lundi 19 septembre 2022

Gilda Piersanti – Les somnambules – Éditions Le Passage Noir ou Poche Pocket 2021

 

L'histoire

Quand la fillette de 13 ans de Gabriele, honnête docteur à Rome, est enlevée, c'est tout un passé enfoui qui ressurgit. Ils étaient 3 copains, Dario, Massimo et Gabriele qui ont fait les pires bêtises de jeunesse, mais ont surtout commis un acte horrible, pour lesquels ils n'ont jamais été poursuivis. 25 ans plus tard, le passé se rappelle à eux, et menace les belles situations qu'ils ont construits. Dario est devenu un ministre respecté, Massimo un très riche entrepreneur, et Gabriele un honorable médecin. Mais quand le danger menace de les ruiner, c'est alors du chacun pour soi, et tous les coups sont bons à jouer. Et surtout les pires.


Mon avis

Avec plaisir, nous retrouvons ici Gilda Piersanti dans un polar assez inattendu. Elle explore les domaines de la vengeance, du ressentiment, et de la haine.

Les 3 héros masculins sont presque des caricatures du pire. Dario est un homme devenu puissant, surtout grâce à sa femme Simona qui agit dans l'ombre pour régler les problèmes possibles et les obstacles à la réussite de son mari. Cet homme imbu de lui-même, qui a toujours su être le leader à coups de flatterie ou de pressions. Massimo est passablement riche, mais l'amour ne peut pas acheter le cœur, et le sien bat pour Alice, la femme de Gabriele. Enfin Gabiele, un homme rongé par le remords, qui veut avant tout sauver sa fille, et qui ne veut plus être considéré comme le sous-fifre de la bande.

A cette galerie de personnages s'ajoutent les personnages de Valentina, Francesco et sa mère. Valentina vit à Los Angeles depuis qu'un drame a endeuillé sa vie d'adolescente et dont, à part des cicatrices, elle n'a aucun souvenirs. Humaine, renfermée sur elle-même, elle est le seul personnage attachant, par son passé, par son travail acharné d'artiste et de femme érudite. Francesco, l'enfant non désiré, frère de Fabrizio mort dans un incendie, fait tout pour plaire à sa mère, une mater dolorosa qui ne se remet pas de la mort de son fils adoré et utilise le cadet comme bon lui semble, entre menaces, chantage affectif, mais sans lui donner la moindre attention.

Ici les thèmes de l'emprise, et de la vengeance sont parfaitement exploités.

Tous ces personnages qui sont aussi manipulateurs que cabossés par la vie n'auront qu'une idée : sauver ce qui peut encore l'être. Et en prime une petite visite d'un quartier de Rome insolite, un peu du vieux Rome populaire qu'affectionne tant l'autrice. Inutile de vous dire que ce livre, écrit avec une apparente légèreté, assez dialogué, va vous enchanter par son suspens, sa vivacité, et son machiavélisme. On n'en attendait pas moins de Miss Piersanti, dont le talent n'est jamais pris en défaut.


Extraits :

  • La vie qu’il menait lui imposait des pauses, s’il voulait continuer à la vivre ; son psy n’avait de cesse de le lui répéter et sa femme d’en tirer les conséquences. Lui ne les écoutait que d’une oreille distraite, les médocs étaient plus fiables pour retrouver l’équilibre, sinon le sommeil. Lutter pour ne pas en abuser, céder, résister, puis céder de nouveau : c’était le cycle d’un plaisir tortueux qui risquait de se révéler dangereux. Heureusement, Gabriele, son fidèle médecin et ami d’enfance, veillait sur lui ; lui seul le connaissait vraiment. Il n’était pas sûr de tenir encore à lui comme à l’adolescence, mais il lui était attaché, surtout depuis qu’il dosait savamment ses psychotropes.

  • Un avertissement ? Pour quoi ? Ses affaires étaient globalement en règle, quelques tensions avec le fisc, comme tout le monde, réglées par ses comptables. Des méthodes d’entrepreneur banales, le fisc ne vient pas vous intimider à l’aube en heurtant votre voiture. Avait-il dérangé quelqu’un sans s’en rendre compte ? Il n’avait jamais eu affaire à de vrais criminels ; à des escrocs oui, à des crapules aussi, mais c’étaient généralement des types solitaires, des mecs qui avaient envie de tricher vite, de gagner plus vite encore, de voler bien sûr, mais sans jamais recourir à la violence. Alors pourquoi cet avertissement ? Qui voulait l’avertir de quoi?

  • Il y avait du vrai et du juste dans cette colère envers les « dominants », ainsi que tout un peuple nommait désormais les élus ; mais il y avait aussi beaucoup d’hypocrisie, de l’envie et un besoin sourd de vengeance de la part de ceux qui détestaient toute hiérarchie. Les sentiments les meilleurs se mêlaient aux plus bas et la rage qui se déchaînait se révélait parfois plus nuisible que le mal contre lequel elle prétendait lutter.

  • Elle était de nouveau la femme coopérative et efficace, prête à saisir le gouvernail de la barque dans la tempête. Sans savoir que cette fois elle ne monterait pas à bord.

  • Elle avait trouvé un filon qu’elle explorait honnêtement depuis le début, mais elle considérait que son œuvre, la vraie, c’étaient ses portraits cachés. Il lui plaisait d’imaginer qu’on les découvrirait un jour, après sa mort, et que la postérité la jugerait sur ce qu’elle n’avait jamais montré à personne.

  • Simona se voyait toujours obligée d’intervenir pour modérer ses élans, corriger certaines initiatives ou en réduire la mesure. Il fallait donner, mais pas trop, ni tout le temps, ni à tout le monde ; en politique comme ailleurs, la gentillesse était perçue comme de la faiblesse. La machine de guerre de leur couple était parfaitement au point : il était aimé ; elle était crainte.



