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jeudi 30 janvier 2025

Sophie HENAFF – Drame de pique – Tome 4 des Poulets Grillés – Livre de poche - 2024

 

 

L'histoire

Cela ne va pas fort chez les « Poulets Grillés ». Ils sont logés au dernier étage d'un immeuble, rue des Innocents à Paris, et ils n'ont pas vraiment d'affaires. Mais à Paris, sévit une série de crimes : des personnes, sans liens apparents entre elle, tombent comme des mouches piquées ou vaporisées d'un sédatif puissant utilisés pour endormir les gros animaux sauvages des zoos. Aussitôt, la capitaine Cabestan, qui est depuis mariée et maman mobilise son équipe, avec la bénédiction pour une fois du nouveau chef de la PJ. Une enquête des plus sérieuses, menée par cette bande de « bras cassés », avec l'humour nécessaire qui fait la plume de l'autrice.


Mon avis

C'est toujours un plaisir de lire les enquêtes de la capitaine Cabestan et de son équipe de bras cassés. D'autant que c'est sans doute le meilleur de la série.

Nous sommes en 2022, la France sort à peine du Covid, mais notre 4ème brigade, celles des déprimés, de ceux qui ont des petites casseroles mais qui sont invirables s'ennuie ferme dans le dernier étage d'un vieil immeuble où ils sont désormais logés.

Mais un vent de panique commence à secouer la capitale. Un mystérieux tueur en série fait une hécatombe parmi la population, soit en les piquant avec une fine seringue soit en les aspergeant d'un produit vétérinaire très dangereux, utiliser pour endormir les gros animaux des zoos, lors d'interventions médicales. Quelques gouttes sur un humain et c'est l’asphyxie pulmonaire et la morgue.

Hors étrangement cette série de crimes coïncide à un sérial killer qui utilisait cette méthode il y a 20 ans et qui vient de sortir de prison, malgré sa condamnation à perpétuité. On peut facilement penser que l'assassin a remis cela, alors que le bonhomme a 77 ans, affaibli par des années de prison et pris en charge par sa fille qui avait déjà perdu sa mère, mais qui a su se trouver un bon mari et une bonne situation.

Avec l'autorisation d'enquêter de leurs côtés, malgré quelques bévues et entorses à la loi, notre fumeuse brigade va arriver à démêler les fils d'une affaire qui prend sa source lors du conflit entre serbes, croates et bosniaques après le démantèlement de l’ex-Yougoslavie.

Une enquête vraiment très travaillée, sur fond d'humour, de barbecues sur la terrasse, des folies dépensières de Dame Rosières, plus connue pour ses polars à succès que pour son travail, le petit génie informatique, monsieur La Poisse, rejoint par Lebreton à nouveau heureux en couple et le « major » qui a faussé compagnie à la maison de repos (plus psychiatrique d'ailleurs) car il se croit être la réincarnation de D'Artagnan, sans oublier la gaffeuse Evrard en grande forme. Totalement page tuner, on s'amuse bien avec cette bande de déjantés, mais l'énigme est tout aussi fascinante. Un total best-seller chez les lecteurs.



Extraits

  • Après un soupir, Mme Piver déposa son large sac sur la console du couloir et, tournant le dos, elle traîna des pieds jusque dans son salon où les policières la suivirent sans y avoir été véritablement invitées. La pièce était entièrement remplie de hiboux. Des hiboux et des chouettes de toutes tailles, en plâtre, en résine, en paille, en plastique, sur des étagères dédiées, dans les rayonnages de la bibliothèque vitrée, sur les coussins brodés, imprimés sur les rideaux et en motifs géométriques sur le tapis. Trois spécimens empaillés se dressaient sur une branche arrimée à la tringle à rideaux dans l’angle droit. L’un d’eux, ailes écartées, œil rond et menaçant, semblait prêt à fondre sur le café que l’hôtesse venait de servir à regret aux policières.

  • La serial killer utilise notre intelligence pour nous faire tomber dans des traquenards. Si on devient bête, c'est elle qui est piégée. On n'est plus prévisible, on n'aboutit pas aux mêmes endroits, elle ne peut plus nous devancer et attendre l'occasion de tuer. - D'un autre côté, en achetant des clous au lieu d'interroger des témoins, on risque aussi de ne pas résoudre l'affaire et de laisser galoper la fumière.

  • Ya plus que des jeunots là-bas ! Le mousseux leur sort du nez ! Ils n'ont pas fait le rapprochement avec la Main de Dieu. Ça va bien de mettre les vieux au rancart. sous prétexte que ça ne comprend pas les Macintosh, mais dès que l'information ne tombe pas toute cuite de la machine, ça se retrouve tout couillon et ça croit que Matt Pokora est le premier à avoir chanté "Ces années-là", fit Merlot en piquant de l'index la poitrine de Dax. - C'est un serial killer aussi, Matt Pokora ? demanda le lieutenant, confus.

  • Anne Capestan fixa le barbecue et se demanda à partir de quel moment son commissariat avait viré à la maison de campagne . Si la commissaire n’y prenait pas garde, un de ces jours, l’un ou l’autre de ses lieutenants irait coller leurs cellules en location sur Airbnb.

  • Avec sa tronche de directeur du digital, Marcus avait tout du type qui comptabilise ses pas sur smartphone et se tape un détour juste pour soigner sa ligne.

  • Arrêtez le bla-bla ! Vous m'avez déjà refilé des nuées de stagiaires, de CDD, de contrat bidule et de convention machin. Ils ne savent rien faire, on les paye au lance-pierre, et à condition que je les forme pendant 3 mois, ils me dépannent 15 secondes avant qu'on les vire. Je n'en peux déjà plus de votre monde nouveau, Marcus, et comme j'en avais ras le bol de l'ancien, je vais finir par tous vous abandonner au milieu du pont.

  • Rosière ne savait pas trop ce qui la prenait de vouloir se lancer comme ça, de se donner un de ces airs de jeunesse qui vous collent un coup de vieux.

  • Personne ne voyait jamais Evrard. Elle pouvait arriver quatorzième qu’on se pensait toujours treize à table. Sa pâleur, son châtain, sa taille, sa voix, son absence de beauté, de laideur, de relief, de lumière… Elle se déplaçait comme suspendue dans le gris de la ville, traversant les assemblées sans jamais imprimer les rétines ou frapper les tympans. Seul Dax l’apercevait, la contemplait même, grâce à son super-pouvoir de super-amoureux.

  • Rosière, tu me retrouves le juge Salto et vous lui faites une petite visite avec Lebreton. Il aura peut-être des infos qu'il n'a pas confiées à France 2. Et tant que vous serez au tribunal, vous me récupérez les minutes du procès.- Non, non, intervint Rosière. Capestan soupira - Quoi encore Eva ? - Non, rien à voir. Mais Salto je lui ai foutu une chaude- pisse dans l'épisode 7 de ma série télé, depuis on est en délicatesse...

  • Ah non ma chérie, tu vas pas te laisser enfumer par ces discours d'enculés ? C'est la grosse mode des managers à la con pour se dédouaner : je t'enterre avec une grande pelle et quatre larbins, toi t'es dans le trou, les mains liées dans le dos, mais si tu t'en sors pas, c'est de ta faute, parce que, équipée d'un minimum de volonté, t'aurais pu creuser une galerie avec les dents. Ras le cul des péteux qui suivent la route que d'autres ont goudronné et qui viennent t'expliquer la notion d'effort.

  • La haine s'éteignait ainsi de génération en génération, jusqu'à effacer totalement et rendre les guerres plus absurdes encore. Pour quelques anciens qui sursautaient en attendant de l'allemand, combien d'étudiants Erasmus fous de joie ? Tout le monde s'étripaient pour libérer Paris, et trois décennies plus tard des ados en voyage scolaire franco-allemand se coinçaient leurs appareils dentaires à force d'embrassades sur les auto-tamponneuses, parfaitement ignorant des terreurs de leurs parents. Est-ce que deux générations suffisaient ? Une ?


Biographie

Née le 09/08/1972, Sophie Hénaff est une journaliste, romancière et traductrice française. Figure emblématique du journal Cosmopolitan, elle est responsable de la rubrique humoristique "La Cosmoliste". Elle a fait ses armes dans un café-théatre lyonnais (L'Accessoire) avant d'ouvrir avec une amie un "bar à cartes et jeux de sociétés", le Coincoinche, puis, finalement, de se lancer dans le journalisme.

"Poulets grillés", paru en 2015, est son premier roman, et conte une enquête menée par une brigade composée d'éléments indésirables de la police. Il a reçu le prix Arsène Lupin, le prix Polar en séries et le Prix des Lecteurs-Le Livre de Poche 2016 .
En 2016 est publié "Rester groupés", la suite des aventures de la brigade parisienne dont on a fait la connaissance dans "Poulets grillés" et le troisième volet de la série "Art et Décès" en 2019.

Une adaptation télévisuelle est produite depuis 2022, dont Sophie Hénaff supervise les dialogues et est portée par Barbara Cabrita et Hubert Delattre, qui fait un gros carton d'audience aussi !

lundi 20 janvier 2025

Tracy CHEVALIER – La fileuse de verre – Editions de la Table Ronde – 2024 -

 

 

L'histoire

En 1496, Orsola a 9 ans. Elle est la cadette de maître verrier Rosso, installés à Murano. Dans leur atelier, avec les apprentis et les compagnons, ils ne font pas dans l'inventivité. Ils fabriquent verres, pichets, assiettes de très bonne qualité. Les affaires sont bonnes grâce à leur marchand allemand qui exporte leurs produits à travers l'Europe.

