dimanche 3 juillet 2022

Karine LAMBERT – l'immeuble des femmes qui ont renoncé aux homme – livre de poche - 2016

 


L'histoire

Elles sont 5 femmes d'âges et métiers différends. Pour un loyer modeste, elles vivent dans un immeuble appartenant à la « Reine », mais à une seule condition. Aucun homme ne doit franchir la grille du portail. Le seule mâle toléré est Jean-Pierre, un bon gros chat roux, qui se fait bichonner par toutes ses dames. Mais l'arrivée d'une nouvelle locataire Juliette risque bien de bousculer ces femmes dans leur conviction.


Mon avis

Un tout petit livre qui ne prendra pas trop de place dans votre bibliothèque mais qui est très amusant. Une galerie de femmes à la fois drôles et touchantes. Il y a la Reine, ancienne danseuse étoile qui vit dans les souvenirs de ses plus beaux rôles et de ses admirateurs. Guiseppina, une italienne d’origine pauvre, a fui l'Italie et surtout un père et 3 frères qui ont ont contrôlé sa vie avec violence. Simone elle a fui ses Vosges natales trop ennuyeuses puis est partie sur un coup de tête en Argentine et elle en est revenue avec un bébé que le père n'a jamais voulu connaître. Rosalie est prof de yoga, et ne jure que par la méditation, quittée sans un mot par son mari. Et puis arrive Juliette. Certes Juliette connaît des déboires amoureux, mais ne renonce pas à trouver l'âme sœur. Internet ne la séduit pas, pas plus que les datings où les petits arrangement de son meilleur ami.

L'écriture de Karine Lambert est vive, et au passage nous fait visiter un coin de Paris, le XX me arrondissement, où il existe encore des petites maisons avec jardin, des petits commerces.

Une réflexion aussi sur l'amour, le vie à deux et le sens à donner à sa vie. Pas un chef d’œuvre mais de quoi égayer l'été.



Biographie :

Observatrice et sensible au monde qui l’entoure, Karine Lambert est une romancière et une photographe belge. Derrière son objectif, elle capte des instants essentiels : éclats de rire, de fragilité et de vérité. Que ce soit avec des images ou des mots, elle raconte ce qui la touche.Passionnée par l’être humain et sa capacité à se réinventer, les thèmes qu’elle explore et les univers qu’elle crée sont à chaque fois très différents. Il est cependant toujours question d’amour de la vie, de perte de repères et de solidarité.Ses livres sont publiés en treize langues dans plus de vingt-cinq pays.« Écrire, c’est mettre de l’ordre dans mes émotions, un espace de liberté, une grande salle de jeux... et vivre toutes les vies que je ne vivrai jamais. Je suis tour à tour danseuse étoile, gardien de zoo ou platane centenaire ».


Extraits :

  • Elle n'a plus envie de provisoire ni d'un homme sur mesure qui comblerait son manque au millimètre près. Elle ne veut plus de rêves géants et de réalité minuscule. Elle ne veut plus d'urgences qui se croisent. De mâles au sexe raide et aux promesses floues. De nuits sans lendemains. Elle ne veut plus être un lieu de passage. Elle voudrait calmer sa course folle, poser ses valises. Elle voudrait retrouver le même homme à côté d'elle chaque matin. Ouvrir les rideaux et dire à son chéri :" Qu'est ce qu'on fait aujourd'hui ?" Elle voudrait rentrer, qu'il lui demande comment s'est passée sa journée et lui poser la même question en retour. Un homme imparfait, des mots doux, des gestes tendres.

  • Marcher, danser, tomber, vieillir : la vie, c’est une succession de déséquilibres.

  • L'amitié, tu sais, c'est comme une écharpe très douce dans laquelle on s'enroule.

  • Quand on est en colère ou triste, les pensées se transforment en marsupilamis bondissants.

  • S’adapter au bonheur, c’est pas donné à tout le monde.

  • Une vie sans hommes, c'est une vie sans sel, sans sucre, sans piment, sans miel. 

