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vendredi 1 avril 2022

Peter Handke. Histoire du crayon

 


Controversé Peter Handke.
Je ne reviendrais pas sur la
biographie de cet auteur, tour à tour écrivain, scénariste de Wim Wenders, cinéaste et essayiste, ni sur la polémique qui fit couler beaucoup d'encre en 2006, pour des déclarations pro-serbes et pro Slobodan Milosevic.

Quand l'artiste se fourvoie et emprunte des chemins troubles... Handke n'est pas le seul à avoir dérapé dans l'histoire des arts. On songera aux liens ambigüs entre Dali et Franco, à l'écrivain Céline etc. Que doit-on retenir ? Le comportement ou l'oeuvre ?

En 1987, Handke sort un étrange livre, assez innovant. Une série de notes prises lors de la rédaction d'Histoire d'enfant. On connaissait les livres d'aphorismes, les citations, les biographies. Il n'est nullement question de cela chez Handke. Avec poésie et maitrise de l'écriture, il s'interroge sur le processus de création, sur le monde qui l'entoure, livrant des fragments de vie. Ceivre à ouvrir à n'importe quelle page ouvre aussi des portes à la littérature, dans l'informel - ce qui est l'une des clés pour comprendre le parcours littéraire de l'écrivain autrichien.

Qelques extraits :

inspiration apparait comme une couleur, un nuage. Un nuage de couleur foncée.

C'est lentement que je deviens.

Mon écriture ne devient nécessaire que quand d'autres peuvent en être l'objet.

Rêver d'abord, formuler ensuite : le difficile est qu'en écrivant, il faut que tous les deux aient lieu en même temps.

Ecrire, ce serait aussi aimer avec quelqu'un.
L'amour ce serait aussi étudier avec quelqu'un.

Une légère obscurité sur ton beau visage, et ce serait la vérité.

Chacun a, dès l'enfance la nostalgie de celui (le seul) auquel ou à laquelle il pourrait avec enthousiasme montrer son royaume.

Parfois j'ai besoin d'un Dieu ou plutôt : d'une image de la grâce. Ce n'est pas un besoin, c'est une envie.

Quand on parle de l'homme, pourquoi ne pas prendre une fleur comme unité de mesure ?

L'imaginaire poétique le plus beau serait celui où ne naîtraient ni images, ni rythmes, ni jeux de mots, ni histoires, mais où simplement le langage s'animerait et permettrait de nommer les choses.

En écrivant, j'ai tout de même parfois entrevu une humanité. Oui l'écriture a raison seulement si elle chante le monde - sur le mort il ne peut y avoir que du bavardage ; et le bavardage produit l'irréalité.

Pouvoir faire de la magie, oui, mais avec les yeux.

L'écriture doit surgir au bord du désespoir et au bord de la félicité (mais toujours aux bords) et les mots doivent border le merveilleux.

Je termine l'année les doigts barbouillés d'encre et je jure fidélité aux étoiles et au bruit du vent.

Froid de l'hiver : portails ouverts; c'est le dernier jour de l'année. Je vois un amour lointain sous une voute de lumière, et une fois encore j'aimerai vivre éternellement.

Histoire du crayon - Peter Handke - Editions Nrf Gallimard.

Khalil Gibran, le sable et l'écume

 

"Toute pensée que j'ai emprisonnée dans la parole, force m'est de la libérer par mes actes". Gibran.

Il est considéré comme le plus grand poète libanais . Khalil Gibran (1883 - 1931) est surtout connu pour le livre "le Prophète".
On connait moins ses aphorismes, des maximes qu'il notait sur des bouts de papier au fil de son inspiration et qui ont été réunies dans le recueil "Le Sable et l'Ecume" - Collection Spiritualités vivantes chez Albin Michel.
C'est sa biographe et amie, Barbara Young qui a encouragé l'auteur à publier ces phrases, Gibran trouvant qu'elles contenaient "trop de sable et trop d'écume". Ecrites en arabe - le Prophète avait été écrit en anglais - Gibran du les traduire pour son éditeur américain. Il reste ainsi l'un des rares écrivains à avoir su s'exprimer dans les 2 langues. Il fonda un Cénacle de la Plume en 1912 à New-York, réunissant des auteurs moyen-orientaux, expatriés comme lui. Ce cercle contribua à moderniser la langue et les écrits en arabe, la libérant d'un certain conformisme.

