Affichage des articles dont le libellé est Bof. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Bof. Afficher tous les articles

jeudi 14 novembre 2024

Molly KEANE - L'amour sans larmes – Éditions de la Table Ronde – réédition de 2024.

 

L'histoire

Julian, fils chéri de la terrible Angel, une femme vivant dans une maison baroque sur la côte irlandaise, revient de la guerre 1939-1945 auréolé de médaille, mais avec une encombrante fiancée, Sally, américaine, chanteuse de cabaret et de 10 ans l' aînée du fils prodigue. Ce n'était pas du tout ce qu'avait prévu sa mère, femme possessive qui adore manipuler son monde. Sa fille Shaney est amoureuse d'un capitaine à la retraite, ce n'est pas une union possible là où un jeune lord aurait fait l'affaire. Tiddley, petite cousine éloignée orpheline, pas très jolie, obéit corps et âme à Angel, qui en profite pour lui faire faire des travaux ingrats. Birdie, la cuisinière et intendante au fort caractère tombe amoureuse du valet de Sally, et seul lui résiste l'intendant de la maison, Oliver, avec humour et complicité. Angel va devoir utiliser toutes les ressources malveillantes dont elle a le secret pour défaire ses unions qui ne correspondent en rien à ses désirs...



Mon avis

Cela aurait pu s'appeler « le jeu de l'amour et du hasard » pour cette comédie un peu longuette où les personnages s'allient, se méfient les uns des autres selon les circonstances.

Dans le monde idéal d'Angel, cette mère encore assez belle et élégante, malgré une tendance à la décoration d'un mauvais goût assumé, tout le monde doit l'aimer et être reconnaissante de bienfaits supposés dont elle dispense son entourage. Une façon de garder sous contrôle son petit monde. A sa décharge, elle a élevé seule ses deux enfants après la mort de son époux et remis le domaine en ordre, échappement à l'endettement. Mais sous ses allures policées, où on glisse certains mots de français pour faire chic, cette forte personnalité se voit confrontée à un avenir qui n'entre pas du tout dans ses plans. Alors qu'elle prépare, avec cadeaux luxueux et repas gargantuesque le retour du fils chéri, celui-ci arrive avec à son bras une américaine qui a aussi son fort caractère. La guerre est déclenchée, mais toute en finesse, où les tacles se cachent derrière une fausse bienveillance et où les caractères de chacun s'affirment.

Il est regrettable que ce roman, trahi par une écriture un peu vieillotte et redondante, manque d'humour et d'un travail sérieux sur la psychologie des personnages. Bien évidemment tous les plans d'Angel sont mis à mal et des unions inenvisageables naissent. Ce qui aurait pu être très amusant, mais l'autrice irlandaise loupe là une occasion de faire de son intrigue un festival de cocasseries. Les personnages sont à la limite du cliché, les volte-faces permanent mettent à mal une intrigue qui est en fait très surprenante dans sa fin. Est-ce un problème de traduction ? En tout cas çà peut se lire mais vous n'en tirerez pas de grandes émotions.


Extraits

  • Ils s’aventuraient désormais sur un terrain miné – les vieilles adorations, les vieilles rancœurs de la chair, les sacrifices gâchés, les intentions percées à jour, les consentements amers. Oliver savait à quel point les souvenirs de Birdie et ses réactions actuelles étaient colorés par la nature même du passé, par ces années qui avaient emporté sa jeunesse, par tout cet amour qu’elle avait donné parce qu’elle ne pouvait faire autrement qu’aimer. Il dit tranquillement : « Elle va détester ça. » Birdie précisa avec une douceur effroyable : « Et s’arranger pour tout casser ».

  • C’était sa voix, ferme, rocailleuse et douce : Angel n’avait jamais été aussi effrayée par une voix. Elle attendit immobile, suspendue, solitaire, toutes ses fibres tendues jusqu’à la dernière. Ses mains, ses yeux, les muscles de son ventre se durcirent, formant comme des nœuds et des pierres. L’air de l’après-midi était fait de feu, de glace et de solitude. Elle était en dehors, et ce pour la première fois.

  • Elle arbora une nouvelle fois son merveilleux sourire courageux, et le porteur, sincèrement ému, la regarda s’écarter de la jetée : vaillante, joyeuse, pitoyable, magnifique, elle lui avait sans s’en rendre compte joué éhontément toute la gamme.

  • Ne te mêle pas de mon bonheur, si ça ne te fait rien !


    Biographie

Née à Newbridge (comté de Kildare) , le 20/07/1904 et décédée à Ardmore , le 22/04/1996, Molly Keane, née Marie Nesta Skrine, est une romancière et dramaturge irlandaise.
Dramaturge et romancière, elle a publié sous les noms de M. J. Farrell et de Molly Keane (Keane étant le nom de son mari) et certains de ses romans ont été adaptés pour la télévision.

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Molly_Keane



jeudi 26 septembre 2024

Meredith HALL – Plus grands que le monde – Editions REY - 2024

 

 

L'histoire

Tup et Doris tiennent une ferme laitière dans le Maine. Même aucun des deux n'avaient la vocation de devenir fermier, ils ont repris la ferme familiale de Tup, l'on réaménagée et y vivent avec leurs trois enfants que Doris couve. Les 3 enfants travaillent aussi à la ferme selon leurs capacités. Sunny l'aîné de 14 ans semble déjà aimer cet endroit, vaste, longé par un ruisseau. Sa sœur 11 ans, aime lire et aide déjà sa mère aux plantations. Puis le petit dernier Beston, joue tranquillement, dans cette ambiance bucolique et protégée.
Mais un jour, alors que les 3 enfants jouent avec un vieux pistolet qu'on croyait rouillé et sans cartouche, Sunny est tué par une balle perdue sans que personne ne sache vraiment qui a tiré. Pour Doris qui avait donné le revolver aux enfants c'est la lente et sombre descente vers la dépression, le mutisme. C'est Dodie et Beston qui font tourner la ferme, aidé par le père Tup qui a trouvé un refuge en ville dans les bras d'une femme à laquelle il fait une fille. Le chemin de la reconstruction est difficile et il faudra du temps, beaucoup de temps pour retrouver un semblant de normalité.



Mon avis

Incroyable succès de libraire pour ce premier roman de Meredith Hall, ce que j'ai un peu de mal à comprendre.

L'histoire s'étale sur 30 ans, et est racontée tour à tour par les différents membres de la famille, surtout Tup, le père, un homme qui s'imagine droit, mais qui est incapable de comprendre le chagrin infini de sa femme. Doris en effet, ne sort pas de sa chambre pendant plusieurs mois, puis devient mutique. Elle ne s’occupe pas des deux autres enfants, et n'aide pas à la ferme. Elle refuse toute thérapie, se sentant coupable, et revient très longtemps à un semblant de vie : préparer les repas, et aider Dodie qui a pris en charge tout le monde. Le personnage emblématique de ce roman, cette enfant qui devient femme élève son petit frère, tente de soutenir sa mère, tout en étant une excellente élève. Et l'on s'aperçoit que le travail dans une ferme familiale dans les années 40/50 n'est pas de tout repos. Il faut sortir les vaches puis les traire, castrer les veaux pour rester dans un équilibre de production. Mais il faut aussi laver le poulailler, couper les herbes pour en faire du foin, couper le bois de chauffe pour l'hiver, faire les semis selon les saisons, puis enrichir la terre du fumier conservé, entretenir cette vieille bâtisse.

Mais sur l'intrigue franchement il n'y a pas de quoi s'extasier. C'est mignon, triste, bucolique, mais l'autrice n'a pas su trouver la force des mots pour expliquer la douleur du deuil, ni faire monter en tension le malaise qui s’accroît entre Tup et sa femme. Certes quelques engueulades où les mots qu'on aurait pas du dire sont sortis sans intention de les dire, mais le tout bien enrobé de cette gentillesse et de cette fausse politesse qui baigne le roman. Ici on croit en Dieu, on récite la prière avant le repas. Doris, cette femme faible, ne cherche pas à sortir de ce chagrin, ne s'émancipe pas du tout, tout comme sa fille Dodie qui aurait pu et du faire des études supérieures et avoir un métier plus épanouissant que traire les vaches. Le père tout puissant trompe sa femme qui se refuse à lui, mais certain de son bon droit, et ne reconnaît pas plus l'enfant qu'il a fait à sa maîtresse que de s'occuper de l'éducation des enfants qui restent, qui eux aussi vivent dans le chagrin. Certes nous sommes en 1950, et les droits de femme ne sont pas bien grands, surtout dans ce milieu rural qui vit en vase clos, où la gentillesse des habitants est aussi proportionnelle aux ragots discrets. Bref nous ne sommes pas dans la force d'un roman comme Betty de Tiffany Mc Daniel dont l'écriture forte et l'engagement ne laissent planer aucun doute.

Ce genre littéraire, qui tourne un peu en rond sur lui-même peu plaire par son coté bucolique et suranné, qui renvoie à l'Amérique profonde et bien lissée par l'autrice. Mais pour moi cela ne suffit pas. Et si la famille finit par se retrouver dans un happy end évident, il manque ce souffle et cette pulsion qui nous entraîne dans une lecture appétissante.



Extraits

  • Autrefois, je croyais au bonheur. Je n'avais pas compris que nous ne parvenons jamais totalement jusqu'à cet univers-là. Nous le visitons lors de moments miraculeux, puis nous voyageons dans d'autres univers et, si nous avons un tant soit peu de sagesse, nous refusons l'amertume ou le regret quand le bonheur s'en va.

  • J'avais imaginé des vies de bonheur pour mes enfants, des vies dépourvues de toute appréhension de chagrin. Les leur avais-je promises ? J'espère que non. Petits, ils ont connu le bonheur, le vrai bonheur. La joie au quotidien. Ont-ils mal compris, pensant que cette joie les accompagnerait toute leur vie.

  • Pour tout, désormais, il y a un avant et un après. L'avant s'apparente à un rêve, le maintenant et l'après exigent quelque chose que nous ne possédons pas encore.

  • J’ai toujours cru que l’amour était joie. Que si l’amour nous lie, nous sommes assurés de toucher la grâce. L’amour nous lie, nous les Senter. Mais il ne nous a assurés de rien d’autre que de lui-même. Nous nous aimons. Tout peut arriver.