     

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vendredi 1 juillet 2022

Mark Spragg – une vie inachevée – Editions Gammeister Poche (Totem) - 2020

 


L'histoire

Jean, 30 ans et sa petite fille de 9 ans fuient le compagnon violent et alcoolique. Mais elles ont peu d'argent, la veille voiture rend l'âme et Jean décide de retourner vivre quelques temps chez son beau-père Einar, dans le Wyoming où elle est née. Un homme qui la pense responsable de la mort de son fils. De retrouvailles et une fin inattendue.


Mon avis

Voilà un livre très agréable à lire et qui pose plusieurs questions.

Celui de la violence faite aux femmes, surtout dans les classes populaires où les jolies filles n'ont pas de cervelle et « qu'il faut mater ».

Mais aussi celui du pardon, parfois impossible. Einar, homme solitaire, le beau-père déteste cette belle-fille trop libre (mais pourtant trop malheureuse), ce même homme qui soigne avec une amitié infaillible son meilleur ami défiguré par un ours sauvage.

Il pose la question de la maternité. Élever seule son enfant, alors qu'on rêve d'une famille et qu'on ne fait pas les bonnes rencontres. Pourtant la petite Griff est une fillette très intelligente. Elle sait amadouer cet irascible grand-père, joue un rôle protecteur et critique vis-vis de cette mère volage qui ne sait ni garder un homme ni un emploi . Un emploi de serveuse ou de blanchisseuse, bref des emplois sans avenir.

Ici c'est la recherche de l'amour (familial, maternel, amoureux, amical) qui est le moteur des personnages. Et puis il y a le personnage de Mitch, l'homme malade et ami de toujours d'Einar, l'homme qui connaît la résilience, l'homme qui a tant d'amour dans son corps meurtri, le conciliateur,

C'est encore un portrait de l'Amérique des petits gens, les ranches d'hier qui ont fait la fortune des uns deviennent délabrés, les jeunes veulent un emploi en ville, les terres sont louées et les fermes n'ont plus la grandeur d'antan.

Une fois de plus Gallmeister signe un auteur « féministe dans l'âme », à l'écriture sans chichis, où l'on devine les paysages de ce grand ouest, pays des cow-boys, à l'ombre des montagnes « Big Horn » ou de Yellow Stones.


Biographie :

Mark Spragg est né en 1952 et a grandi dans un ranch du Wyoming. Il évoque son enfance et sa jeunesse passées parmi les chevaux au cœur d’une nature rude et majestueuse dans Là où les rivières se séparent. Outre "De flammes et d'argile", publié aux États-Unis en 2010, il est l’auteur de deux autres romans, dont "Une vie inachevée", qui a été porté à l’écran par Lasse Hallström, avec Robert Redford dans le rôle de Einar.Son œuvre est aujourd'hui traduite en quinze langues.


Extraits :

  • Elle presse ses mains bien à plat sur sa poitrine. Pas de tétons. Pour le moment, elle ne risque rien. Un matin elle se réveillera avec des seins, peut-être quelques poils entre les jambes, et tout commencera à aller de travers. Comme c'est allé de travers pour sa mère. Les seins, ça attire les caravanes et les pick-up, et ça fait beaucoup, beaucoup pleurer.

  • Il aurait dû y avoir un vieux con pour m'expliquer ce que c'est de vieillir. (…) Il y a sans doute eu un vieux con pour me l'expliquer, mais je ne l'écoutais pas.

  • Je ne me suis pas fait tabasser parce que je n'avais pas d'arme. J'ai été battue parce que je suis tombée amoureuse du type dont il ne fallait pas tomber amoureuse, que j'ai été trop stupide et trop terrorisée pour arrêter de faire semblant et m'avouer que je m'étais plantée.

  • Son reflet sourit. Elle ferme les yeux et tente d'imaginer l'homme qui a élevé son père. A quoi il ressemble. S'il sera capable de deviner tout de suite qu'elle est sa petite-fille.

  • Ici nous sommes dans l'Ouest sauvage, l'Ouest de jadis. Où les hommes sont des hommes, et où les femmes sentent la femme.

  • Il adresse un clin d’œil à Mitch et sourit de nouveau, comme s’ils étaient jeunes et ne croyaient pas vraiment à la mort, et comme si ces montagnes étaient un paradis sur le toit du monde qu’ils n’avaient jamais eu à quitter, pas un seul jour de leur vie.


