Controversé Peter Handke.
Je ne reviendrais pas sur la biographie de
cet auteur, tour à tour écrivain, scénariste de Wim Wenders, cinéaste
et essayiste, ni sur la polémique qui fit couler beaucoup d'encre en
2006, pour des déclarations pro-serbes et pro Slobodan Milosevic.
En 1987, Handke sort un étrange livre, assez innovant. Une série de notes prises lors de la rédaction d'Histoire d'enfant. On connaissait les livres d'aphorismes, les citations, les biographies. Il n'est nullement question de cela chez Handke. Avec poésie et maitrise de l'écriture, il s'interroge sur le processus de création, sur le monde qui l'entoure, livrant des fragments de vie. Ceivre à ouvrir à n'importe quelle page ouvre aussi des portes à la littérature, dans l'informel - ce qui est l'une des clés pour comprendre le parcours littéraire de l'écrivain autrichien.
Qelques extraits :
inspiration apparait comme une couleur, un nuage. Un nuage de couleur foncée.
C'est lentement que je deviens.
Mon écriture ne devient nécessaire que quand d'autres peuvent en être l'objet.
Rêver d'abord, formuler ensuite : le difficile est qu'en écrivant, il faut que tous les deux aient lieu en même temps.
Ecrire, ce serait aussi aimer avec quelqu'un.
L'amour ce serait aussi étudier avec quelqu'un.
Une légère obscurité sur ton beau visage, et ce serait la vérité.
Chacun a, dès l'enfance la nostalgie de celui (le seul) auquel ou à laquelle il pourrait avec enthousiasme montrer son royaume.
Parfois j'ai besoin d'un Dieu ou plutôt : d'une image de la grâce. Ce n'est pas un besoin, c'est une envie.
Quand on parle de l'homme, pourquoi ne pas prendre une fleur comme unité de mesure ?
L'imaginaire poétique le plus beau serait celui où ne naîtraient ni images, ni rythmes, ni jeux de mots, ni histoires, mais où simplement le langage s'animerait et permettrait de nommer les choses.
En écrivant, j'ai tout de même parfois entrevu une humanité. Oui l'écriture a raison seulement si elle chante le monde - sur le mort il ne peut y avoir que du bavardage ; et le bavardage produit l'irréalité.
Pouvoir faire de la magie, oui, mais avec les yeux.
L'écriture doit surgir au bord du désespoir et au bord de la félicité (mais toujours aux bords) et les mots doivent border le merveilleux.
Je termine l'année les doigts barbouillés d'encre et je jure fidélité aux étoiles et au bruit du vent.
Froid de l'hiver : portails ouverts; c'est le dernier jour de l'année. Je vois un amour lointain sous une voute de lumière, et une fois encore j'aimerai vivre éternellement.
Histoire du crayon - Peter Handke - Editions Nrf Gallimard.