Orsola n'a rien à faire dans l'atelier, le travail du verre est réservé aux hommes. Elle est juste bonne à nettoyer et faire la lessive abondante, car l'on transpire beaucoup près du four. Prise en charge par Maria Barovier (qui a vraiment existé) et formée par la tante de celle-ci, Orsola file le verre pour faire des perles. Un travail minutieux car il faut coordonner 3 actions : maintenir une tige de fer, enrouler le verre chauffer par un système de lampe et de soufflet pour réguler la chaleur du feu. Un travail long, méticuleux.

Mais Orsola qui vit à « l'heure vénitienne » va voir au cours de sa longue vie des joies et des désastres, tout en améliorant son art.


Mon avis

Dès la préface, Tracy Chevalier nous prévient que nous allons vivre dans un roman où le temps ne s'écoule pas comme prévu. Autrement dit nous allons suivre Orsola de ses 9 ans à aujourd'hui, comme le symbole de toutes ces femmes qui ont bravé les interdits pour devenir aussi des verrières reconnues et mêmes maestria dans leur art.

Ainsi Orsola va connaître un premier chagrin d'amour avec le bel Antonio qui n'est pas muranais mais vénitien, et qui partira sur le continent (la terra ferma), puis l'épidémie de peste qui emportera sa nonna (grand-mère), le mariage de ses frères aux caractères opposés, puis le sien avec Stefano Barovier, issu de cette grande famille de verriers, les occupations françaises puis autrichiennes, les revers de fortune mais aussi les moments de richesse. Grâce à son art de perles, elle sauve plusieurs fois la mise à sa famille. A part de rendre à Venise et une excursion sur la terre ferme qui la dégoûte par ses mauvaises odeurs, elle ne quittera jamais Murano.

Si ce roman s'inspire en effet de Maria Barovier, la première femme a avoir créé des perles de verres richement ornées, puis les fameux « milleflori », Orsola symbolise le combat des toutes ces femmes, qui n'avaient pour objectif de faire un beau mariage, un enfant (un fils surtout pour reprendre l'atelier), faire le ménage et la cuisine, dans une petite île où tout le monde se connaît, et où les secrets ne sont pas gardés très longtemps. Mais il y a aussi la solidarité des muranais dans l'adversité, les amitiés fortes, même si Orsola est indépendante et sait très bien jouer avec les conventions pour ne pas se mettre en porte à faux vis à vis de la famille, encore plus sacrée que la première église venue.

C'est aussi l'histoire de Venise, la sérénissime, la ville sur l'eau et aussi celle de Murano, toujours reconnue aujourd'hui pour son savoir faire, et qui est devenu le passage obligé des touristes. Certes on n'y produit plus des pièces énormes, sauf sur commande d'état ou de riches vénitiens, mais on imagine la vie à la fois dure, derrière les fours et tendres aussi quand la famille se retrouve pour souhaiter un joyeux événement.

Un roman très agréable à lire, et particulièrement instructif car l'autrice n'oublie pas d'expliquer le travail du verre, non seulement des perles mais aussi de pièces monumentales comme des lustres qui demandent parfois des mois de travail assidu.

A son habitude Tracy Chevalier a fait énormément de recherches autour du verre de Murano et de la vie sur l'île. La structure narrative, une fois que l'on a compris le point de vue adopté n'est pas du tout un frein à la lecture. Au contraire, il nous donne une envie irrépressible d'aller à Venise et de prendre la première gondole pour flâner dans l’île des trésors.



Extraits

  • Si vous faites ricochet habilement une pierre plate sur la surface de l'eau ,elle rebondira de nombreuses fois,à intervalles plus ou moins grands. En gardant cette image en tête, remplacez maintenant l'idée de l'eau par celle du temps.

  • Les gens qui créent des choses ont un rapport ambigu au temps. Les peintres, les écrivains, les sculpteurs sur bois, les tricoteurs, les tisserands et, bien sûr, les verriers : les créateurs sont souvent plongés dans cet état de concentration maximale que les psychologues appellent le flow, et où les heures défilent sans qu'ils s'en aperçoivent. Les lecteurs aussi connaissent cet état.

  • Elle était restée muette, mais son indignation avait dû transparaître. Klinsberg se carra dans son fauteuil. " Signora Orsola, vous avez passé toute votre vie à Murano, je me trompe ? Vous et votre famille n'êtes jamais allées sur la " terraferma" où les choses fonctionnent différemment. " - " Vous savez très peu de choses sur la façon dont marchent les affaires.Je suis au regret de vous dire que le monde du commerce tourne grâce à la sueur des hommes, le plus souvent non rétribuée.Prenez les colonies américaines dont on parle tant, si prospères avec leurs manufactures de textile et leur sucre: leur matière première- le coton et la canne à sucre- y est produite par des Africains. L' Angleterre tire sa richesse de la traite des esclaves.Même chose pour les Pays-Bas, l'Espagne, la France, le Portugal.Vos perles aussi participent à ce trafic.L'esclavage mène le monde.

  • L'épidémie a fini par s'essouffler, comme toujours avec la peste, après avoir tué presque un tiers de la population de Venise.Ce ne sera pas la dernière fois Heureusement, il se passe d'autres choses dans le monde.Shaspeare, par exemple.Le barde situe même deux de ses pièces à Venise; est- il jamais venu et aurait- il, par hasard, acheté une jolie boule de verre ? Galilée explique aux hommes qu'ils ne sont pas le centre de l'univers.( cette annonce passe mal).
    Le Caravage maîtrise le clair-oscur et commet un meurtre.En Europe, c'est le début de la guerre de Trente ans.De l'autre côté de l'Atlantique, des terres commencent à être colonisées.

  • Les Vénitiens déploraient que leur ville soit en train de devenir un parc à thème, mais Orsola savait que tant que les canaux de Venise sentiraient les égouts, que ses logements seraient sombres et humides, ses habitants mélancoliques et sardoniques, la ville conserverait son authenticité et son pouvoir de séduction. Une perle a besoin d'un grain de sable pour être belle ; la beauté vient de la cicatrice sur la lèvre, de l'espace entre les dents, du sourcil de travers.

  • Une perle a besoin d'un grain de sable pour être belle ; la beauté vient de la cicatrice sur la lèvre, de l'espace entre les dents, du sourcil de travers.

  • Peut-être était-ce la meilleure façon de circuler dans Venise : laisser la ville se dérouler devant vous et vous guider, plutôt que d'essayer d'en mémoriser le plan exact.

  • Travaille tes formes.Travaille tes techniques. L'art viendra plus tard.

  • Les gens sur " la terraferma" sont...plus pressés, reprit-il.Nous- Vénitiens et Muranais-, nous vivons isolés du reste du monde.Les choses évoluent plus lentement pour
    nous.
    - Oui.Mais ça ne me déplaît pas.Je ne voudrais pas changer. - Tu ne penses jamais aux endroits où atterrissent les objets qu'on fabrique ? Amsterdam. Paris. Séville.Londres. Tu ne te demandes pas à quoi ressemblent ces villes ? Je m'imagine que nos verres embellissent une table parisienne, sous un lustre muranais....Tu crois que les gens admirent les verres dans lesquels ils boivent, se demandent qui les a fabriqués ?" Orsola était stupéfaite qu'ils aient les mêmes fantasmes.

  • Quelquefois, quand il n'était pas occupé par la famille Klingenberg ou par des clients, il l'emmenait sur le Grand Canal.Même après des années de ce délice, Orsola trouvait toujours excitant de zigzaguer entre les gondoles, d'admirer les luxueux " palazzi" qui bordaient le cours d'eau et de regarder les autres passagers se jauger mutuellement. Certains la jaugeaient elle, intrigués de voir cette femme du peuple dans une embarcation grandiose dirigée par un Africain.

  • Orsola avait redouté l'inverse: que personne ne veuille de ses perles parce qu'elles avaient été fabriquées dans une maison frappée de quarantaine. Or voilà qu'on leur attribuait des vertus magiques.Qu'on lui attribuait des vertus magiques. - " Tu pourrais faire ça, reprit Antonio.Des perles censées repousser la peste.Un modèle spécial, qu'on pourrait vendre.- Mais...je ne suis pas sûre qu'elles éloignent vraiment la peste.La thériaque, d'accord: elle contient des ingrédients qui sont peut-être efficaces. - Mais le verre reste du verre.C'est beau, mais ce n'est pas un remède - Le réconfort est un genre de remède, non ?"

  • Ces minuscules boules de matière dure avaient quelque chose d'inestimable. Elles subsistaient, conservant en mémoire l'histoire de qui les possédait, et de qui les créait.

  • Orsola se mit à actionner le soufflet avec son pied. Lorsqu'elle s'empara d'une baguette au hasard et l'enfonça dans la flamme de plus en plus vive, elle sentit en elle un déclic : le verre qu'on fait fondre, qu'on fait tourner, qu'on façonne. Cet enchaînement familier. Si des choses allaient mal dans sa vie, le processus de création s'enclenchait encore dans ses mains et ses yeux, toujours satisfaisant, toujours réconfortant.

  • Le temps pouvait filer ou se figer, se dilater ou se contracter, la réception des dauphins d’Antonio, la certitude qu’il ne l’avait pas oubliée après si longtemps constituaient les solides fondations sur lesquelles s’était construite sa vie, à l’image de ces troncs d’arbre enfoncés par millions dans le lit de la lagune pour former la base qui soutenait Venise. Elle ne pouvait se l’expliquer, mais il lui semblait que sans ce socle, le sol se déroberait sous ses pieds. 

  • Maria Barovier était à sa connaissance la seule femme à exercer le métier de verrier, et elle ignorait comment ce miracle avait pu se produire.Maria ne s'était jamais mariée : était- ce parce qu'elle travaillait le verre, ou bien travaillait-elle le verre parce qu'elle n'était pas mariée ?

  • Le verre est la plus belle chose qui existe, déclara Marco en se hissant contre le mur, chancelant légèrement et manquant retomber dans le tas de déchets. Chaque couleur, chaque forme. Fragile et robuste. On peut faire ce qu'on veut avec le verre.