Les 322 maximes du Sable et l'Ecume regroupent tous les thèmes, amour, religion, amitié, morale et précisent la pensée philosophique de Khalil Gibran, à travers des métaphores, entre le fini et l'infini, où l'être voyageur se fait tour à tout esthète, poète, à travers mille cycles de vie.

Voici quelques extraits.
Une seule fois, je ne pus répondre à celui qui m'interpella : "Toi, qui es-tu ?"

La première pensée de Dieu fut un Ange.
La premier verbe de Dieu fut l'Homme.

Accorde moi le silence, et j'affronterai la nuit.

Se souvenir, c'est en quelque sorte se rencontrer.

L'humanité est un fleuve de lumière, qui sécoule des vallées de la Création jusqu'à l'océan de l'Eternité.

Nul ne peut atteindre l'aube sans passer par le chemin de la nuit.

Entre imagination et réalisation, il est chez l'Homme un espace qui ne peut être franchi que par son auteur.

La signification de l'homme ne réside pas en ce qu'il atteint, mais en ce qu'il brûle d'atteindre.

Lorsque la vie ne trouve pas d'artiste pour chanter son coeur, elle fait naître un philosophe pour parler raison.

Le réel en nous est silence ; l'acquis est tumulte.

La poésie est un flot de joie, de douleur et de merveilles, avec un brin d'alphabet.

Si tu chantes la beauté, même dans la solitude du désert, tu trouveras une oreille attentive.

L'inspiration chante toujours. L'inspiration n'expire jamais.

La pensée est la pierre d'achoppement de la poésie.

Je n'ai jamais été en accord total avec mon autre moi-même. Il semble que la vérité se cache quelque part entre nous.

Lorsque la main d'un homme effleure la main d'une femme, tous deux touchent à l'éternité.

L'amour est le voile entre aimé et aimant.

L'amour qui ne se renouvelle pas tous les jours devient habitude et tombe en esclavage.

L'amour est une parole de lumière, écrite d'une main de lumière sur une page de lumière.

La différence entre l'homme le plus riche et l'homme le plus pauvre n'est pas moins qu'une journée de faim et une heure de soif.

La pitié n'est que justice amputée.

En tout homme réside deux êtres : l'un éveillé dans les ténèbres, l'autre assoupi dans la lumière.

Pessoa, la multitude


 

Définir la beauté, c'est ne pas la comprendre. Pessoa

En portugais, Pessoa signifie personne. Est-ce pour cela que celui qui est considéré comme "le plus grand écrivain de tous les temps" a toujours publié sous des noms d'emprunt ? Parmi ses hétéronymes les plus connus, Bernardo Soares, Alvaro de Campo, Alberto Caipo et Ricardo Reis, chacun ayant son style d'écriture et son caractère propre.
Né le 13 juin 1888 à Lisbonne, il fera ses études à Durban (Afrique du Sud) et fondera la revue littéraire "Orfeu", au ton libertaire qui ne dure que deux numéros... Il travaille ensuite comme journaliste pour diverses revues, mais sans connaitre de véritables succès. Il semble d'ailleurs que sa vie soit marquée par une certaine solitude, dédiée à l'écriture, publiant peu (et en langue anglaise) mais écrivant avec acharnement et entassant dans une malle ses écrits. Certains manuscrits ne seront d'ailleurs publiés qu'après sa mort, en 1935. Mort inconnu du grand public, il n'est redécouvert qu'en 1968, à l'ouverture de la fameuse malle contenant plus de 27000 manuscrits, écrits sous 72 hétéronymes. Il est alors reconnu dans son pays comme "le plus grand poète portugais".

Pessoa aborde tous les sujets et tous les thèmes dans ses poèmes et ses écrits. Son livre le plus connu, le Livre de l'intranquilité, sorte de journal ésotérique est considéré comme son chef d'oeuvre. Vivant plus dans l'imaginaire que dans le réel, réussissant à faire vivre en lui plusieurs entités littéraires, tel un schizophrène lucide.

Voici quelques aphorismes
La littérature comme toute forme d'art, est l'aveu que la vie ne suffit pas.

Je n'ai ni ambition ni désir. Mon ambition à moi n'est pas d'être prophète. C'est peut-être ma façon à moi d'être seul.

Je n'ai peut-être reçu aucune mission sur terre.

Qu'il est dur d'être soit même, et de ne voir que le visible.

Le monde n'est pas pour que nous pensions à lui - penser c'est être malade des yeux - mais pour que nous le regardions et soyons un créateur.