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mercredi 29 juin 2022

Moussa KONATE – La malédiction du Lamantin – Poche Points


Dans le cadre du marathon des mots, manifestation littéraire à Toulouse la littérature africaine était à l'honneur cette année.

L'histoire

Le commissaire Habib doit enquêter sur un mystérieux crime commis à Kokri, en plein pays Bozo, une ethnie qui vit le long du fleuve Niger au Mali. Mais les croyances ancestrales en « Maa » le dieu tout puissant du fleuve ne vont pas être faciles pour le commissaire et son jeune adjoint Sosso.


Mon avis

Cet adorable petit polar est le troisième de la série du Commissaire Habib que nous a concocté Moussa Konabé. Entre les croyances animistes et un islam à la sauce malienne, le poids des croyance est implacable. Écrit avec beaucoup d'humour, et de vivacité, l'auteur puise dans les traditions du peuple bozo, qui vit traditionnellement de la pêche et dont les croyances mélangent leurs propres divinités et un 'islam quelque peu fantasque.

Le livre vaut surtout pour ce voyage un peu court dans le delta du Niger et dans le style amusant de ce qui est en fait un joli conte. Konaté a tout du griot. Son regard est aussi bienveillant et il nous passe un message de respect et d'empathie.



Biographie :

Moussa Konaté est né en 1951 à Kita au Mali et mort en 2013. Il est diplômé de lettres à l'université de Bamako puis enseignant. Il se met à écrire en 1998/ Les enquêtes du commissaire Habib (6 romans) se situent dans différentes régions du Mali. Il est est d'ailleurs reconnu comme l'un des grands écrivains de ce pays dont il a exploré les croyances et les ethnies dans ces romans.


Extraits :

  • En fait, c'est comme si tu me disais : "Fais comme font les autres, rentre dans le rang et ne cherche pas plus loin."
    Si tu le monde courbait la tête, avalait sa conscience, tu imagines dans quel état serait notre pays ?
    Je ne veux pas être une exception, je veux être honnête, c'est tout.

  • De quel droit des gens n'ayant aucun lien avec la police pouvaient-ils se donner l'autorité d'imposer au chef de la brigade criminelle d'abandonner une enquête ordonnée par le procureur de la République ? Était-ce la république ou la gérontocratie ? Certes, on pouvait comprendre l'attachement des personnes âgées aux traditions ancestrales, mais elles n'étaient ni élues ni nommées. À supposer qu'on leur cédât une fois, ne faudrait-il pas céder toujours ? Ne deviendraient-elles pas les vrais maîtres du pays, qu'elles gouverneraient strictement selon les traditions millénaires ? À quoi cela pourrait-il mener, sinon au chaos ?

  • Si tu me demandes s'il y a un pouvoir, je te répondrai qu'il y en a en fait deux. Il y a ceux qui sont au pouvoir par la grâce de la colonisation, et ceux qui s'estiment les héritiers du pouvoir ancestral.
    Au sommet même de l'état, on reconnaît cette dualité. Une autre m'a trouvé au bureau sans rendez-vous; ils pourront rencontrer n'importe quel ministre, n'importe quel président de la République de la même façon.

  • Écoute, mon cher, ne perdons pas de temps : tu as fauté et du dois payer. Ou c'est à moi que tu paies directement et ça te fera six mille francs, ou tu vas payer à la fourrière et ça te coûtera douze mille francs. Décide-toi vite et laisse-moi faire mon boulot.
    Ah, quel pays ! se désola le commissaire. Des agents de police qui rackettent au su et au vu de tous !


En savoir plus :

sur les Bozos : http://bamada.net/mali-les-bozos-un-peuple-de-leau


 

lundi 27 juin 2022

Sally Rooney – Normal People – Éditions de l'Olivier - 2021

 

L'histoire

Connell et Marianne ont grandi ensemble dans une ville au nord de l'Irlande. Amis, amoureux, l'un est fils de la femme de ménage et cherche sa voix, l'autre est riche, timide mais se dévoile aussi comme curieuses d'expériences notamment sexuelles, sans jamais perdre de vue Connell. Est-ce que l'amour est si difficile à dire ?