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dimanche 18 septembre 2022

Paula HAWKINS – Celle qui brûle – Éditions Sonatine Pocket 2022

 

L'histoire

Daniel Sutherland, un drôle de type, est retrouvé égorgé dans sa péniche amarrée sur l'un des quais de Londres. Qui pouvait bien lui en vouloir. Parmi les suspects, Laura 25 ans, bosse dans une laverie et boite du à un accident de la route. Miriam, sa voisine de péniche, une femme à l'aspect repoussant, cache un passé traumatique. L'oncle et la tante de Daniel, personnes assez riches, qui vivent aux abords du canal, les seuls parents encore en vie de Daniel ont eut aussi un passé dramatique. Ces personnes en colère, contre leurs vies, leurs échecs, ne se connaissent pas mais ont toutes eu un lien avec le mort. L'enquête s'annonce complexe.


Mon avis

Voilà donc le tout dernier roman de Paula Hawkins, celle qui a écrit le best-seller « La fille du train ». On y retrouve comme à chaque fois, la structure des précédents romans, à savoir que la parole est donnée tour à tour aux principaux protagonistes et entre le franc parler de Laura, la froideur hautaine de Carla, chacune à sa façon de s'exprimer. Parallèlement, un récit écrit par Théo, un romancier qui a eu son heure de gloire, mais qui est en panne d’inspiration vient ponctuer le récit comme une pause dans l'intrigue principale.

Encore une fois Paula Hawkins ausculte ses personnages à la loupe.

Laura est une fille mal lotie par le destin. Handicapée par un accident de voiture dans son enfance, elle boite et garde des séquelles psychiques. Elle peut exploser de colère à la moindre vexation, et blesser quelqu'un. Elle aime boire, elle n'a pas d'amis, à part Irène, une vieille dame qui vit seule et qui a vu bien des choses, une apprentie Miss Marple en sorte.

Miriam est une femme au physique difforme, elle est petite et grosse, peu attirante. Elle aussi vit sur une péniche, s ans amis, et à tendance à être cleptomane. Elle a subit un traumatisme dans le passé, et en garde outre un dégoût d'elle-même, une haine qui la ronge, par ce qu'elle n'a pas su faire et aussi parce qu'on lui a volé son manuscrit.

Paula, grande femme élégante, issue d'une famille fortunée, a perdu dans des circonstances tragiques son enfant. Elle est persuadée que c'est la faute de sa sœur, la mère de Daniel, une femme alcoolique qui est morte quelques semaines auparavant d'un accident (ou pas ?). Son mari Théo, dont elle est officiellement divorcée, mais qu'elle voit tous les jours fait tout pour la reconquérir, un homme sans grand caractère, écrivain médiocre qui vit sur sa gloire passée.

Trois femmes, trois colères rentrées suite à des aléas de la vie qu'elles n'acceptent pas, et qui pourraient bien les avoir menées jusqu'au meurtre.

Un bon roman de suspense certes, mais je ne retouve pas le charme de « la fille du train » ou d »Au fond de l'eau » qui reste sans doute mon préféré. Le roman est aussi plus court, et l'auteure aurait du explorer plus en profondeur les problèmes de la maternité et de l'éducation et celle de la douleur qui devient colère.

 

Extraits :

  • Irène avait quatre-vingts ans, mais elle se sentait beaucoup plus jeune. Pas seulement parce qu'elle était alerte et bien portante (malgré sa cheville foulée), mais surtout parce qu'il était impossible d'avoir l'impression d'avoir quatre-vingt ans. Personne n'avait l'impression d'avoir quatre-vingts ans. Si on lui avait demandé son avis, elle aurait répondu que dans sa tête , elle avait plutôt trente-cinq ans. Ou quarante à la rigueur. Un bon âge, quarante ans. On sait qui on est. On a laissé derrière soi la frivolité et les incertitudes de la jeunesse, mais on n'a pas encore eu le temps de s'endurcir, de devenir intraitable.

  • Lors d'une journée de printemps comme celle-ci, le paysage était un camaïeu de verts : vif sur les jeunes rameaux des platanes et des chênes, olive pâle dans le feuillage des saules pleureurs du chemin de halage, citron vert presque électrique pour les lentilles d'eau à la surface du canal.

  • Coucou papa c'est Laura. Alors hier, on m'a arrêtée pour meurtre mais on m'a laissée partir sans m'inculper, ensuite je me suis fais virer pour avoir raté un jour de boulot parce que j'étais en garde à vue, toute la bouffe que j'avais achetée est périmée et aussi, j'ai plus un rond. Est-ce que tu pourrais me rappeler! Bonne journée, hein! Allez, bisous

  • Et voilà, c'était écrit noir sur blanc. Si on oubliait les insultes, les accusations nauséabondes, le rejet en bloc de ses allégations " sans aucun fondement ", "erronées", "ténues", "diffamatoires", "déraisonnables", leur argument principal résidait dans cette dernière phrase : nous avons l'argent, nous avons le pouvoir. Et vous, vous n'avez rien.

  • Carla était le genre de femme qui savait mettre un prix sur tout, mais qui ne connaissait la valeur de rien.

  • Encore et toujours la même conclusion. Vous ne pouvez pas comprendre, vous n'êtes pas une mère. Vous n'avez jamais connu le véritable amour. Vous n'êtes pas capable d'éprouver un amour infini et inconditionnel. Et par ricochet, une haine absolue.


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jeudi 15 septembre 2022

Guadalupe NETTEL – L'oiseau Rare – Éditions Dalva 2022 -

 

L'histoire

A 20 ans, Laura et Alina, meilleures amies s'étaient jurés de ne pas être mères. 10 ans plus tard, Alina décide de tomber enceinte. Une grossesse difficile et un enfant handicapé qui vont demander à Alina un courage de mère surhumain. Elle est soutenue par Laura qui ne juge pas mais qui maintient ses convictions. Pourtant Laura se prend d'affection pour son petit voisin, un enfant difficile.