Biographie

Née à Washington , le 19/10/1962, Tracy Chevalier est une écrivaine ayant la double nationalité : américaine et anglaise. Elle s'est spécialisée dans les romans historiques.
Elle est née et élevée à Washington, DC, et son père est photographe pour le The Washington Post. Elle étudie à la Bethesda-Chevy Chase High School de Bethesda, dans le Maryland. Après avoir reçu son B.A. d'Anglais au Oberlin College en Ohio, elle déménage en Angleterre en 1984.

Elle y trouve un emploi de spécialiste d'ouvrages de référence, travaillant pour plusieurs encyclopédies en rédigeant des articles sur des auteurs. Quittant cet emploi en 1993, elle commence une année de Master of Arts en création littéraire à l'Université d'East Anglia. Ses tuteurs lors de son parcours sont les romanciers Malcolm Bradbury et Rose Tremain.
Sa carrière d'écrivaine débute en 1997 avec "La vierge en bleu" (The Virgin Blue), mais elle connait le succès avec "La jeune fille à la perle" (Girl with a Pearl Earring, 1999), un livre inspiré par le célèbre tableau de Vermeer. Un film est tiré de ce livre, qui obtient trois nominations aux Oscars de 2004. Il est réalisé par Peter Webber avec Scarlett Johansson et Colin Firth.
Elle publie "La Fileuse de verre", aux éditions de La Table ronde en 2024.
Tracy Chevalier est également Chairman pour l'Angleterre à la Society of Authors. Elle habite normalement Londres mais réside actuellement dans le Dorset (sud ouest de l'Angleterre) avec son mari et son fils.

lundi 16 décembre 2024

Marion TOUBOUL – Second Coeur – Editions Le mot et le Reste - 2024

 

 

L'histoire

Alice n'a jamais voulu reprendre l'exploitation agricole de ses parents. Elle suit des études de journalisme à Lyon quand elle rencontre une jeune femme vénézuélienne. Elle part aussitôt en Amérique Latine d'où elle envoie des reportages pour des journaux. Mais au Venezuela, où elle rencontre son compagnon Léopoldo, les manifestations violentes anti-Chavez sont violentes et dans un pays dévasté, elle perd son bébé. Recherchés par la police, le couple s'enfuit pour Madrid. Alice travaille alors comme monteuse et reporter pour la télévision et Léopoldo doit finir un stage pour valider ses compétences d'infirmiers à Barcelone. Mais voilà, Léopoldo ne réapparaît pas et Alice doit se trouver une vie, en cheminant dans les petits villages de l'Espagne profonde.



Mon avis

Voilà un très beau roman, une véritable ode à la poésie et à la nature.

Si certains passages sont inspirés de sa propre expérience, Marion Touboul crée une héroïne attachante, curieuse et qui malgré les deuils va se trouver un chemin dans la vie.

Alice a toujours aimé voyager, et plus dans les pays du Sud. Après une expérience traumatisante au Venezuela à la fin des années Chavez, où elle perd son bébé, faute de soins dans un pays qui sombre dans une guerre civile, elle se trouve refuge, grâce à une amie à Madrid. Elle trouve un petit appartement sous les toits pas très loin de son emploi de monteuse pour la télévision, tandis que Léopoldo part en stage pour devenir infirmier à Barcelone. Mais voilà, Léopoldo ne revient va, ce qui laisse Alice dans un immense chagrin, un autre deuil. La police lui assure qu'il n'y a pas d'avis de décès. Alors Alice va surmonter son chagrin. Tout d'abord elle se rend à Avila, le village qui a vu naître la Sainte Thérèse, fondatrice des carmélites et écrivaine. Elle qui n'est pas du tout religieuse se fait expliquer par un guide, Taigo, la vie et les recherches de la Sainte. Hors il se trouve que sa mère a une image de cette sainte dans le salon, et la mère n'est pas non plus religieuse. Puis lors d'un reportage, elle part en Estrémadure au sud-ouest de l'Espagne, une région assez pauvre et désertique où elle rencontre un éleveur de taureaux sauvages pour les corridas et son neveu Guillermo, un homme solide, terrien qui la réconforte. Ils font même des projets en commun, comme ouvrir une maison d'hôte. Mais avant Alice a très envie de parcourir la via del Plata, une route qui part de Séville et qui est le chemin de Compostelle espagnol, traversant l'Andalousie, l’Estrémadure, Castille et Léon et enfin la Galicie. Le parcourt est fait de longues étapes de marches en passant par des petits villages, ce que préfère Alice qui y est chaleureusement accueillie. Ce périple, couplé à ce qu'elle a retenu des enseignements de Sainte Thérèse d'Avila vont lui donner les réponses qu'elle cherche, mais aussi révéler sa vraie nature : celle d'une voyageuse.

Ecrit dans une langue simple, sans pathos, ce road-movie dans l'Espagne non médiatique, laisse la place belle aux paysages, aux grands espaces, mais aussi aux petits villages quasi-médiévaux. Un très joli moment de littérature, avec ce personnage d'Alice, fragile et forte qui se découvre et apprend à s'aimer et trouver sa voie. Inspirant, poétique, ce cours roman, nous dit l'essentiel, sur nos voyages qu'ils soient intérieurs ou extérieurs.



Extraits

  • Lorsqu'ils s'approchent de Guadix, le jour s'incline. Tiago décide de faire une pause sur le bas-côté de la longue route sinueuse bordée de champs d'oliviers qui mène de Jaen à la mer. Un air encore chaud enveloppe le sommet d'une montagne chauve. À perte de vue se profilent des falaises plissées d'un orange si vif qu'on a envie d'y planter ses crocs comme dans un abricot sec. Et là-bas, derrière les falaises la vue est plus extraordinaire encore : des montagnes enneigées aux formes nettes comme des dents de scie. " la Sierra Nevada..." dit Tiago. Alice regarde le paysage qui la domine par la perfection de sa douceur. Cette alliance de couleur, de relief et de climat... dans aucun voyage elle n'a vu pareille beauté. L'image du Kilimandjaro lui revient en tête. Les mêmes immensités, les mêmes terres depeuplées au pied de cimes comme habitées des seuls dieux. L'Andalousie n'est donc pas qu'une terre chantante, elle sait aussi se taire, et ce silence orangé et le plus beau des flamenco.

  • Les rapports d'Alice avec son père s'étaient dégradés lors de son premier voyage vers Caracas avec Beatriz. Lui en voulait-il de s'offrir la vie dont il avait rêvé ? Alice ravivait-elle ses frustrations d'enfant ? Ou était-il tout simplement inquiet ? Toujours est-il qu'il ne supportait pas son choix de partir. Son père avait toujours compté sur ses enfants pour reprendre la ferme. Rompre le fil de la transmission était inimaginable. Ils se disputaient souvent à ce sujet, d'autant que son petit frère se tenait, comme Alice, aussi loin de la vie paysanne qu'un mouton de la clôture électrique. Ce n'est pas tant le travail de la terre qui lui déplaisait mais sa répétition. Elle sentait l'air se comprimer dans ses poumons sitôt qu'elle s'imaginait dans la peau d'une paysanne. Finalement, plus Alice se tenait loin de son père, mieux elle se portait. Tout les opposait. Elle : petite, fine, sportive, curieuse, émotive. Lui : grand, colérique, le pas lourd, focalisé sur ses vaches. Plus les années passaient, plus le fossé s'était creusé entre eux. Il était le loup en cage, elle était l'hirondelle.

  • Alice avance à pas rapides sur le chemin plat et régulier, tendue comme une flèche vers le nord, le soleil piquant ses joues. Elle voudrait couper à travers champs pour se perdre vraiment, appuyer ses pensées à autre chose qu'à son passé. Mais l'ombre des taureaux derrière les barrières métalliques la retient. Pas un hameau, pas une maison, pas même une ruine pour s'extraire de soi. Alice marche sur cette page blanche comme dans un chant a cappella. Et plus elle marche, plus elle s'enfonce en elle.

  • Il y a des courants qui emportent irrémédiablement. Une envie de se blottir contre l’autre et tout donner, tout de suite, y compris la clef de ses demeures les plus profondes. C’est ce que ressent Alice lorsque la main de Leopoldo effleure la sienne par-dessus l’accoudoir. L’envie folle de se diluer en lui, de le laisser respirer à sa place, pas pour une nuit mais pour la vie. 

     

    Biographie

Née à Paris , le 06/04/1985, Marion Touboul est journaliste de formation. Elle a passé sept années en Egypte où elle a été la correspondante de nombreux médias comme de la chaîne Arte. Elle est correspondante pour Arte en Espagne, où elle a effectué le voyage de la Via del Plata


dimanche 1 décembre 2024

Camilla Sosa VILLADA – Histoire d'une domestication – Métaillé 2024 -

 


L'histoire

Elle est la comédienne transgenre la plus célèbre de son pays. Elle est riche, mariée à un avocat célèbre qui est ouvertement homosexuel. Ensemble ils adoptent un petit garçon porteur du VIH. Ils sont beaux, riches, enviés mais derrière ce masque de mondanités, la Comédienne révèle un tempérament cynique, rusée et prête à se venger de tout affront en usant de tous les registres possibles. Sa dernière lubie, l'adaptation de la pièce de théâtre de Jean Cocteau « la voix humaine » où elle est seule en scène. La pièce est un succès incroyable où on la compare aux plus grandes actrices passées. Mais en même temps, sa vie privée se délite, et elle ne fait surtout rien pour y remédier. Un caractère hors normes.


Mon avis

J'avais adoré le premier roman de Carmen Villada « Les vilaines » traduit en 20 langues et qui a lancé cette autrice argentine. Une fois de plus, elle nous surprend par un roman sur les relations conjugales d'un couple hors-normes.