Mon avis

Franchement je n'ai vu aucun intérêt à ce roman que l'on nous présente comme le roman aux millions d’exemplaires vendus, et à l'adaptation en série TV. Si la jeune auteure a voulu démonter les mécaniques entre l'adolescence et l'âge adulte, avec ses cultes, ses secrets, les premières expériences avec la drogue, l'alcool et le sexe, le roman n'arrive pas à la hauteur de ses ambitions. Certes les 2 héros sont des personnages décalés, avec des personnalités fragiles et troubles, mais on se perd dans des dialogues sans fond et surtout, alors qu'ils sont respectivement étudiants en Lettres et en Histoire on cherche sans les trouver des références intellectuelles.

Le style trop dialogué trop stéréotypé ne permet pas de faire de ce livre un ouvrage unique. Et comme chaque adolescence est particulière, il ne peut en aucun cas en faire une généralité. Oui on parle de génération « no future » mais on en parle à chaque génération je suppose. Rien à voir avec le personnage de Lucy, drôle et haut en couleur (Lucy in the sky) ou de Kya (Là où dansent les écrevisses) si intense.

Peut-être cette sorte de vide et de psychologie bon marché est-il voulu par l'auteure ou est-ce juste un phénomène de mode ? Personnellement je dirais que ce livre est d’un ennui remarquable.


Biographie :

Sally Rooney est née en 1991 en Irlande du Nord. Son premier roman « Conversations entre amis » a rencontre un immense succès. Elle est diplômée d'un master en littérature anglaise et américaine au Trinity College à Dublin en 2013. Elle a reçu des prix littéraires et a participé au scénario de la mini-série tv dont s'inspire le roman.


Extraits :

  • il imaginait toujours, comme par réflexe, des façons de se blesser grièvement quand il était bouleversé. Le fait de se présenter une douleur bien plus forte et totale que celle qu’il éprouvait réellement le soulageait brièvement, peut être à cause de l’énergie mentale que cela exigeait, de la rupture provisoire du fil de ses pensées.

  • Elle est un abysse dans lequel il s’engouffre, un espace vide à remplir.

  • Quand il est avec elle, il a l’impression d'ouvrir une porte, de quitter la vie normale et de refermer la porte derrière lui.

  • Franchement , quand on regarde la vie que mènent vraiment les hommes, c’est triste , dit Marianne .Ils contrôlent la totalité du système social et n’ont rien trouvé de mieux pour eux- mêmes ?

  • Ça lui semblait si fou de devoir porter un uniforme chaque jour et de s'attrouper toute la journée dans un immense bâtiment, sans même avoir le droit de regarder où elle voulait. Même le mouvement de ses yeux tombait sous le coup du règlement de l'école.

  • Il pourrait lui dire n'importe quoi, même des trucs bizarres, elle ne le répéterait jamais à personne, il le sait.


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Pete FROMM – La vie en chantier – Gallmeister poche (Totem) - 2019


 

L'histoire

Taz et Marnie retapent difficilement une maison en piteux état à Missoula (Montana). Marnie tombe enceinte mais meurt lors de l'accouchement. Voilà Taz confronté au chagrin dévastateur et à s'occuper d'un bébé, Midge. Les amis sont là, la belle-mère aussi, ainsi que la présence d'une étudiante baby-sitter qui prend les choses en main. Mais le chagrin est difficile à surmonter, il f faut reprendre le travail, et tenter de terminer enfin cette maison.


Mon avis

Un charmant roman écrit sans pathos par Pete Fromm qui s'attaque à deux sujets importants, la perte d'un être cher et la paternité que le héros assume tant bien que mal. Menuisier chevronné, il n'en reste pas moins pauvre. Mais il n'y a ni noirceur ni culpabilité dans ce roman où Taz discute avec Marnie, l'épouse défunte, comme un rituel secret.

Toute la jolie écriture de Pete Fromm témoigne d'une beauté qui se diffuse tout au long du livre, sans rechercher l'esthétique littéraire mais les sensations authentiques, les non-dits, C'est aussi un livre sur l'amitié profonde, dont Taz ne se rend pas compte, la vie simple dans une petite ville avec ses beaux quartiers hors de prix et celle des artisans, pas riches, mais qui se contentent des joies simples : un pique-nique dans une zone secrète de la rivière, un beau meuble poli et vernis, des petites fêtes pour Midge, sans chichis mais avec ce qu'il y a de plus beau, le cœur. Et le très beau personnage d'Elmo, la baby-sitter subtile, mère de substitution à la fois pour la petite fille que pour le papa.