Mon avis

Un roman fort, triste et beau qui ne tombe pas dans le pathos, grâce à l'écriture nuancée de Guadalupe Nettel. Le roman, raconté du point de vue de Laura, alterne les chapitres entre les 2 femmes, sans forcément un lien de temporalité, ce qui ne nuit en rien à la compréhension du livre.

Ici c'est la maternité que l'auteure mexicaine interroge. Laura ne veut pas d'enfants. Elle va se faire ligaturer les trompes. Ses arguments, pour cette féministe convaincue sont l'asservissement de la femme à la maternité et ses cortèges d'ennuis (accouchement, nuits blanches, allaitement, éducation que l'on confie surtout aux mères). Anaïs Nin, dans son premier journal, ayant appris qu'elle ne pourrait pas avoir d'enfants écrivait en 1919 : la maternité n'est pas le but de la femme, elle a aussi d'autres moyens de création. Une phrase choc pour l'époque mais noyée dans l'intensité de ses journaux. Laura tient bon, éconduit les prétendants qui veulent fonder une famille, se heurte aux reproches de sa mère. Toutefois, pendant quelques mois, elle en arrive à s'occuper de son jeune voisin, un enfant sujets à des colères terribles que la mère, femme seule et fragile ne peut plus assumer.

Alina, elle, rencontre son mari et tentent de procréer : examens médicaux, tentative de FIV (une seule car cela coûte très cher au Mexique). Finalement Alina tombe enceinte. Une petite fille est attendue Inès. Mais les échographies finales indiquent un manque de développement du cerveau et avant même la naissance, les parents savent que l'enfant ne survivra pas. Pourtant Inès naît et ne semble ni sourde, ni aveugle, et plonge sa mère dans des interrogations sans fins, et surtout sans solutions pratiques. Les médecins ne sont guère optimistes. Mais Inès s'accroche à la vie. Aidée par une association et une nounou compétente, Alina reprend espoir.

C'est toute l'histoire d'une médecine mexicaine où les bons soins sont payants, figée dans ses certitudes et ses concepts que nous raconte l'auteure. Mais aussi une interrogation sur le fait d'être mère. La détresse d'Alina qui ne sait pas quoi faire de ce bébé différent, et la problématique, ici comme chez nous de l’accompagnement médical, social, scolaire des enfants handicapés, le regard des autres. Et puis, il y a aussi les violences faites aux femmes.

Un livre à lire mais dans une période où vous vous sentirez forte, car l’histoire est dure, touchante, et chacun réagira selon sa sensibilité.

Extraits :

  • Les deux pigeons étaient revenus. Posés sur le nid, ils roucoulaient plus fort que d’habitude, me semblait-il. Regrettaient-ils la présence de l’autre œuf ? Vivaient-ils sa disparition comme une perte douloureuse ou était-ce une chose à laquelle les pigeons et les autres animaux étaient préparés, quand nous autres êtres humains ne pouvions tout simplement pas le tolérer ?

  • Je fais partie de ces gens dont le corps se crispe intégralement quand les pleurs d'un bébé retentissent dans un avion ou la salle d'attente d'un cabinet, et qui deviennent fous si ces cris se prolongent au-delà de dix minutes. Mais ce n'est pas non plus comme si les enfants me repoussaient complètement. Les voir jouer au parc ou s'écarteler pour un jouet dans un bac à sable peut même parvenir à me distraire. Ils sont un exemple vivant de ce que nous serions nous, êtres humains, si le civisme et les règles de savoir-vivre n'existaient pas.

  • Incontestablement une grossesse change quantité de choses, entre autres la relation que l’on entretient avec les gens : les amies qui avaient décidé de ne pas avoir d’enfants la regardaient à présent différemment, comme si Alina était atteinte d’une maladie contagieuse. Au contraire, celles qui en voulaient et voyaient le temps passer la contemplaient avec une admiration teinte d’envie. J’ignore si l’une d’elles, autre que moi, était sincèrement heureuse pour elle.

  • Quand on est jeune, il est facile d’avoir des idéaux et de vivre en accord avec eux. Ce qui est compliqué, c’est de maintenir une cohérence dans le temps malgré les difficultés que nous impose la vie.


Biographie

Guadalupe Nettel écrivain née à Mexico en 1973. Elle a obtenu de nombreux prix littéraires dont le prix Herralde et le prix Anna-Seghers. Ses livres sont traduits en plusieurs langues.
Guadalupe Nettel a passé son enfance entre le Mexique et la France, où elle a obtenu le titre de Docteur en Sciences du Langage à l'École des hautes études en sciences sociales.
Son premier roman, El Huésped (Anagrama, 2006), a été publié simultanément en français par les éditions Actes Sud sous le titre L'Hôte.

Les éditions Dalva (filiale d'Actes Sud) se consacrent uniquement à la littérature ecrite par des femmes.

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mardi 13 septembre 2022

Gilda Piersanti – Jaune Caravage – Editions Le passage/ Seuil – 2008 ou Poche Pocket.

 


L'histoire

Eva, une adolescente de 17 ans, est retrouvée morte, égorgée et énuclée (on lui a ôté les yeux) alors que la fête de la Nuit blanche bat son plein dans ce quartier de Rome, autrefois populaire et désormais lieu branché de la jeunesse italienne. Cette jeune fille, en apparence bonne élève, très jolie, joyeuse cache en fait des secrets que sa mère ignore. Des relations ambiguës avec l'amant de sa propre mère, une affection particulière pour l'élève la plus douée de son lycée. (mais aussi la moins appréciée pour son physique ingrat et sa solitude). Une enquête surprenante de l'inspectrice-chef Mariella De Luca


Mon avis

Qui a dit que les femmes ne pouvaient pas écrire des polars à la limite du « gore » ? Avec Jaune Caravage, Gilda Piersanti clôt les 4 romans des « des 4 saisons ». Après Rouge Abattoir, Vert Palatino, et Bleu Catacombes. On y retrouve l'inspectrice Mariella De Luca, en situation amoureuse difficile et son adjointe, Silvia, son opposée (caractère, physique).

