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mardi 14 janvier 2025

Abir MUKEHERJEE – Avec la permission de Gandhi – Editions Lana Levi – 2022 -

 

 

L'histoire

En poste à Calcutta, le capitaine Whindham, accompagné de son fidèle sergent Sat, doit résoudre un crime odieux. Alors qu'un certain Gandhi prône l’indépendance de l'Inde, alors province anglaise, De plus le célèbre capitaine se rend compte de sa dépendance à l'opium mais est toujours présent pour les enquêtes, surtout celles où il n'a officiellement pas le droit d'y mettre le nez.


Mon avis

Ah, je retrouve avec plaisir l'écriture pleine d'humour et de dérision de l'écrivain Mukherjee et son fameux héros, le capitaine Wyndham.

Nous sommes en 1921, et Wyndham officie à Calcutta, la ville la plus bondée du pays. La situation est délicate, le futur roi d'Angleterre vient y faire une visite royale, et pendant ce temps, un certain Gandhi prêche l'indépendance de l'Inde mais sans violences. A Calcutta, il est représenté par un certain Basanti Das, un homme plus très jeune mais largement influent auprès de la population.

De plus, des meurtres rituels ont lieu sur des personnes qui ne se semblent pas se connaître : un trafiquant de drogue, une infirmière, un chercheur. Qui est donc ce tueur ? Malgré des mises en garde de sa hiérarchie et l'imposant bureau des services secrets de sa Majesté, Whyndham n'est pas du genre à lâcher cette affaire.

Pourtant le capitaine tente de se sevrer de son addiction à l'opium, tandis que son jeune lieutenant Sat Banerjee, indou, tente de l'aider, même si lui aussi pense à l'indépendance de son pays.

Raconté par le capitaine, cette aventure nous plonge au cœur de Calcutta, de ses quartiers riches aux plus mal famés. Et interroge sur le désir d'indépendance d'un pays déjà multi-culturel, entre les hindous, les népalais, les parsi, les tamouls.

Le tout avec un humour décapant et une intrigue bien ficelée, alliant des rebondissements au fil des pages qui vont rendent vite accro. Pour ce 3ème opus de la série Wyndham, l'auteur anglais est vraiment en grande verve.


Extraits

  • Je l'ai rencontré une fois, le prince Edward Albert Saxe-Cobourg Windsor, ou quel que soit son nom, dans les tranchées en 1916. A l'époque, comme maintenant, ils l'avaient envoyé pour nous remonter le moral. J'ai eu du mal à comprendre que la poignée de main d'un prince qui ne connaîtrait jamais les horreurs de la guerre puisse remonter le moral d'hommes dont l'existence consistait essentiellement à attendre la balle qui leur était destinée.

  • Le mort était probablement un fantassin d’un des gangs de l’opium en lutte permanente pour le contrôle de Chinatown : très certainement le Green Gang ou le Red Gang. Après tout, ce sont les plus gros acteurs du marché de l’opium chinois. Tous les deux sont basés à Shangaï, et Calcutta, porte d’entrée de leur drogue, est un bien précieux pour lequel ils sont prêts à verser le sang. Nous sommes parvenus à contenir leur querelle par le passé, mais aujourd’hui, avec le manque d’hommes, d’autres sujets sont devenus prioritaires, et les gangs en ont aussitôt profité pour se disputer le droit de remplir le vide que nous avons laissé.

  • Une des constantes de la vie ici est la bataille interminable contre les moustiques. Quelqu'un a décidé que c'était une bonne idée de construire une ville sur un marais, scellant ainsi le destin de Calcutta.

  • Nous ne pouvons dominer l'Inde que par la force des armes, mais la force est inefficace contre un peuple qui ne contre-attaque pas ; parce que vous ne pouvez pas tuer sans tuer aussi une part de vous-même.

  • Car trois choses allaient toujours se combiner contre elle : elle était pauvre, elle était indigène et c’était une femme. En Inde cela signifie que sa vie comptait peu, et qu’à moins de s’insérer dans une histoire plus vaste sa mort compte encore moins.

  • J'envisage de tout dire. Il paraît que la confession fait du bien à l'âme, mais en réalité tout dépend du confesseur.

  • Quand il me sert le verre je me félicite de ma fermeté. C'est typique de l'addiction et du deni: une petite victoire ici et là peut aider à camoufler les grandes défaites.

  • L'homme, dont le visage en sueur est déformé dans une grimace qui pourrait faire honneur à la scène du Theatre Royal, débite ses mots au rythme d'une mitrailleuse Gatling avec des gestes pleins d'emphase et en pointant un index boudiné vers le ciel. Un style oratoire souvent adopté par ceux qui ont très peu de choses à dire mais qui tiennent quand même à les faire avaler par tout le monde : un style bourré de slogans destinés à exciter la foule et écraser tout débat. Et malheureusement, c'est efficace.

  • Car ce que l'Englishman, ses lecteurs et le vice-roi n'ont pas saisi c'est que la menace ne vient ni du parti du Congrès, ni de ses Volontaires. Le véritable danger ce sont les millions d'opprimés muets qui constituent l'Inde réelle. Pour la première fois ces masses pauvres, illettrées, sans voix, qui représentent les neuf dixièmes de la population de ce pays sont en marche, et je ne doute pas, si on les met en colère, que leur seul nombre puisse balayer Gurkhas et Britanniques de la face de cette terre comme Gulliver s'est libéré des chaînes des Lilliputiens.

  • La première bouffée de la première pipe a été une délivrance. Avec la deuxième, les tremblements ont cessé, et avec la troisième mes nerfs se sont détendus. J’en ai demandé une quatrième. Si les trois premières répondaient à une nécessité médicale, la dernière serait pour le plaisir, en me mettant sur la voie de ce que les Bengalis appellent nirbon – nirvana.


Biographie

Né à Londres en 1974, Abir Mukherjee a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis l’adolescence, il a décidé́ de situer son premier roman à une période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de l’entre-deux-guerres.
Premier d’une série qui compte déjà̀ quatre titres, "A Rising Man" (L’attaque du Calcutta-Darjeeling) a été́ traduit dans neuf pays.

En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abir_Mukherjee



vendredi 3 janvier 2025

Sujata MASSEY – Les veuves de Malabar Hill (les enquêtes de Perveen Mistry) – Editions Charleston 2024 -

 

 

L'histoire

A 23 ans, Perveen Mistry, tout juste diplômée d'Oxford est la seule femme avocate de Bombay (aujourd'hui Mumbai). Cadette d'une riche famille parsie (des perses ayant migré vers l'Inde et qui pratique la religion Zoroastre), elle travaille dans le cabinet de son père, un avocat réputé. N'ayant pas le droit de plaindre dans les juridictions indiennes en tant que femme, elle continue à se former auprès de son père aimant et s'occupe des dossiers d'héritage, de rédactions de testaments ou de divorces. Alors qu'un gros client de son père, un musulman qui a 3 épouses, décède, Perveen décèle des anomalies dans le testament. En tant que femme, elle seule peut parler aux trois épouses, qui vivent recluse dans leurs quartiers. Et là, étrangement, le mandataire testamentaire, un homme sans scrupules est retrouvé assassiné.. Une affaire que la jeune et persévérante avocate a bien l'intention d'éclaircir.


Mon avis

Ce polar hindou passionnant est maîtrise de bout en bout par son autrice, qui invente un personnage de jeune avocate charismatique et un peu têtue aussi. En fait, elle s'est inspirée de la réelle Cornélia Sorabji qui fut la toute première femme a exceller dans le métier d'avocate dans les années 1920. A cette époque l'Inde était toujours une colonie britannique, et les parsis, alliés des anglais, ont beaucoup fait pour l'éducation des jeunes femmes, et la cohésion sociale.

Perveen Mistry a donc la chance d'être née dans une famille soudée et bienveillante, pour laquelle faire des études de haut niveau est une obligation.

L'histoire se divise entre le présent (1921) et le passé de Perveen (1916-1917). Alors toute jeune femme, elle se fait courtiser par un homme très beau de 10 ans son aîné. Malgré les réticences de sa famille, un mariage est conclu. Sa belle-famille vit à Calcutta, à l'autre bout du pays. Mais très vite, sa belle-mère la maltraite, plus questions de suivre des études dans les Universités de la ville, et surtout son mari boit, rentre tard le soir et pire que tout lui transmet une blennorragie. C'en est trop pour Perveen qui s'enfuit et retourne dans sa famille. Grâce aux talents de son père, elle obtient la séparation de corps et peut rester vivre dans sa famille à Bombay. Mais le temps que l'affaire se tasse, son père l'envoie terminer ses études en Angleterre à Oxford. Trois ans plus tard, Perveen, embauchée dans le respectable cabinet d'avocats de son père, tombe sur une étrange affaire de succession dans une famille musulmane. En tant que femme, et par respect pour la culture des 3 épouses recluses dans le harem, elle seule peut communiquer avec les veuves aux caractères différents. On découvre alors que le mandataire désigné par le mari est surtout un imposteur qui compte bien s'organiser pour récupérer à son avantage le bel héritage. Mais quand il est assassiné, il faut prendre des dispositions et Perveen est bien décidée à éclaircir cette inquiétante affaire.