  •  Doris a toujours dit que je vivais trop dans ma tête. Désormais, ce n'est plus un sanctuaire. Tout ce qui peut nous aider, c'est trouver un moyen de laisser le passé et ma terrible défaillance suivre le cours de cette rivière impitoyable. 

  •  Papa dit que nous oublierons certaines choses, que l'oubli est une bénédiction cachée à l'intérieur des mauvaises choses.(…) J'ignore où est la différence entre oublier et se souvenir

  • Aujourd'hui, les ormes surplombent la maison, et l'été ils la préservent du soleil. J'ai toujours dit aux enfants qu'ils étaient comme des gardiens qui nous protégeaient du mal. Pour autant, elles sont nombreuses, ces fermes protégées par de vieux ormes, où les fils et les maris ne sont jamais rentrés de la guerre - rien probablement ne peut nous épargner ce genre de malheur. Mon esprit n'est pas capable d'élaborer de telles pensées.

  •  Ma ferme et toutes les promesses qu'elle recelait étaient nichées à l'intérieur de l'espace délimité par nos clôtures. 

  • J'aime beaucoup la couture, surtout le bourdonnement paisible de la machine qui tire son fil dans du tissu de qualité. J'aime sentir la présence de Best et de Papa dans mon dos, occupés à lire, le bruissement doux et mesuré de ma couture comblant tous les nouveaux silences de cette vieille maison, les respirations de la machine à coudre dans cette pièce où tant de silence est retenu.

  • Personne ne peut savoir ce qui va arriver. Vous rencontrez un homme, vous l’épousez, et vous découvrez si vous avez fait ou non le bon choix. Si c’est le cas, vous vous aimez et vous travaillez dur, puis vous avez votre premier bébé, et tout ce dont vous avez rêvé change dès l’instant où vous le tenez dans vos bras, où vous lui donnez à manger et le voyez scruter votre visage. J’avais dix-neuf ans à la naissance de Sonny est né, puis Dodie et plus tard Beston, j’étais disposée à renoncer à la vie que nous avions, Tup et moi, et à laisser mes enfants prendre cette place. Je le suis plus que jamais.

  • Je sais que mes enfants et mon mari m’appellent à l’aide. J’entends leurs voix, faibles et indistinctes, depuis une rive lointaine. J’aimerais répondre. Le vent et les remous du courant me portent loin d’eux. Quand je me tourne pour leur répondre, tous, nous n’entendons que le rugissement de la tempête.

  • Dieu est avec nous à chaque instant, Dodie, quoi qu'il se passe. Il est là dans ce que nous aimons, dans ce que nous trouvons beau et bon, et Il est là aussi dans chaque chose difficile et terrible. Dans tout cela, il y a Dieu.

  • Comme il est agréable, chaque jour au réveil, de se lever et de poser les yeux sur cette terre. Certains matins d'été, quand le brouillard au sol étreint la terre chaude, les arbres bordant les prés de fauche prennent des allures spectrales. Puis, lentement, le brouillard se lève et se dissipe, de sorte qu'au moment où je m'attelle à la vaisselle du petit déjeuner, le soleil façonne les ombres vives de la clôture barbelée, comme de longs points de couture bien nets qui nous attachent à cet endroit.

  • Personne ne prétend que Daniel sert de remplaçant. Mais c’est un garçon gentil et affectueux, très intelligent, aux yeux gris, doux et attentifs. Il était l’ami de Sonny, et sur certains plans il lui ressemble. Les jours où il se joint à nous à table, Beston et moi sommes entraînés dans des conversations avec mon père. L’atmosphère se détend. Il nous aide, Beston et moi, à laver la vaisselle, et ces soirs-là, ma mère ne sort pas, elle reste assisse sur sa chaise, nous écoute parler, et mon père reste boire son café.
    Daniel est un garçon très sérieux. Nous n’avons jamais reparlé une seule fois de ce jour-là. Mais il lui arrive parfois de prononcer le nom de Sonny, lorsqu’il évoque une histoire ou un souvenir. Au début, nous nous raidissions sous l’effet de … quoi ? La peur ? La honte ? D’un chagrin si vaste qu’aucun mot ne peut le circonscrire ? Mais Daniel avait persisté, factuel, et peu à peu, nous nous étions habitués à ce que notre fils, notre frère, vive de nouveau dans notre mémoire partagée.


Biographie

Meredith Hall, née en 1949, est une écrivaine et professeur émérite à l'Université du New Hampshire.
En 2007, elle publie ses mémoires, Without a Map, immédiatement reconnus outre-Atlantique comme un classique du genre. Elle collabore régulièrement avec Five Points, The Gettysburg Review, The Kenyon Review, ou encore The New York Times. "Plus grands que le monde" est son premier roman.


mardi 11 juin 2024

Agnès LEDIG – Se le dire enfin – J'ai lu – 2021 -

 

 

L'histoire

Édouard, 50 ans, décide d'abandonner sa femme, sur un coup de tête, en portant la valise d'une vieille dame anglaise. Cela faisait longtemps que son couple battait de l'aile. Il arrive au gîte du « Doux Chemin », perdu dans la forêt de Brocéliande. Accueilli chaleureusement par Gaëlle, la maîtresse des lions, il va rencontrer son fils muet Gauvain et une étrange et très belle jeune fille Adèle. Dans sa poche la lettre de son grand amour qui n'habite pas loin.


Mon avis

On retrouve dans ce roman, les thèmes chers à Agnès Ledig : la connexion avec la nature et la lutte contre les violences faites aux femmes. Cette fois-ci c'est la forêt de Brocéliande, haut lieu druidique avec ses arbres magnifiques, ses légendes, ses méandres qui sert de décor.

Les personnages sont tous un peu fracassés par la vue. Gaëlle qui vit seule depuis la mort de son mari et doit s'occuper de Gauvain, enfant mutique et hypersensible. L'étrange Adèle qui est une cavalière hors-pair et qui cache aussi un lourd secret. Susan, l'écrivaine un peu trop fureteuse, qui espionne en douce les activités des membres. Puis il y a Raymond, le voisin bourru mais sympathique, qui parle une sorte de patois hilarant. Enfin Platon, le chat philosophe observe son petit monde en distribuant coups de griffes ou affections selon.

Édouard fait le point sur sa vie. Il n'aime plus sa femme, trop superficielle, trop dans l'apparence, et espère renouer avec celle qu'il a toujours aimé qui vit dans la région justement.

La paix de la nature, la mer déchaînée, les petites bruines de cet été finissant et l'heure des grands choix et des révélations.

Agnès Ledig sait dire en douceur les malheurs et sa poésie n'est plus à démontrer. Mais, c'est son deuxième livre, et j'aurais aimé qu'elle change de sujet. J'aurais aussi aimé plus de place à la magie de Brocéliande, aux légendes et un peu moins d'introspection de la part d’Édouard, qui hésite encore. 465 pages c'est un peu trop pour révéler ce que l'on a compris dès les premières pages. Et les personnages sont un peu trop clichés pour moi. On est loin de la puissance d'écriture d'une Tiffany Mc Daniel, bref ce livre ne laissera pas des souvenirs mémorables.

Mais c'est bien écrit, c'est page turner si on ne connaît pas.



Extraits

  • Platon s’approcha de l’arbre à pas de loup, grimpa le long du tronc couvert d’une mousse épaisse, ses griffes largement déployées pour atteindre l’écorce et s’y agripper. Deux énormes branches jumelles – qui, à deux mètres du sol, partaient à l’opposé l’une de l’autre – offraient à son corps gracile une zone plane et confortable. Il s’allongea et ferma les yeux. Le chat pouvait rester ainsi des heures sans bouger. À l’affût du moindre bruit, en sécurité, perché là-haut au bord d’une clairière calme.
    Le temps s’écoulait, rythmé par l’agitation alentour et les nombreux chants d’oiseaux.
    Le bruissement des feuilles répondait au murmure imperceptible des graminées qui dansaient dans le vent. L’animal, enveloppé de verdure, se laissait bercer par le concert que la nature lui jouait, riche de milliers de solistes. Platon ne céderait jamais sa place car il sentait qu’elle était sienne. Rien ne pouvait s’opposer à cette douce vérité. Après sa sieste, il pandicula avec soin puis s’éloigna comme il était venu, vers sa maison de Doux Chemin, intrigué par cette sensation éprouvée durant son sommeil. Il se retourna juste avant de bifurquer vers le sentier qui menait au hameau, pour regarder le tilleul une dernière fois. Rien ne serait plus comme avant.

  • Que veux-tu ? Avec qui ? Pourquoi ? Comment ? Pose-toi ces questions mille fois et agis. Tu as plus de printemps derrière toi que devant. Il est temps. Le passé est révolu. Le présent est ici. Tu y joues un rôle, ton rôle. L'avenir s'imposera. Attends.
    La liberté est l'oxygène de certains amours. Elle en a besoin, toi aussi, tu le sais. Tu respires mieux depuis que tu es ici; Et il n'y est pas question de feuilles ou de béton. Tu es un affranchi. Un affranchi du couple. L'idée te convient, elle convient à Elise. Certains canapés ont des messages subliminaux à délivrer.
    Rien n'empêche de s'aimer. Surtout pas cette liberté-là. Vivre seul à deux donne envie de partager plus fort les moments plus rares. Tu as l'âge où tout bouge, tout se remet en question, tu as lâché quelques certitudes, compris quelques règles simples, imaginé assez de scénarios pour savoir celui qui te convient. réfléchis et à la fois arrête de réfléchir. Vis.

  • Lui revint la description que Gaëlle avait fait de son fils, et qui le replongea au creux de sa propre enfance. L’hypersensibilité dont il avait souffert, sur laquelle il n’avait jamais posé de mots. Il avait dû appartenir à cette catégorie d’enfants différents qu‘on appelait aujourd’hui précoces, ou dys-quelque chose. Quarante ans plus tôt, ce genre de dépistage n‘était pas monnaie courante. Le comportement de cet adolescent le renvoyait à sa propre réalité – il en fut consolé. Sa différence, ressentie depuis toujours, ne lui apparaissait plus comme une faiblesse mais comme un fait dont il s’était accommodé.