Et comme pour les précédents romans, le personnage principal est Rome. Car chacun des polars des saisons meurtrières se passe dans un quartier de la ville éternelle, pas forcément connue du grand public.

ci c'est sur une rive du Tibre, dans un quartier en pleine mutation. Autrefois quartier ouvrier, celui-ci se transforme avec l'ouverture d'une énorme boite de nuit, et d'un prochain centre pour les jeunes. Il reste encore quelques figures insolites comme le vieux Eugénio qui vit dans une cabane où il passe son temps entre son potager et la pèche, entre deux litrons d'un vin du cru et la confection d'un minestrone délicieux. La maman d'Eva, une émigrée russe, vit chichement dans un petit 2 pièces bien entretenu. Elle est « Badente » (femme de ménage, ou nourrice, employées par les riches romaines.

Mais revenons à l'enquête. Des suspects, il y en a, mais jamais le bon au final. Des mobiles aussi, mais jamais les bons non plus. Le duo d'enquêtrice va donc plonger dans les tourments de l'adolescence et jeunes à la dérive.

Par ailleurs, nous suivons les aventures de Mariella, qui se poursuive à chaque romans, ici un déboire amoureux et une rencontre étonnante avec un jeune homme sorti du passé (mais il faut avoir lu les 3 romans précédents pour comprendre. Pour ceux qui ne les auraient pas lu, Mariella enquête discrètement sur la disparition du fils unique du Commissaire D'Innocenzo, son mentor et son ami.

Un polar puissant et une visite de Rome, avec beaucoup de références à la littérature italienne ou au Rock de ces années-là. Nevermore.

 

Extraits :

  • Les mains assassines s’affolèrent au milieu des buissons sauvages. Elles cherchaient le baladeur d’où s’échappait encore la chanson qu’Eva n’entendrait plus :
    « As my memory rests
    but never forgets what I lost
    wake me up when september ends. »
    La lampe de poche zigzagua au milieu des arbustes, le baladeur avait disparu. Le quai était désert mais en cette nuit de fête quelqu’un pouvait encore avoir envie de descendre jusqu’au Tibre pour trouver un coin tranquille, à l’abri des foules qui arpentaient la Nuit Blanche. Paniquées, les mains abandonnèrent la recherche. Eva était évanouie. Les mains arrêtèrent de trembler, sortirent quelque chose de la poche du jean, relevèrent le tee-shirt d’Eva pour s’en faire une protection et portèrent un coup net sur la carotide. Le sang gicla violemment sur le coton blanc.

  • Elle scrutait sa silhouette à l'autre bout du couloir et tremblait de tout son corps. Brusquement, elle s'élança à sa rencontre et l'enlaça passionnément. La clé toujours dans sa main. Comme Ingrid Bergman.

  • ça va bien un temps, son sale caractère ! se disait-il. Le couple ne peut quand même pas être une épreuve de tous les jours !



Biographie

Née en 1957 à Tivoli, Gilda Piersanti est une écrivaine française de romans policiers.
Elle habite à Paris depuis vingt ans et écrit directement en français. Elle reste un an à l’Ecole d'Architecture de Rome et obtient un doctorat en Philosophie (thèse sur l'esthétique de Baudelaire).
Elle exerce l'activité de critique littéraire, traduit des œuvres de la littérature française et est commissaire pour deux expositions concernant Constantin Guys et Charles Meryon.

Elle se consacre exclusivement à l'écriture depuis 1995.
Son premier roman, "Rouge abattoir" (2003), a été adapté pour France Télévision sous le titre "Hiver rouge" (2011), un film de Xavier Durringer, avec Patrick Chesnais et Jane Birkin. "Bleu catacombes" en 2007 reçoit les Prix du Polar Méditerranéen 2007, Prix SNCF du polar européen 2007..Elle est aussi l’auteur d’un roman intitulé "Médées", dans lequel elle réinterroge à la faveur d’une intrigue très contemporaine le mythe de Médée, la mère infanticide.
"Illusion tragique" reçoit, en 2018, le Prix Méditerranée Polar et le Prix des lecteurs Quais du polar/20 minutes.


Nota

  • une adaptation de 4 téléfilms a été faite des saisons meurtrières, mais transposée à Paris, et le personnage de Mariella Di Luca ne correspond en rien aux romans.

  • Un glossaire en fin de livre nous permet de saisir quelques notions sur le mode de vie typique de Rome.

  • J'ai lu l'ensemble des 4 livres des « saisons meurtrières » mais je dois avouer que j'aime particulièrement le thriller Jaune Caravage. Je viens de le relire suite à un pari gagné avec une amie aussi fan de polar que moi. Hihi.




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Paula Hawkins – La fille du train – Éditions Sonatine 2015 ou Poche Pocket

 

L'histoire

Rachel, la trentaine prend tous les jours le train qui relie sa ville de banlieue Londres. Matin à 8h04 et soir à 17h56. Pendant ce voyage, elle passe devant une maison habitée par un couple qu'elle observe et qui la fascine. D'autant que ce couple vit dans son ancienne ville et vie, celle où elle avait un époux, un statut.Mais un jour elle perçoit une scène étrange dans la maison du couple. Quelques jours après la jeune habitante est portée disparue puis retrouvée morte. La petite vie, morne de Rachel trouve désormais un but : enquêter, alors qu'elle est alcoolique, sujette à des oublis de sa mémoire quand elle boit trop. Et si la vérité était enfouie dans un souvenir ?