Pas de temps morts dans ce livre totalement page-turner, et dont l'héroïne a un caractère bien trempé, même si elle est fine psychologue. C'est aussi le sort des femmes en Inde, à cette époque, que revisite l'autrice. Pour les femmes du petit peuple, tout comme les hommes, les métiers sont ouvriers, ou alors domestiques, au mieux préceptrices pour les familles riches. Mais pour Perveen, il en est autrement. Sa famille est riche et bien implantée à Bombay, et le père, qui adore sa cadette, exige des diplômes du supérieur, pour assurer à sa fille des revenus et une position sociale. D'ailleurs, avec son amie anglaise, une grande blonde Alice, qu'elle a connu à Oxford et qui est mathématicienne, elles estiment que le droit doit changer, et que les femmes doivent avoir plus de pouvoir.

A la fois drôle, ponctué de rebondissements, j'ai adoré ce roman qui nous plonge dans une autre époque et d'autres coutumes. Un glossaire et des annotations à la fin du livre nous permettent de mieux comprendre la culture parsie.


Extraits

  • Les parsis orthodoxes observent cette coutume de l'isolement pendant les règles, dit-il en hochant la tête. ce serait fort peu probable que vous puissiez concevoir pendant cette période. - mais l'isolement et le fait que je ne sois pas autorisée à prendre un bain ne peuvent être bon pour la santé, insista Perveen. ce n'est pas comme ça que j'ai été élevée. -Même si vous êtes parsi ? -Je suis issue d'une famille moderne de Bombay, répondit--elle avant d'ajouter aussitôt : pour être franche, je vis très mal l'isolement. je redoute ce moment pendant tout le mois. cela a commencé à affecter mon sommeil et mon humeur.-Comment ça ?,Lui adressant un regard plus appuyé, il pris son stylo et commença à prendre des notes. - Je fais de terribles cauchemars. je rêve que je me trouve dans cette petite pièce, même quand je n'y suis pas, expliqua-t-elle en se rappelant les rêves de la semaine précédente. Je me sens triste et désespérée. Cela me met en colère contre mon mari. Il ne me défend pas contre ses parents, bien qu'il pense que cette coutume soit d'un autre âge.

  • Selon la loi parsie, la relation d’un homme avec une prostituée n’est pas considérée comme un motif de divorce ni même de séparation judiciaire.
    Perveen n’en croyait pas ses oreilles.– C’est incroyable ! Son père acquiesça.– C’est la loi que nous appliquons depuis que la loi parsie du mariage a été votée en 1865.– Et si un mari frappe sa femme ? Ça ne peut pas être une cause de divorce ? demanda Perveen avec une bouffée d’espoir. Il y avait deux témoins dans la pièce, et le chauffeur de tonga.– Seulement s’il s’agit d’une violence extrêmement grave, répondit Jamshedji en la dévisageant avec sérieux. Alors la Cour peut t’accorder une séparation judiciaire. Mais le fait est que tu n’as pas perdu un œil ; tu n’as pas reçu de coup de couteau ; tu n’as pas été transportée à l’hôpital. Nous ne pouvons pas envisager de présenter ainsi notre argumentation.

  • Le mur derrière l'étagère était un jali de marbre agrémenté de nombreuses perforations géométriques. (…) La présence de murs et de fenêtres en jali permettait aux femmes du foyer d'observer la vie dont elles étaient exclues. C'était un élément intentionnel de l'architecture musulmane, une façon d'inclure ceux qui se trouvaient de l'autre côté de ces écrans.

  • On pourrait penser que les maisons à deux sections préservent mieux l'intimité, mais il se pourrait que ce soient celles qui retiennent le moins de secrets.

  • Je ne sais pas si mon père a mentionné que les femmes qui vivent ici sont des purdahnashins. Elles se sentiraient violées si elles devaient se trouver face à vous pour une discussion. Leurs contacts avec les hommes sont très limités.

  • Si une soeur cadette se marie avant son frère aîné, les gens vont croire qu'elle y est obligée parce qu'elle est enceinte. Toutes les perles de sa réputation seront vendues.

  • Farid laissait trois veuves, qui vivaient touts dans sa demeure, et quatre enfants - ce que Jamshedji appelait ”une modeste descendance pour un polygame”.

  • Ces derniers temps, se tenir des heures accroupie pour décorer la maison des Sodawalla était surtout une corvée. Perveen avait l'impression de dessiner un cadre élégant pour entourer le tableau horrible qu'était devenue son existence.

  • Il était rare qu’un visiteur se présente si tôt à la Maison Mistry. Le cabinet se trouvait dans le quartier du Fort, là où s’était établie la première colonie de Bombay. Le vieux mur d’enceinte s’était écroulé depuis longtemps, mais le quartier était resté le bastion de la loi et de la finance, toutes ses officines ouvrant pour la plupart entre neuf et dix heures.

  • De bonnes pensées, de bonnes paroles et de bons gestes, c'est le credo parsi. Nous n'en détenons pas le monopole.

  • Perveen inspecta du regard l’entrée en marbre baignant dans la lumière des appliques dorées. Elle serait ravie de montrer le bâtiment gothique à son amie, Alice Hobson-Jones. Les plafonds à six mètres de hauteur, tout spécialement, faisaient l’orgueil de feu son grand-père, Abbas Kayam Mistry. Il lui semblait qu’il les regardait toujours depuis le grand portrait qui gardait l’entrée. Ses yeux, aussi noirs que son fetah** à sommet plat, paraissaient tout voir, tout en ne diffusant pas la moindre chaleur.

  • Présumant que l’homme était un client misérable, Perveen baissa les yeux, elle ne voulait pas qu’il se sente gêné par son regard – l’idée qu’une femme puisse être avocate en choquait plus d’un par ici. Elle fut surprise de constater que l’homme n’était pas pauvre du tout : ses jambes fines étaient gainées de bas sombres, ses pieds de chaussures basses en cuir noir éraflé.

  • Alors que Perveen écoutait depuis sa place, entre ses parents, elle se rendit compte que tous les autres plaignants demandaient le divorce après des années de malheur, pas six mois. Le seul autre plaignant à peu près de son âge était un jeune marié qui, elle l’apprit pendant son témoignage, demandait le divorce en raison de l’incapacité de son épouse à consommer le mariage. Toutes les histoires étaient pitoyables. Perveen écouta celle d’un homme d’affaires qui avait installé une prostituée dans sa chambre conjugale, obligeant son épouse à rester dans le coin de la pièce.


Biographie

Née à Sussex (Angleterre), le 04/03/1964, Sujata Massey est une auteure américaine de romans policiers. Sujata Massey est née en Angleterre d'un père indien et d'une mère allemande. Lorsque Sujata Massey avait l'âge de cinq ans, sa famille quitte l'Angleterre pour les Etats-Unis. Elle a été élevée principalement à St. Paul, dans le Minnesota, et vit à Baltimore, dans le Maryland.De 1991 à 1993, elle a vécu au Japon.
En 1997, elle a publié le premier d'une série de onze romans policiers dont l'action se déroule principalement au Japon. Le personnage principal de cette série est Rei Shimura, une antiquaire américano-japonaise de Californie.

Après le Japon, Sujata Massey s'est intéressée à l'Inde avec de nombreux romans et polars. Elle a lancé une série qui nous transporte dans une Inde des années 1920 et sur les aventures de Perveen Mistry qui travaille dans un cabinet d'avocat dont le premier tome « Les veuves de Malabar Hill » vient d'être traduit en français. Les autres romans sont en cours de traduction.
Avant de devenir romancière à plein temps, elle était journaliste de reportage au Baltimore Evening Sun. Ses romans ont remporté les prix Agatha et Macavity et ont été finalistes des prix Edgar, Anthony et Mary Higgins Clark.

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sujata_Massey


lundi 29 juillet 2024

Ian MANOOK – Les temps sauvages (Yeruldelgger Tome 2) – Livre de poche 2016

 

 

L'histoire

Nous avions laissé Yeruldelgger à la fin du tome 1, pensant qu'il avait enfin tué son dangereux et cruel Erdenbart. Le voilà qui enquête sur la mort d'une de ses indics Colette, crime que l'on veut lui faire endosser. Sa collègue Oyun elle, enquête sur la morts de 2 hommes, brûlés en plein désert Mongol. Très vite le policier, pas commode et de plus en plus incontrôlable découvre la disparition du fils de Colette, un jeune mendiant qu'elle avait pris en charge et d'un apprenti moine pas très sérieux dans ses études aux 7ème monastère Shaolin. Isolé, face à la violence et aux faux amis, notre enquêteur va mettre au jour un terrible complot politique.



Mon avis

Quand vous rentrez dans un polar de Ian Manook, ici dans sa série en Mongolie, il faut vous attendre à des rebondissements, des mots mongols (dont on comprend le sens) et une tonne d'embrouilles.

Ça commence avec l'arrestation de Yeruldelgger, accusé à tort par la Police des Polices d'avoir tué une de ses indicatrices Colette, une prostituée, gentille femme, qui a pris sous son aile un gosse des rues comme il en existe des milliers à Oulan Bator, toujours plongé dans un smog qui en fait la ville la plus polluée au monde. Non seulement il réussi à prouver son innocence, mais il se met en quête, alors qu'il n'en est plus officiellement chargé, de comprendre pourquoi on lui a fait porter le chapeau, et où sont passés les deux enfants, le fils de Colette et un apprenti-moine pas trop sérieux. On leur dit qu'ils sont partis en France, mais très vite notre policier qui n'a pas peut de prendre des coups ou d'en donner se rend compte qu'il s'agit d'un trafic d'être humains. Les enfants, auxquels on promet richesse et liberté, sont sous le contrôle d'un cartel qui les oblige à mendier ou voler.

Mais ce n'est pas tout. Son beau-père, le monstrueux Erdenbart n'est pas mort et dirige ce cartel, ainsi que d'autres activités illégales, entouré par des voyous et pas n'importe lesquels, des militaires qui n'ont aucune limite.