  • Elise.
    Il y pensait le matin, le soir, dans tous les moments où de belles choses se présentaient à lui et qu'il avait envie de partager. Elle était l'incarnation du beau dans ce monde plutôt laid.
    Elle était une nuit de pleine lune quand on a peur du noir.
    Elle était le rayon de soleil sur le feuilles d'automne.
    Elle était la première fleur du printemps.
    Elle était la campagne enneigée à l'aube.

  • S'il y a bien deux choses sur lesquelles l'homme n'a aucune prise, c'est le temps qu'il fait et le temps qui passe.

  • Puis il demanda au vieil homme s’il connaissait bien la forêt, sa légende, s’il croyait à la magie qu’on lui prêtait. — C’est en nous qu’est la magie, les arbres sont juste un moyen de nous la montrer. Pour d’autres ce sera la mer ou la montagne.

  • Et si je fais le mauvais choix ?
    -Et si tu fais le bon? Personne n'a dit que la vie était facile. Traversons la en de grandes enjambées heureuses plutôt qu'en rampant.

  • Quand elle alluma le ventilateur au centre de la roue, le mécanisme s'enclencha et délivra ses premières bulles. Elle éclata de rire. De ce rire enfantin qu'elle n'avait pas perdu. Qui avait fait fondre Edouard à quinze ans. Qui le faisait fondre à cinquante. Ce rire, aussi petit et innocent soit-il, désintégrait toutes les peines, toutes les peurs. Il s'installait au premier plan, cachant derrière lui toute la misère du monde.

  • Le miroir aux fées, ou lac de Morgane. Encaissé et entouré de végétation, le lieu et protégé du vent, d'où la surface immobile, comme un miroir. Le Val sans retour est un des lieux les plus symbolique de la forêt. Élève de Merlin, la fée Morgane, après avoir trouvé son amoureux Guyomard dans les bras d'une autre, jeta une malédiction sur les amants infidèles en les enfermant dans ce Val. Lancelot du Lac réussi un jour à les libérer. La réputation sulfureuse de Morgane a fait scandale quand l'abbé Gillard l'a fait apparaître sur le chemin de croix de l'église du Graal. je te montrerai quand nous la visiterons. Gaëlle resta silencieuse un long moment lui pensait aux avances d'Adèle. La ressemblance est troublante avec la fée. Belle, élancée aux atouts certains, aux cheveux longs noirs, libre et provocante. Un peu magicienne.

  • Cette liberté immense et trop soudaine lui donna le vertige. Un angoissant vertige. Tous ses repères voltigeaient, ce q'il avait construit s'effritait. Il se sentait disparaître à l'intérieur de lui-même, n'être qu'un éboulement, un puits naturel qui se forme, sans pouvoir s'accrocher aux parois trop friables. Il allait mourir sous ses propres gravats.

  • Au moyen age une ancolie sur un tableau voulait dire que celui-ci recelait un message caché. C'était aussi la signature de Léonard de Vinci, dont le célèbre dessin de l'Homme de Vitruve illustre les proportions du corps humain, dans lesquelles on retrouve le nombre d'or.

  • Éprouvant le besoin de le toucher, il s'approcha du tilleul. Une sorte de fluide invisible l'envahit, l'aidant à apprivoiser le vertige du vide.
    Ne te sens pas coupable. On a parfois besoin de se retrouver seul pour faire le point. Tu as aimé ta femme. Peut-être pas aussi fort qu'il est possible, mais tu l'as aimée. Puis tu l'aimes moins. Différemment. Tu as de l'affection. Une simple affection. même le désir s'en est allé. Alors pourquoi tu restes ?
    Par confort ? Par habitude ? La peur de décevoir ? Ou celle, plus insidieuse, de faire mal ? Tu réfléchis beaucoup, alors que tu as déjà toutes les réponses.
    Cherche bien. Cherche en toi. Tu sais. Pieds nus dans l'herbe mouillée, il pensait à Elise. Tout sonnait juste au fond de lui. Oui. Tout sonnait juste. 

     

Biographie

Agnès Ledig est une romancière française née à Strasbourg en 1972.
Après une expérience en agronomie, elle décide d’intégrer l’école de sages-femmes de Strasbourg. Spécialisée en prévention, contraception et accompagnement émotionnel des femmes, elle obtient son diplôme et devient sage-femme libérale. Elle est sage-femme libérale en Alsace jusqu'en 2015. Elle est l'épouse d'un agriculteur normand et mère de trois enfants.
Agnès Ledig commence à écrire en 2005, pendant la maladie de son fils Nathanaël, souffrant d'une leucémie. Pour répondre aux questions que posaient tous ceux qui se préoccupaient de Nathanaël, elle tenait un bulletin hebdomadaire. Un professeur de médecine qui suivait l'enfant lui a révélé son don de transmission et l'a encouragée à écrire. Quand Nathanaël est parti, elle ne s'est plus jamais arrêtée.

"Marie d’en haut" (2011), son premier ouvrage, a remporte le prix "coup de cœur des lectrices" du roman Femme Actuelle 2011.
En moins de cinq ans, Agnès Ledig s'est imposée comme l'une des romancières françaises les plus aimées du grand public. Ses trois best-sellers, "Juste avant le bonheur" (2013), prix Maison de la Presse 2013, "Pars avec lui" (2014) et "On regrettera plus tard" (2016) sont aujourd'hui traduits en 12 langues.
En 2016, elle publie son premier album jeunesse, "Le Petit Arbre qui voulait devenir un nuage", illustré par Frédéric Pillot, qui illustrera également son deuxième album, "Le cimetière des mots doux" (2019). En 2020, elle publie son septième roman "Se le dire enfin", suivi de "La toute petite reine" (2021).

son site : https://www.agnesledig.fr/biographie


vendredi 29 décembre 2023

JOSEPH KNOX - True crime story – Editions du Masque – 2023 -

 

 

L'histoire

Joseph Knox se met en scène lui même dans son dernier roman. Auteur de polars confirmé, il fait la connaissance d'Evelyn Mitchell, une autrice débutante dans le polar. Elle souhaite écrire sur la disparition d'une jeune fille de 19 ans, Zoé Nolan, et envoie régulièrement des mails à l'auteur, mais celui-ci ne semble pas s'y intéresser, lui même pris par l'écriture de son prochain roman. Mais quand à son tour Evelyn disparaît, il relit les mails et décide de continuer l'enquête.


Mon avis

Il y a des livres avec lesquels on accroche de suite. Et puis il y a les autres qui malgré une couverture alléchante sont des déceptions. Ce livre en est une.

L’écrivaine Evelyn Mitchell se passionne pour un fait divers survenu 7 ans plus tôt, la disparition jamais expliquée d'une jeune fille de 19 ans, Zoé Nolan, étudiante à l'université de Manchester, et pour retracer l'histoire et tenter de trouver un coupable, elle interroge tous les amis de l'époque de la jeune fille, ainsi que les parents et l'enquêtrice.

L'auteur adopte pour une forme littéraire de « narrative non fiction ». Après une fausse préface, le roman n'est constitué que des paroles recueillies par Evelyn, auprès des principaux témoins de l'époque. Ainsi, au cours d'un même chapitre nous entendons la parole des principaux témoins de l'époque, telle qu'elle est retransmise dans les mails qu'envoie Evelyn. C'est une succession de témoignages, surtout des amis proches de Zoé. Cette forme littéraire, sur 415 pages devient très vite pénible. Il n'y a pas de vraie lisibilité, même si on comprend que chacun des témoins avaient un motif pour en vouloir à Zoé, que chacun voit à sa manière. Sa sœur jumelle Kimberley souffre de l'attention constante focalisée sur sa sœur, bien plus jolie et talentueuse. Son ex petit ami, Andrew, estime plutôt que c'est une fille banale, sans talents, mais qui sait attirer l'attention sur elle.

Sur le fond, l'auteur se donne beaucoup de mal pour faire passer cette fiction pour une réalité, et l'intrigue en elle-même n'est pas très passionnante. Le coupable sera identifié certes, mais on ne retrouvera jamais Zoé, ce qui correspond à l'idée du fait divers sordide dont les médias nous font part. On pense aux affaires de disparitions inexpliquées, mais dans le cas de Zoé, une disparition volontaire semble totalement exclue. Tout tourne autour de Zoé, si aimée et pourtant si détestée selon les témoignages, pour aboutir à un coupable, et une non-fin, ce qui en soit n'est pas gênant.

Si l'auteur a voulu pasticher les faits divers relatés par la presse, c'est raté. Le manque de structure est évident, puisque dans le même chapitre nous lisons les témoignages des 6 amis et parents de Zoé, qui répondent sans logique, et avec des souvenirs qui varient, selon ce que la mémoire a voulu retenir ou pas. Mais ce sujet de la mémoire, si bien abordé dans une autre polar (l’île aux souvenirs) n'est pas le propos de ce roman, qui ne tient ni par son style, ni par son intrigue. C'est lent et long, et on se demande ce qu'on vient faire là. Il y aurait pu avoir un effet de style pur chacun des protagonistes par exemple, mais non, ils parlent tous dans le même style littéraire, et finalement parlent surtout d'eux-même, pour se valoriser d'une façon ou d'une autre, ou pour se faire disculper car il se pourrait bien que l'un d'eux s'en soit pris à Zoé. Et puis, erreur grossière, la disparition d'Evelyn Mitchell n'intervient qu'en fin de roman, ce qui rend peu crédible l'histoire racontée avant, et les justifications de l'auteur en postface n'y feront rien. Cela aurait pu être un bon polar. Sauf que ce n'est ni addictif ni passionnant.


Extraits

  • Pour un auteur de romans policiers tel que moi, des filles qui disparaissaient, c’était plus ou moins une spécialité. Je crois que, habité par un goût morbide, je m’attendais toujours à voir réapparaître Zoe quelque part, pas forcément vivante, au moins sous forme de cadavre. Peut-être qu’une mort presque emblématique viendrait accompagner sa photo de personne disparue, quasi emblématique elle aussi.

  • En travaillant, j'ai découvert que ce qui ressemblait au départ à une digression à travers les vies secrètes d'autres gens était en réalité une carte routière menaçante qui conduisait directement à la destruction de quelque chose de bien.

