L'histoire
Mary Rowlandson est enlevée à l'age de 35 ans par une tribu d'indiens Nipmucs et est offerte en esclave à la Sachem, la cheffe du clan. Cette bonne chrétienne, élevée dans le puritanisme le plus pur découvre, malgré sa condition d'esclaves une forme de liberté. Et quand la liberté s'installe, on ne peut plus s'en défaire. Rachetée et retournant vivre auprès de son austère mari, la jeune femme en vient à douter des principes inculqués et de sa foi.Mon avis
Un superbe roman qui reprend l'un des grand classique de la littérature américaine « Narrative of the Captivity and Restoration of Mrs. Mary Rowlandson », une histoire vraie mais arrangée à la sauce puritaine la plus pure.Après un long travail de recherches, Amy Brown retrace la vie d'une femme hors du commun.
Mary est née en Angleterre, elle émigre vers l'âge de 2 ans dans le Massachusetts, son père ayant décidé de faire fortune dans le Nouveau-Monde et devient un important propriétaire terrien. Mariée à un pasteur des plus rigoriste, la vie de Marie se résume à être une « femme convenable », autrement dit soumise à son mari qui cite les évangiles à chaque supposé faux pas de sa femme, qu'il bat et viole sans complexe, car tout est la volonté de Dieu. Un homme qui réfute les sentiments,. Mary ne peut pas sortir seule, son devoir est d'éduquer ses quatre enfants dans les lois, puis s'occuper de son jardin, de la cuisine, de la lessive, faire le pain et les gâteaux, une vraie esclave en somme.
Après le massacre de son village de Lancaster où son mari est pasteur (et absent au moment des faits), Marie est enlevée par les indiens en guerre contre les anglais qui accaparent leurs terres et ne sont que des sauvages à tuer. Si elle dure 11 semaines, rabs des conditions climatiques difficiles, Mary s'étonne de la liberté des femmes et apprend que sa maîtresse au caractère difficile et ayant eu plusieurs maris est la sachem de cette tribu puissante. Mais malgré sa condition de vie, elle apprend aussi la liberté. Les vêtements indiens libèrent son corps des carcans de jupes et chemise, les mocassins sont comme des chaussons et surtout elle se rend compte que même captive et même quand il y a peu à manger, il y a toujours une part pour elle. Sa maîtresse la laisse libre de vagabonder à sa guise quand il n'y a pas de travail à faire, et elle noue une amitié solide voire plus avec James, un indien christianisé, envoyé en Angleterre où il a appris le métier d'imprimeur, puis enfermé dans un camps anglais dans des conditions inhumaines. Parvenu à s'échapper, il rejoint le clan où il est toléré mais n'étant pas de la même ethnie, il est déconsidéré.
Et quand Mary est libérée c'est pour retrouver son infâme mari qui n'a en rien changé ses habitudes, et comprend difficilement ce qu'est devenue cette femme. De plus les rumeurs vont bon train et font de Mary une sorte de paria. Selon la bonne société de Boston, elle a été corrompue et souillée (autrement dit elle a eu des relations sexuelles avec un « sauvage », et même son mari est très suspicieux. Mary étouffe de plus en plus dans ce nouveau carcan, et se rebelle face à cet homme égoïste qui confond Dieu avec son propre profit. Perturbée dans sa foi, perturbée dans sa vie, Mary choisit délibérément de s'affranchir de ce mari, qui finit par mourir brutalement pour se remarier avec un homme jovial, riche et peu soucieux des conventions.
Ce roman est celui de l'émancipation d'une femme dont le destin bascule. Certes, elle a vu mourir sa sœur bien aimée et sa dernière fille encore bébé qu'elle ne peut soigner mais elle apprécie la liberté des femmes indiennes et leur rapport à l'éducation. Les femmes ne punissent pas leurs enfants, mais jouent avec eux, les laissent libre dans la mesure où leur sécurité est assurée, une femme peut être chef de clan respectée par les hommes, elle-même pu tenir un petit commerce au sein du clan en tricotant ou en cousant des vêtements
Et puis il y a le problème de l'esclavage. Certes Mary est une esclave mais elle apprend aussi la façon dont le blancs utilisent les hommes noirs ou indiens. Affamés, affaiblis, parqués dans des camps sans aucune hygiène, tués dans les pires souffrances, Mary refuse même d'avoir un esclave indien, alors que son mari lui affirme que c'est écrit dans les Évangiles et ne comprend plus cette femme qui a souffert à la fois de la perte de sa fille, de sa conditions d'esclave mais finalement bien plus humaine que celle des colons.
Un roman historique, captivant, sublime qui n'a d'ailleurs pas trompé la critique littéraire excellente.