Mon avis

Raconté par trous voix, celle de Rachel, de Megan et d'Anna la seconde épouse qui a remplacé Rachel, le roman est extrêmement bien structuré et donc il ne posera aucun problème de compréhension. Le style unique de l'auteure, avec un vocabulaire qui rappelle encore une fois l'eau (la pluie omniprésente ou la chaleur moite de cet été), eaux utérines, eaux alcoolisées, eau froide des douches que prend Rachel pour dessoûler, comme autant de repères qui structurent encore plus le récit.

Mais c'est surtout la psyché des personnages qui interpelle ainsi que leurs 3 problématiques qui en font des sujets universels.

Nous avons Rachel, 35 ans, bouffie par l'alcool qu'elle ingère au moindre souci, tente d'arrêter, replonge et est dans le chagrin impossible du deuil de son mariage. Rachel ment sur la vie qu'elle mène. Elle est au chômage depuis des mois, ce qu'elle cache par honte vis-à vis de son entourage. Sa gentille colocataire essaye de l'aider à se sevrer, son ex-époux qui souffle le chaud et le froid, tant elle le harcèle dès qu'elle a trop bu à coups d'appels, de textos ou de visites importunes. Mais au réveil, lors de ses beuveries solitaires, Rachel ne souvient de rien. Hors elle doit se souvenir de la soirée où Megan a disparu, car elle sent que c'est peut-être la solution à l'énigme et sans cesse elle se heurte à sa mémoire évanouie.

Megan, jolie femme, au passé de fugueuse, entend mener sa vie de façon libre. Même si son passé recèle un lourd secret (un infanticide), sa vie actuelle avec son mari, gentil, conforme mais assez jaloux ne la satisfait pas. Elle prend des amants dans des relations qui ne durent pas, elle ne veut pas d'enfants. Elle sent qu'elle étouffe dans cette petite ville de province, ayant perdu son emploi, et n'ayant rien à faire.

Enfin Anna, la seconde épouse de Tom, l'ex-mari de Rachel, qui lui a donné un enfant (Rachel est stérile, son pire drame), qui vit dans la peur de perdre sa petite fille, qui ne supporte plus les harcèlements de Rachel qu'elle croit complètement folle. Mais petit à petit les certitudes vont céder.

3 personnages de femme, trois les hommes d'hommes parfois insaisissables pour Rachel, cette « fille du train » anonyme, qui n'existe pas aux yeux des autres et qui s'enferme dans son propre malheur. Alcoolisme, perte de mémoire, obsessions de comprendre font de Rachel une héroïne hors du commun.

Et puis le rapport à la maternité. Comme si c'était une obligation de la femme. Maternité dont rêve Rachel pour existe, maternité assumée et protectrice d'Anna et refus de maternité pour la trop libre Megan.

Derrière les petites gens qui nous croisons dans les trains, métro ou bus du quotidien se cachent parfois des histoires insoupçonnables.Paula Hawkins nous entraîne dans un suspense haletant, et ne renie en rien son engagement féministe que l'on retrouve dans « Au fil de l'eau ».Addictif.

 

Extraits :

  • C'est ma faute. Je buvais déjà, de toute façon, j'ai toujours aimé boire. Mais je suis devenue plus triste, et la tristesse, au bout d'un moment, c'est ennuyeux - pour la personne qui est triste et pour tous ceux qui l'entourent. Puis je suis passée de quelqu'un qui aime boire à alcoolique, et il n'y a rien de plus ennuyeux que ça.

  • Le vide : voilà bien une chose que je comprends. Je commence à croire qu'il n'y a rien à faire pour le réparer. C'est ce que m'ont appris mes séances de psy : les manques dans ma vie seront éternels. Il faut grandir autour d'eux, comme les racines d'un arbre autour d'un bloc de béton ; on se façonne malgré les creux.

  • Mon gin tonic en canette frémit quand je le porte à mes lèvres pour en prendre une gorgée, fraîche et acidulée : le goût de mes toutes premières vacances avec Tom, dans un village de pêcheurs sur la côte basque, en 2005. Le matin, on nageait les sept cent mètres qui nous séparaient d’une petite île pour aller faire l’amour sur des plages secrètes ; l’après-midi, on s’asseyait au bar et on buvait des gin tonics amers, très alcoolisés, en regardant des nuées de footballeurs du dimanche faire des parties à vingt-cinq contre vingt-cinq sur le sable mouillé.
    Je prends une autre gorgée, puis une troisième ; la canette est déjà à moitié vide mais ce n’est pas grave, j’en ai trois autres dans le sac en plastique à mes pieds. C’est vendredi, alors je n’ai pas à culpabiliser de boire dans le train.

  • J’ai l’impression d’étouffer.
    Est-ce que cette maison a toujours été aussi minuscule ? Et ma vie, a-t-elle toujours été si minable ? Est-ce que c’est ça dont je rêvais ? Je ne m’en souviens plus. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a quelques mois j’allais mieux et, aujourd’hui, je n’arrive plus à réfléchir, à dormir, à dessiner, et l’envie de m’échapper devient insurmontable. La nuit, allongée là, réveillée, j’entends cette voix dans ma tête qui répète sans relâche, un murmure : « Disparais. » Quand je ferme les yeux, je vois surgir des images de mes vies passées et futures, de tout ce que je rêvais, des choses que j’ai eues et que j’ai jetées. Si je n’arrive pas à m’installer confortablement, c’est que, partout où je regarde, je ne trouve qu’un mur : la galerie fermée, les maisons de cette rue, les velléités d’amitié envahissantes de ces femmes ennuyeuses de mon cours de Pilates, la voie ferrée au bout du jardin avec ses trains qui emmènent constamment des gens ailleurs et qui me rappellent une douzaine de fois par jour que, moi, je ne bouge pas. J’ai l’impression de devenir folle. (Megan)

  • Soyons francs, encore aujourd’hui, la valeur d’une femme se mesure à deux choses : sa beauté ou son rôle de mère. Je ne suis pas belle, et je ne peux pas avoir d’enfant. Je ne vaux rien.