  • Que deviennent ces filles qui disparaissent ? Que deviennent les Zoe Nolan du monde entier ? […] Ce livre est dédié à Evelyn Mitchell - et à Zoe Nolan -, et à toutes celles, à tous ceux, qui ne sont jamais rentrés chez eux.

  • Je lisais des articles sur moi, sur des choses que j'avais vues, et je pensais : ce n'est pas du tout comme ça. Alors j'ai commencé à douter de moi-même, et de tout le monde. J'avais de plus en plus l'impression qu'il n'existait aucune vérité.

  • Depuis toujours le chant était sa grande passion et elle s’était installée à Manchester afin d’étudier sérieusement la musique, étonnée de se découvrir aussi populaire parmi ses camarades de classe, et sur le campus de manière générale. Son entourage était impressionné par son talent et sa persévérance, et elle ne tarda pas à rencontrer le jeune homme qui deviendrait son premier petit ami sérieux.

  • Aujourd’hui, je pense qu’on qualifierait leur relation de toxique. Un couple comme une sorte de composé chimique dangereux. Genre, la seule solution possible pour les deux parties, c’était l’extraction. Je suis sûre que Zoe était bouleversée de le voir partir : elle se tenait toujours pour responsable quand les choses tournaient mal.

  • C’est triste à dire, mais je crois que, déjà à cette époque, Jai était un mec torturé. Je pense qu’il avait toujours le sentiment d’être à l’écart. Alors que moi, je fais partie de ces personnes plutôt à l’aise qui parlent à n’importe qui, à n’importe quel niveau, c’est très Vierge ça, Jai, lui, il affichait sa couleur de peau.

  • Quelqu’un qui charmait sans peine toutes les personnes qu’elle rencontrait. Je pense qu’on ramerait tous si on devait affronter ça.

  • Certains chapitres étaient déjà achevés, comme elle aurait aimé qu’on les lise ; pour d’autres, j’ai dû éplucher et assembler moi-même ses plans grossièrement esquissés.

  • Dans le monde de l’édition, comme dans le monde en général, on se noie sous les filles mortes, et je crains que les filles disparues, ce ne soit pas suffisant. Evelyn avait raison lors de notre première rencontre. Nos centres d’intérêt tournent autour des meurtriers, pas des victimes.

  • Toutes les incohérences, toutes les liaisons amoureuses, toutes les sextapes, tous les secrets et les mensonges ne signifiaient rien s’il n’y avait pas de fin. Tant qu’on ne retrouvait pas Zoe Nolan, il n’y avait pas de livre.

  • Evelyn défendait l’idée d’un livre qui mettrait tout à nu, reproduirait les mots sans fard des personnes concernées, y compris les contradictions et le reste, l’histoire se dévoilant peu à peu aux yeux des lecteurs comme elle s’était dévoilée à elle, de révélation en révélation.

  • J’ai toujours trouvé cette ville frappante en ce qu’elle était un ensemble de choses très différentes, certaines bonnes, certaines mauvaises, mais ne vous y trompez pas, cette ville me frappait sans cesse d’une manière ou d’une autre. Résultat, il me reste aujourd’hui beaucoup de zones floues.


Biographie

Né en 1986, Joseph Knox est un écrivain, auteur de roman policier anglais.
Après avoir travaillé comme barman et libraire dans une boutique de la chaîne Waterstones, il s’est installé à Londres où il est devenu acheteur de polars pour cette même chaîne en 2009.
Il est l'auteur d'une trilogie qui met en scène le jeune inspecteur Aidan Waits, composé de "Sirènes" ("Sirens", 2014), le premier tome et son premier roman, "Chambre 413" ("The Smiling Man", 2018) et "Somnambule" ("The Sleepwalker", 2019), qui ont été des best-sellers.
Suite à ce succès, Joseph Knox a quitté son travail pour se consacrer entièrement à l’écriture.
En 2021, il revient avec "True Crime Story".

Son site : https://www.josephknox.co.uk/



vendredi 22 décembre 2023

Guillaume COQUERY – Oskal – M+ Editions 2020

 

L'histoire

Une artiste de cirque est retrouvée morte dans un village près de Saint-Gaudens (Ville de Haute-Garonne). Le jeune capitaine Damien Sergent qui vient de monter une brigade de police judiciaire est chargé de l'enquête. Mais très vite il fait le rapprochement avec un autre féminicide jamais élucidé en 2010 à Besançon. Avec l'aval de la procureure de sa ville, lui et son équipe se déplacent à Besançon et au fil des investigations, d'autres femmes tuées dans des circonstances horribles apparaissent...


Mon avis

Dans la littérature polar pur jus, voici l'arrivée de Guillaume Coquery qui publiait en 2020 le premier volet d’une trilogie. Avec un nouveau héros, le capitaine Sergent et une fine équipe qui englobe un vétéran de la police, une jeune femme musclée et un petit génie de l'informatique.

Du sud-ouest au Doubs, voici une énigme facile à lire, avec un style bien à lui, genre « langage de flics », qui apporte un peu de légèreté dans une intrigue à rebondissements, entre le passé et le présent, mais tout est bien identifié en tête de chapitres.

Coquery n'a pas une vocation a écrire autre chose que du bon polar, bien ficelé et dont la fin amorce forcément une suite. Certes ses héros se plaignent du manque de moyens humains et financiers pour une petite brigade de PJ (police judiciaire, chargée des assassinats, crimes, meurtres), que cela soit dans une petite ville de province ou dans une plus grande métropole.

Et puis il y a les implications et les magouilles entre des policiers ripoux et l'élite de la ville, qui se tiennent par chantage entre eux. A cela s'ajoute les personnalités contraires d'Irina, la danseuse du cirque, qui après une phase de perte totale (drogue, sexe, psychotropes) est redevenue une personne clean, amoureuse et enceinte de 3 mois lors du drame. Sa sœur aînée Anka vit à Besançon d'où est originaire cette famille d'émigrés russes, une femme maniaque, un peu revêche et qui ne semble pas trop aimer sa cadette à laquelle elle reproche la mort en couches de la mère lors de l'arrivée de la petite dernière.

L'enquête se complique car les femmes assassinées n'ont pas été violées sauf une, et les enquêteurs ne comprennent pas (tout comme le lecteur dans ce premier opus) ce qui motive le tueur.

Si cela se lit facilement, ce roman ne restera pas dans les mémoires. D'une part parce qu'il marche déjà dans les pas d'auteurs connus, parce que le style n'est pas aussi affirmé qu'il n'y paraît, (on pense à Benoît Philippon et son style unique et hilarant), d'autre part on aimerait, que ces enquêteurs ne fassent pas si clichés, chacun ayant son histoire, ses traumatismes, ses doutes, même si l'équipe reste totalement soudée.

Même si les critiques littéraires se sont emballés face à ce nouveau venu, on est bien loin d'un Franck Thilliez (qui caracole toujours en tête des ventes, mais qui sait se renouveler à chaque polar).

Donc une lecture facile qui vous fera passer 2 ou 3 bonnes soirées, les plus curieux iront lire les suites avec « Putain de karma » et « Karma » chez le même éditeur.




Extraits

  • Où est le problème, bon sang ? – Vous vous souvenez, lorsque les colis piégés étaient arrivés à la préfecture ? On avait prélevé l’ADN de tout le personnel préfectoral, pour pouvoir isoler l’empreinte génétique du terroriste ? C’est dans ce fichier que l’on a trouvé une correspondance. – Vous voulez dire que l’auteur de l’enlèvement de cette bonne femme est parent avec un de mes employés ? – C’est tout à fait ça, monsieur le préfet. – Qui donc ? – Euh, c’est un peu embarrassant, comme ça…– Dépêchez-vous de balancer le morceau, triple idiot. – Vous ! Monsieur le préfet !

  • L’homme ne dit rien. Jarier n’osait intervenir... Au bout d’un long moment, le haut fonctionnaire reprit la parole. Toute animosité avait disparu. Il se recentra sur l’essentiel, le seul sujet digne d’intérêt... lui ! – Écoutez-moi bien, Jarier, je n’ai plus que mon fils, et je suis sûr… non, je suis certain qu’il n’est pour rien dans cette affaire. Vous allez vous débrouiller comme vous voulez, mais vous me faites supprimer de votre foutu fichier. Je n’y suis pas et je n’y ai jamais été... Me suis-je bien fait comprendre ?

  • Son aïeul, Alexandre Kourakine, était un homme politique célèbre dont Tolstoï parlait dans Guerre et Paix. Vous l’avez lu peut-être ? - Oh, moi, vous savez, sorti de Norek … - Ah, je ne connais pas Norek, je pense que c’est polonais c’est un classique ? - Non, c’est un ancien flic.

  • Damien, regardait son fils avec une bienveillance émue, souhaitant que le petit conserve son pouvoir d’émerveillement : « J’espère que tu vas garder cette innocence longtemps, petit Tom », se murmura-t-il à lui-même, « Tu as tout le temps de voir le monde tel qu’il est vraiment ».
    Enfin, le Mr Loyal fit l’ouverture de la piste, porté par les cuivres et les tambours. La célèbre fanfare de Jean Laporte, « l’entrée des gladiateurs » résonna. Quand on entend cet air, on sait que le spectacle va commencer. Cette musique, c’est l’ADN du cirque.

  • Le cimetière fut atteint le premier par la vague. Il était juste sous les pieds des habitants de Garnin, une quinzaine de mètres en contrebas. Leur nécropole, de dimension relativement modeste, formait un gros carré d’environ cinquante mètres de côtés. Le mur sud, parallèle à la Vigonne, était bâti au point le plus bas alors que le mur nord culminait trois mètres plus haut. Les tombes se trouvaient donc implantées à flanc de montagne et un chemin en lacets permettait de passer devant toutes les sépultures. Un peu comme chez Ikea, plaisantait la jeunesse de Garnin. Le mur coté est, fut frappé de plein fouet par la furie liquide, l’eau passant par-dessus. Quelques instants plus tard, la moitié du carré était submergée par un flot agité comme une casserole d’eau sur un feu trop vif. Ce mur, contre toute attente, tint le coup. Côté aval, au milieu du mur ouest, il y avait le portail d’entrée, monumental, en fer forgé, encadré de deux cyprès de haute taille.

