les deux mains sur le couvercle.Le feu était vert pour lui, il voulait en profiter. Juste avant le carrefour, il aperçut du coin de l’œil une femme avec une écharpe rouge qui lui rappela encore les joues des filles de sa terre natale. Est-ce pour cette raison que les pneus de son véhicule glissèrent sur les rails du tramway ? Impossible de le savoir. Mais lorsque le conducteur novice donna un coup de frein, son camion avait déjà dérapé : comme guidé par la main du destin, il fonçait droit sur la femme. La dernière chose qu’il vit avant de fermer les yeux fut son expression ébahie alors qu’elle était projetée contre son pare-brise.
Pendant quelque temps, les journalistes amateurs montrèrent aux travestis du quartier d’Ueno la photo du cadavre.
Elle habite à la résidence K pour femmes.
Mon exaspération n'était pas dirigée contre une personne ou une chose spécifique, mais contre le hasard qui avait voulu que soit modifié le déroulement des opérations. Le hasard, qui n'hésite pas à trahir les plannings soigneusement élaborés par les êtres humains et conduit, avec une complète indifférence, à des situations insensées.
Cela m'est insupportable, parce que j'ai l'impression que la grandeur de l'âme humaine est piétinée. Ce que l'être humain a décidé en conscience est nécessairement important, même lorsque le résultat qui en découle paraît ridicule.Chacun d'entre nous est le jouet d'une illusion.
Biographie
Née à Tokyo , le 23/03/1933 et décédée le 26
avril 2016, Masaro Togawa est une ancienne chanteuse, actrice, et
romancière
Elle est l'une des leaders du roman policier japonais.
Le supplément littéraire du Times l'a qualifiée "la P.D.
James japonaise".
Elle commença à écrire en 1961 dans les
coulisses en attendant de monter sur scène. Elle publiera son
premier roman en 1962 ("The master key"). Il remporta le
prestigieux prix " Edogawa Rampo".
En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Masako_Togawa