Il y a la Comédienne (aucun prénom n'est donné dans se livre), cette femme transgenre qui dès 7 ans, malgré les coups du père mais la bénédiction sans faille de la mère, s'habille en femme et affirme son désir de changer de sexe. Elle prendra des hormones, se fera faire une magnifique poitrine, un peu de chirurgie esthétique mais n'ira pas à se faire ôter son sexe d'homme (sans aucune explication comme si cet être hybride reflétait son caractère).

Et pour avoir du caractère elle en a notre actrice : adulée par son public, riche, on sait qu'elle s'est prostituée avant d'intégrer un cours de théâtre et de devenir iconique. Par son argent, par sa beauté, parce qu'elle donne tout à son art, elle est adulée par toute la bonne société de Buenos Aires. Mais elle se montre capricieuse aussi, refuse les interviews mais pose comme modèle pour Vogue ou autre magasine, toujours impeccable et raffinée.

Mais coté vie privée, elle se marie sur un coup de tête avec un avocat, très bel homme, réputé dans sa profession, mais homosexuel. Lui a des amants qui la rendent folle de rage, mais elle ne se gêne pas non plus pour avoir les siens. Son metteur en scène avec lequel elle souffle le chaud et le froid, des rencontres de passage. Dans un souci de respectabilité, elle accepte, sous la pression de son mari, d'adopter un enfant et un enfant atteint du VIH en plus, ce qui suscite l'admiration. Les rejets de ce qu'elle est, de son couple, elle s'en fout. Elle n'est pas avare de piques, de méchancetés parfois gratuites. Sous l'apparence d'une famille bien comme il faut, c'est une relation amour/haine qui s'installe dans le couple et même vis-à-vis de l'enfant qui trop choyé devient capricieux à souhait. Elle n'a jamais connu l'amour véritable, comment aurait-elle pu ? Un père alcoolique et violent, qui a divorcé de sa femme, une femme libre qui rejette les hommes, mais qui se fait respecter dans son village, car elle lit les cartes et aide les femmes, notamment toutes celles qui sont violentées par les maris ou compagnons, les femmes violées, tout la violence d'une société qui reste profondément enracinée dans un patriarcat où rien ne résiste.

En fait, une seule chose résiste, et cela en dépit des régimes politiques qui plonge l'Argentine dans des répressions économiques : l'argent. Car ce couple atypique est riche, indécemment riche, et cette richesse et revendiquée, elle comme le fruit de son travail, tout comme lui. Elle aurait du le quitter, mais il reste entre eux une sorte de lien invisible et tenu. Car lui, cet homme effacé, qui cède facilement aux chantages et aux caprices de cette femme, en est profondément amoureux. Ce lien c'est aussi la sexualité, et l'autrice n'hésite pas à en parler sans tabous, ce qui aussi une forme de libération. Finalement, la « domestication », cette idée de former un couple normal, Papa, Maman, Enfant ne pouvait pas tenir. C'est plus un champs de bataille qui s'installe insidieusement dans ce couple où la Comédienne impose son rythme d'amour/haine, jusqu'à une fin tragique, car elle ne trouve pas l'issue, la bonne porte de sortie qui la glorifiera encore. Et puis l'âge arrive et la beauté commence à se faner et cela est aussi une souffrance.

La famille a réinventer, la liberté des femmes et la lutte des violences faites aux femmes, la difficulté à assurer son statut de transsexuelle (mais ici résolu par l'argent), le statut social des grands bourgeois pour lesquels tout est permis, alors que les gens des campagnes ne vont presque pas à l'école pour travailler vite, dans des emplois mal payés qui engendrent frustrations, et violences voilà tout ce que dénonce, dans un récit sec, sans superflu, parfois abc des mots crus, cette autrice qui est devenue elle aussi une star de l'écriture au-delà des frontières de l'Argentine, dont elle sait si bien analyser les ressorts.


Extraits

  • Les trans s’occupaient de cette flopée d’enfants sans père ni mère qui survivaient dans la ville comme ils pouvaient. Lorsque dans les médias on cherchait à orienter l’opinion publique – Vous croyez que c’est possible que les trans prennent en charge la vie d’un enfant ? Vous pensez que ces enfants peuvent devenir des enfants sains ? Ne sont-ils pas condamnés à l’homosexualité ? Ne pourraient-ils pas être violés ? Sont-elles capables de donner de l’amour ? –, les gens répondaient que le monde était dans un tel processus de dévastation, de pourrissement, qu’il valait mieux l’amour venu de ces mères que l’absence d’amour. On savait parfaitement que les trans se prostituaient pour entretenir leurs petits frères, pour envoyer de l’argent chez elles, dans des provinces lointaines ou vers d’autres pays. Elles donnaient cet argent à leurs neveux, aux enfants de leurs amies. Tantes, mères de substitution, belles-mères, personne n’ignorait que, depuis de nombreuses années déjà, depuis de très très longues années, les trans jouaient un rôle que personne sur cette terre ne pouvait ou ne voulait jouer, pas même l’État, à savoir ces liens sans nom, sans statut, ces liens inclassables qui caractérisaient encore la vie des trans. Elles n’étaient les mères de personne, les filles de personne, les amours de personne, les voisines de personne, les tantes de personne.

  • Je voulais un fils, un garçon. J'étais attentive aux signes. Quand j'étais enceinte, on me disait que ce serait une fille à cause de la forme du ventre, mais moi je ne voulais pas. Je ne voulais pas que ce soit une fille. Les femmes de ma famille souffraient beaucoup. Mes sœurs, ma mère, ma grand-mère. Les hommes souffraient moins.

  • Que c'était vrai qu'ils se punissaient l'un l'autre du fait de s'être mutuellement désirés. Ils n'avaient jamais imaginé, pas plus elle que lui, que l'amour pouvait être aussi insupportable.

  • Surtout, ne me laisse pas seul maintenant. Je suis venu à cette horrible fête par ta faute, lui a-t-il dit en la prenant fermement par l'avant-bras. Elle a reconnu dans cette détermination une conduite très masculine.

  • Comment est-ce qu'on survit à un viol?
    - Tu n'as jamais été violée?
    - Bon, on n'est pas en train de parler de moi. Je suis l'intervieweuse, les gens n'ont pas envie d'apprendre des choses à mon sujet.
    - Bien sûr. Les gens sont au courant... mais pourquoi tu crois qu'ils veulent savoir ça sur moi?
    - Tu es tellement forte, tu as tant de force en toi.
    - Mais nous avons toutes été violées! Il n'y en a pas une qui ne l'ait pas été. Je ne suis spéciale en rien.

  • Elle avait été une grande disciple dans l'art de rendre un homme fou. Elle avait appris que ce qui comptait, ce n'était pas l'amour, la routine ou les jours à se réveiller l'un à côté de l'autre, mais la satisfaction d'avoir un type avec qui jouer et que l'on pouvait embrouiller. L'art d'ôter à l'homme tout point d'appui, de le blesser, de lui faire des promesses, de le menacer, de dessiner pour lui un monde qu'on pouvait détruire d'un simple soupir.

  • C'était saisissant à quel point les femmes du village craignaient leurs maris, leurs petits amis, leurs pères, leurs oncles qui les avaient violées quand elles étaient petites, leurs beaux-pères qui les avaient tripotées quand elles étaient adolescentes. La peur qu'elles éprouvaient adhérait aux murs de sa maison, telle une tache d'humidité. Les femmes qui venaient chez elle étaient des femmes battues, trompées, détrompées, de nouveau battues, des femmes qui semblaient n'avoir aucune issue à leurs problèmes. La mère de la comédienne suturait ici et là des blessures, comme elle pouvait. Elle savait qu'elle se confrontait à la tristesse d'être femme dans un village comme celui-là, où il y avait un châtiment pour toute tentative d'élan vital. Elle résistait au choc de ces solitudes désespérées avec la force puisée dans la rancune qui lui venait de son expérience de femme mariée.

  • Il y a eu de la magie sur scène, non? La comédienne ne répond pas. Il y a eu de la magie sur scène, le genre de truc qu'on entend dans les loges. Elle est agacée par les mièvreries des gens qui prennent à ce point le théâtre au sérieux. Les cérémonials, les échauffements ridicules, les embrassades, les superstitions, les rituels et les solennités qui entourent le petit monde du théâtre. Ne pas passer le balai sur scène, ne pas prononcer le nom de Macbeth, ne pas prononcer le nom d'anciens présidents, ne pas s'habiller en jaune. Si elle pense à sa carrière, elle se félicite d'avoir fait tout ce qui portait la poisse, provoquant l'effroi de ses camarades. Aucune violation du Tao du théâtre n'a eu raison d'elle.

  • Mais l'aboulie s'est prolongée et chez lui l'impatience a grandi. Ce lieu commun psychanalytique paraissait si évident: on désire quand il manque quelque chose.

  • Ils ont beau lui promettre de l'air frais et la liberté pour leur fils, elle leur rappelle toujours qu'elle est née et a grandi dans un village de montagne.
    Elle connaît l'envers de la paisible vie rurale et l'asphyxie qu'on éprouve dans ces enfers si vastes.

  • Est-il nécessaire d'en savoir davantage? Non. Parfois, on se contente d'enterrer les vies passées sous le bonheur présent, et personne ne se sent coupable de le faire.

  • Même si avoir raison en Amérique latine ne sert pas à grand-chose, moi j'aime le goût du triomphe qu'il y a à avoir raison, voilà ce qu'elle dit souvent.

  • C’est le moment où elle cesse d’être la folle de Cocteau, la femme tyrannique, possessive et mythomane de Cocteau, pour devenir une trans simplette et phobique qui rentre chez elle. Le meilleur endroit sur terre.

  • Une comédienne ne cherche pas à savoir qui elle est. Une comédienne, on l'invente. Une comédienne est un rêve.

  • C'était incroyable, tous les hommes faisaient la même chose: parler de leurs privilèges de manière obscène, davantage intéressés par ça que par les seins de leurs maîtresses. 