  • Pour me faire pardonner, je peux vous déposer chez vous ? – D’accord, mais cesse de martyriser le français. Quand tu poses une question, tu commences par le mode interrogatif : « Puis-je vous déposer chez vous, ou bien encore, voulez-vous que je vous dépose chez vous ? » Et gare à toi si tu essaies de me kidnapper. Elle désigna sa canne : je suis armée et je sais m’en servir.

  • Le haut fonctionnaire n’était pas né de la dernière pluie, si le flic lui téléphonait, ce n’était pas pour rien. S’il entamait la conversation, en lui disant que lui, préfet de la République, avait un problème commun avec cet idiot, c’est qu’il y avait bien quelque chose. Il serait désagréable un peu plus tard, voilà tout. – La joggeuse qui a disparu il y a deux semaines, Séverine Bonaud… Le commandant Jarier marqua une pause, pensant être interrompu, il n’attendit pas trop longtemps. Il ne fallait pas lui laisser trop d’ouvertures. – Comme vous le savez sans doute, on a trouvé une trace de sang sur un arbre, à l’endroit où elle est montée dans le 4x4. – Non, je l’ignorais. C’est le parquet qui suit ce genre d’affaires, je ne m’intéresse pas à ces histoires. – Vous devriez, monsieur le préfet, L’ADN a été décodé, j’ai reçu cet après-midi les résultats, il s’agit d’un homme. Il est inconnu du FNAEG.– Et alors, en quoi cela me concerne ?




Biographie

Guillaume Coquery est technicien, concepteur de machines. Il travaille dans une PME de Saint-Gaudens. Primé dans plusieurs concours de nouvelles, avec "Oskal" (2020) il signe le premier opus d'une trilogie.

Voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=XdRqFPpVleg





samedi 11 novembre 2023

Piergorgio PULIXI – Le chant des innocents – Gallmeister - 2023

 

L'histoire

Une fille de 13 ans seulement est retrouvée à coté de sa victime, le couteau encore dans sa main, 86 six coups, et elle avoue le meurtre, mais sans en donner les raisons. Bientôt d'autres meurtres par des adolescents sont commis, ce qui met le commissariat dans tout ses états. D'autant que son commissaire, Strega, a été suspendu, et refuse de collaborer avec la psychologue qui lui a été assignée. L'inspectrice Teresa Brusca a pourtant bien besoin de son aide. Car derrière ces meurtres, tout deux pensent que se cache un individu qui les manipule. Mais on ne trouve aucune trace de relations entre les différents criminels...


Mon avis

Pulixi, l'auteur de polars sardes nous concocte ici une énigme pas très compliquée à comprendre et bien trop axée sur la personne de commissaire Strega, ambigu mais volontaire. Ici, vous ne retrouverez pas s le charme de son premier roman, qui mêlait la culture traditionnelle sarde à une énigme policière, ni la description magnifique de la Sardaigne intérieure.

L'auteur s'essaye au polar psychologique, à travers son commissaire, et si l'intrigue de départ est intéressante, sa résolution finale est un peu décevante. Certes, pas de temps morts, de chapitres courts, mais beaucoup trop de redites sur le personnage de Strega, homme qui recherche la justice, peu sociable, sans véritable foyer (il reste obsédée par son ex-femme remariée depuis). Mais tout cela ne vaut « 'Ile des âmes » son premier roman qui s’inscrivait dans un cadre original.

Ça se lit, mais quand on a lu les précédents, j'avoue que celui-ci est décevant. Espérons que Pulixi reviendra à son écriture et sa première impulsion, celle de nous faire connaître sa Sardaigne natale sous des angles imprévus.

Il faut aussi dire que le « Chant des Innocents » était son tout premier roman, publié en Italie en 2015. Puis suivi par « l'illusion du mal » en 2022. Mais les traductions de son éditeur français Gallmeister ne se font pas dans l'ordre logique. En effet la première traduction était celle de « l'ile des Âmes » qui a connu un très beau succès littéraire et critique. Aussi on peut espérer que l'auteur se rapprochera plus, dans le futur, de son intention première.


Extraits :

  • C'était son problème. Les cadavres au sol, les lacérations, la brutalité des coups de couteau qui avaient profané la peau, tout était comme une partie de lui . Il était immergé dedans . Le mal s'insinuait dans tous les fibres de son être,se mêlait à son sang . Il percevait la douleur et le désespoir des victimes, et leur chant, dans son esprit, formait désormais un chœur assourdissant.

  • l alla s’asseoir sur le grand canapé, et s’abandonna au jazz de la pluie.
    Quelques minutes plus tard, il l’entendit arriver.
    Sofia s’assit avec désinvolture à côté de lui comme si elle n’était jamais partie.
    — Tu en as mis, du temps. Où tu étais ? demanda-t-il.
    Elle ne répondit pas. Elle se contenta de se lover dans ses bras, comme toujours.
    Strega l’effleura du bout des doigts et l’embrassa sur la tête. — Je sais que tu te poses la question, et la réponse est oui : il y a une femme endormie sur ton lit. Mais pas la peine d’être jalouse. C’est juste une amie.Elle secoua la tête, visiblement irritée.— Il fait trop froid pour passer la nuit dehors, dit Strega en essayant de l’amadouer. Pas vrai ?Elle le fixa de ses immenses yeux verts, et il crut la voir acquiescer.— OK, tu es fatiguée. Bonne nuit, petite.La chatte miaula et ils s’endormirent ensemble, comme toujours.

  • Le mal est contagieux, commissaire, et vous le savez. Il ne s’agit pas de vengeance ici, mais d’exemple.

  • Bonne question : pourquoi s’imposait-elle ça ? Pour elle, ce métier n’était pas une mission, comme il semblait l’être pour Vito. Il n’avait rien de romantique. Ce n’était pas un moyen de compenser le mal par la justice, comme le faisaient croire les téléfilms policiers. C’était seulement un travail difficile et mal payé. Rien de plus.

  • Elle se demanda s’il était humainement possible de lire tous ces livres en une seule vie, apparemment oui. Strega était quelqu’un qui vivait les livres : on voyait sur leur dos les marques d’usure d’un lecteur avide.

  • Elle ignorait que Vito sans son travail était un homme mort. Les attentes et les responsabilités étaient le carburant qui lui permettait d'avancer, qui le poussait à se lever le matin.

  • Moi je dis qu'il y a une raison pour laquelle on t'a envoyé chez la psy, tu sais? Il y a quelque chose qui cloche chez toi. Ici tout l monde te déteste, et toi, comme ça, pour remonter dans leur estime, pour te racheter, tu as la brillante idée de te faire arrêter pour harcèlement. Bravo, félicitations, tu es le roi des cons Strega

  • Tu crois que je n'ai pas essayé? Ils ne disent rien, et chaque fois les avocats et les assistants sociaux coupent court au bout de dix minutes au nom des droits des mineurs.


BIOGRAPHIE

Piergiorgio Pulixi est un écrivain italien, auteur de romans policiers et de romans noirs, membre du collectif Mama Sabot, créé par Massimo Carlotto, dont il est l'élève.
Après une expérience d’écriture collective de romans noirs, il s’est lancé dans une saga policière en 4 volumes, primée par le prix Glauco Felici et le prix Garfagna. Il est aussi l’auteur d’une série intitulée I canti del male (Les Chants du mal). L’Île des âmes est son dernier roman, publié en 2019 par Rizzoli, et le premier traduit en France.

vendredi 6 octobre 2023

CAMILLA LACKERBG – Femmes sans merci – Actes Sud 2020

 

L'histoire

Trois femmes, Ingrid, Birgitta et Victoria sont des femmes plus que malheureuses en ménage. La première a tout sacrifié à son mari qui la trompe depuis toujours mais sa dernière liaison en date semble durer. La seconde plus âgée subit les coups de son mari et n'ose pas en parler, enfin la dernière est une jeune fille russe, épousée par internet. Son mari suédois se révèle être une brute qui la tabasse, l’humilie, la viole.

Comment ses trois femmes qui ne se connaissent pas vont-elles mettre fins à leur souffrance ?


Mon avis

Camilla Lackberg culmine au top des ventes dans son pays et en Europe. Pour son dernier ouvrage, elle remet en scène les meurtres inversés (comme dans L'inconnu du Nord Express) ou échange de crimes, thèmes récurrent dans les polars ou séries TV. Mais là, ce n'est pas un duo mais un trio de femmes vulnérables.

Avec un petit coté féministe, comme souvent chez Lackberg, mais l'ouvrage, amusant à livre, n'a pas la qualité des polars de sa série Erica Falk (dont on suit les aventures et le petit monde depuis la Reine des glaces.

Sans doute, partagera-t-on l'intrigue où l'on sent la malice et le plaisir d'écrire de l'autrice, mais on aurait aimé un peu plus de développement psychologiques des personnages, leur cheminent interne pour en arriver à cette solution (on sait seulement qu'elles se sont croisées sur un forum internet et que chacune ignore les identités des autres, le comment eut été intéressant).

Bref ce court roman nous laisse un peu sur notre faim.


Extraits :

  • Les couteaux luisaient , alignés parmi la vaisselle propre. Elle enfila ses gants fins , en choisit un grand fin, bien aiguisé, qu'elle soupesa. Elle en avait assez entendu. Elle regagna l’escalier et commença à monter....Quelque part dans la maison une porte s'ouvrit.
    "Putain, sale chienne , tu ne veux pas obéir, hein ?"
    Ingrid s'accroupit en haut des marches et s'immobilisa . L'homme se dirigeait vers elle, elle ne l'avait pas encore vu. Tandis qu'elle attendait , la colère monta en elle. Les pas approchaient. Il venait vers elle, il n'était plus qu'à un mètre quand Ingrid se jeta sur lui Au dernier moment, il avait dû l'entendre, car il se tourna sur lui-même, leva le bras, et elle sentit quelque chose lui cingler la joue.
    Mais il était trop tard. Elle avait déjà plongé le couteau dans son ventre..
    Il haleta , la fixa sans comprendre.Sa bouche était ouverte , laissait échapper un gargouillis . Elle retira le couteau et frappa encore. Et encore.
    Il s'effondra. Ingrid se figea , regarda le corps sans vie.
    Elle entendit de faibles gémissements. Ils ne venaient pas de l'homme, mais de la pièce fermée. " Il est mort dit-elle à travers la porte. Ça va ?" Silence. Ingrid répéta sa question . " Ça va aller" répondit l'autre femme. Ingrid aurait voulut entrer, la serrer contre elle , la consoler, lui dire que pour elle aussi, l'enfer était fini.