Je cherche à dire ce que je ressens. Sans me dire ce que je sens.

Toute émotion vraie est un mensonge pour l'intelligence, puisqu'elle lui échappe.

C'est l'émotion qui m'a formée. Pour voyager, elle m'a toujours pris la main. J'ai toujours aimé, détesté, parlé, pensé grâce à elle. Chaque jour je regarde à travers sa fenêtre, et chaque heure ainsi me semble être à moi.

Dieu le veut, l'homme rêve, l'oeuvre nait.

Je ne crois pas en Dieu parce que je ne l'ai jamais vu. S'Il voulait que je croie en Lui, Il viendrait sans doute me parler.

Dieu n' a pas d'unité. Pourquoi en aurais-je ?

Il y a bien assez de métaphysique dans "Ne penser à rien".

Il est nécessaure de naviguer. Vivre n'est pas nécessaire. Ce qui est nécessaire, c'est de créer.

Je ne me soucie pas des rimes. Il est rare que 2 arbres côte à côte soient égaux.

La mort c'est le tournant de la route. Mourir, c'est seulement ne plus être vu.

Je peux tout imaginer, parce que je ne suis rien.

Oscar Wilde, aphorismes

 

L’écrivain irlandais Oscar Wilde (1854-1900) était connu pour son sens de la répartie et ses bons mots. Paru quatre ans après sa mort, ses aphorismes dont le célèbre « Je peux résister à tout sauf à la tentation » reflètent bien les paradoxes de l’auteur de Dorian Gray, entre esprit vif et parfum de scandale.

Florilège.


Misogyne…

  • Les femmes sont faites pour être aimées, pas pour être comprises
    Tant qu’une femme peut donner l’impression qu’elle a 10 ans de moins que sa fille, elle est satisfaite.
  • J’aime les hommes qui ont un avenir et les femmes qui ont un passé
  • Les femmes donnent tout aux hommes, jusqu’à l’or de la vie. Mais immanquablement, elles veulent qu’on leur rende en petite monnaie.
  • Toutes les femmes veulent ressembler à leur mère : c’est leur drame. Jamais les hommes : c’est le leur.
  • Le bonheur d’un homme marié est fonction des femmes qu’il n’a pas épousées.
  • Aucune femme n’est un génie. Les femmes sont le sexe décoratif. Elles n’ont rien à dire, mais elles le disent avec tellement de charme.

Désabusé…

  • Il n’existe qu’une certitude sur la nature humaine : elle est changeante.
  • Le confort est la seule chose que la civilisation puisse nous apporter.
  • Tous les hommes sont des monstres. La seule chose à faire est de nourrir ces malheureux, une bonne cuisinière fait des miracles.
  • Il est tout à fait inutile d’être plein de charme si on n’est pas riche.
  • Le monde a été créé par des idiots pour que les sages puissent y vivre.
  • J’aime les gens plus que les principes et j’aime les gens qui n’ont pas de principes plus que n’importe quoi au monde.
  • Aujourd’hui les gens connaissent le prix de tout, mais la valeur de rien.

Observateur…

  • Une seule chose au monde est pire que de savoir qu’on parle de vous : savoir qu’on ne parle pas de vous.
  • Une cause n’est pas nécessairement vraie parce qu’un homme meurt pour elle.
  • Nous vivons une époque où le superflu est la seule nécessité.
  • La ponctualité est une voleuse de temps.
  • En morale comme dans la vie, toute imitation est une erreur.
  • La seule différence entre les Saints et les pécheurs est que tous les saints ont un passé et tous les pécheurs, un avenir.
  • La fidélité est à la vie affective ce que la cohérence est à la vie intellectuelle – simplement la confession d’un échec.

Philosophe..

  • La vie tend un miroir à l’art : soit elle reproduit quelque personnage étrange imaginé par le peintre ou le sculpteur, soit elle concrétise ce qui avait été rêvé par la fiction.
  • La vie n’est qu’un mauvais quart d’heure composé de moments exquis.
  • Toute pensée est immorale. Son essence même est la destruction. Si nous pensons à quelque chose, nous le tuons ; rien ne survit à la réflexion.
  • Qu’est ce que la vérité ? En matière de religion c’est tout simplement l’opinion qui a survécut. En matière de sciences, c’est l’ultime sensation. En matière d’art, c’est notre dernier état d’âme.
  • Tout art est immoral.
  • L’homme peut croire à l’impossible, mais il ne peut pas croire à l’improbable.