Erdenbart s'est mis en tête de conquérir le pays par des élections truquées et devenir un dictateur à la Poutine.

Des steppes sauvages de Mongolie, aux cimes enneigées, d'Ulan Bator qui cède à la mondialisation et perd son identité, masquant les pauvres dans des yourtes de fortune en périphérie, c'est un pays qui commence à se perdre, et surtout à perdre son identité profonde. Si cela réjouit Oyun qui peut s'habiller de vêtements européens chics et de marque, cela désole Yeruldelgger qui aime son pays avec ses traditions, sa cuisine (là franchement, je préfère vous zapper les menus qui sont vomitifs à souhait, mais qu'on peut expliquer par les températures de -40° en hiver.

Un voyage au Havre, et puis des rebondissements à tous les chapitres, on ne s'ennuie jamais avec Monsieur Manook, grand voyageur, qui connaît la Mongolie comme personne. Du page turner un peu gore mais parfait pour des frissons estivaux, avant de plonger dans la grande bleue.


Extraits

  • Oyun n'avait pas souvenir de tels dzüüd dans son enfance. Le premier dont elle se souvenait était celui de 2001. Un hiver si rude et si long que sept millions de bêtes étaient mortes à travers le pays. Elle gardait en mémoire l'image de ces milliers de nomades encore fiers et solides quelques mois plus tôt, venus s'échouer pour mendier et mourir en silence, transis, dans les égouts d'Oulan-Bator. Les hommes avaient perdus tous leurs chevaux, les femmes tous les yacks et toutes les chèvres, et les enfants tous les agneaux et jusqu'à leurs petits chiots. Cet hiver-là avait tué en Mongolie plus d'âmes que les avions des tours de Manhattan.

  • À la fin des années quatre-vingt, dans le cadre de la coopération fraternelle entre les peuples pour un avenir radieux et de la planification du pillage systématique des ressources naturelles des petits pays frères, les Soviétiques avaient construit cette ville russe en territoire mongol. Interdite aux Mongols. La ville ne servait d’atelier, de dortoir et de réfectoire qu’aux techniciens et cadres russes de la grande mine d’uranium à ciel ouvert de Dornod, le second plus grand gisement du pays.

  • Elles filaient sous ses yeux, de gauche à droite, en long troupeau étiré, et bondissaient soudain à plus de deux mètres de haut. C’était comme une symphonie silencieuse, la partition d’une ode à la nature. Les gazelles défilaient droites comme des notes sur une portée, puis accrochaient en bondissant des doubles et des triples croches aériennes qui donnaient une harmonie orchestrales à leur fuite.

  • Des milliers d'assauts quotidiens de petites turpitudes, de bassesses, de méchancetés, de jalousies qui se formaient en tourbillons pour devenir des vols, des crimes, des assassinats. Son métier ne lui donnait à voir que le côté obscur de l'humanité.

  • Tu crois en Dieu ? demanda Akounine au lieu de répondre. - Moi ? J’ai déjà tellement de mal à croire en l’homme.

  • La vie, tu vois, c’est plutôt comme une yourte : tout est rond et sans côtés. Ni bons, ni mauvais. Tu es dedans, ou tu es dehors, c’est tout.

  • Un vent d’est s’était levé dans la nuit. En s’engouffrant dans la vallée de la Tuul, il avait dispersé la pollution de la ville jusque vers les contreforts du Khustain Nuruu et les steppes de Mandalgovi, laissant Oulan-Bator frigorifiée sous un ciel bleu immobile et un petit soleil blanc.

  • Pendant quelques minutes Zarza s’abîma dans la contemplation désabusée de cette ville post-soviétique qui défilait derrière les vitres, semblable à toutes celles que ces utopistes totalitaires avaient imposées, pour leur bonheur matérialiste, aux populations asservies.

  • Tu sais, les citadins et les étrangers nous prennent pour des sorciers. Toutes ces histoires de chamanes, ces pouvoirs surnaturels, ce lien avec les esprits… Tout ça n'est que foutaise. Tu sais quelle est notre seule force ? C'est celle de prendre le temps d'être là, dans la steppe, immobiles. Il suffit d'écouter et de regarder pour avoir l'air d'un sage.

  • Restez là pendant que j'apprends son boulot à votre chef, peut être que vos cerveaux atrophiés en tireront une petite leçon.

  • Et puis, quelques minutes à peine après son envol, le Fokker déchira de ses hélices vrombissantes le voile épais qui étouffait la ville et jaillit dans le bleu lumineux du ciel. Oulan-Bator n’était rien en regard de la Mongolie tout entière. Juste une petite métropole prétentieuse encaissée dans une petite vallée fermée qui gardait sur elle ses fumées. Et tout autour, la Mongolie. La vraie Mongolie qu’il aimait.

  • Le massif de l’Otgontenger tout entier était une Zone Strictement Protégée. Autant pour la faune et la flore qu’il abritait que pour l’esprit sacré qu’il représentait aux yeux de tous les Mongols. Aucune implantation humaine n’y était autorisée à l’exception du petit musée d’Agop et de deux temples bouddhistes. Le premier pour étudier et préserver la nature, les seconds pour protéger et honorer les âmes.

  • Devait-il vraiment continuer à aimer ce pays qui courait à sa perte, avec la même arrogance qu'il avait chevauché, des siècles plus tôt, à la conquête de civilisations qui lui étaient cent fois superieures?

  • Qu'est ce que c'est que ce baragouin? se moqua Zarza. - Ah, là tu te trompes, camarade. Le Baragouin, c'est le breton, du temps où ils quémandaient dans leur langue, en terres françaises, du pain et du vin. Barra et Gwin. C'est du moins ce qu'on dit.

  • Oyun aperçut devant eux un renard blanc en maraude dans la neige. Son museau pointu frôlait les cristaux brillants comme s'il pistait en zigzag une proie invisible et ivre. Soudain, les oreilles dressées, il se figea face à un petit tas de pierres enrobé d'une croûte de glace. Immobile, il s'était fondu dans le paysage immaculé. Puis en trois bonds il avait surpris le pika des steppes qui s'était aventuré hors de son petit nid de foin entre les pierres. Maintenant le lièvre crieur nain bondissait dans la neige sans aucun espoir d'échapper au renard. Dans cette étendue moirée jusqu'à l'horizon, la scène bouleversa Oyun par sa beauté et sa cruauté à la fois. Mais comme le renard s'apprêtait à bondir pour briser l'échine du frêle rongeur, un appel criard stria l'azur et un faucon chasseur s'abattit sur le renard pour lui déchirer la gorge entre ses serres.

  • Autour de la mine, à vingt kilomètres d'ici, la teneur en radon est cent fois plus élevée que les normes admises. En ville, on ne mesure plus depuis vingt ans, histoire de ne pas savoir. Mais je peux te dire qu'ici, on mange de l'uranium, on boit de l'uranium, et on respire de l'uranium. Et je ne te parle pas des métaux lourds et des boues toxiques dans laquelle tu patauges dès que tu descends du trottoir.

  • Décidemment, Big Brother n'était rien comparé à l'agglomérat des milliards de Mini Brothers s'espionnant les uns les autres.


Biographie

Journaliste, éditeur et écrivain dont le vrai nom est Patrick Manoukian.
Il a écrit sous les pseudonymes de Manook, Paul Eyghar, Ian Manook et Roy Braverman. Il signe également, avec Gérard Coquet, sous le pseudonyme collectif de Page Comann.
Grand voyageur, dès l’âge de 16 ans, il parcourt les États-Unis et le Canada, pendant 2 ans, sur 40 000 km en autostop. Après des études en droit européen et en sciences politiques à la Sorbonne, puis de journalisme à l’Institut Français de Presse, il entreprend un grand voyage en Islande et au Belize, pendant quatorze mois, puis au Brésil où il séjournera treize mois de plus.

De retour en France au milieu des années 1970, il devient journaliste indépendant et collabore à Vacances Magazine et Partir, ainsi qu’à la rubrique tourisme du Figaro. Journaliste à Télémagazine et Top Télé, il anime également des rubriques "voyage" auprès de Patrice Laffont sur Antenne 2 et de Gérard Klein sur Europe 1. Il devient ensuite rédacteur en chef des éditions Télé Guide pour lesquelles il édite, en plus de leur hebdomadaire, tous les titres jeunesse dérivés des programmes télévisés : Goldorak, Candy, Ulysse 31. Patrick Manoukian écrit en 1978 pour les éditions Beauval deux récits de voyage : "D’Islande en Belize" et "Pantanal".

En 1987, il crée deux sociétés : Manook, agence d’édition spécialisée dans la communication autour du voyage, et les Éditions de Tournon qui prolongent son activité d’éditeur pour la jeunesse (Denver, Tortues Ninja, Beverly Hill, X-Files…).
De 2003 à 2011, il signe les scenarii de plusieurs bandes dessinées humoristiques. Son roman pour la jeunesse "Les Bertignac : L'homme à l’œil de diamant" (2011), obtient le Prix Gulli 2012.