     

    Biographie

Née à : La Falda , le 28/02/1982, Camila Sosa Villada est une actrice de théâtre, de cinéma et de télévision, chanteuse et écrivaine transgenre. Elle a fait pendant trois ans des études en communication sociale et pendant quatre ans des études théâtrales à l'Université nationale de Córdoba.
Elle a travaillé comme prostituée, vendeuse de rue et femme de chambre. En 2009, elle a créé son premier spectacle, "Carnes tolendas, retrato escénico de un travesti".
"Les Vilaines" ("Las malas", 2019), en cours de traduction dans 20 langues, est son premier roman.

En savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Camila_Sosa_Villada

mardi 19 novembre 2024

Sandrine TOLOTTI – Les épopées minuscules – Editions Premier Parallèle – 2023 -

 

L'histoire

Sous le titre principal, se trouve une annotation « 100 contes vrais et autres histoires de la vie ordinaire ». Un charmant livre où ici sont rassemblées les petites histoires dont on ne parle jamais, qui ne font pas la Une des journaux. Des petites vies du quotidien avec pourtant ce qu'elles ont de magnifique.


Mon avis

Voilà un livre délicat qui pourra se retrouver sous le sapin de Noël, tant il est agréable à lire, et qui peut se lire un peu comme on veut. Par petits chapitres ou tout d'un seul, ce sera le choix de chacun.

Simplement structuré en 4 saisons , puis par les mois qui composent les dites saisons, avec minutie, l'autrice a recueilli des petites histoires pas banales vécues réellement par des personnes tout à fait ordinaires. Un travail de fourmi, pour retrouver ses anonymes qui n'ont pas découvert la théorie de la relativité ou l'Intelligence Artificielle, mais qui ont eu des vies ou des petits moments de vie extraordinaires.

Avec finesse, sans mots superflus, nous faisons un tour du monde de ces petites gens qui eux aussi ont fait des travaux de fourmi. Comme ce musicien à la mémoire infaillible qui a recueilli les chants et poèmes des personnes détenues dans les camps de concentration pour les écrire plus tard et leur rendre hommage. Voilà cette chinoise, épouse, mère de plusieurs enfants, maltraitée par son mari qui un jour, après avoir économisé sous après sous, décide de tout plaquer et faire le tour du monde d'abord dans sa petite voiture, puis l'histoire s'étant répandue (le sort des femmes en Chine au milieu du siècle dernier n'était guère enviable) a pu s'offrir un camping car, puis divorcer de son époux malsain.

Un banc public qui raconte son utilité dans les rencontres sociales ou solitaires de qui mange son repas de midi, qui lit ou fait la sieste au soleil. Au total 100 histoires tout à fait réelles qu'il a fallu découvrir dans des archives de presse ou d'autres romans.

Un vrai régal de poésie, de loufoquerie où les petits riens sont sublimés, et où on prend le temps d'avoir le temps. Et de tacler toute en finesse cette société où tout va trop vite, où tout est marchandise et où il faut toujours avoir une occupation.

Le livre est joliment illustré par Laura Francese (en noir et blanc).Ici on aime les fleurs qui poussent dans les interstices des routes, le temps qui s'arrête un instant. Émotions garanties, ce livre est un recueil spécial qui nous invite aussi à écrire nos petits moments de gloire ou nos actions amusantes, poétiques ou loufoques ? J'ai adoré.


Extraits

  • En août 1929, à la fois pour permettre aux usines de tourner en permanence et pour diminuer l'emprise de la religion sur les esprits et sur les vies, l'économiste soviểtique Yuri Larin invente la« semaine de travail continue» et convainc Staline de l'adopter. La semaine n'est pas seulement continue. Elle se compose de cycles de cinq jours : quatre jours de travail, un jour de repos. La main-d'æuvre est répartie en équipes de cinq personnes, chacune ayant une journée de relâche différente. Ce dont le prolétariat ne tarde pas à se plaindre:« Que voulez-vous qu'on fasse à la maison si nos femmes sont à l'usine, nos enfants à l'école et que personne ne peut nous rendre visite ? Quel genre de vie est-ce, que de se reposer par roulement et pas ensemble, comme un prolétariat uni. Ce n'est pas congé, si on est seul', » Cette réforme qui abolissait le dimanche ne dura donc pas. Mais l'idéologie insista un peu et, de 1931 à 1940, I'Union soviétique adopta la semaine de six jours, toujours pour abolir le dimanche. Mais cette fois, tout le monde eut le même jour de pause.

  • La carte postale a quelque chose d'un texto avec de la texture. Le grain du papier. Les pleins et les déliés de l'écriture manuscrite. Parfois, les cicatrices glanées en route, surtout quand elle fut longue. Le destinataire se surprend alors à refaire son parcours, de la boite au sac, du sac au centre de tri, du centre de tri à d'autres centres de tri et de là au sac et du sac à la boîte, la sienne, le tout effectué å pied, à cheval, à bicyclette, en voiture, en camion, en avion, allez savoir ; peut-être est-elle passée des 50°C d'un désert aux 7°C de la soute ; peut-être a-t-elle entendu parler trois, quatre, cinq langues ; peut-être a-t-elle traversé des rivières, des lacs, des mers, des océans. Et l'on imagine, enchanté, sa marche lente.

  • Chaque année, en mars, les autorités de Genėve surveillent comme le lait sur le feu les branches du marronnier officiel de la ville : son premier bourgeon marque symboliquement l'arrivée du printemps. Car depuis 1818, Genève entretient la traditíon qui consiste à noter sur un même parchemin la date d'éclosion de la première feuille de l'arbre (nous en sommes au quatriême marronnier officiel), Aujourd'hui, cette suite de micro-événements constitue un document précieux sur l'évolution du climat.

  • Quand elle visite I'Iran en 2013-2014 (à moto), l'écrívaine-voyageuse Lois Pryce constate à son tour qu'à ce hobby pourtant so british, les Iraniens, ces pique-niqueurs " forcenés", battent « à plates coutures » les sujets de Sa Majesté :« Je pensais que nous, joyeux Anglais, écrasions tout avec nos plaids écossais de voyage et nos paniers en osier, mais vous n'avez rien vu si vous n'avez pas vu un pique-nique iranien. Avec, étalée sur un tapis persan plastifié facile à nettoyer, une débauche de matériel pour le thé, des minarets de Tupperware, des pyramides de grenades et des gâteaux et des confiseries et des chichas... » Sans oublier ce qu'il faut de riz aux épices, d'herbes, de yogourts, de pastèques, de pain frais... On ne pique-nique pas, on gueuletonne.

  • Toutes les vies comptent, tout le temps.

  • La poche est le soldat inconnu de la guerre pour la libération du vestiaire des femmes.

  • Grandma Moses fut de ces mouflettes qui ne renoncent jamais à leur tasse aux étoiles : la vie au grand air, la contemplation des paysages vallonnés, ses préférés, et surtout, surtout, la petite robe rouge que son père lui avait promise enfant, quil n'avait pu acheter car les magasins étaient fermés le jour dit et qui s'était transformée sous l'influence de sa mère conventionnelle en terrible robe rouille. L'adulte n'avait jamais transgressé l'éducation ainsi reçue, mais dans son tableau "Sugaring Time", elle s'était représentée vêtue de la robe rouge de ses rêves.

  • Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé (proverbe peul)

  • En ce début de la saison des asperges, rappelons la ténacité de sa réputation aphrodisiaque. Au XIX° siècle, le pharmacien et gastronome Stanislas Martin estimait encore dans sa "Physiologie des substances alimentaires" que l'odeur particulière des urines produites après avoir mangé le divin légume trahissait régulièrement la liaison adultère.


    Biographie

Sandrine Tolotti est journaliste, créatrice de la newsletter « L'Intimiste ».
Elle a été rédactrice en chef de la revue Books.
Elle est basée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.

En savoir plus ici : http://www.premierparallele.fr/auteur/sandrine-tolotti

Son Facebook :https://www.facebook.com/p/Sandrine-Tolotti-100012416588409/


dimanche 3 novembre 2024

Gustavo RONDRIGUEZ – Les Matins de Lima – Editions de l'Observatoire – 2020 -

 

 

L'histoire

Trinidad est arrivée à Lima après une enfance malheureuse à travailler dans les mines d'or. Ayant réussi à monter sa petite entreprise de confection d'uniformes, elle vit chichement dans le quartier pauvre de Lima. Atteinte d'une maladie de reins, elle doit subir une greffe. Sa mère étant morte quand elle avait 10 ans, son seul espoir réside à retrouver son père, un chanteur qui a eu son heure de gloire, sous le nom de Danny en reprenant des titres cultes des années 80/90. Est-ce que ce père inconnu, réputé pour avoir des maîtresses dans chaque coin du Pérou acceptera-t-il d'aider cette jeune femme de 29 ans qui lui ressemble tellement physiquement ?


Mon avis

Voici le premier roman traduit en français de Gustavo Rodriguez, et on peut dire qu'il fait très fort en nous montrons les travers du Pérou, ce pays où les visiteurs viennent prendre un selfie devant le Machu Picchu ou boire un pisco sour dans les quartiers branchés de Lima, la capitale et ramener quelques souvenirs de l'artisanat des ethnies qui peuple ce pays entre océan pacifique et sommets andins.

Trinidad elle est bien loin de ses préoccupations touristiques. Ayant perdu sa mère dans une fusillade entre cartels de le drogue, dès 10 ans elle a travaillé pour l'extraction de l'or à Madre de Dios au sud du Pérou. Hors on extrait l'or avec du mercure, puis on sépare la matière précieuse et le mercure. Hors Trinidad n'a jamais eu d'équipements de protection, et elle a développé une maladie des reins qui l'oblige à passer par des dialyses une fois par semaine. Son seul espoir, que son père dont elle connaît le nom et a le numéro de téléphone accepte de la rencontrer et de lui donner un rein. Danny, homme vieillissant et charmeur, a sillonné tout le pays, avec un petit orchestre où il reprenait les tubes américains des années 80/90. Sans être pauvre, il trouve encore des salles et des bals pour l'accueillir. Surtout c'est un séducteur invétéré ce que supporte très mal sa compagne officielle, une péruvienne prétentieuse qui camoufle son âge sous des tonnes de maquillages et des tenues de minettes.