  • Tommy ronflait bruyamment. Ingrid posa ses pieds nus sur le parquet, rajusta sa chemise de nuit et se leva. À pas lents, elle quitta la chambre et descendit au rez-de-chaussée. Elle prit le manteau de Tommy, la trousse à couture et s’enferma aux toilettes. Elle se dépêcha de défaire les points qu’elle avait cousus le soir précédent et glissa la main dans la doublure. Elle en sortit le dictaphone, son voyant était vert. Il continuait d’enregistrer. Elle l’arrêta, vérifia qu’il était éteint et soupira.
    Ingrid refoula l’envie d’écouter tout de suite son contenu. Elle commença par recoudre le tissu, sortir des toilettes et raccrocher le manteau.
    Elle glissa le dictaphone dans la poche de son blouson et alla boire un verre d’eau à la cuisine. Dans quelques heures, Tommy allait participer au journal télévisé du matin, et Lovisa serait partie jouer chez une copine. Alors, elle aurait le temps d’écouter l’enregistrement. Elle avait peine à se retenir.

  • Avant de perdre connaissance, elle s'était demandé combien de femmes à travers l'Histoire avaient fini leur vie avec la même vision : l'homme qu'elles avaient épousé, penché sur elles, le visage déformé, en train de les étrangler.

  • Pourquoi personne ne réagit ? Mon monde s'effondre et tout continue comme si de rien n'était ? Jacob était un homme dur et froid qui ne lui avait jamais témoigné de tendresse qu'elle aurait souhaitée, mais son amour pour ses fils était inconditionnel. Il compensait ainsi la froideur qu'il lui manifestait. Aimer ensemble quelqu'un, c'est comme s'aimer avait-elle l'habitude de se dire.

  • Cette zone résidentielle était une prison pour femmes sans barreaux, les femmes y étaient retenues par leur amour et leur devoir envers leurs enfants.

  • Même avec une brillante intelligence, toute mauvaise action n'est réussie parfaitement. Le crime parfait n'existe pas.

  • Si seulement elle avait eu un seul ami, quelqu'un qui soit vraiment gentil avec elle, et la traite comme une personne, et non comme une poupée gonflable avec option ménage et cuisine.

  • elle avait fait de son mieux pour être polie, avait posé des questions dans son mauvais anglais, mais ils avaient continué à se taire en la fixant. Dans la voiture, sur le chemin du retour, Malte lui avait dit que les Suédois n’aimaient pas trop parler.
    Même si elle avait pu s’enfuir, Malte s’était assuré sa soumission par d’autres moyens. À l’insu de Victoria, durant les premiers mois, il avait systématiquement filmé leurs ébats. Il l’avait prévenue : si elle disparaissait, les vidéos seraient postées sur des sites pornos, en particulier russes.


Biographie

Née à :Fjällbacka , le 30/08/1974, Jean Edith Camilla Läckberg Eriksson est une écrivaine suédoise, auteure de romans policiers. Après avoir obtenu son diplôme à la School of Business, Economics and Law à l'Université de Göteborg, elle a travaillé comme économiste à Stockholm. Malgré sa formation d’économiste, elle a toujours voulu être écrivain et vivre de sa plume. C’est alors qu’au début des années 2000, son premier mari, sa mère et son frère lui ont offert un cours d’écriture intitulé "Krim écriture" pour lequel elle conçut l’histoire qui deviendra "La Princesse des glaces" ("Isprinsessan"), son premier roman, édité en Suède en 2003.
Les romans de Camilla Läckberg se situent tous près de son lieu de naissance, la petite ville côtière de Fjällbacka.
Elle a écrit deux livres de cuisine avec son ami d'enfance, le chef Christian Hellberg, et est aussi l'autrice d'une série de livres pour enfants, "Super-Charlie".
Camilla Läckberg a été classée en 2009 6e auteur en termes de ventes en Europe.
La Princesse des glaces", "Le Prédicateur" (Predikanten, 2004) et "Le tailleur de pierre" (Stenhuggaren, 2005) ont été adaptées en bande dessinée chez Casterman en 2014, 2015 et 2018 par Olivier Bocquet et Léonie Bischoff. Sa nouvelle "Le Café des veuves" a été adaptée en court-métrage en 2013.
Parallèlement à l’écriture de ses ouvrages, Camilla Lackberg anime une émission littéraire à la télévision suédoise. Camilla Läckberg est mère de quatre enfants.

Son site : https://camillalackberg.se/en/


mardi 8 août 2023

LISA JACKSON – Linceuls de Glace – Éditions Harper-Collins Poche - 2014

 

L'histoire

Grizzly Falls, petite ville du Montana à quelques semaines des fêtes de Noël. Cette période est détestée par les deux enquêtrices Selena et Regan, la solitude pour l'une, la difficulté de gérer 2 adolescents pour l'autre, sans parler du travail du aux accidents de la route en cette période glaciale et neigeuse. Et voilà soudain qu'au beau milieu de la crèche fièrement dressée par la paroisse locale, apparaît une statue de glace renfermant en fait une femme dont la disparition avait été signalée à la police. C'est le début d'une longue enquête car d'autres disparitions et d'autres cadavres enveloppés de glace sculptée vont apparaître et menacer directement Selena Alvarez.


Mon avis

Lisa Jackson ne recevra sûrement jamais un prix littéraire prestigieux aux USA ou ailleurs. Elle caracole pourtant en tête des ventes à chaque nouvelle sortie d'un de ces livres, une sorte d’Agatha Christie américaine. Certes, il y a tous les éléments du polar et du suspense : l'enquête originale, le personnalité des deux inspectrices opposées mais complémentaires, des révélations sur le passé de Selena et un tueur sadique et totalement fou. Mais le tueur n'est découvert que dans les dernières pages du roman et c'est un quasi inconnu dans le scénario.

L'écriture est dans fioriture, bien rodée à l'exercice. Mais une fois de plus il n'y a aucun ambition de dénoncer quoi que ce soit, à part un traumatique viol refoulé par une des deux enquêtrices. Et beaucoup trop de page à mon avis pour une intrigue finalement bien mince. On y parle beaucoup de Selena, ses émotions, sa vie passée, sa situation actuelle avec un flirt, mais sans finalement pousser la psychologie des personnages dans leurs retranchement. Peu d'humour, une atmosphère glaciale, des rebondissements qui ne tiennent qu'à la découverte d'autres cadavres et quelques faits qui renforcent l'intrique. Bref du pur polar de suspense, avec des bonnes scènes d'horreurs, une love story qui effleure la sexualité en toute bonne pudeur puritaine. Ça se lit, si on aime avoir un petit frisson mais ce n'est pas de la littérature de grande valeur. Un peu logique quand on sait que Harper & Collins sont les éditeurs des livres Harlequin (romans à l'eau de rose bonbon). Cela plairait aux lectrices, le public cible des éditions, mais ceux qui aiment la littérature forte, porteuse de messages, dénonciatrice des méfaits de nos sociétés, ou révélant des faits marquants et choquant de l'Histoire, peuvent passer leur chemin et se tourner vers d'autres ouvrages aux fortes résonances (voir ma rubrique « Indispensable » sur ce blog ou « j'adore ». Certes on n'est jamais objectif dans une critique littéraire, selon son humeur, ce qu'on a lu avant, son propre ressenti. Mais pour moi ce n'est pas le genre d'ouvrage que j’achèterais.


Extraits :

  • Le lendemain, la journée démarra de travers. Pour commencer, le réveil de Selena ne sonna pas - elle avait dû y aller un peu fort, la veille, en lui tapant dessus pour l'arrêter. Puis ,après avoir fait sortir Roscoe, elle se rendit compte, mais trop tard qu'elle avait manqué sa séance d'arts martiaux. Son professeur n'avait pas appelé mais envoyé un texto, auquel elle répondit pour s'excuse. Décidément ,elle n'était pas dans son assiette! Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez elle? D'habitude ,elle n'était jamais en retard. Ne manquait jamais un rendez-vous. N'acceptait jamais l'étourderie des autres comme excuse. Certes, elle avait mal dormi. La pensée des deux femmes disparues n'avait pas arrêté de tournoyer dans son cerveau. Mais tout de même, de là à se retrouver si totalement à côté de la plaque !

  • Elle actionna l'ouverture automatique de son garage et regarda la neige tomber devant ses phares .Que n'aurait-elle donné pour pouvoir aller chez lui séance tenante ,accepter son invitation à prendre un verre et dîner, puis passer la nuit avec lui ! Mais le devoir l'appelait en la personne de ses enfants, où qu'ils soient, nom d'un chien! -Je t'appelle plus tard. -C'est ça... Regan, fit-il alors qu'elle s'apprêtait à raccrocher. - Oui ? - Tu as le droit de vivre ta vie, toi aussi. -Et comment ! Sur ce point ,elle l'approuvait à cent pour cent. Et il n'avait pas tort à propos de ses enfants non plus et de la présence d'un homme dans leur vie au quotidien. Seulement, elle n'était pas prête à l'admettre.

  • Seigneur,ce qu'elle pouvait détester cette saison !
    A Grizzly Falls, il semblait que la période des fêtes apportait immanquablement son lot de malheurs. Malgré les couronnes de Noel accrochées aux portes ,les sapins décorés étincelants derrière les fenêtres et le flot incessant des chants de Noël déversé par les radios locales, des drames menaçaient, tapis derrière toute cette joie exubérante. Non seulement les cas de violences domestiques augmentaient en flèche pendant la saison des fêtes, mais ces dernières années, des tueurs détraqués avaient terrorisé les habitants de la région...