En 2013, il publie un roman policier intitulé "Yeruldelgger". Les aventures du commissaire mongol éponyme lui ont valu pas moins de seize prix dont le Prix SNCF du polar 2014. Lesdites aventures se poursuivent dans "Les temps sauvages" (2015) récompensé par un nouveau prix et "La mort nomade" (2016).
Son roman "Hunter" (2018) est suivi de "Crow" (2019) , deuxième titre d'une trilogie qui attend sa conclusion.



vendredi 12 juillet 2024

Shion MIURA – La grande Traversée – Babel Poche 2020

 

 

L'histoire

Les éditions Genbu Shobô sont spécialisées dans la production de dictionnaire. Pour le vénérable directeur Araki, il faut mettre au point un nouveau dictionnaire, pour y intégrer des mots souvent venus d'ailleurs mais japonisés. Pour cela il recrute un employé de 27 ans, Majimé, un jeune homme timide, mais passionné de lecture. Un comité se forme pour rédiger la « Grande Traversée » (Daikotai), ce nouveau dictionnaire qui compte bien révolutionner les dictionnaires traditionnels. Mais Majimé (sérieux en japonais) est mal à l'aise parmi l'équipe où il ne se sent pas accepté. Surtout, il tombe follement amoureux de la petite fille de son hébergeuse, la jolie et espiègle Kaguya. Mais il n'a aucune conscience de ce que peut-être l'amour et surtout comment le déclarer. Bien des défis sont à relever pour ce jeune homme, peut-être bien plus ingénieux que l'on ne croit.



Mon avis

Un livre sur les mots et l'amour des mots, quand on sait combien la langue japonaise est complexe, voilà de quoi ravir nos yeux mais aussi nos papilles.

Majimé, un obscur employé au service commercial des éditions Genbu Shobô est recruté pour intégrer la petite équipe réunie par Araki qui doit partir en retraite et s'occuper de sa femme malade. Sous la supervision de l'émérite professeur Matsumo, conseiller en chef de la Direction, une petite équipe se forme. Contrairement à la France où les académiciens mettent à jour tous les ans les mots du dictionnaire, il n'y a pas d'institutions publiques au Japon. Hors écrire un dictionnaire n'est pas de tout repos. Il y a les contraintes techniques (impression, pagination) mais aussi l'es études pour chaque mot qui peuvent contenir plusieurs sens. Il faut alors faire appel a des contributeurs, des professeurs et des spécialistes. Cela prend du temps et surtout cela coûte assez cher à l'éditeur. Mais en même temps, quoi de mieux que de vendre un nouveau dictionnaire moderne pour asseoir le prestige d'une maison d'édition.

Le héros Majimé n'a rien pour plaire : il s'habille sans goût, les cheveux en bataille, accumule les livres dans la petite chambre qu'il habite dans une vieille pension japonaise. Mais voilà que la petite fille de sa gentille logeuse arrive, elle vient de trouver un emploi dans un restaurant de Tokyo, et adore la cuisine, puisqu'elle rêve de devenir cheffe. Aussi l'équipe, pour aider Majimé dans sa quête amoureuse, va dîner tous les quinze jours dans le restaurant où travaille Kaguya. Mais le temps passe et le dictionnaire n'arrive toujours pas à voir le jour. Car il faut être précis, concis, confronter les points de vue.

Avec son écriture poétique, drôle et pleine de tendresse pour ses personnages avec leurs défauts et leur qualité, Shion Miura, dont c'est la première œuvre traduite en français (alors qu'elle est une des stars de la littérature au Japon, réussi à jongler avec les mots et nous faire entrevoir le difficile métier de « lexicographe ». Un livre aussi très bien traduit, ce qui n'était pas évident et qui est d'une douce fluidité. Amoureux des mots, voilà le livre qu'il vous faut.



Extraits

  • Tu sais pourquoi nous avons l'intention d'appeler ce dictionnaire La Grande Traversée ? Cet ouvrage sera un bateau pour traverser l'océan des mots, annonça Araki avec le sentiment de dévoiler le fondement de son âme. Les hommes monteront dans cette embarcation qui leur permettra de rassembler les petits points de lumière qu'ils distingueront au loin. Pour transmettre aux autres ce qu'ils pensent le plus précisément, le plus correctement possible. Sans dictionnaire, nous ne pourrons nous lancer sur cette mer des mots qui nous serait incompréhensible. relève d'un scandaleux gâchis de papier dactylographié.

  • Il s'était réfugié dans les livres parce qu'il en souffrait. Quand il lisait, son manque de don pour la conversation n'avait aucune importance. Celle qu'il menait avec les livres était profonde et lui procurait du bien-être. Grâce à ce goût pour la lecture, il avait été un très bon élève. Son intérêt pour les mots, qui permettent d'exprimer les sentiments, l'avait conduit à faire des études de linguistique.Bien qu'il ait emmagasiné beaucoup de connaissances sur les mots, son aptitude à communiquer n'avait pas progressé.

  • Rassembler une grande quantité de mots de la manière la plus exacte possible, c'était comme disposer d'un miroir qui déforme le moins possible. Moins le miroir des mots déformait, plus il reflétait les sentiments et les pensées de celui qui l'utilisait. On pouvait le regarder à plusieurs et partager rires, pleurs et colères, avec les autres. Rédiger un dictionnaire pouvait sans doute être un travail plaisant.

  • Elle avait craint d'avoir du mal à trouver un masque hygiénique en ce début juillet, mais la supérette du quartier en vendait, en non-tissé, sans doute parce qu'il était beaucoup question ces derniers temps du risque d'épidémie des nouveaux types de grippe.

  • Un dictionnaire n'est jamais terminé. Il vogue pour l'éternité sur l'océan des mots. Majimé hocha la tête et sourit. - Eh bien, ce soir au moins, buvons ! Il remplit de bière le verre d'Araki en faisant attention à ce que la mousse ne déborde pas.

  • Dans un couple il est préférable de ne pas attendre grand-chose l'un de l'autre. Vivre et laisser vivre, voilà le secret.

  • Selon lui, notre mémoire est faite de mots. Nos souvenirs peuvent etre ravivés par des parfums, des goûts, des bruits, mais en réalité ce qui se passe est que quelque chose qui sommeillait en nous se transforme en mots.

  • On peut dire d'un dictionnaire que c'est une cristallisation de la sagesse humaine, non seulement parce qu'il accumule les mots, mais surtout parce qu'il incarne l'espoir au sens propre du terme, l'expression de la volonté inébranlable de ses auteurs.

  • Il avait découvert que les articles du dictionnaire permettent de percevoir la profondeur inattendue des mots.

  • Il s’était trompé en croyant que son rôle d’éditeur de dictionnaire était de mener à bien ce projet dans lequel il avait tant investi. Trouver une personne qui aimaient les dictionnairse autant que lui, non, plus encore, était sa véritable mission. Pour le professeur. Pour les gens qui utilisaient le japonais, qui l’étudiaient. Et au-delà, pour ce bien précieux qu’étaient les dictionnaires.

  • L’ouvrage qu’il avait pris sur les rayonnages était La Mer des mots, en quatre volumes. Ce dictionnaire, considéré comme le premier du Japon contemporain, avait été rédigé à l’époque Meiji par un seul homme, Ōtsuki Fumihiko. Il y avait consacré toute sa fortune et tout le temps dont il disposait : La Mer des mots avait été, dans tous les sens du terme, l’œuvre de sa vie.

  • Les mots, et l'esprit qui les fait naître, sont libres, et n'ont rien à voir avec le pouvoir. Et il faut qu'il en soit ainsi. Un navire qui permettra à chacun de naviguer sur l'océan des mots à sa guise, voilà ce que nous essayons de faire avec La Grande Traversée. N'y renonçons jamais.

  • Une subvention expose au risque de devoir rendre des comptes à celui qui l’a accordée. Et si le dictionnaire devient une question de prestige pour l’État, il est à craindre que les mots deviennent un outil de domination pour le pouvoir.

    Autrement dit, les mots, et le dictionnaire qui les contient, existent toujours à un endroit dangereux, coincé entre les individus et le pouvoir, la liberté individuelle et la domination publique ?

  • Vous avez peut-être lu dans les romans ce qu'est un triangle amoureux , mais il faut l'avoir vécu pour percevoir la douleur et la peine que cela apporte, continua le professeur, le visage grave. De la même manière que l'on ne peut écrire un bon article pour un mot qu'on ne comprend pas vraiment. L'important pour un lexicographe est de ne jamais cesser d'analyser le réel.

  • Elle (Kishibé) poussa la porte coulissante et Kaguya leur souhaita la bienvenue, avec toute la chaleur dont elle était capable, même si son visage changeait à peine d'expression. En cuisine, elle maniait le couteau avec une adresse sans égale, mais en manquait toujours autant dans la vie.

  • Ses yeux s'arrêtèrent sur le mot ryorinin. Personne qui a pour métier la cuisine. Chujin. Chujin, un mot qui a la même signification mais qui a presque disparu du vocabulaire actuel. Tous les dictionnaires, même les meilleurs, sont voués à l'obsolescence, parce que les mots sont vivants.

  • Nous devons réfléchir à des définitions qui collent au plus près du ressenti d'aujourd'hui », avait coutume de dire le professeur Matsumoto.



Biographie

Née à Tokyo , le 23/09/1976, Shion Miura est une essayiste et écrivaine japonaise.
Shion Miura est l'auteure d'une vingtaine de romans et de recueils d'essais. Grand succès public et critique au Japon, La Grande Traversée (Actes Sud, 2019) a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 2013 et a été décliné sous forme de film d'animation.

Voir ici :https://fr.wikipedia.org/wiki/Shion_Miura



mercredi 26 juin 2024

Suzie YANG – Ivy – Livre de Poche - 2023

 


L'histoire

Ivy, chinoise confiée à sa grand-mère arrive aux USA, près de Boston où sont déjà installés son père, Nan sa mère et le petit dernier Austin. Le changement est rude pour cette petite fille à qui la grand-mère qui se méfie des américains a appris toutes les astuces pour voler, surtout des babioles sans intérêt. En conflit permanent avec sa mère qui exige des bonnes notes car elle veut voir sa fille rentrer dans une université, Ivy, égocentrique, inquiète du regard des autres abandonne ses études pour devenir institutrice, et décide coûte que coûte d'épouser un ami d'enfance Gideon, fils de sénateur et bel homme en plus. Mais on ne gagne rien sans un petit effort...