  • Je ne peux pas dire que mes problèmes d’alcool ne viennent que de tout cela. Je ne peux pas les mettre sur le compte de mes parents ou de mon enfance, d’un oncle pédophile ou d’une terrible tragédie. C’est ma faute. Je buvais déjà, de toute façon, j’ai toujours aimé boire. Mais je suis devenue plus triste, et la tristesse, au bout d’un moment, c’est ennuyeux – pour la personne qui est triste et pour tous ceux qui l’entourent. Puis je suis passée de quelqu’un qui aime boire à alcoolique, et il n’y a rien de plus ennuyeux que ça.

  • Deux fois par jour, je bénéficie d'une fenêtre sur d'autres vies, l'espace d'un instant. Il y a quelque chose de réconfortant à imaginer la vie des inconnus, à l'abri chez eux.

  • Sur le côté, quelqu'un a écrit: LA VIE N'EST PAS UN PARAGRAPHE. Je repense au paquet de vêtements au bord des rails et ma gorge se serre. La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une parenthèse.

  • La pièce s'assombrit plus encore et je me retrouve là bas, allongée dans l'eau, son petit corps appuyé sur le mien , la flamme d'une bougie vacillant juste derrière moi.
    J'entends la cire couler, son odeur dans mon nez, et un courant d'air froid vient souffler sur ma nuque et mes épaules. Je me sens lourde, mon corps s'enfonce dans la chaleur de l'eau. Je suis épuisée. Et, soudain, la bougie est éteintes j'ai froid. Très froid, j'ai les dents qui claquettes mon crâne, le corps tout entier qui tremble. La maison me semble trembler aussi, le vent hurle et s'engouffre sous les tuiles du toit.


Biographie

Paula Hawkins est une écrivaine britannique.
Elle est née et a grandi à Harare au Zimbabwe. Son père était un professeur d'économie et journaliste pour la finance. Sa famille déménage à Londres en 1989 alors qu'elle a 17 ans.
Elle étudie la philosophie, la politique et l'économie à l'Université d'Oxford.
Elle écrit des articles sur les affaires pour The Times, tout en écrivant plusieurs articles en indépendant et écrit un livre de conseil financier pour les femmes, "The Money Goddess" (2006).
Vers 2009, Hawkins commence sa carrière de romancière en écrivant des fictions romantiques sous le pseudonyme d’Amy Silver. Elle rencontre le succès commercial avec son roman "La Fille du train" (The Girl on the Train, 2015), un thriller abordant la violence domestique et l'alcoolisme féminin. Il a été un phénomène en librairie et s'est vendu à 11 millions d'exemplaires à travers le monde.
Il a été adapté pour le cinéma par Tate Taylor, en 2016, avec Emilie Blunt dans le rôle de Rachel Watson.
Paula Hawkins a vécu en France et en Belgique. Elle vit désormais dans le sud de Londres.


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dimanche 11 septembre 2022

Zoyâ PIRZAD – On s'y fera – Editions Zulma -2007 (ou livre de poche)

 

L'histoire

Arezou, la quarantaine, a repris l'agence immobilière de son père à Téhéran. Elle doit également gérer sa mère MahMonir, une femme capricieuse et égoïste et sa fille , adolescente rebelle qui en guerre contre le monde entier, et surtout sa propre mère. Quand un certain Monsieur Zardjou lui fait une cour assidue, Arezou, déjà divorcée et débordée par son travail et sa famille hésite.


Mon avis

L'écriture légère, parfois poétique, parfois très drôle de Zoyâ Pirzad nous enchante. Elle décrit avec humour et tendresse la vie de 3 femmes dans un Téhéran en pleine mutation avec l'arrivée au pouvoir des Mollahs.

Nous avons la grand-mère Mah-Mounir, une femme qui a été habituée à vivre dans le luxe (ce qui a ruiné son père dont Arezou essaye de combler les dettes). Égoïste, toujours prête à s'en pendre à sa fille, passant son temps à colporter des ragots, toujours prête pour un chantage affectif, c'est presque une caricature de ces femmes a qui tout est du, et pour lesquelles l'amour se mesure en bracelets d'or ou objets de luxe. Ayeh, sa petite fille est tout aussi capricieuse. Mal remise du divorce de ses parents, elle vit la vie adolescente, à vouloir absolument un téléphone portable dernier cri, ou un objet futile, ne fait pas grand chose au lycée et ouvre un blog où elle déverse ses griefs. Prise entre les désirs de la jeunesse américanisée mais aussi influencée par le nouveau régime, elle trouve le soutien de sa grand-mère, pour tenter de faire la loi face à sa mère.

Enfin il y a Arezou, qui dirige une agence immobilière, mange un peu trop, fume et discute avec son amie de toujours Shirine, une jeune femme qui ne se remet pas de son divorce, toujours amoureuse de son mari et qui tient un discours féministe, comme d'ailleurs de nombreuses femmes croisées dans le livre. Arezou, une femme simple, généreuse avec ceux qui sont dans la peine, fait la connaissance d'un monsieur Zardjou, serrurier aisé dans la banlieue de Téhéran. Si elle le trouve idiot au début, il se révèle être un homme charmant, toujours prêt à rendre service, courtois et aussi respectueux. Petit à petit Arezou commence à éprouver des sentiments et envisage de se marier. Mais à quoi bon ?

Un roman féministe tout en douceur, qui dénonce la lâcheté de certains hommes, et les différences culturelles entre ces femmes qui ont connu le régime d'avant 1979, et qui se retrouvent avec la police des mœurs et des restrictions qui vont venir. Un glossaire en fin de livre permet de comprendre certaines expressions en persan classique et en persan commun (langage développé par les jeunes). Certains jeux de mots ne pouvant être traduits en français, le traducteur nous renseigne dans un glossaire.

Et puis il y a Téhéran, ville tentaculaire où subsistent encore des vieilles maisons, la beauté des montagnes au loin et le parfum exquis des fleurs de glace (inconnue en France). Des petits moments de poésie, comme seule Zoyâ Pirzâd en a le secret.