Dans ce roman qui se lit facilement, on y lit la dénonciation des mafias diverses, celles qui exploitent les mines d'or illégalement, en quasi-impunité, sans se soucier des conséquences pour les travailleurs, surtout des amérindiens pauvres et sans culture. Les cas de cancers se multiplient et souvent il est trop tard. Le Pérou est le 6ème producteur mondial d'or, mais aussi un pays pauvre avec un taux de chômage élevé et 26% de la population vivant sous le seuil de pauvreté (chiffres de l'INEI 2021).

Par ailleurs, ces mafias s'illustrent aussi dans la prostitution. Des recruteuses font miroiter aux jeunes filles très pauvres et souvent issues des minorités un bon emploi à Lima. Piégées, elles se retrouvent dans des bordels dans les quartiers chauds de Lima. Trinidad a au moins réussi à échapper à cela. Ayant économiser de quoi monter à la capitale, elle a travaillé comme caissière, serveuse, en économisant pour monter sa petite entreprise qui la fait vivre chichement mais dignement. Il faut dire que la jeune femme n'est pas considérée comme très belle. Trini est une métisse, au caractère fort, capable d'analyser rapidement la psychologie de la personne qu'elle a en face. Elle est secondée dans sa maladie par sa meilleure et seule amie, et malgré des rebondissements, elle finira par obtenir de façon inattendue sa greffe.

Voilà un livre choc, à la fois incisif et drôles. Les personnages, hormis notre héroïne et son père finalement très heureux de retrouver cette fille qui lui ressemble tant, sont caricaturaux à souhait. La maîtresse en titre, d'une jalousie maladive est le cliché total de la femme qui ne veut pas vieillir. La famille de Danny est hilarante, avec la mama capricieuse à souhait, mais cache aussi un secret. Les frères de Danny sont pour l'un livreur type uber qui passe son temps à fumer de la ganja entre deux missions et German, le petit dernier travaille justement dans une société qui exploite des mines en tant que chargé de la promotion de la société. Lui aussi cache ses petits défauts. Avec un don inné du récit, ce roman choral nous montre la fragilité des femmes dans un monde où le patriarcat a de beaux jours devant lui, les scandales liés aux exploitations des populations indigènes. Entre humour, propos un peu crus, petits moments de poésie, nos émotions sont grandes et c'est ce qui fait pour moi un bon roman. Pas de mots en trop, une maîtrise totale de son sujet jusqu'à la fin, et une dénonciation en règle d'une société péruvienne divisée.


Extraits

  • L’étalon est chaud bouillant, dit Nieves en soulevant sa lèvre supérieure, espiègle. Il m’envoie des photos de sa chambre d’hôtel avec écrit : « Manque plus que ton petit cul. » Tu te rends compte ? -Hyper-romantique, répondit Trinidad en souriant.

  • Tout le monde finit par s'habituer aux changements de sa vie, qu'il s'agisse de plaisirs comme de supplices, et si Trinidad se déplaçait aisément dans les rues de Lima, c'était non seulement parce qu'elle n'avait pas le choix, mais aussi parce que la vie l'avait soumise à un entraînement rigoureux. Mais pour savoir si elle exagère, laissons un instant Trinidad à sa petite monnaie pour revenir quinze ans plus tôt, en ce petit matin, où elle retrouva sa mère morte. Trinidad n'avait pas eu d'autres choix que de se rendre de Tarapoto, où sa grand-mère habitait. C'était un voyage de deux-mille kilomètres, du sud au nord de l'Amazonie, un trajet zigzagant parmi des dizaines de climats différents. Une réalité qu'un riche ne comprendra jamais, car s'agissant de voyages, seul l'argent peut acheter les lignes droites.

  • Il existe un fait irréfutable : à mesures qu’ils vieillissent, les gens ont de plus en plus de souvenirs et de moins en moins de projets.

  • De son côté, en l'attendant au restaurant, Daniel Rios vivait l'imminence de la rencontre comme une hémorragie de souvenirs diffus. Sa période Tarapoto était floue et il ne se souvenait pas vraiment de la mère de Trinidad. Avec combien de femmes avait-il couché durant ces années heureuses ? Et avec combien sans capote ? Un jour, en ce temps-là, son frère German lui avait dit souffrait du même mal que leur pays : une hyperinflation galopante. Il avait sans doute raison, pensa-il. Comme le surplus de monnaie finit par faire baisser la valeur des choses, trop de coup d'un soir tuent le coup d'un soir. De cette décennie turbulente, seules deux ou trois femmes émergeaient plus ou moins nettement, mais aucune d'entre elles n'était la mère de cette jeunette qu'il s'apprêtait à rencontrer, cerné de poulets rôtis.

  • Au fond de lui, il craignait une mort tragique, comme l’est souvent la vie de ces Péruviennes qui partent pleines d’illusions pour ces terres où paradis et enfer dorment enlacés.

  • Quand la bouche et le regard sourient en même temps, tu es foutue.

  • Si le souvenir ne te rend pas heureux, à quoi bon l’invoquer ?

  • Bon, je réponds ou pas ?
    Fais la lambiner un peu. ça t’est souvent arrivé d’avoir une bourge qui te supplie ?c’est la première fois. Moi,jamais. Mon boulot c’est de lécher des culs pour booster les ventes du magasin. Quelle plaie ma vieille. Heureusement qu’il y a ton étalon pour lécher le tien.Truie ! Grand bien te fasse.


    Biographie

Ce sixième roman de Gustavo Rodríguez, connu et reconnu au Pérou, est le premier publié en France. Né à Lima en 1968, il a aussi écrit de nombreux livres pour la jeunesse.

En savoir plus : https://es.wikipedia.org/wiki/Gustavo_Rodr%C3%ADguez_(escritor)

son site : https://gustavorodriguez.pe/biografia/


mardi 29 octobre 2024

Mo MALO – L'inuite – Éditons de la Martinière – 2024


 

L'histoire

Panniguag Madsen est une sanaji, une sage-femme itinérante qui parcourt le Groenland pour intervenir dans des villages isolés. Elle se trouve justement à Kullorsuaq pour accoucher d'une jeune femme qui est retrouvée assassinée peu après l'accouchement. Peu avant le corps de son grand-père est retrouvé étranglé. De là à faire de Panik la suspecte idéale il n'y a qu'un pas. Cette inuite de 37 ans, qui porte un tatouage « barbe de morse » selon une coutume locale peut la rendre facilement identifiable. Au Danemark (le Groenland est une ancienne colonie danoise qui n'est pas autonome dans les domaines de la Défense, de la Justice), un inspecteur qu'on aimerait bien mettre sur la touche se voit confier un « cold case », le meurtre en 2011 d'un psychiatre qui avait organisé la déportation de 22 enfants inuites au Danemark pour « devenir l'élite du Groenland ». Seuls 6 d'entre eux ont été adoptés par une famille danoise, avec plus ou moins des bons traitements. Les autres ont été renvoyés au Groenland, où les familles, souvent pauvres, n'ont pas voulu les reprendre. Enfermés dans un orphelinat, ne connaissant plus leur langue maternelle, beaucoup finir dans la précarité, ou se suicidèrent.

Et si ces deux affaires étaient liées ?


Mon avis

Un polar envoûtant, voilà ce que l'on peut dire de l’Inuit où l'auteur s'inspire de « l'affaire des 22 » qui affola l'opinion danoise lorsqu'elle fut révélée par la journaliste d'investigation Mile Bers et du film « Eksperimentet ». De fait des années 50 à 1960 ce furent plus de 1600 jeunes groenlandais qui furent envoyé au Danemark mais dans de meilleures conditions, ils ont pu revenir dans leurs familles groenlandaises, avec des diplômes et revendiquer leur identité groenlandaise. Ce n'est qu'en 2020 que la Présidente Mette Frédericksen a présenté les excuses officielle du Danemark, ainsi qu'une indemnisation largement inférieure aux préjudices subis pour les victimes ou leurs descendants.

De cette terrible histoire où il s'agissait pour le Danemark de « dégroenlandaliser » les inuits, on estime que seul 1 danois sur 5 est au courant.

Mo Malo s'est emparé de cette histoire, en modifiant les noms des réels protagonistes, pour en tirer un polar magnifique de rebondissements et de suspens.

On navigue entre les rites traditionnels inuits, les paysages glacés du pays le moins peuplé du monde, grandioses et terribles, avec des vents glacés, et des températures dans le négatif (-35°) car la moitié du pays fait partie de la calotte glaciaire, avec des hivers neigeux puis la dangereuse période des fontes où la circulation est particulièrement instable. Seuls les mushers (maîtres chiens de traîneaux) sont autorisés à circuler au delà de la calotte glaciaire, les transports se faisant par avions, hélicoptères, moto-neige ou trains/bus. Même si le réchauffement climatique a pour effet de rendre les températures un peu moins glaciales.

Si la population groenlandaise est en général protestantes, le chamanisme reste toute fois très présent notamment dans les petits villages côtiers et isolés. Ainsi la tradition de l’apex « âme - nom » correspond à l'identité d'un(e) inuit(e). Celle-ci se transmet de corps en corps à travers les générations successives d'une même famille. A la mort d'une personne, son nom est donné au premier né de sa descendance, quelque soit le sexe. Ainsi une fille peut se nommer ViKtor ou un garçon Kristine. C'est à travers ce biais que le roman s'intensifie. De plus chez certains individus, le fait de recevoir un prénom qui n'est pas son genre de naissance peut provoquer des problèmes psychiques et un manque de repère au genre.