Mon avis

Pour son premier roman Suzie Yang a choisi de nous présenter une héroïne totalement dénuée de scrupules et de morale. Ivy est une voleuse, une menteuse, en conflit perpétuel avec sa mère. A la suite d'une bêtise, elle est envoyée en Chine, chez sa tante riche qui la couvre de cadeaux, la jeune fille qui entre temps est devenue très jolie, fait un rejet total de ses origines chinoises, et surtout est bien décidée à conquérir le cœur de Gideon, fils d »un sénateur, qui est un gros bosseur. Sa famille est riche mais on ne montre pas l'argent. La maison de vacances, restée un peu dans son jus, la simplicité avec laquelle Ivy est acceptée, la complicité immédiate avec Poppy, la mère de Gideon sont des atouts un peu trop faciles. Ivy veut le mariage et rien d'autres. Elle décide de reprendre des études d'avocate, mais l'idée de devoir travailler dur la fait renoncer. Surtout, elle renoue avec Roux, un type devenu riche grâce à la mafia locale. Mais Roux, personnage peu sympathique est fou amoureux d'Ivy, et promet de rompre son mariage en avouant aux fiancés leur liaison et le passé de voleuse et menteuse de cette fille dont il pense qu'elle lui ressemble.

Ici avec son héroïne atypique, la morale en prend pour son grade. Mais Ivy n'est pas non plus une personne qui sait maîtriser son sang-froid, pas toujours du moins. Elle vit dans l'angoisse que Gideon ne l'aime pas vraiment, et continue d'avoir des rapports difficiles avec sa famille, qui pourtant veut financer le mariage. Ivy n'a pas compris qu'à force de travail, les siens sont devenus riches et respectés. Et sont bien plus gentils avec elle qu'elle ne le pense.

Émigration, famille, rêve américain sont au cœur de ce livre, qui alterne entre humour noir, et ambiance angoissante. Ivy se rend malade physiquement, et surtout, n'a pas d'ambitions : à part devenir une parfaite maîtresse de maison, elle n'étudie pas, pique de l'argent à Roux qui laisse faire pour s'acheter fringues de luxe et maquillage. Elle est peu empathique Ivy, parfois elle nous agace à ne faire aucun choix, et pourtant elle reste aussi attachante par ses émotions.

Écriture simple, psychologie approfondie des personnages, y compris les secondaires, ce premier roman, même si il comporte un peu de longueurs et redites est amusant à lire. Parce qu'on ne croise pas tous les jours une héroïne qui joue sa vie sur un fil, qui ne comprend pas l'éducation stricte chinoise donnée par sa mère, qui veut voir ses enfants réussir et qui renie ses origines. Le titre original est « White Ivy », ce qui est assez approprié.

Bref une lecture détente, pas mal de rebondissements et une idée assez drôle du poids de la femme ballottée entre deux cultures.


Extraits

  • Elle remarqua la fossette sur sa joue droite, pareille à une virgule sur une page vierge, et se demanda pourquoi il ne cherchait pas à soigner son apparence. Il serait sans doute mignon s’il y mettait un tant soit peu du sien. S’il portait les bons habits, se faisait couper les cheveux, souriait à quelques filles, alors bim ! – transformation. Lui qui pourrait si facilement passer pour le jeune Américain-type ne faisait aucun effort dans ce sens ; alors qu’elle, qui se donnait tant de mal à parfaire ses tenues et ses manières, aurait toujours la peau jaune, les cheveux noirs et le nez épaté, son moi extérieur dissimulant le fait qu’elle était américaine ! Américaine ! Américaine ! Une telle injustice la blessait profondément.

  • Elle se sentait seule, pourtant ce n’était pas d’amitié dont elle avait envie. Filles et garçons « traînaient » à l’école, mais les choses passaient à la vitesse supérieure en dehors du collège, aux fêtes ; or Ivy n’était jamais invitée à aucune fête. Elle avait appris (en théorie) le mécanisme des jeux populaires tels que celui de la carte, de la bouteille, des sept minutes au paradis, de la pomme, du clin d’œil, ou d’action ou vérité – un grand classique – ainsi que d’autres actes qui ne relevaient pas de jeux mais de la vraie vie. Dans le vestiaire des filles, elle entendit Liza Johnson raconter que Tom Cross avait défait sa braguette et guidé la main de la jeune fille vers son entrejambe – « pendant que mon père était en train de conduire ! »

  • Même si l'une parlait roumain et l'autre chinois, Ivy remarqua l'étrange similitude entre les cris de Mme Roman et ceux de Nan, pareils à une nuée de corbeaux furieux, les consonnes abrégées et durcies par la colère. Peut-être la colère était-elle l'unique langage universel.

  • Comment donc cette modeste fille aux grands yeux en était-elle venue à voler, exactement ? De la même manière que l'eau s'infiltre dans les plus minuscules interstices entre les rochers, sa personnalité s'était façonnée en formes biscornues autour de la structure rigide de son éducation chinoise.

  • Jamais elle ne pourrait faire comprendre à cet homme simple et droit que chez une femme, les morceaux les plus fragiles étaient composés de millions de coups d'œil furtifs et de commentaires insoucieux lancés par autrui ; c'était ça l'identité.

  • C'était là le problème quand on recevait trop de bonheur à la fois. Si on n'avait pas le temps pour s'adapter, la douleur de son absence soudaine devenait insupportable.

  • Donner d’une main et prendre de l’autre. Mais pour l’instant, elle préférait taire les humeurs de sa mère, les coutumes chinoises de sa famille, ses propres larcins. Que ce soit des informations ou de l’argent, il était imprudent de donner sans rien exiger en retour. Jamais on ne pouvait les récupérer.

  • Jamais elle ne se montra trop cupide. Jamais elle ne se montra imprudente. Surtout, jamais elle ne se fit prendre. Même si on l’accusait un jour de quelque méfait, ce serait sa parole contre celle de l’accusateur. Cette idée la rassurait – et s’il y avait bien une chose dont elle s’enorgueillissait, en dehors d’être une voleuse, c’était d’être une menteuse hors pair.

  • Toutes ces héroïnes avaient une chose en commun : leur beauté. Ivy en conclut que la beauté extérieure était la fontaine d’où jaillissaient toutes les autres caractéristiques désirables – l’intelligence, le courage, la volonté, la pureté de cœur.

  • Elle apprit facilement l’anglais – elle ne se souvenait en effet pas de l’époque où elle ne comprenait pas cette langue – et devint une lectrice précoce. La minuscule bibliothèque mal entretenue de West Maplebury, administrée par une bibliothécaire à moitié sourde, servait à Nan de baby-sitter gratuite.

  • Comme nombre de parents immigrés, Nan et Shen ne voulaient qu’une chose pour leur fille : que celle-ci devienne médecin. Ivy n’avait qu’à s’écrier : « Je veux être docteur ! » pour voir le visage de ses parents s’illuminer de satisfaction, ce qui chez eux se rapprochait le plus de l’amour et qui était Tout aussi rare.

  • À cause de ces joues, on la prenait souvent pour une élève d’école primaire quand elle avait quatorze ans – inconvénient fâcheux dans tous les domaines sauf dans celui du vol, où son apparence enfantine s’avérait un camouflage fort utile.

 

 

Biographie

Susie Yang est une romancière.
Elle a émigré enfant aux États-Unis. Après un doctorat en pharmacie de l'Université Rutgers puis une carrière dans le codage informatique à San Francisco, elle a repris des études de création littéraire à Tin House et à Sackett Street.
"Ivy" ("White Ivy", 2020), son premier roman, est l’une des dernières sensations de la scène littéraire américaine. Elle réside au Royaume-Uni.

Son site : https://www.susiebooks.com/



vendredi 19 janvier 2024

Masaro TOGOWA – Le pass-partout – Edition DENOEL – 2023 -

 

 

L'histoire

Dans les années 1950 à Tokyo, la résidence K est uniquement réservées aux femmes. Veuves de guerre, veilles femmes, 150 studios permettent une tranquillité et une sécurité dans le Japon d'après-guerre . Si certaines travaillent, la majorité reste quand même des femmes ayant dépassé la soixantaine, et qui pour beaucoup s'ennuient. Par sécurité une clé permet d'ouvrir toutes les habitations. Mais quand la clé disparaît mystérieusement, des petits ou grands secrets nous sont révélés.


Mon avis

Publié au Japon en 1962, ce polar à la sauce nippone vient d'être publié en traduction française pour la première fois, alors que son autrice, très célèbre au Japon est décédée en 2016.

Le passe-partout a des faux airs d'un roman d'Agatha Christie. Dans la résidence K, sept femmes vont retenir notre attention. Chacune a quelque chose à cacher ou jalouse une autre femme. Certaines sont riches, d'autres sont pauvres comme cette « Madame Algues », aux airs de mendiante et fouineuse qui se procure le passe-partout pour espionner une voisine qu'elle soupçonne du vol d'un violon de grande valeur. Et voilà que ce passe-partout passe de mains en mains chez les résidentes, permettent de découvrir des secrets ou de rétablir des vérités.