Mais la beauté évoquée ne s'exprime pas uniquement dans les sentiments. L'auteur américain nous laisse la possibilité d'accompagner dans son deuil un artisan qui doit apprendre à se construire sans la pièce maîtresse qu'il formait avec sa femme, un ébéniste méticuleux et sensible aux essences de bois qu'il travaille dans un Montana qui nous charme avec des paysages préservés et intimes.
Si le symbolisme de la reconstruction de soi n'est pas spécialement novateur, il fait pourtant mouche dans ce récit. L'auteur montre sans effort au-delà de ce que le deuil détruit, tout ce qui soude.


Biographie :

Pete Fromm est né en 1958 dans le Wisconsin. Il a d'abord été ranger avant de se consacrer à l'écriture. Reconnu comme un grand écrivain, il vit à Missoula (Montana) avec sa famille.


Extraits :

  • Au lieu des pins ponderosa sur la colline, des trembles sur la berge, de leurs feuilles sous l'eau encore dorées, constellant le barrage des castors, il voit des troncs calcinés se détachant sur le bleu glacial du ciel telles des pointes de lances noircies.
    Même les peupliers ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, leurs doigts griffus se refermant sur du vide. La terre est carbonisée. Les étangs sont comme huilés, graissés. Il ne reste rien.

  • Une fois, j'ai récupéré du vieux bois dans une distillerie du Tenessee. Des grosses poutres d'un mètre sur deux, encochées et mortaisées, qui servaient à retenir les tonneaux de bourbon. C'était tout un boulot, de réussir à les couper suffisamment pour pouvoir en faire quelque chose. Mais quand je m'y mettais, la vache, tout l' atelier embaumait...
    Une odeur de whiskey, de caramel et de vanille. J'avais envie de les couper rien que pour parfumer l'atelier.

  • Lorsque le futur marié lève le voile sur ses tempes délicates, je me dis qu'on devrait les prévenir : un avenir fait d'enterrements, d'emprunts automobiles, d'impôts et d'enfants malades la nuit. C'est un boulot que vous ne saurez pas faire, le bras nu enfoncé jusqu'au coude dans l'évier bouché, parmi les pelures d'aubergine brûlées à la dérive absurde.

  • Malgré la chaleur torride de ce tout début de mois de juillet, l’eau est si froide qu’elle les saisit .
    Ils y pénètrent en riant , le souffle court, avant de nager plus loin jusqu’aux rapides, puis ils se laissent repousser en aval et tournoient dans le courant , la respiration plus régulière à présent .
    Taz passe les bras autour du ventre de Marnie, ils regardent les nuages glisser dans le ciel , aussi inoffensifs que des coups de pinceau : cela fait des mois qu’aucune goutte n’est tombée ….. 

  • J'ai appelé la Nouvelle-Zélande, hier soir, dit Taz.- Ça fait quoi ? D'appeler un pays tout entier ? (Rudy le copain de Taz)


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vendredi 24 juin 2022

Pete FROMM – Lucy in the Sky – Gallmeister poche (Totem) - 2022

 

L'histoire

Lucy, 14 ans. Grande perche pour son âge, les cheveux coupés à ½ cm par son père, a l'âme rebelle et les idées bien arrêtées. Ce garçon manqué, qui s'habille en jeans, sweets et baskets ne voit jamais son père, bûcheron qui part de longs mois au Canada pour travailler. Elle est en conflit permanent avec sa mère qui l'a eu à 16 ans, une femme qui n'assume pas totalement sa maternité et a des amants, tout comme Lucy, qui ne se préoccupe pas de l'opinion des autres, a le verbe haut et drôle mais qui cache une peur terrible de l'abandon.


Mon avis

Un roman sur l'adolescence à la fois drôle et émouvant. Cette Lucy là, vous ne l'oublierez pas. Elle est grande pour son âge, refuse toute féminité (son père lui rase les cheveux deuils qu'elle est enfant), vit un amour compliqué avec son meilleur ami Kenny, un garçon fragile dont on se demande si elle ne joue pas le rôle de grande sœur, et a le chic pour se mettre dans des situations embarrassantes.