L'écriture est simple, parsemée de mots inuits (tout de suite traduits), et en fin de livre un index nous rappelle les noms de personnages, ainsi que des tableaux généalogiques qui se complètent au fur et à mesure que l'intrigue avance. Sont insérés dans les chapitres, en italique le journal tenu par la mère de Panik, et en caractère d'imprimerie différent, les réflexions de « l'Inuite ».

A noter qu'une des victimes, une femme nommée Viktor, a cherché à faire publier son récit, étant l'une des rescapées des 22. sans succès.

Ce polar qui même fiction et réalité est totalement addictif. Il nous montre une facette d'un grand pays que nous ne connaissons pas ou peu (remis au jour par l'affaire Paul Watson toujours détenu à Nuuk à l'heure où j'écris cette chronique). Nous sommes hypnotisés par cette histoire qui se déroule sur 400 pages, par ces rebondissements, la culture inuite peu connue, la pauvreté aussi pour beaucoup de gens, et la poésie fragile des immensités de glace.


Extraits

  • Rien ne s'effaçait, bien sûr. Rien ne s'oubliait. Et pourtant, à chaque étape de la vie, il était possible de dépasser ses blessures. De ne pas ressasser les situations qui les avaient vues naître. Recouvrir le mur d'hier de la peinture fraîche d'aujourd'hui, la seule couche qui comptait vraiment.

  • Ilulissat – 3 mars 2021. Panik ne paniquait jamais.C’était sa réputation, pour ainsi dire sa marque de fabrique. La sûreté de ses gestes, son expertise douce et appliquée, son calme affiché quelles que fussent les complications rencontrées au cours du travail, tout dans sa pratique dénotait un sang-froid hors du commun. Cela lui valait non seulement la confiance des femmes qu’elle accompagnait, mais aussi celle de leur entourage. La preuve, on la sollicitait y compris dans des cas et des lieux où le service médical local aurait très bien pu prendre l’accouchement en charge. On l’avait choisie. Elle. La sanaji itinérante venue d’on ne sait où. Car derrière la formule facile, « Panik ne panique pas », derrière ce masque tatoué et impavide, chacun le sentait, sommeillait une compassion, une tendresse qui, le moment venu, ne demandait qu’à sourdre. Sans enfants elle-même, Paninguaq était riche de cet amour à prodiguer. Et, faute de pouvoir le répandre sur sa propre progéniture, elle en distillait à chacun et chacune d’infimes cristaux, aussi légers et purs que la neige.

  • De l’avis des Groenlandais eux-mêmes, l’île avait la réputation d’offrir les plus beaux panoramas de tout le pays, été comme hiver. À l’oreille de Panninguaq, son nom sonnait avant tout comme une promesse de paix. Uummannaq était son havre. Son refuge lorsqu’elle ne parcourait pas les villages du littoral ouest pour ses diverses missions.

  • Rien ne s'ouvrait. Et pourtant, à chaque étape de la vie, il était possible de dépasser ses blessures. De ne pas ressasser les situations qui les avaient vu naître. Recouvrir le mur d'hier, de la peinture fraîche d'aujourd'hui, la seule couche qui comptait vraiment.

  • Cette fois, un filet de voix, chaud et grave, avait filtré de sa bouche. et par le seul pouvoir de celui-ci, elle lui apparut enfin pour ce qu'elle était, au-delà de sa fonction de couffin vivant : une trentenaire brune, Inuite métissée, sensiblement plus grande que la plupart des femmes de la région. Sa tenue mêlait des pièces sportswear fonctionnelles et d'autres plus authentiques, comme son gilet en peau de phoque qui relevait assurément d'une confection artisanale, peut-être de ses propres mains. — Mais tout le monde m'appelle Panik ajouta-t-elle. Elle sourit.— Parce que quand on fait appel à moi, en règle générale, c'est plutôt en urgence. Bjorn sourit à son tour, de ce sourire sans malice qui lui ouvrait bien des portes. Paningaq Madsen, un prénom purement Inuit, un nom de famille danois comme la plupart des habitants du pays. Et pourtant, un hiatus frappait Bjorn : marqué de trois lignes verticales sur le menton, un tatouage traditionnel connu sous le nom de « barbe morse », Son visage était bien celui d'une autochtone, mais quelque chose dans son accent et son kalaallisut un peu hésitant trahissait une autre origine. Étrange mélange.

  • Chacun son iceberg, et les phoques seraient bien gardés.

  • Westen s'étonnait toujours d'entendre des Inuits de souche employer ce verbe, éplucher, dans un pays où l'on ne voyait pas la couleur d'un légume frais de toute l'année. Sans doute une influence linguistique du danois.

  • Il en va de certaines révélations comme des cadeaux que nous offre la vie : on ne les perçoit vraiment qu’après coup. Quand nous sommes sous leur emprise depuis déjà longtemps.

  • Certains hommes avaient ce don : instiller le poison de mots qui, une fois entrés dans vos pensées, colonisaient tout votre organisme.

  • Aussi tentant que ce soit, on ne réécrit pas un passé douloureux en massacrant le présent.

  • À mi-parcours, les nuages s’étaient dispersés, cédant le ciel à une lune presque pleine. Les mastodontes de glace qui les entouraient n’en prenaient que plus de relief, découpés par l’astre comme sous un projecteur de poursuite dans un théâtre à ciel ouvert. Certains devenaient sauvages, menaçants, d’autres se paraient au contraire de rondeurs ou de sourires, pareils à des guides bienveillants postés sur leur route.

  • Il lui arrivait juste de regretter un peu les trois lignes sur son menton. Non pas en tant que telles, mais pour leur faculté à attirer les regards. Pourtant, sur le coup, elle s’était félicitée de la vertu transformatrice d’un tel marquage. Trois traits seulement avaient suffi à faire d’elle la Groenlandaise qu’elle était aujourd’hui – prénom compris.

  • Tradition des peuples de l’Arctique depuis des millénaires, les tatouages cousus entretenaient le lien aux clans autant qu’à leur spiritualité. La barbe de morse, elle, le plus souvent apposée au moment de la puberté, restait l’apanage des femmes. Las, depuis trois siècles, les missionnaires chrétiens avaient largement contribué à la disparition cette pratique, considérée par eux comme « porteuse de péché ».

  • Une neige de fin d'hiver, molle et alanguie, tombait sur le cimetière de Kullorsuaq avec la constance du ressac. Les croix blanches recevaient cette pellicule assortie sans broncher, louable indifférence des morts. Au loin, des icebergs pétrifiés par la ban- quise méditaient sur le caractère éphémère de toute existence. D'ici quelques semaines, à leur tour, ils ne seraient plus.

  • Mais mon sentiment, c’est qu’on n’est pas obligé de tout savoir sur tout, a fortiori sur ceux qu’on aime. Je pense que le plus beau cadeau qu’on peut leur faire, c’est justement de leur laisser leur part de secret.

  • Rien n’a changé dans les rapports entre le Danemark et le Groenland. Nous nous comportons encore et toujours comme des colons avec nos territoires d’outre mer. Et surtout, on fait l’impossible, y compris aujourd’hui, pour museler les victimes de nos mauvais comportements.

  • Ecrire n'est rien d'autre que cela, me semble-t-il : s'offrir à soi-même une seconde naissance, dans un espace-temps où tout devient enfin possible. Re-vivre, comme si la faculté miraculeuse nous était donnée, par l'acte créateur, d'exister une nouvelle fois.

  • Echappait-on jamais au territoire dont on était le fruit ? Loin de l'arbre qui nous avait porté - quand bien même nous étions issus d'un pays sans arbre-, ne devenions-nous pas l'ombre de nous-mêmes ?

  • Croyez-moi, il n'y a pas meilleure "page blanche" que ce pays. Il vous donne beaucoup mais il exige aussi tellement qu'il ne laisse pas beaucoup de place au ressassement.


    Biographie

Mo Malø est le pseudonyme de l'écrivain Frédéric Mars, de son vrai nom Frédéric Ploton. Diplômé du Celsa (1988-1991), après plusieurs années passées dans la presse magazine et diverses rédactions online, il a quitté le journalisme et la photo pour ne se consacrer qu'à son travail d'auteur de livres. Outre ses romans, il a publié plus d'une quarantaine d'essais, documents et livres illustrés, sous diverses identités, y compris en qualité de "nègre".
Il est connu principalement pour ses ouvrages consacrés au couple, à la sexualité et aux nouveaux modes de rencontre. De sa collaboration avec l'illustratrice Pénélope Bagieu, sont également nés trois ouvrages, dont le Chamasutra et le Cahier d'exercices pour les adultes qui ont séché les cours d'éducation sexuelle. Il est le traducteur français de la collection de comédies érotiques Sex&Cie, d'Ania Oz.

Il a également publié plusieurs livres sur l'art délicat de la sieste. Il a dirigé plusieurs collections, en particulier pour le compte des éditions Tana et des éditions de l'Hèbe (Suisse). Il a animé pendant deux ans (2005-2006) une chronique dans l'émission "Lahaie, l'amour et vous" sur RMC Info.

Sous le pseudonyme de Frédéric Mars, il a publié des thrillers romantiques et des thrillers historiques et contemporains. Il a également publié plusieurs romans érotiques sous divers pseudonymes dont Emma Mars et est auteur d'un essai humoristique, "Le cat code" (2017), écrit sous le nom de plume de Chat Malo.