  • Sa peau s'était teintée de bleu. Sa chair se rigidifiait, ce qui était parfait. Ses yeux, à travers la glace, regardaient fixement vers le haut. Pourtant ,ils ne voyaient rien. Dommage qu'elle ne soit plus capable d'apprécier à leur juste valeur l'amour, l'affection et la considération qu'il mettait dans son travail... Son souffle léger ne faisait plus fondre la glace autour de son nez, et sa bouche, Dieu merci, s'était fermée, ses lèvres impeccablement soudées, d'un bleu plus foncé... Comme la Belle au Bois dormant, songea-t-il en répandant une nouvelle nappe d'eau glacée.

  • - Il faut que j'y aille, dit Regan en pointant la tête dans le bureau de Selena. Ça fait deux jours que je n'ai pas vu mes gosses. Je ne compte pas hier matin, parce que je n'ai fait qu'entrevoir Jeremy au moment où il est rentré pour s'affaler sur son lit. - On est samedi soir. Tu crois qu'ils seront à la maison ? - Au moins brièvement. Regan changea son sac d'épaule et esquissa un sourire las. - Juste le temps de me demander de l'argent. J'espère juste qu'ils se seront occupés du chien.

  • Elle avait adopté Roscoe sur un coup de tête ,décision d'autant plus inconsidérée qu'elle était intervenue juste après l'achat de cette maison mitoyenne. Mais il était trop tard pour le regretter, car le stupide petit chien avait su trouver le chemin de son cœur.

  • Cependant, elle savait tout au fond de son cœur que ce qui l'attendait dans la nuit, quoi que ce fût, lui serait funeste. Par-dessus les accords de la chanson de Noël, la voix de Mildred résonna dans son cerveau, terrifiante dans la justesse de ses prédictions : " Le diable se cache derrière tout ça ! Il est toujours là, vous savez, juste derrière votre épaule, prêt à bondir..."

  • Cette femme me rend dingue avec tout son cirque de Noël, marmonna-t-elle à l'adresse de Selena, mais je dois reconnaître qu'elle sait faire des macarons à tomber par terre.


Biographie

Née en 1952, Lisa Jackson est un écrivain américain de romans d'amour.
Elle a grandi dans une petite ville de l'Oregon. Elle sort diplômée de l'Université d'État de l'Oregon et travaille quelques temps plus tard dans le secteur bancaire.
En 1983, son premier roman, "A Twist of Fate", est publié par Silhouette Books. Lisa Jackson écrit des suspenses romantiques contemporains pour Kensington Books et des romans d'amour historiques "Moyen-Âge" pour Onyx Books. Ses romans se placent habituellement sur les listes des meilleures ventes de livres du New York Times, USA Today et Publisher's Weekly. En 2001, elle obtient le Reviewer's Choice Award du meilleur suspense romantique, du magazine Romantic Times, pour "Un danger dans la nuit" (Hot Blooded, 2001). Elle est membre de Mystery Writers of America et de International Thriller Writers.

En savoir plus ici :

mardi 18 juillet 2023

LORI NESLON SPIELMANN – Un doux pardon – Poche Pocket – 2016 réédition 2023.

 

L'histoire

Hannah, est présentatrice star de la télé de La Nouvelle Orléans. A 34 ans, elle est fiancée au maire de la ville, mais sa carrière est menacée par des taux d'audience en baisse et l'ambition d'une jeunette prête à tous les bas coups. En même temps, un phénomène fait fureur dans le pays, les pierres de pardon. Hannah en a reçu 2, une à envoyer à quelqu'un que l'on pardonne pour un tort qu'il nous a fait et l'autre à envoyer à une personne à laquelle on a fait du mal. Et voilà que ces pierres vont tout changer dans sa vie,



Mon avis

Un livre qui me laisse mitigée. Aborder le thème du pardon, celui qui l'on offre et celui que l'on reçoit est en soi un thème difficile, qui relève plus de la philosophie (ou de la religion) que du roman.

Alors oui c'est bien écrit, mais c'est sans surprise. Hannah, l'héroïne qui nous raconte son histoire a quelque chose de difficile à faire pardonner, une accusation d'attouchements de la part d'un beau -père qu'elle déteste, et qui a nuit à celui-ci. Encore qu'elle ne soit pas certaine c'était il y a longtemps, et elle en a toujours voulu à sa mère d'avoir quitté son père, un homme manipulateur. Elle vit une relation amoureuse, avec le maire de la ville, en campagne pour sa réélection et traverse une passe difficile dans son travail.

Hors ici tout n'est que mensonge : son amoureux n'a aucune envie de l'épouser, et elle se fait manipuler en beauté par une jeune concurrente arriviste, qui va lui faire commettre des bourdes à l'antenne. Elle perdra son métier, son amoureux mais retrouvera d'autres valeurs, des retrouvailles heureuses avec sa mère.

Un happy end facile pour une lecture facile.

Certes il y a ces petites pierres (des galets, des pierres sans valeurs) qui symbolisent le pardon mais l'autrice qui a mis au point cette idée et qui est devenue une star n'a pas pensé qu'une simple pierre pouvait effacer des souffrances enfouies, des trahisons impardonnables. Ce qui doit nous interroger sur notre capacité de pardon, nos petits mensonges ou faiblesses. Faut-il toujours tout dire ? Faut-il toujours pardonner ? Est-ce que je pardonnerais à Hitler ou a des dictateurs pour les horreurs commises ? Certainement pas en ce qui me concerne. Par contre je peux pardonner des petites erreurs, si la personne m'est proche, sinon je pars sans me retourner. C'est donc une approche très personnelle et je ne crois pas qu'une petite pierre soit bien utile.

Mais Lori N. Spielmann semble avoir conquis un public essentiellement féminin. Ce n'est qu'un roman mais on aurait aimé plus d'émotions fortes et vibrantes, ici tout est « ouaté », on ne s'identifie jamais à l'héroïne, non pas qu'elle ne soit pas sincère, mais elle n'est pas crédible, et elle ne semble par avoir lu les philosophes qui se sont emparés du sujet, mais reste dans l'optique du pardon vu du coté de la religion qui le prône (mais à titre individuel, à travers le péché et la rédemption pour les religions monothéistes, pour l'harmonie du monde selon le bouddhisme. C'est donc une lecture très « girly » sur un thème qui aurait pu être fort, dans une autre intrigue et sous une autre plume.


Extraits :

  • J'ai toujours envisagé la vie comme une pièce sombre et caverneuse emplie de bougies. Quand on naît, la moitié des bougies est allumée. A chacune de nos bonnes actions, une nouvelle flamme jaillit et crée une lumière supplémentaire. Mais tout au long de notre chemin, des flammes sont éteintes par notre égoïsme et notre cruauté. Vois-tu, nous allumons des bougies et en soufflons d'autres. Au final, nous pouvons simplement espérer avoir créé plus de lumière que d'obscurité en ce monde.

  • Les excuses n'effacent jamais les mensonges. C'est comme si on les rayait, plutôt. On a toujours conscience que l'erreur est là, juste sous la ligne noire qu'on a tracée. Et si on la cherche bien, on peut encore la lire. Mais au fil du temps, nos yeux finissent par regarder au-delà de l'erreur, on ne voit plus que le nouveau message, bien plus clair, rédigé avec beaucoup plus d'attention

  • Nous autres, les humains, avons un trait de caractère merveilleux - la capacité de pouvoir changer d'avis. Et oh, quel immense pouvoir cela nous confère !

  • Certains amis sont comme un pull préféré. La plupart du temps, nous choisissons un tee-shirt ou un chemisier. Mais le pull est toujours là, au fond du placard, confortable, rassurant, prêt à nous réchauffer par ces journées ventées.

  • Il m'a dit un truc que je n'oublierai jamais. Il m'a dit :On n'abandonne jamais ceux qu'on aime.

  • Chacun de nous est un être humain avec ses défauts, ses peurs, son besoin désespéré d’amour. Des gens déraisonnables qui préfèrent le confort des certitudes.

  • Je me sens soudain extrêmement vieille. Ai-je manqué ma chance, ma présentation en société ? Chaque année, un nouveau lot de femmes fraîches entre sur la scène des relations amoureuses, des femmes plus jeunes, plus intéressantes.

  • De jeunes beautés pleines d’espoir sourient à leur reflet dans le miroir, nourries de rêves et d’ambitions. Je me sens soudain extrêmement vieille. Ai-je manqué ma chance, ma présentation en société ? Chaque année, un nouveau lot de femmes fraîches entre sur la scène des relations amoureuses, des femmes plus jeunes, plus intéressantes. Comment peut-on rivaliser, à trente ans passés ?

  • L’espoir, c’est souhaiter qu’il soit pardonné. La foi, c’est avoir la certitude qu’il le sera.

  • Tu as toujours le choix, Hannah. Ne l'oublie jamais. Avoir le choix, c'est notre plus grand pouvoir.

  • Quand les gens brûlent la baraque, c’est pour une bonne raison, Hannabelle. C’est une décision calculée. Ils veulent être certains de ne plus jamais pouvoir faire machine arrière.

  • Ma chérie, tu n'as pas compris ? Nos aveux nous ont libérées. La prochaine fois, il nous faudra être plus prudentes en mettant à nu les morceaux fragiles de nos cœurs. La tendresse ne peut être partagée qu'avec ceux qui offrent à ton cœur un atterrissage en douceur.

  • Nous taisons nos secrets pour deux raisons : Pour nous protéger ou protéger les autres.

  • Il faut du courage pour revendiquer sa honte. Chez la plupart d’entre nous, faire preuve de vulnérabilité est source de malaise. Nous préférons dissimuler notre sentiment de culpabilité dans l’espoir que personne ne voie ce qui se terre au plus profond de nous. Exposer sa honte peut s’avérer libérateur.

  • Nous n’aurons jamais de longs débats politiques, philosophiques, littéraires, ou philanthropiques. Ma mère n’est pas une femme instruite et savante qui me dispensera des conseils bouleversants, et des perles de sagesse.
    Au lieu de cela, elle m’apporte autre chose. Elle offre à mon cœur et à ses fragiles éclats un lieu moelleux et sûr où atterrir.