Le style est vif, concentré sur les faits, mais le véritable propos du roman est le sort de ses femmes vieillissantes, sans famille ou avec une famille trop éloignée, qui s'ennuient la plupart du temps. Elle doivent aussi composer avec les règles de l'établissement notamment ne pas recevoir de compagnie masculine ou prévenir d'une visite auprès des 2 gardiennes qui se relayent, toutes les deux aussi seules et peu passionnées par ce travail routinier.

C'est la description d'une capitale en pleine rénovation et mais aussi de la situation des femmes de cet époque. Sous prétexte de leur offrir la sécurité, on les enferme en fait dans des petits studios, avec douches et cuisines commune sur le palier. Ces femmes, sur lesquels l'autrice pose un regard à la fois amusé et ironique, vont s'imaginer des choses sans réelles importances, alors que des faits plus graves ont été commis dans le plus grand secret. Il faut bien sur attendre l'épilogue pour le dénouement des 7 intrigues, les unes totalement futiles et 3 autres un peu moins.

La solitude, l'absence totale de sororité – sauf quand cela arrange l'une des héroïnes, renvoie l'image d'un pays où les droits de la femme ont bien du mal à percer, et les femmes jugées trop âgées qui sont finalement comme emprisonnées dans la résidence K. Bien sur, elles peuvent sortir faire quelques emplettes, ou des promenades mais elles n'ont pas beaucoup d'argent et les dépenses sont essentiellement consacrées à la nourriture. Pas d'entraide, certaines ne sortent presque jamais, confinées dans des petits logements. Bien sur il faut se replacer dans le contexte et le temps où le livre a été écrit.

A la fois surprenant, d'une écriture précise sans fioriture, parfois cocasse, ce petit livre est une jolie surprise.


Extraits

  • Comme l’avait dit la femme, ce trou était idéal pour enterrer la valise.
    Il lui tendit la lampe de poche avant de commencer à casser à la pelle le ciment dur comme de la pierre de l’un des sacs. Les morceaux s’entassaient sur le sol. Puis il dut faire de nombreuses allées et venues jusqu’au robinet, un petit seau de métal à la main. La conduite d’eau tremblait avec un bruit effrayant. Bientôt, le ciment eut la bonne consistance. La femme ouvrit la valise. La tête de l’enfant, cachée par la couverture, était complètement invisible. La femme prit la pelle, remplit la valise de ciment, puis la referma.
    « On lui a fait un beau cercueil, déclara-t-elle posément, les deux mains sur le couvercle.

  • Le feu était vert pour lui, il voulait en profiter. Juste avant le carrefour, il aperçut du coin de l’œil une femme avec une écharpe rouge qui lui rappela encore les joues des filles de sa terre natale. Est-ce pour cette raison que les pneus de son véhicule glissèrent sur les rails du tramway ? Impossible de le savoir. Mais lorsque le conducteur novice donna un coup de frein, son camion avait déjà dérapé : comme guidé par la main du destin, il fonçait droit sur la femme. La dernière chose qu’il vit avant de fermer les yeux fut son expression ébahie alors qu’elle était projetée contre son pare-brise.

  • Pendant quelque temps, les journalistes amateurs montrèrent aux travestis du quartier d’Ueno la photo du cadavre.

  • Elle habite à la résidence K pour femmes.

  • Mon exaspération n'était pas dirigée contre une personne ou une chose spécifique, mais contre le hasard qui avait voulu que soit modifié le déroulement des opérations. Le hasard, qui n'hésite pas à trahir les plannings soigneusement élaborés par les êtres humains et conduit, avec une complète indifférence, à des situations insensées.
    Cela m'est insupportable, parce que j'ai l'impression que la grandeur de l'âme humaine est piétinée. Ce que l'être humain a décidé en conscience est nécessairement important, même lorsque le résultat qui en découle paraît ridicule.

  • Chacun d'entre nous est le jouet d'une illusion.



Biographie

Née à Tokyo , le 23/03/1933 et décédée le 26 avril 2016, Masaro Togawa est une ancienne chanteuse, actrice, et romancière
Elle est l'une des leaders du roman policier japonais. Le supplément littéraire du Times l'a qualifiée "la P.D. James japonaise".
Elle commença à écrire en 1961 dans les coulisses en attendant de monter sur scène. Elle publiera son premier roman en 1962 ("The master key"). Il remporta le prestigieux prix " Edogawa Rampo".

En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Masako_Togawa

mardi 17 octobre 2023

THUAN – le parc aux roseaux – Actes Sud 2023

 


L'histoire

Une jeune vietnamienne rentre dans son pays à la fin des années 2000 après 10 ans passés à Paris pour étudier et faire une thèse de littérature qui ne la passionne pas et qu'elle n'achève pas. Elle confronte son regard occidentalisé à ce qu'est devenue son pays.


Mon avis

C'est un livre à la narration étrange que je vous propose de découvrir. Ici, la structure du roman est bouleversée par des allers-retours entre le passé parisien de la narratrice, ses rêves qui ont une allure de réalité, et son retour dans un Vietnam occidentalisé qu'elle ne reconnaît pas.

Sans brouiller la lecture, qui peut sembler déconcertante, cet ouvrage nous interroge sur l'identité propre, quand on a passé un certain temps dans un pays étranger – où l'on est, ne serait-ce par son physique – une étrangère et un retour au pays. Surveillée par son père, qui considère la littérature comme le plus noble des arts, elle est accueillie par sa sœur, qui a fait fortune dans l'immobilier, et qui lui offre un superbe appartement à Saigon (Ho Chi Min Ville actuellement), lui trouve un poste d'enseignante de français dans l'école qu'elle dirige. Il faut connaître l'histoire du Vietnam, qui sort progressivement d'un régime communiste dur (le Vietnam se veut un régime socialiste, toujours dirigé par le Parti Communiste), mais qui tend à s'ouvrir à l'économie de marché. Avec des passe-droits, sa sœur, mariée à un cadre du régime peut aller n'importe où avec n'importe qui. Son père lui accueille sa fille très content de la revoir mais lui demande de finir sa thèse. Il l'appelait déjà 2 à 3 fois par jour quand elle était à Paris pour suivre ses études. Et là Thuan démontre très bien l'oppression que subissent les femmes vietnamiennes. Soumises aux hommes, quand elles ne sont pas battues ou trompées par leur conjoint, elles se doivent d'être effacées et supposées tenir leur foyer, ne pas faire trop de vague. Même à Paris, les asiatiques sont considérées comme dociles (son amie Na , étudiante, qui attendait un bus se fait prendre pour une prostituée) et fragiles.

Terrible dénonciation du sort des femmes vietnamiennes que ce soit ici ou la. La narratrice (dont on ignore le nom) est célibataire et entend bien le rester. Elle a bien eu un amoureux, un certain P, qui a du se marier depuis, qui ne la considérait pas comme « son égale ». La trouvait-il trop dépendante de son père, de cette surveillance à distance. Son père ignore tout de sa vie parisienne, uniquement ce qu'elle veut bien lui raconter. A coté de cela, les femmes fortes et protégées du régime vivent dans un luxe fou, comme sa sœur, pourtant en instance de divorce, mais qui garde sa place de femme bien en vue.

Et puis il y a le français, la langue qui s'efface au profit de l'anglais, même le russe est oublié, rappelant des temps trop durs. La narratrice après quelques temps passé dans son pays qu'elle ne reconnaît plus, décide finalement de repartir à Paris, pour y vivre son destin. Lequel, on ne le saura pas.

Ce livre est interdit de publication à Ho-Chi Min, c'est dire si il dérange. Pourtant il circule quand même et fait l'objet de nombreuses études sut le style narratif de l'autrice.

Je vous conseille avant tout de vous renseigner sur l'histoire du Vietnam , qui vous permettra une meilleure compréhension du livre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vi%C3%AAt_Nam.




Extraits :

  • Malgré la guerre, la famine, l’embargo, les persécutions, la corruption, les Vietnamiens sourient immanquablement en toute circonstance, d’un sourire triomphant, comme ils disent. Les larmes ne sont réservées qu’à deux occasions : les funérailles et les chagrins d’amour. Les Français ne pleurent pas aux enterrements, rarement lors des ruptures, mais ils vont se pendre dans la forêt ou se jettent du haut d’une falaise pour la simple raison que les feuilles d’automne sont trop jaunes, que la mer est trop bleue ou que les oiseaux sont trop insouciants. Les Vietnamiens, eux, se suicident lorsqu’ils perdent un pari mais sûrement pas à cause de la solitude qu’ils évoquent comme les Français parleraient de voyages. Ils sont fascinés par les chansons qui exaltent la solitude. Chaque soir, des hommes rassemblés autour d’une bière devant un écran de karaoké, la cuisse d’une hôtesse sous une main et un micro dans l’autre, chantent en chœur "Parce que je suis seul, aimer c’est aussi être seul".

  • Mon père, quant à lui, oscille toujours entre la France et le Vietnam, entre pessimisme et optimisme, comme si c’était là son moyen de subsistance depuis son retour au pays. En lui, l’espoir et la déception se heurtent à chaque seconde. Il parle d’un ton exalté avant d’afficher aussitôt un sourire forcé. Peut-être aimerait-il pouvoir tout oublier et se joindre à cet optimisme collectif, mais il est aussitôt rattrapé par le pessimisme hérité de ses années françaises et par le regret, conséquence d’un excès de naïveté qui a changé le cours de sa vie.