Sous le pseudonyme de Mo Malø, il publie une série de polars se situant au Groenland : "Qaanaaq" (2018), "Diskø" (2019), "Nuuk" (2020), "Summit" (2022).
Sa série des enquêtes de Qaanaaq Adriensen a été traduite dans de nombreux pays et repérée par plusieurs prix littéraires : finaliste des Prix du meilleur polar des lecteurs de Points, du Prix Michel Lebrun et du grand prix de l’Iris Noir, lauréat du Prix Découverte des Mines Noires et du Coquelicot noir. La série "La Breizh Brigade" (2023), met en scéne une équipe d’enquêtrices hors du commun.

lundi 28 octobre 2024

Jonas Jonasson – Douce, douce vengeance – Presses de la Cité - 2021

 

 

L'histoire

Victor Akderheim est un sale type. Non seulement il adhère à des idées fascistes, mais il se débrouille pour épouser la jeune Jenny, fils du Galeriste qui l'a adopté comme le fils qu'il n'a pas eu, la ruine et l'isole dans un studio en lointaine périphérie de Stockholm n après avoir tenté d'assassiner son fils Kevin, noir de peau, en le lâchant en pleine savane. Mais c'est sans compter sur la société d'Hugo « La vengeance est douce SA » qui, tout en restant dans les voies de la légalité se charge de réparer quelques petits conflits (mésentente entre voisins, épouses bafouées etc). Ce qui est très lucratif car Hugo adore l'argent. Quand 2 clients fauchés, Kevin et Jenny justement arrive.... la douce vengeance sera terrible.


Mon avis

Lire un Jona Jonasson est un régal. Tel un inventaire à la Prévert, il réussit à réunir : un marchand d'art ignare et horrible, un gérant de société aimant l'argent, une jeune ingénue et son ami Kevin, fils rejeté mais sauvé, ainsi qu'un petit village massai perdu au Kenya dont le Chamane Ole Mbatian adopte Kevin comme son fils, un enquêteur de la police suédoise qui a du mal à démêler le vrai du faux et la peintre célèbre sud-africaine Irma Stern.

Avec un rebondissement par page au moins, des purs moments de cet humour absurde qui est sa marque de fabrique, l'auteur suédois se surpasse dans un polar réjouissant.

Mais au-delà des apparences, l'auteur règle quelques comptes avec le coté sombre d'une société suédoise où les idées nauséabondes survivent et infusent discrètement dans la société, mais aussi l'absence de développement de l'Afrique, ici le Kenya reculé où la médecine sérieuse manque et que les remèdes traditionnaux n'arrivent pas toujours à soigner.

Les personnages sont particulièrement haut en couleurs, mais sans tomber dans le cliché et l'écriture fluide et amusante de Jonasson prouve qu'à 61 ans, il en a encore sous le coude. Il rend aussi hommage à une peintre peu connue du public français Irma Stern (1894 – 1966) qui en tant que juive fuira l’Allemagne nazie pour se réfugier au Cap en Afrique du Sud. Plusieurs expositions lui seront consacrées au Cap

Bref un polar joyeux, qui se lit tout seul tant il est addictif !


Extraits

  • À Londres, certains commençaient à dire tout haut qu’ils ne trouvaient pas normal que l’empire s’empare de territoires à l’autre bout du monde et réduise quasiment en esclavage leurs occupants. Selon d’autres, cet engouement pour les nègres n’était qu’une forme de communisme primaire, mais le débat s’enracina dans l’opinion populaire. Un jour, les Britanniques furent contraints de laisser les Kényans se débrouiller tout seuls. Le 12 décembre 1963, le pays - Mombasa incluse – retrouva son indépendance.

  • Ah, le grand homme médecine au couteau émoussé. Tu es venu couper ce qui tient encore ?Vingt ans après il boudait toujours. -Non pour te demander d'être mon chauffeur en échange d'une vache. Pareil paiement en nature ne se refusait pas quand on travaillait dans une station service. -Où veux-tu aller ? - En Suède.Hector vit la vache s'envoler.-Connais pas. Ca risque d'être de l'autre côté du lac, encore plus loin que le Kilimandjaro.

  • Jusqu'à très récemment, il dirigeait une entreprise fondée sur une idée brillante : convertir en espèces sonnantes et trébuchantes le désir des gens de se nuire mutuellement. Cent pour cent d'entre subissaient une injustice à un moment ou un autre. Cinquante pour cent souhaitaient obtenir réparation. Dix pour cent avaient les moyens de payer. Si seulement 1 % sautait le pas, La Vengeance est douce SA aurait des perspectives d'avenir plus que douces.

  • Curieux, le conseiller décida de commencer par le jeune homme. Il cherchait donc un emploi de guerrier massaï ? Nul besoin de consulter la base de données pour répondre que l’offre était limitée. Pouvait-il envisager autre chose ? Chauffeur de taxi par exemple ?

  • La Bible avait une tendance, assez pratique, à se contredire souvent. Il suffisait de choisir le passage qui nous arrangeait le plus pour une situation donnée.

  • Il convoqua la directrice artistique et déplora que l'exposition manque de masques africains. Il suggéra que les femmes du chef en produisent dans une hutte à l'abri des regards. En les enfouissant dans la terre et en les arrosant d'une eau ferrugineuse, on pouvait les faire vieillir de 200 ans en une semaine.

  • La tendance actuelle était aux opiacés. Hugo avait lu qu'ils faisaient des ravages aux Etats-Unis. Le corps médical prescrivait des antidouleurs à base d'opioïdes à un rythme jamais vu, encouragé par les laboratoires. L'espérance de vie masculine avait chuté à une vitesse telle que, selon les estimations, si rien n'était fait, il n'y aurait plus d'hommes d'ici trois cent quatre-vingts ans.
    - C'est triste pour les hommes , dit Kevin. - Presque autant pour les femmes, je trouve, ajouta Jenny.

  • Merci, monsieur le policier d'être venu si vite, dit-il en essayant - comme l'exigeait la tradition - de l'embrasser sur les joues et le front.

  • Son professeur de sciences naturelles à Bollmora avait eu l'amabilité de leur parler des animaux sauvages du continent africain. Les plus affamés chassaient la nuit, pendant que les plus féroces dormaient. Quand l'aube arrivait, les rôles s'inversaient.

  • Hugo envisagea également de planter une haie de genévriers à la lisière du terrain de son voisin. Seul inconvénient, il lui faudrait attendre une ou deux décennies avant de savourer sa vengeance, le temps que les genévriers aient suffisamment poussé. Mais alors, la haie serait dense, elle atteindrait jusqu’à 20 mètres. Ces arbres étant sacrément coriaces, ils feraient de l’ombre au voisin et à son potager pendant au moins cinq cents ans.

  • Une épouse ne suffit pas, deux épouses sont un casse-tête.

  • On naissait, on apprenait à manier les armes, on était circoncis, on se mariait, puis on passait sa vie à déplorer cette union.

  • Pour remercier l’homme qui lui avait sauvé la vie, elle avait peint un portrait de sa première épouse sous une ombrelle, et de son fils aîné près d’un ruisseau.

  • Tandis que les politiciens, les médias traditionnels et la télévision nationale sombraient main dans la main au fond du gouffre, les gens se mobilisaient en silence.


    Biographie

Jonas Jonasson est un écrivain et journaliste suédois.
Après des études de suédois et d'espagnol à l'université de Gothenburg, il a longtemps travaillé comme journaliste, consultant dans les médias puis producteur de télévision. Il a travaillé comme journaliste pour le quotidien de Växjö "Smålandsposten" et pour le tabloïd suédois "Expressen" jusqu’en 1994. En 1996, il crée une société de médias, OTW, qui a compté jusqu’à cent employés. Il arrête de travailler en 2003 après deux grosses opérations du dos et du surmenage. Peu après, il vend sa société.

Décidant de commencer une nouvelle vie, il se met à la rédaction d'un manuscrit, vend tout ce qu'il possède en Suède et part s'installer dans un village suisse, près de la frontière italienne, dans le canton du Tessin. En 2007, il achève son premier roman, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" ("Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann"). Il est publié en Suède en 2009. Bestseller international, il a été adapté au cinéma par Felix Herngren, sorti en 2013. L'Analphabète qui savait compter" ("Analfabeten som kunde räkna", 2013), son deuxième roman, traduit en plusieurs langues, a été un best-seller en Suède, en Allemagne et en Suisse. "Douce, douce vengeance" ("Hämnden är ljuv AB", 2020), son cinquième roman, est suivi de "Dernier gueuleton avant la fin du monde" ("Profeten och idioten", 2022).
Depuis 2010, Jonas Jonasson vit avec son fils sur l’île suédoise de Gotland.

site officiel : http://jonasjonasson.com/
En savoir plus : Irma Stern : onas Jonasson est un écrivain et journaliste suédois.

Après des études de suédois et d'espagnol à l'université de Gothenburg, il a longtemps travaillé comme journaliste, consultant dans les médias puis producteur de télévision. Il a travaillé comme journaliste pour le quotidien de Växjö "Smålandsposten" et pour le tabloïd suédois "Expressen" jusqu’en 1994. En 1996, il crée une société de médias, OTW, qui a compté jusqu’à cent employés. Il arrête de travailler en 2003 après deux grosses opérations du dos et du surmenage. Peu après, il vend sa société.

Décidant de commencer une nouvelle vie, il se met à la rédaction d'un manuscrit, vend tout ce qu'il possède en Suède et part s'installer dans un village suisse, près de la frontière italienne, dans le canton du Tessin.

En 2007, il achève son premier roman, "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" ("Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann"). Il est publié en Suède en 2009. Bestseller international, il a été adapté au cinéma par Felix Herngren, sorti en 2013.

"L'Analphabète qui savait compter" ("Analfabeten som kunde räkna", 2013), son deuxième roman, traduit en plusieurs langues, a été un best-seller en Suède, en Allemagne et en Suisse. "Douce, douce vengeance" ("Hämnden är ljuv AB", 2020), son cinquième roman, est suivi de "Dernier gueuleton avant la fin du monde" ("Profeten och idioten", 2022).
Depuis 2010, Jonas Jonasson vit avec son fils sur l’île suédoise de Gotland.

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