J'avais déjà beaucoup aimé le recueil de nouvelles « Le goût âpre des kakis », j'ai encore plus adoré ce livre qui a des parfums de thé à la menthe, de rose, qui nous montre le quotidien de la vie iranienne.

 

Extraits :

  • Ma mère est une séductrice née. Elle séduit les hommes, elle séduit les femmes, et probablement, quand elle est seule face à son miroir, elle se séduit elle-même.

  • Tu as besoin de quelqu'un qui t'apaise avec des attentions, des "je t'aime", des fleurs, des petits mensonges, des gâteries... C'est tout. Et mon petit doigt me dit que ce monsieur est une aspirine exceptionnelle.

  • Supposons qu’il soit le plus cohérent, le meilleur de tous les hommes, combien de temps tiendra-t-il ? Jusqu’à quand me supportera-t-il ? Et puis ensuite ?

  • Tu es comme une pile sur laquelle on tire tout le temps sans jamais la recharger. Tu dois penser un peu à toi (Shirine). - Comment faire ? Arezou) - Trouver le chargeur.

  • -J'étais en train de me dire que si c'était lui qui avait voulu repartir en France... D'un signe de tête, elle désigna Hesam en train de chuchoter à l'oreille d'une femme aux cheveux teints. C'est probablement lui que j'aurais épousé... - C'est donc la France que tu as épousée ! dit Shirine en riant.


Biographie

Née à Abadan en 1952, Romancière, nouvelliste, Zoyâ Pirzâd est née d’un père iranien d’origine russe par sa mère et d’une mère arménienne.Mariée, mère de deux garçons, elle débute sa carrière d'écrivain après la révolution de 1979.

Elle a d’abord publié trois recueils de nouvelles dont "Comme tous les après-midi", en 1991. Trois recueils repris aux éditions Markaz à Téhéran en un seul volume.
En 2001, elle a publié un roman, "C’est moi qui éteins les lumières", salué par de nombreux prix, dont le prix du meilleur livre de l'année. En 2004 elle publie: "On s’y fera" roman très remarqué.
Zoyâ Pirzâd est aussi traductrice d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carol et de poèmes japonais. Elle fait partie des auteurs iraniens qui font sortir l’écriture persane de ses frontières et l’ouvrent sur le monde.
Sa langue est un persan simple et quotidien, une langue très équilibrée. La leçon ultime de Zoyâ Pirzâd est humaniste.


En savoir Plus :

Lire l'article sur le goût âpres des kakis : ici


 

jeudi 8 septembre 2022

Paula HAWKINS – Au bord de l'eau – Editions Sonatine - 2017

 

 

L'histoire

Quand Julia apprend la mort de sa sœur Nel, par suicide, elle doit de rendre à Beckford dans le Nord de l'Angleterre. Ce village qu'elle déteste car il lui rappelle des mauvais souvenirs d'enfance, cette sœur qu'elle n'aime pas, toujours cynique, à la réussite parfaite, et sa nièce Lena qu'elle ne connaît pas. Dans le village, il y a quand même une enquête « de routine », mais les mauvaises langues parlent des femmes « suicidées » ou plutôt assassinées. Ca fait le deuxième suicide en moins de 2 mois, et pour un village si tranquille, cela fait beaucoup. Dans cet univers sombre, où chacun se déteste où est la vérité ?


Mon avis

Après le succès de « la fille du train », Paula Hawkins nous emmène dans un village de quelques âmes, entre les ragots des vieilles femmes, et les haines intestines. Sur la structure du roman, la parole est donnée aux principaux protagonistes, tantôt à la première personne du singulier (Je) ou à la troisième personne (il, elle). L'ambiance est pluvieuse comme cette rivière aux tons sombres où l'on périt assez facilement.

Ce polar addictif par son ambiance particulière, avec cette rivière menaçante qui passe sous la demeures familiale, est un vibrant plaidoyer contre les violences et les assassinats de femmes. Bien sur il y a la légende du « bassin de noyées » des sorcières ou des femmes dépressives.

Et puis il y a ses trois femmes dans la tourmente. Nel l'aînée qui a fait de sa sœur, sa souffre -douleur travaillait sur un livre sur ces femmes noyées. Photographe de renom, très belle femme, ayant racheté la maison familiale, Nel ne se soucie pas des commérages, vit sa vie de femme riche, manipulatrice ambitieuse. Sa fille Léna lui ressemble en tout point. Adolescente rebelle, qui fume, boit, et ignore le monde, elle est dévastée par la perte de cette mère admirée et quelques mois plus tôt, le suicide de son amie Katie qui vit une histoire d'amour sécrète. Et puis il y a Julia, qui se fait appeler Jule, tant elle rejette son enfance et son adolescence car elle était obèse, méprisée par la sœur aînée, moquée par ses camarades de classes. Avant de comprendre que malentendus sur malentendus n'ont fait qu'aggraver les choses entre les deux sœurs, elle va devoir apprendre à aimer cette sœur devenue absente et s'occuper de cette nièce qui semble la mépriser.

Mais à cela s’entremêle les voix de la mère de Katie, femme aigrie qui ne cherche pas à faire son deuil, celle de Nikkie la vieille dame « folle » du village mais qui sait ce qu'elle ne devrait pas savoir, celle de Laurène la directrice de l'école rigide et froide , tant son couple bas de l'aile et enfin celle d'Erin la policière qui a les pieds sur terre et qui va résoudre l'enquête.

Les hommes eux sont des lâches. Ils sont bouffi par leur orgueil, leurs préjugés, voire pire. Jusqu'au rebondissement du tout dernier chapitre, ces messieurs ne sont en rien des gentlemen, et vivent dans un temps révolu.