Surtout le rapport mère-fille est ici pointé du doigt. On se demande parfois qui est la plus adulte des deux. La mère volage, privée d'adolescence par sa grossesse et souvent abandonné par ce père drôle mais trop souvent absent. Cette mère, féminine et jolie femme n'assume pas vraiment ses infidélités, pas plus quelle n'assume son rôle de mère. Lucy, elle, assume ses relations avec Kenny, puis Tim un gentil gaillard qui voudrait l'épouser, alors qu'elle n'a que 15 ans. Lucy trompe son ennui et sa solitude en passant ses journées de vacances dans les bras de ses amoureux, mais aussi des nuits à guetter le retour de Maman. Papa est parti pour toujours par sa faute. Elle redoute l'abandon et elle passe le plus clair de son temps seule, à faire le ménage et la cuisine pour la mère sans savoir si elle rentrera après son travail.

C'est aussi l'univers sans avenir pour les jeunes d'un village du Montana que nous raconte Pete Fromm. Les lycéens les plus chanceux iront à l'Université de Missoula, les autres s'engageront auprès de la base militaire du coin, ou iront travailler dans les champs de leurs parents. C'est une autre vision de l'Amérique rurale, où le voisin épie l'autre, où la sexualité est taboue et surtout où une fille comme Lucy n'a pas sa place. Trop rebelle, tenant tête à tout le monde, même si elle se détruit aussi par ses remarques acerbes, Lucy recherche son d'identité, sa place dans le monde qui ne soit pas épouse ou fille facile et surtout à échapper ce rôle infligé dans l'enfance de garçon manqué. On peut parler de roman d'apprentissage, du passage de l'enfance à l'adolescence et à la vie adulte, mais Lucy ne fera jamais rien comme les autres.

Encore un personnage inoubliable qui va rejoindre la galerie des égéries de Gallmeister, cet éditeur français qui signe des jeunes auteurs et en fait des best-sellers


Biographie :

Pete Fromm est né en 1958 dans le Wisconsin. Il a d'abord été ranger avant de se consacrer à l'écriture. Reconnu comme un grand écrivain, il vit à Missoula (Montana) avec sa famille.


Extraits :

  • Il avait le souffle court, et je sentis son haleine chaude et humide me chatouiller le sommet du crâne lorsqu’il dit : Ce que tu dois te rappeler, Luce, ce sont les retours. C’est tout ce qui compte. Le départ, ce n’est rien. Le temps que je passe loin d’ici, ce n’est rien. Rappelle-toi seulement les retours à la maison.
    On aurait dit un hypnotiseur. Un magicien plein d’espoir.
    Je me débattis, aplatie comme une crêpe entre eux deux. Il était loin d’en savoir autant qu’il croyait. Il devait partir, voir le vaste monde, des endroits dont nous pouvions seulement rêver. Pendant qu’il se promenait dans la géographie, nous restions là, toujours les mêmes. À attendre.

  • Je me remis à traîner dans la maison. Pourquoi ne pouvais-je pas être une de ces ados qui dorment jusqu’à midi ? La moitié de la journée était déjà écoulée avant qu’ils ne sortent de leur lit. (...)
    Je n’avais plus rien à faire, rien de ce à quoi j’imaginais que la plupart des filles consacraient de longues heures. Je n’avais pas de cheveux à essuyer ou à friser, à coiffer ou à sculpter avec du gel.

  • "Où est le "hors- bord, Mame ?
    C'est ainsi qu'il appelait la tondeuse électrique, avec sa proue dentée qui maintenait ma coupe à une longueur régulière de cinq millimètres .
    Comme si, en réussissant à me raser le crâne d'assez près , il parviendrait à supprimer le jambage de mon second chromosome X pour le réduire à un Y.
    Garçon manqué......
    J'avais passé toute mon enfance à ressembler à l'unique photo de lui enfant qu'il possédait , le visage perdu au milieu d'une armée d'enfants tondus, un troupeau de réfugiés ?, il n'avait jamais précisé. "

  • On choisit ses chaussettes. On choisit pas ses parents.

  • J’ai pas besoin d’une nouvelle vie, Maman. J’ai besoin de nouveaux parents. Elle se tut, et alors que j’allais dire que j’étais désolée, elle me mit les clefs de sa voiture dans la main. Comme une bénédiction. Les derniers sacrements.

