L'histoire
1919. Le capitaine Wyndham arrive à Calcutta où il doit prendre ses fonctions d'enquêteur de sa très sérénissime majesté (le Roi Georges V). E déjà une affaire l'attend, le meurtre d'un haut fonctionnaire de l’État Anglais, proche du Vice-Gouverneur. Si il semble que le meurtre soit imputable à des terroristes et notamment un homme très recherché par les services secrets, celui-ci, vite arrêté n'avoue pas le meurtre. D'ailleurs Wyndham, aidé du loyal sergent Banerjee va devoir faire la lumière non seulement sur cette affaire, mais aussi sur l'attaque d'un train supposé transporter des fonds. Et si les deux affaires n'étaient pas liées ?
Mon avis
Voici le tout premier volet de la série des Wyndham qui comporte à ce jour 4 titres. Un très gros succès commercial Outre Manche, et l'entrée en scène de célèbre Capitaine (ancien de Scotland Yard). Le voici débarqué à Calcutta, ville déjà tentaculaire, avec ses beaux quartiers construits dans le style néo-colonial des anglais, et ses quartiers louches où l'on trouve des bars, bordels et autres fumeries d'opium, habités par les castes les plus pauvres. Qu'allait donc faire dans ces quartiers peu surs pour les européens le haut fonctionnaire assassiné, un homme dépeint tour à tour comme exigeant puis alcoolique et finalement très pieux ? La piste terroriste si elle conduit comme par hasard à l'arrestation d'un homme très recherché des services secrets ne convainc pas du tout le Capitaine qui met à jour une machination soignée.
Nous découvrons l'univers qui pouvait régner en Inde à la fin de la seconde guerre mondiale. Un double ressentiment. Les Anglais bien installés qui s’occupent de commerce ou travaillent dans l'Administration n'ont aucune considération pour les indigènes, et ceux-ci ne les aiment pas plus comme colonisateurs. Et puis il y a le regard et la façon de parler de Wyndham, unique dans son genre. C'est assez hilarant, pas vraiment toujours convenable mais un style est né, et on s'amuse beaucoup à lire ce polar, rien que pour les remarques ironiques, acerbes ou très drôles du fameux capitaine. Avec ce premier livre, un héros est né, genre anti-héros qui ne dit jamais non à une pinte de bière, ni à quelques verres de whisky et va fréquenter de temps en temps les fumeries d'opium.
Extraits :
'Empire, c'était vraiment une entreprise de la classe moyenne, s'appuyant sur des écoles comme Haderley. Des institutions qui produisaient à la chaîne les diligents jeunes hommes au teint frais servant de lubrifiant à ses rouages; ils devenaient ses fonctionnaires, ses ecclésiastiques et ses percepteurs. Ils se mariaient à leur tour et avaient des enfants qu'ils renvoyaient en Angleterre recevoir la même éducation qu'eux. Dans les mêmes écoles, où ils étaient modelés pour devenir la prochaine génération d'administrateurs coloniaux. La boucle était bouclée.
Nous nous arrêtons devant une entrée assez grandiose. Sur une plaque de cuivre vissée sur une des colonnes on peut lire : Bengal club, fondé en 1827.
A côté d'elle un panneau en bois annonce en lettres blanches : ENTREE INTERDITE AUX CHIENS ET AUX INDIENS. Banerjee remarque ma désapprobation. - Ne vous inquiétez pas, Monsieur, dit-il, nous savons où est notre place. En outre , les britanniques ont réalisé en un siècle et demi des choses que notre civilisation n'a pas atteintes en plus de quatre mille ans.- Absolument renchérit Digby. Je demande des exemples. Banerjee a un mince sourire.- Et bien nous n'avons jamais réussi à apprendre à lire aux chiens.Ainsi , dis-je, vous ne croyez pas à la supériorité de l'homme blanc ? - En plus de quinze ans ici, j'attends encore d'en avoir une preuve. Je suis irlandais , capitaine. Si je n'accepte pas qu'à Londres tant d'Anglais soient prêts à me traiter de stupide paddy , qu'est-ce qui me donne le droit de me dire supérieur à une autre race ?
Le soleil se lève à cinq heures en déclenchant une cacophonie de chiens, de corbeaux et de coqs, et au moment où les animaux se fatiguent, les muezzins démarrent, de chaque minaret de la ville. Avec tout ce bruit, les seuls Européens à ne pas être déjà éveillés sont ceux qui sont ensevelis au cimetière de Park Street.
La cage d'escalier a une odeur de respectabilité. En réalité elle sent le désinfectant, mais à Calcutta c'est à peu près la même chose.
Vous êtes vraiment un sale type méfiant, n'est-ce pas ? J'imagine que vous ne faites confiance à personne ? - C'est vrai. Parfois, même pas à moi.
Sa colocataire, la fille maigre au visage sévère, est dans le couloir les bras croisés et les lèvres serrées, telle une jeune Mme Tebbit en formation. Un de ses bigoudis s'est détaché. Il essayait probablement de s'enfuir. Je ne peux pas le lui reprocher.
La voiture avance dans une longue allée de gravier entre les pelouses immaculées. Plusieurs jardiniers indigènes sont occupés à tailler le gazon déjà parfait. Comme des barbiers au service d'un homme chauve.
L'idée m'a paru d'autant meilleure que je n'en avais pas d'autre.
Très peu de choses sont strictement illégales pour un Anglais en Inde. Aller dans une fumerie d'opium ne l'est certainement pas. Quant aux Chinois, eh bien nous pourrions difficilement le leur interdire, attendu que nous avons mené deux guerres contre leurs empereurs pour avoir le droit de répandre ce maudit truc dans leur pays. Au point que nous avons réussi à faire des drogués d'un quart de la population mâle. Si on y réfléchit, cela fait de la reine Victoria le plus grand trafiquant de drogue de l'Histoire.
La discipline est essentielle.
C'est comme traverser une rivière sur le dos d'un crocodile : certains pourraient juger l'entreprise téméraire, mais si vous savez ce que vous faites, elle vous mènera ou vous le souhaitez.
Le principe, évidemment, est de ne pas se faire dévorer, et c'est pourquoi vous devez être maître de la situation.
Biographie
Né
en 1974 à Londres, Abir
Mukherjee a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une famille
d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis l’adolescence,
il a décidé́ de situer son premier roman à une période cruciale
de l’histoire anglo-indienne, celle de
l’entre-deux-guerres.
Premier d’une série qui compte déjà̀
quatre titres, "A Rising Man" (L’attaque du
Calcutta-Darjeeling) a été́ traduit dans neuf pays.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abir_Mukherjee
Critiques presse