Un polar grinçant qui dénoue aussi bien les secrets de famille, que les intrigues d'une petite ville où il n'y a rien faire, à part en été profiter de cette étrange rivière. Et puis il y a la rivalité entre sœurs, un thème délicat qui pourrait nous faire penser à une Jane Austen du 21ième siècle. A lire.


Extraits :

  • Putain, que c'est bizarre, comme endroit, Beckford. C'est beau, d'une beauté à couper le souffle, par certains côtés, mais c'est vraiment trop bizarre. On dirait un lieu à part, complètement déconnecté de ce qu'il y a autour. Évidemment, autour, il n'y a rien à des kilomètres à la ronde - il faut faire plusieurs heures de route pour atteindre la civilisation. Et encore, si on considère Newcastle comme la civilisation, ce qui n'est pas forcément mon cas. Beckford est donc un endroit bizarre rempli de gens bizarres, avec une histoire bizarre. Et au milieu, il y a une rivière, et c'est cette rivière qui est le plus étrange, parce qu'on a l'impression que de quelque côté qu'on se tourne, qu'elle que soit la direction vers laquelle on se dirige, on finit toujours par tomber dessus.

  • A présent qu'il regardait sa belle-fille, il était convaincu d'avoir fait le bon choix pour son fils, car Helen était modeste, intelligente, et elle n'avait que faire des commérages et autres potins mondains auxquels la majorité des femmes semble vouer une véritable passion.Elle ne perdait pas son temps non plus à regarder la télévision ou à lire des romans. Non, elle était souriante et de bonne compagnie.

  • Quand tu étais petite, tu étais obsédée par cette fille. Moi, je détestais cette histoire, trop triste et trop cruelle, mais tu demandais sans cesse à l'entendre à nouveau. Tu voulais entendre comment Libby, encore une enfant à l'époque, avait pu se retrouver amenée jusqu'à l'eau, accusée de sorcellerie [fin XVIIe siècle]. Pourquoi ? je demandais, et notre mère expliquait : Parce que sa tante et elle connaissaient les herbes et les plantes, et qu'elles savaient fabriquer des remèdes. Cela me semblait idiot comme raison, mais les histoires des adultes étaient pleines de pareilles cruautés idiotes : des petits enfants qu'on empêchait de franchir la grille de l'école parce que leur peau n'était pas de la bonne couleur, des gens battus ou tués parce qu'ils vénéraient le mauvais dieu.

  • Il est des personnes qui sont attirées par l’eau, des personnes qui entretiennent avec elle un rapport presque primal. Je crois en faire partie.

  • Les garçons sont arrivés en même temps que les filles, mais ils sont tout de suite allés nager. Ils remontaient sur la berge, se poussaient du haut des rochers, riaient et s'insultaient, se traitaient de pédés. On aurait dit que les choses se passaient toujours de la même façon : les filles s'asseyaient et patientaient pendant que les garçons faisaient les idiots, puis au bout d'un moment ils s'ennuyaient et venaient embêter les filles, et parfois les filles résistaient, parfois non.

  • Le chagrin de Louise était telle la rivière: constant et changeant. Il ondulait, débordait, enflait et baissait, certains jours froid, profond et sombre, d'autres vif et aveuglant. Sa culpabilité aussi était liquide, elle s'insinuait par la moindre fissure chaque fois qu'elle essayait d'y mettre un barrage.

  • C'est comme quand un homme à une aventure : pourquoi son épouse se met-elle à détester l'autre femme ? Pourquoi elle ne déteste pas son mari, plutôt ? C'est lui qui l'a trompée, c'est lui qui avait promis de l'aimer et de la protéger et tout et tout pour le restant de ses jours. Alors pourquoi ce n'est pas lui qui se fait balancer du haut d'une falaise ?

  • J’avais remarqué quelque chose en lui, comme une faiblesse. Une blessure. Il n’y a rien de plus dangereux qu’un homme dans cet état.

  • Je pensais qu'un violeur, c'était un fou furieux. Un homme qui te sautait dessus dans une ruelle sombre en pleine nuit, un homme qui te mettait un couteau sous la gorge. Je ne pensais pas qu'un garçon pouvait faire ça. Pas un lycéen comme Robbie, pas un beau garçon, pas un garçon qui sortait avec la plus jolie fille du coin. Je ne pensais pas que ça pouvait t'arriver chez toi, dans ton salon, je ne pensais pas qu'il t'en parlait après en te demandant si tu avais passé un bon moment. Je me suis dit que j'avais forcément fait quelque chose qu'il ne fallait pas, que je n'avais pas exprimé assez clairement que je ne voulais pas.


Biographie

Paula Hawkins est une écrivaine britannique née en 1972. Elle est née et a grandi à Harare au Zimbabwe. Son père était un professeur d'économie et journaliste pour la finance. Sa famille déménage à Londres en 1989 alors qu'elle a 17 ans. Elle étudie la philosophie, la politique et l'économie à l'Université d'Oxford.Elle écrit des articles sur les affaires pour The Times, tout en écrivant plusieurs articles en indépendant et écrit un livre de conseil financier pour les femmes, "The Money Goddess" (2006).Vers 2009, Hawkins commence sa carrière de romancière en écrivant des fictions romantiques sous le pseudonyme d’Amy Silver.

Elle rencontre le succès commercial avec son roman "La Fille du train" (The Girl on the Train, 2015), un thriller abordant la violence domestique et l'alcoolisme féminin. Il a été un phénomène en librairie et s'est vendu à 11 millions d'exemplaires à travers le monde. Il a été adapté pour le cinéma par Tate Taylor, en 2016, avec Emilie Blunt dans le rôle de Rachel Watson.
Après "La Fille du train", elle publie "Au fond de l'eau" (Into the Water) en 2017, un thriller qui explore les tromperies de la mémoire et toutes les zones dangereuses que le passé peut atteindre.
Paula Hawkins a vécu en France et en Belgique. Elle vit désormais dans le sud de Londres.



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