  • Pendant toutes ces années, c’est pour ça que je l’avais laissé me raser la tête : si la seule chose qui lui manquait ici, c’était d’avoir un fils avec qui faire des trucs, je serais presque aussi bien qu’un garçon, je serais ce qu’on pouvait trouver de plus approchant. Je ne m’étais pas aperçue que ça ne servait à rien. Comme les baisers de Maman. Il partait quand même.

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lundi 20 juin 2022

Kimberley FREEMAN – Fleurs sauvages – Livre de poche - 2015

 

L'histoire

Emma, 32 ans vit à Londres où elle est une étoile de la danse classique. Et puis une semaine en 2009, tout s »effondre : son petit ami la quitte, et elle tombe dans les escaliers et se fracture le genou. Malgré les opérations, elle ne pourra plus danser. Elle retourne vivre dans sa famille en Australie et apprend que sa grand-mère lui légué une maison en Tasmanie, qu'elle ne pourra pas vendre avant 6 mois. Partie pour préparer la vente, elle découvre alors la vie secrète de cette grand-mère tant aimée.


Mon avis

Un gentil roman qui se laisse lire facilement, et qui a le mérite de nous éclairer sur le sort des femmes en Tasmanie, cette île rattachée à l'Australie au début du siècle dernier. Le personnage de Beattie, la grand-mère va a l'encontre de tout. Enceinte d'un homme marié, celui-ci l'emmène en Australie mais se montre joueur, buveur, incapable de gérer sa famille. Beattie s'enfuit avec sa fille Lucy en Tasmanie, où elle trouve un emploi de couturière, puis un emploi dans une ferme qu'elle finira pas gagner au poker. La ferme produit de la laine des moutons. Et très vite elle s'éprend d'un aborigène, un « noir » et fait scandale dans le village voisin. Elle perd la garde de sa fille, mais gagne une fortune considérable, épouse un député et devient une femme convenable.

Tout le roman repose sur le vécu de Beattie, femme en avance sur son temps, qui agit selon ses désirs et se met à dos la société trop pieuse et surtout trop raciste de la ville.

On sait que la Tasmanie, lors de sa colonisation anglaise, utilisa les aborigènes comme des esclaves dans les plantations puis furent décimés par l'alcool, la prison, les mauvais traitements. En 1833, il ne restait plus que 300 aborigènes tasmaniens. Mais par leur très bonne connaissance des terres, ils furent nombreux à être embauchés comme bushrangers.

Roman agréable à lire, mais à mon avis, pas assez fouillé dans les rapports entre les communautés. Certes le personnage de Beattie est fort et en fait une héroïne, mais le livre manque de dynamisme, il est très narratif, mais n'explore pas totalement la psychologie des personnages. Il a au moins le mérite de nous éclairer sur une partie du monde que nous connaissons peu.


Biographie :

Kimberley Freeman Wilkins est née en 1970 à Londres. Kim Wilkins a grandi et vit à Brisbane. Elle est diplômée en littérature anglaise et en création littéraire de l'Université de Queensland.
Elle a publié trois romans et a reçu, à deux reprises, en 1997 et en 2000, le Prix Aurealis du meilleur roman fantastique australien.


Extraits :

    - Quelle injustice de devoir vieillir ! Elle se fichait pas mal de son entreprise, de sa richesse, de l'hôtel particulier qu'ils avaient construit sur le port. Elle aurait volontiers échangé tout cela contre un retour dans le temps, pour revivre cette année 1939, pour toujours (Beattie)
  • Je venais de comprendre que je cherchais quelque chose dans tous ces cartons. Je voulais connaître la raison pour laquelle ma grand-mère avait hérité gratuitement de cette ferme, l’Identité de cette petite fille sur la photo, le passé de ma grand-mère ...avant qu'elle ne devienne cette femme d'affaires accomplie... (Emma)

  • Il y a deux sortes de femmes sur Terre : celles qui font les choses et celles qui se laissent faire.

  • Tout ce qu' elle voulait, c'était un travail décent, sûr et bien payé, mais ils étaient des milliers à vouloir la même chose. Elle faisait partie de cette foule de gens pour qui il était impossible de monter en grade.

 

 

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