Extraits :
Tu ne dois pas rendre visite à cette fille tant qu'elle n'a pas retrouvé son honneur. Tu as pris de grands risques en accouchant cette femme. Un contact supplémentaire te souillera. Nous souillera tous."N'y a-t-il donc en ce lieu aucune place pour la charité chrétienne ? demande-t-elle d'une voix basse et posée afin de ne pas menacer son autorité. La gentillesse n'est-elle pas un des fruits de l'esprit, après tout ?"Le regard de son mari se durcit et sa mâchoire se raidit ; elle comprend qu'elle est allée trop loin. "Une femme n'a pas à décider de telles choses, déclare-t-il. Tu as une opinion bien trop élevée de toi-même. Ta fierté causera ta perte."
Elle sait que son mari a tous les droits de la corriger, mais cela lui déplaît, lui a toujours déplu.Elle est frappée par l'étrangeté de sa situation. Bien qu'elle soit captive, elle jouit d'une incroyable liberté de mouvement. Elle se souvient de l'époque où, à Lancaster, elle rêvait de franchir la porte de sa maison et traverser le champ toute seule. Rêvait de la liberté de se promener où et quand elle le souhaitait, affranchie des regards méprisants de ses voisins et des paroles réprobatrices de ses sœurs. Pourtant, elle s'était rarement aventurée seule au-delà de la cour, hormis lors de ses quelques visites secrètes à Bess Parker. Bien qu'aucune chaîne ni entrave ne la retînt prisonnière, elle avait tout d'une captive.
Les rumeurs n'ont pas besoin de preuves pour enfler, lui rappelle-t-elle. Tout ce dont elles ont besoin, c'est d'une langue mauvaise et d'une oreille pour l'écouter.
La nature sauvage est devenue pour elle un lieu où règne la beauté, un lieu qui n'est plus seulement synonyme de danger, mais aussi de paix et de mystère.
Elle n'a jamais vu une femme s'occuper d'un enfant avec une telle tendresse. On lui a appris, alors qu'elle n'était elle-même encore qu'une enfant, qu'une femme doit se garder de se montrer trop affectueuse envers son bébé, au risque de mettre son âme en péril. Aussi a-t-elle toujours pris soin de limiter les marques de tendresse envers ses enfants en public.
Elle gagne peu à peu la certitude que si Dieu a laissé ces terribles épreuves s'abattre sur la Nouvelle-Angleterre, c'est parce qu'ils se sont adonnés à l'esclavage. Au lieu de s'examiner eux-mêmes, les Anglais, dans leur ignorance et leur stupidité, ont cru que tout ce qu'ils faisaient était approuvé par Dieu.
Un jour de sabbat, après le service du matin, elle prend Mary à part et la met en garde contre les bruits qui commencent à circuler selon lesquels elle aurait été ensorcelée durant sa captivité. Certains affirment même que le diable en personne l’a possédée alors qu’elle vivait dans le monde sauvage.
Au fil des jours, Mary commence à prendre conscience qu’elle ne redeviendra jamais la femme qu’elle était. La route vers son ancienne vie est bloquée, non seulement par sa nouvelle nature désordonnée, mais aussi par les citoyens de Charlestown. Où qu’elle aille, elle remarque leurs regards méfiants et entend leurs murmures. Elle en vient à accueillir avec bienveillance l’idée de son mari de s’installer dans une nouvelle paroisse, loin des langues médisantes de la colonie de la baie.Le silence est une grâce que lui ont apprise les Indiens.
Elle ferme les yeux et incline la tête en arrière pour laisser les derniers rayons du soleil tomber sur son visage. L'espace d'un instant, dans sa fatigue, les rires des enfants lui rappellent le chant des femmes indiennes et elle revoit le grand cercle de feu à Wachusett.
Elle envisage un instant de confesser son aridité spirituelle à Joseph, mais elle sait déjà qu’il lui conseillera de prier et jeûner, qu’il lui lira de longs passages des Écritures. Et elle sait que rien de tout cela n’allégera l’inconfort et la confusion. Pendant les sessions de prière en famille, lorsque tous écoutent Joseph lire la Bible et prier, elle garde sagement les yeux baissés, bien qu’une grande agitation règne dans son cœur.
Biographie
Amy Belding Brown est poétesse, nouvelliste et romancière.Diplômée du Bates College à Lewiston, Maine, elle est titulaire d'un MFA du Vermont College de l'Université de Norwich à Montpelier, Vermont, en 2002.
En 2005, elle publie son premier roman, "Mr. Emerson's Wife". L'Envol du moineau" (Flight of the Sparrow, 2014) est son premier roman publié en France.
Mariée et mère de quatre enfants, elle vit avec son mari à Thetford, dans le Vermont, depuis 2011.
En savoir Plus :
son site : https://www.amybeldingbrown.org/