Biographie

Née en 1961 dans le Michigan, Lori Nelson Spielman est une romancière. Titulaire d'un B.A. de l'Université de Central Michigan et d'un master de l'Université d'État du Michigan, elle a travaillé en tant que orthophoniste, conseiller en orientation et enseignante.
Son premier roman, "Demain est un autre jour" ("The Life List", 2013), obtient un immense succès critique et public. Il est traduit dans 27 langues et les droits d’adaptation cinématographique en ont été achetés par la Fox. Après la publication de son deuxième roman, "Un doux pardon" ("Sweet Forgiveness", 2015), elle démissionne de son poste d'enseignante pour se consacrer à l'écriture à plein-temps. Après le succès de ses deux romans, Lori Nelson Spielman revient avec "Tout ce qui nous répare" ("Quote Me", 2018), un roman poignant, où une femme doit faire la paix avec son passé pour surmonter le deuil et aller vers la sérénité. Elle vit à East Lansing, Michigan, avec son mari.

Son site : http://lorinelsonspielman.com/
- https://en.wikipedia.org/wiki/Lori_Nelson_Spielman


Sur le pardon


dimanche 2 juillet 2023

SUART NADLER – Un été à Bluepoint – Albin Michel ou Livre de poche -2016

 

L'histoire

Hilton Wise est le fils unique de l'avocat devenu milliardaire Artur Wise, spécialisé dans les dommages et intérêts en cas de catastrophe ferroviaire, d'avion ou autres. Homme imbu de lui- même, méprisant son entourage, il se fait construire une incroyable maison du coté de Cape Cod, dans le Massachusetts. Il hérite aussi d'un « boy », un jeune homme noir qu'il méprise ouvertement en raison de son origine ethnique. Nous sommes en 1952, la ségrégation raciale bat son plein mais il est admis que celle-ci est moins difficile à supporter dans les états du Nord comme Le New-Jersey et le Massachusetts. Hillie est méprisé par son père qui le croit incapable et fainéant. Mais il nous des liens d'amitié polie avec Lem, le boy qui lui présente sa jeune nièce Savannah une très jolie jeune fille de 16 ans qui vit dans la précarité. Il tombé immédiatement amoureux de cette fille pas comme les autres et tente de l'aider maladroitement. Quand le père est sur le point d'apprendre ce flirt, Hillie pour protéger la jeune fille raconte qu'il a vu Lem, le boy, lire des documents qui sont dans la mallette qu'échangent régulièrement Artur et son associé Robert, ce qui est vrai. Lem est aussitôt arrêté et envoyé en prison où il est assassiné par un autre prisonnier, ce que l'on attribue à un règlement de comptes.

Les années passent. Même si il hérite d'un compte en banque bien fourni par son père, Hillie préfère travailler comme journaliste s'intéressant aux cas de violences faites aux noirs. C'est surtout un prétexte pour voyager et tenter de retrouver Savannah, de se faire pardonner d'elle. Il la retrouve en effet, mais Savannah est mariée, vit dans l'Iowa, simplement, ne pardonne pas et repousse Hillie.

Alors Hille accepte l'argent du père pour le distribuer à des associations d'aide, épouse sa fiancée Jenny qui lui donne quatre filles. Alors qu'il approche de la vieillesse, il revoit Savannah, elle aussi malade d'un cancer, qui lui remet une petite boite ayant appartenu à son oncle Lem. Un lourd secret familial est alors levé.


Mon avis

N'est pas Ron Rash ou Colson Withead qui veut. Cela aurait pu être une très belle histoire d'amour et de problèmes raciaux, mais des pages en trop qui concerne l'auteur, le fameux Hillie, sur les 3 périodes marquantes de sa vie. Sa jeunesse à Bluepoint, dans une maison sans charme, agrandie et embellie par sa mère, ventée et à la plage peut praticable car envahie par le rochers, la mer souvent déchaînée. Hillie est seul, il n' arrive pas à se faire des amis dans ce coin isolé, il est refoulé de l'école qui l'ennuie, ne s'intéresse qu'au base-ball. L'amitié qu'il noue avec Lem, le boy noir est superficielle. Lem est sous-payé, maltraité par le père tout puissant, il n'a que le dimanche pour se reposer, et encore. C'est lors d'un de ces jours de congés qu'il emmène Hillie rencontrer son frère Charles, un homme peu commode, alcoolique qui vit dans un cabanon sans confort avec sa fille, la jolie Savannah. Dont il tombe follement amoureux. Il sait très bien que cet amour-là, si il veut le vivre et épouser Savannah ne sera pas un chemin de tout repos. Au pire, il devra s'exiler. Il tente de l'aider, mais la jeune fille refuse la charité et pourtant on sent aussi qu'il y a une attirance réciproque. Bravant le danger, Savannah vient le voir à Bluepoint, et ils passent la nuit ensemble, plus à se tenir la main et à discuter qu'autre chose. Lors d'une soirée trop alcoolisée, Artur et Robert en viennent à se bagarrer. Le lendemain, Artur demande à son fils pourquoi celui-ci à sa mallette de travail et insinue qu'il est au courant pour son amourette avec une fille noire. Acculé, voulant protéger Savannah, Hillie raconte ce qui s'est passé la veille, il avait surpris le boy en train de lire des documents dans la mallette, les avait remis ainsi que la mallette. Sans lire les documents.

Lem est immédiatement arrêté pour vol même si on ne trouve rien chez lui, et envoyé en prison. Quelques mois plus tard, il sera tué par un autre détenu.

Il faut ensuite deux gros chapitres pour nous décrire la vie d'Hillie, ses retrouvailles houleuses avec Savannah, 20 ans plus tard, une Savannah qui tient un commerce, même si son mari combat au Vietnam. Parce qu'il ne reste pas affirmé dans ses choix, parce qu'il ne sait pas obtenir le pardon de la femme qu'il a toujours aimé, et aussi parce que sa petite amie blanche se prétend enceinte, il renonce. Et enfin la troisième partie où il revoie pour la dernière fois Savannah, qu'il avait presque finit par oublier, c'est pour recevoir une lettre contenue dans un coffret ayant appartenu à Lem, qui aurait pu provoquer un scandale monstrueux, mais que par cet amour infini qu'on ne sait pas dire, Savannah n'a jamais révélé, même si elle aurait pu obtenir justice pour son oncle.

420 pages pour raconter une histoire, avec beaucoup trop de nombrilisme sur la petite personne d'Hillie, ses mauvais choix, sa haine du père que par devoir il accepte la vieillesse pénible, la richesse à ne plus savoir qu'en faire au détriment des sentiments et du courage, voilà tout ce qui manque pour faire de ce livre une histoire forte, porteuse de sens. Hillie aussi cède aux pouvoirs de l'argent, lui qui ne voulait rien de son père. Les thèmes abordés : racisme, rêve américain, argent, homosexualité, relations au pouvoir sont effleurés, pas creusés, pas mis en abîme comme d'autre romanciers le font. On pense par exemple à la Couleur de L'eau de James Mc Bride qui nous montre le mariage réussi entre une blanche têtue et volontaire et un homme noir, empli de bonté. Ici la femme têtue mais au cœur en or est bien cette magnifique Savannah, qui finalement ne fait que passer entre la vie de ce héros sans relief. Peut-être était-ce un choix de l'auteur ?

Ce choix là ne me convient pas, moi qui aime les histoires fortes, les émotions intenses que peuvent procurer un livre, de l'humour à la tristesse, de la réflexion sur notre passé commun et notre présent.


Extraits :

  • La génération actuelle tient la sentimentalité pour une faiblesse,elle croit que l'amour manifesté sans une pointe d'ironie n'est que guimauve. Comme ils se trompent ces jeunes ! Ils ont associé les sentiments à l'émotion factice que leur communiquent les séries télévisées et le cinéma , et ils en sont venus à refuser d'exprimer ce qu'ils ressentent en public ou même en privé, par crainte de manquer de lucidité, par conviction que la spontanéité sur le terrain est forcement feinte.

  • - Tu veux cet argent, c'est ça ? C'est pour ça que tu en parles ? - Et alors, c'est si mal de le vouloir ? On ne devient pas forcément mauvais parce qu'on a de l'argent !Non. Mais avoir autant d'argent amplifie ce qu'il y a de mauvais chez n'importe qui. - Et la pauvreté, hein ? Ça amplifie quoi, la pauvreté ?

  • J'ignorais tout en revanche de Savannah -avait-elle même gardé son nom ?-, mais elle restait gravée dans ma mémoire. Elle et elle seule.

  • Tu aimes toujours ce que tu as devant toi? Personne ne me reconnaît dans ce que je suis devenue, mais toi, si?

  • Et puis ce désir impossible avait perdu de son attrait. C'est l'un des effets que le temps a sur nous:il efface la magie, il remplace l'infinité de l'espoir et de l'attente par une lucidité nécessaire et chèrement acquise.

  • Un espace public plongé dans l'obscurité a toujours tendance à vous ramener à l'enfance, cette période où tout semble encore neuf et inattendu, où le catalogue des expériences reste d'une réjouissante brièveté.

  • Passer le reste de la nuit dans la Packard avait été son idée. Je lui ai pourtant dit que c'était risqué, non seulement parce que mon père nous tuerait s'il nous découvrait, moi le premier et Savannah ensuite, mais aussi parce qu'il allait
    forcément remarquer mon absence le lendemain matin. Malgré l'état dans lequel Robert l'avait mis, il serait aussi vigilant et exigeant qu'à son habitude, j'en était sür. Elle n'a pas voulu en démordre : il était près de deux heures, elle était épuisée, moi aussi, et la pespective d'un trajet jusqu'à Emerson Oaks n'était guère tentante. Une fillenoire conduisant sans permis au beau milieu de la nuit avait peu de chances d'éviter un contrôle policier. Quand je lui ai proposé d'entrer chez nous en cachette, ou même chez Robert, elle a soutenu qu'il était plus sûr de garer la voiture sous un arbre et de se reposer jusqu'au lever du jour, après quoi elle rentrerait toute seule.

  • In September 1949,driving south from Wisconsin to Alabama,or from Wisconsin to Missisipi,or from Wisconsin to Georgia....,he'd have been carrying The Green Book with him.The Negro Motorist Green Book.This would have told him where he could stay on the road,who'd serve him,where there were toilets to use...


Biographie

Diplômé de l'Université de l'Iowa, Stuart Nadler a été distingué par la National Book Foundation comme l'une des cinq révélations 2012 aux Etats Unis.
Il enseigne la littérature dans le Wisconsin.

En savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Stuart_Nadler et site : http://stuartnadler.net/