  • P m’enlaça et me demanda si j’allais bien et comment j’avais fait pour le trouver ici. Je ne lui répondis pas. Les larmes inondaient mes paupières, coulaient sur mes joues et mes lèvres. Incapable de les sécher, je les avalai. Elles m’empêchaient de lui dire quoi que ce soit. Je le regardais sans sourciller. J’avais le nez bouché. La bouche sèche. Comme si j'étais muette, je fis signe à P de me suivre: mon appartement n'était qu'à une centaine de mètres. Il secoua la tête. Ses cheveux blancs à la lumière du soleil ressemblaient à des filaments de nylon. Son teint était hâlé. Les rides de son visage étaient plus marqués. Ses yeux étaient décolorés. Il était comme le film en négatif de lui-même lors de notre dernière rencontre au parc aux roseaux.

  • Si le pessimisme est la maladie chronique des Français, l’optimisme est le plus grand point commun des Vietnamiens .Ils ont sont si fiers qu’ils ont mis au point pour l’espèce humaine un nouveau concept qu’ils ont baptisé « optimisme révolutionnaire », mais qu’au final eux seuls comprennent et célèbrent à l’unisson .

  • Dans un de ces rêves, P est à bord d'un train, un train très étrange, qui avance sans locomotive, ni conducteur, et je cours derrière en criant son nom, tout comme aujourd’hui j’ai couru dans la ruelle, avec ce courant d’air chaud qui soufflait dans mes oreilles, avec le sentiment que mon cœur bondissait hors de ma poitrine.

  • Si en France les livres nous enseignent : "Je pense donc je suis", au Vietnam la vie nous apprend : "Je calcule pour ne pas mourir"

  • Ici, dire des vérités coûte souvent bien plus cher que les nids d'hirondelle.

  • Pour eux la seule différence entre Dumas et Duras résidait dans la lettre du milieu.

  • Pendant que tu étudiais la littérature à Paris, je me suis amusé: j'ai appris à investir à Saigon.

  • Depuis mon retour, je réalisais que Saigon était devenu un paradis de la chirurgie esthétique. Les femmes n’avaient besoin que de quelques heures pour ressortir de l'institut de beauté avec une arête nasale, de grands yeux à doubles paupières, la peau blanchie et une opulente poitrine, "comme les Européennes


Biographie

Après son baccalauréat à Hanoï, Thuân a suivi des études littéraires à Moscou avant de s’installer à Paris en 1992. Distinguée par le prix de l’Union des écrivains du Vietnam en 2008 et la bourse de la création du Centre national du livre en France en 2013 et en 2020, elle est la traductrice en vietnamien de Houellebecq, Modiano et Sartre, et l’autrice de huit romans dont la plupart ont été traduits en français, notamment chez Riveneuve et au Seuil. "Un avril bien tranquille à Saigon" paru chez Riveneuve en 2017 a été interdit par la censure vietnamienne en 2015. Auparavant, Thuân avait fait paraître chez Riveneuve, en traduction, L’ascenseur de Saigon (2013), T. a disparu (2012), Paris 11 août (2014). Elle a reçu pour son roman "Chinatown" (éditions du Seuil, 2009) le English PEN Translates Award (2020).
Auteure majeure de la littérature contemporaine du Vietnam, Thuân fait partie de la nouvelle génération des écrivains vietnamiens qui voyagent et partagent leur vie entre plusieurs pays. Ses romans font l’objet de nombreuses recherches dans les universités vietnamiennes pour son écriture novatrice, parfois dérangeante par son humour.

Elle vit depuis plus de vint ans à Paris.

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Thu%C3%A2n

son site : https://thuan.fr/



lundi 3 juillet 2023

SHIN KYUNG-SOOK – La chambre Solitaire - Piquier poche 2010

 

L'histoire

La biographie romancée de l’écrivaine coréenne Shin Kyun. Née dans un village sur la petite île de Chegu, la jeune fille est trop pauvre pour rejoindre un lycée. Nous sommes en 1979, et la Corée du Sud est encore gouvernée par Park Chung Hee, un régime dictatorial mais qui commence à croître économiquement. L’assassinat du dictateur en 1979, suivie de troubles dans les années 80, alternant période de révoltes étudiantes et régimes totalitaires.Pour accéder à des études supérieures, donc le lycée, elle doit travailler 3 ans en usine et être méritante pour obtenir à des cours du soir, puis int"grer un lycée.


Mon avis

Cette biographie est une photo tout en douceur et sensibilité de la Corée du Sud des années 80. Shin Kyung est née dans une famille pauvre de 7 enfants. Le père pèche et tient une petite boutique, mais cela ne suffit pas pour envoyer leur fille de 16 ans poursuivre des études. La seule solution proposée par le régime est d'aller travailler au moins 3 ans en usine, car malgré les troubles politiques, la Corée du Sud connaît un essor économique important. Si elle est méritante dans son travail, elle pourra alors suivre des cours du soir, et si ses résultats sont bons, intégrer un internat dans un lycée. Les années 1980 sont marquées par des grèves étudiantes et syndicales réprimées dans le sang par un régime dictatorial, avec des influences de la Corée du Nord soutenue par la Russie et la Chine communistes. La Corée du Sud sera sous contrôle américain qui y a des bases mais n'intervient pas dans les conflits internes. Il faudra attendre 1987 pour qu'un président soit élu démocratiquement. Dans ces années sont instaurées des politiques de développement économique à marche forcée, qui favorisent l'essor des grandes villes surtout.

On découvre alors des conditions de vie et de travail abominables, mais la jeune fille s'accroche pour ne pas décevoir sa famille et parce qu'elle aime étudier. Elle est logée dans une pension de 47 chambres labyrinthiques où elle se sent seule, mais trouve encore le temps d'écrire à sa famille. Avec l'énergie du désespoir, suite à un événement traumatique, Kyung voit son destin se profiler. Elle sera écrivain. Pour elle, pour aussi donner la parole à ses camarades de galères qui n'ont pas eu la même chance qu'elle, et pour qu'on oublie ses années noires où la jeunesse était le moteur d'une économie, mais une jeunesse maltraitée, bas salaires, contrôles qualitatifs. Bien sur, elles ne sont pas dans un camps d'enfermement, mais les sorties sont rares quand on économise chaque sou, pour acheter du matériel scolaire ou des livres. Et elle réussit à devenir une écrivaine publiée et reconnue. Même si on est peu familiarisé avec la Corée du Sud, la lecture n'en est absolument pas gênée et l'abondance de petits détails, ici avec toute la sensibilité et la légèreté que l'on retrouve souvent dans l'écriture asiatique, nous permet de suivre le parcours et la vie particulière ou plutôt commune à toute cette jeunesse.

L'amour indéfectible envers sa famille, mais aussi ses amies d'infortune, la solitude où elle se sent parfois exclue du monde l'amène à se poser les questions fondamentales que sont le destin, la vie, et le devenir. Et par là même, alors qu'elle ignore tout de la politique de son pays, de la découvrir avec le recul, sans condamnation ferme, mais plus comme un témoin de passage.

Et il y a la façon de raconter, avec des pages pleines de poésie, le regard touchant sur des petits éléments de la nature, comme les oiseaux, la sensibilité subtile où l'on effleure les choses, permettant au lecteur de se faire sa propre idée. Un très joli livre, poignant et touchant qui il faut le souligner, a bénéficié d'une excellente traduction en français par 2 traducteurs, un fait rare chez Picquier qui a tendance a souvent bâcler des traductions pour sortir le plus d'ouvrages possibles.


Extraits :

  • C'était dense et fort. Les femmes anonymes habillées du langage qu'elle tissait naissaient dans ce puits, devenaient plus qu'une femme ou un être humain et se transformaient en de magnifiques carpes dorées. (…) Une hallucination où une carpe dorée jaillit à la surface de la vie en se secouant pour se débarrasser des gouttes d'eau azurée, depuis la blessure profonde d'une perte, depuis ce gouffre on ne peut plus abyssal et obscur.

  • Quand je pense à la littérature, ce sont les yeux implorants d’un chien qui regarde son maître qui me viennent à l’esprit. La beauté du destin contenu dans ces yeux, le chagrin de celui qui vénère son amour, le silence de celui qui a vu ce qu’il ne devait pas voir.

  • Notre aîné laisse enfin exploser toute sa frustration rentrée. C'est vrai : pourquoi doit-il vivre comme ça ? Très jeune encore, il porte sa responsabilité de fils aîné de la famille comme une punition du ciel. La tension nerveuse de celui qui doit s'occuper de ses frères et soeurs à la place de ses parents restés au loin, gagner de l'argent tout en faisant son service militaire et dormir avec sa soeur et sa cousine dans cette chambre exiguë déborde et fait saigner le nez de son cadet.

  • Le brouhaha. Des cris effrayants jaillissent de partout. Personne n’ose regarder dans la ruelle. Dans la chambre solitaire, ma cousine et moi nous rapprochons l’une de l’autre. Que se passe-t-il ? La peur. Dans la ruelle où on avait l’impression qu’une catastrophe allait se produire, le silence succède d’un seul coup au martèlement des bottes militaires.

  • Le printemps de Séoul. Les forsythias soudain éclos en plein hiver se font écraser par les blindés du nouveau gouvernement militaire. Les chars ont-il vocation à écraser le printemps ? C'étaient aussi des tanks, ceux des Soviétiques, qui avaient broyé le printemps de Prague.

  • Quand on vit dans une grande ville, il n'est pas facile de faire autre chose que ce qui est urgent. Je m'étais souvent encombrée de diverses tâches et j'avais toujours une longue liste de livres à acheter.

  • La mémoire du corps est plus douce, plus froide, plus précise et plus coriace que celle de l'âme. C'est peut-être parce qu'il est plus honnête qu'elle.

  • Un magnifique paysage ne me rend pas la liberté intérieure ; la peur reste et me tire vers le bas alors que je m'acharne à m'élever. La nature me fait réaliser que je ne suis qu'un être humain. Un être fragile qui se tient debout au milieu de cet effroi.

  • Certaines phrases ressemblent à une embuscade. Ellles jaillissent brusquement en se frayant un chemin dans forêt intérieure, quand un jour d'automne comme celui-ci je suis en train de marcher dasn la rue pour me rendre à un rendez-vous.

  • J'aimais ça. La littérature, par le simple fait qu'elle existait, me permettait de rêver à des choses impossibles ou interdites dans la réalité.

  • Lorsqu'on écrit, tout devient du passé. Le destin de celui qui écrit n'est-il pas de remonter le courant à partir du présent vers les temps douloureux , comme le fait un saumon, même si le courant est rapide et lui déchire les nageoires ?

  • ceux qui n'avaient pas de nom, qui étaient privés de richesses matérielles, condamnés à bouger sans arrêt leur dix doigts pour produire ... Je dois leur donner une place digne en ce monde au moyen de mots. ce texte est finalement devenu quelque chose entre chronique de faits réels et fiction. Mais peut-on appeler cela de la littérature ? Je réfléchis à l’écriture. Je me demande ce qu’est l’écriture.


Biographie

Shin Kyung-sook est une écrivaine sud-coréenne née en 1963. Elle est née dans une région rurale. Très tôt elle se passionne pour la littérature et rêve d'en faire son métier. En 1978, sa mère l'accompagne à Séoul. La jeune fille vit chez l'un de ses frères et travaille dans une usine durant la journée. Le soir, elle poursuit ses études secondaires.
Elle est admise à l'université et choisit l'écriture créative comme matière principale. Après avoir terminé ses études, elle effectue ses débuts de romancière tout en faisant des petits boulots. Depuis 1993, elle se consacre entièrement à l'écriture.
Elle a publié une dizaine de romans et de recueils de nouvelles qui lui ont valu dans son pays les prix littéraires les plus prestigieux, dont le Yi Sang Literature Prize..
Son roman, qui date de 1999, intitulé "La chambre solitaire" a ainsi reçu le Prix de l'Inaperçu, pour sa traduction en français aux éditions Philippe Piquier.
"Prends soin de maman" ( Eommareul butakhae), publié en 2008, est un best-seller en Corée du Sud, où 2 millions d'exemplaires ont été vendus ; il est traduit dans 24 langues et a atteint la 21e place de la New York Times Best Seller list en 2011.


Sur l'histoire de la Corée du Sud : https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Cor%C3%A9e_du_Sud

mardi 13 juin 2023

AKI SHIMAZAKI – Hôsuki, l'ombre du charbon – Babel Poche 2021

 

L'histoire

Mitsuko tient une librairie spécialisée en livre rare. Elle vit avec son fils de 7 ans Taro, sourd-muet et sa mère. Un jour une cliente femme de diplomate lui achète pour une fortune de livres. Cette femme dont la petite fille s'est prise d'amitié pour Taro fera tout pour revoir Mitsouko.


Mon avis

Les petits livres d'Aki Shimazaki, qui écrit en français font le succès des librairies. Appréciés pour leur histoires assez courtes, poétiques, ou drôles, tout le monde devrait avoir un petit livre de cette autrice dans son sac.

En résidence littéraire à Montréal où elle vit depuis 1991, elle apprend le français et écrit des cours romans en cycles de cinq, tous inhérents à la nature humaine.Le premier cycle s'appelle le poids des secrets, le second Au cœur du Yamato, le 3ème l'Ombre du charbon dont tous les titres ont des noms de fleurs, et pour le moment le dernier cycle qui n'a pas trouvé son nom.

Dans Hôzuki (nom d'une jolie fleur japonaise rouge qui fleurit l'hiver), ce sont les coïncidences qui n'en sont pas qui sont à l'honneur. Mitsuko tient une librairie d'ouvrages d' philosophie, c'est une grande lectrice. Aidée par sa mère qui a adopté pour l’église catholique, Mitsuko n'a pas de conviction religieuses, alors que son fils Taro très curieux s'intéresse au bouddhisme tout comme l'étrange cliente qui cherche tant à nouer une amitié avec Mitsuko. Sans le savoir, elles ont une histoire commune.

L'occasion de s'interroger sur le hasard, les coïncidences ou la synchronicité. Et servi par l'écriture épurée de l'autrice qui laisse traîner son regard sur les petites joies du quotidien nous emmenant dans son monde ici enchanté.

On peut tout a fait lire les histoires indépendamment les unes des autres, tant elles sont variées et dans des registres différents.



Extraits :

  • Je me demande toujours qui j'étais dans mes vies antérieures et qui je serai dans mes vies futures. À chaque vie, je ne suis pas la même personne, mais l'âme demeure la même en changeant de corps éternellement. C'est comme un collier de perles sans fin. Lorsqu'une perle en croise une autre, - c'est le moment où on rencontre quelqu'un, comme nous -, ce sont les deux âmes qui se croisent.

  • Mitsuko, sais-tu quel est le but des religions ? C'est de libérer de la douleur de la vie et de la mort. Le bouddhisme ne fait pas exception. Ce en quoi il est différent des autres religions, c'est que les bouddhistes tentent par eux-mêmes d'atteindre l'éveil, alors que les monothéistes comptent sur leur dieu pour arriver au paradis. - Alors, quel est le but de la philosophie ? - C'est de se demander comment vivre jusqu'à la mort, pourquoi on est né dans ce monde, surtout de comprendre ce que signifie le monde.

  • Je me rappelle la phrase que Shôji m’a lancée une fois : « La pensée est une prérogative de l’humain. » Je ne savais pas de qui il tenait ce cliché, mais je n’y trouvais que de l’arrogance. Je lui avais dit : « Les animaux aussi parlent, observent, réfléchissent, se souviennent, ont peur, se battent, se cachent… Ils ne vivent pas seulement par instinct, ils pourraient avoir une pensée possiblement plus sage que celle des hommes. »

  • Devant les clapiers à lapins du zoo où elle a emmené son fils Taro pour fêter ses sept ans, Mitsuko se rappelle son secret, l'adoption de Taro, adorable métis qui s'est révélé handicapé, sourd et muet.

  • Chacun a une vie unique et des problèmes qui pourraient être incroyable. Comme on dit:" La réalité dépasse souvent la fiction." Mais après tout, la vie d'autrui ne regarde personne.

  • Si madame Sato avait connu la vérité sur ma vie et sur ma mère, elle aurait sans doute immédiatement cessé de me voir. Peu importe. Je me serais fichée de ce qu’elle aurait pensé de nous. J’ironise dans ma tête : « Se ficher de tout, cela implique-t-il être « sereine » ?

  • Vous me semblez mener une vie sereine », m'a dit madame Sato, qui a reçu une bonne éducation et de l'instruction. Mariée à un diplomate, elle vit dans l'aisance. « Sereine», je ne sais pas vraiment ce qu'elle veut dire. Je vis à n'en pas douter dans un monde totalement différent du sien. On ne choisirait pas le mien spontanément, sauf pour le métier de bouquiniste.

  • Par contre , ce dont madame Sato parle ,c'est de l'ésotérisme.Un monde spirituel qu'on ne voit pas. Je nourris des doutes quant à l'état mental des gens qui, comme elle, se préoccupent de choses pareilles. En fait , elle est complètement perdue.

  • Pourtant, notre relation a pris fin : Shôji m'a demandé de l'épouser et j'ai refusé. L'idée de fonder une famille avec lui, ou avec qui que ce soit, ne me tentait pas, surtout pas celle d'élever des enfants. Je voulais être libre d'obligations domestiques.


Biographie

Née au Japon en 1954, Aki Shimazaki est une romancière québécoise. Elle est née au Japon dans une famille dont le père est agriculteur. Durant sa jeunesse, elle développe une passion pour la littérature. Cependant, elle travaille pendant cinq ans comme enseignante d'une école maternelle et a également donné des leçons de grammaire anglaise dans une école du soir.
En 1981, elle émigre au Canada, où elle passe ses cinq premières années à Vancouver, travaillant pour une société d'informatique. Après cela, elle part vivre pendant cinq ans à Toronto. À partir de 1991, elle s'installe à Montréal où, en plus de son activité littéraire, elle enseigne le japonais. En 1995, à l'âge de 40 ans, elle commence à apprendre le français tant par elle-même que dans une école de langue. Puis, elle commence à écrire en français de courts romans. Tous les titres de ces livres portent un mot japonais.
Pour son premier roman "Tsubaki" (1999), elle a obtenu le Prix de la Société des écrivains canadiens et a été finaliste du Prix Littéraire de la Ville de Montréal 1999 et du Grand Prix des lectrices Elle Québec 2000. Pour "Hamaguri" (2000), elle s'est méritée le prix Ringuet 2001 et a été finaliste pour le Prix des Cinq Continents de la Francophonie 2001.
Ses premiers romans sont publiés dans la collection "Un endroit où aller" chez Leméac/Actes Sud. Il s'agit d'une série de cinq titres, un premier cycle intitulé "Le poids des secrets" (1999-2004), qui racontent la même tragédie, mais chaque fois sous angle différent puisque le narrateur change d'un roman à l'autre. Elle a remporté le Prix littéraire Canada-Japon du Conseil des Arts du Canada 2004 pour "Wasurenagusa" (2003) et le Prix du Gouverneur général du Canada 2005 pour "Hotaru" (2004).
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