L'histoire
En poste à Calcutta, le capitaine Whindham, accompagné de son fidèle sergent Sat, doit résoudre un crime odieux. Alors qu'un certain Gandhi prône l’indépendance de l'Inde, alors province anglaise, De plus le célèbre capitaine se rend compte de sa dépendance à l'opium mais est toujours présent pour les enquêtes, surtout celles où il n'a officiellement pas le droit d'y mettre le nez.
Mon avis
Ah, je retrouve avec plaisir l'écriture pleine d'humour et de dérision de l'écrivain Mukherjee et son fameux héros, le capitaine Wyndham.
Nous sommes en 1921, et Wyndham officie à Calcutta, la ville la plus bondée du pays. La situation est délicate, le futur roi d'Angleterre vient y faire une visite royale, et pendant ce temps, un certain Gandhi prêche l'indépendance de l'Inde mais sans violences. A Calcutta, il est représenté par un certain Basanti Das, un homme plus très jeune mais largement influent auprès de la population.
De plus, des meurtres rituels ont lieu sur des personnes qui ne se semblent pas se connaître : un trafiquant de drogue, une infirmière, un chercheur. Qui est donc ce tueur ? Malgré des mises en garde de sa hiérarchie et l'imposant bureau des services secrets de sa Majesté, Whyndham n'est pas du genre à lâcher cette affaire.
Pourtant le capitaine tente de se sevrer de son addiction à l'opium, tandis que son jeune lieutenant Sat Banerjee, indou, tente de l'aider, même si lui aussi pense à l'indépendance de son pays.
Raconté par le capitaine, cette aventure nous plonge au cœur de Calcutta, de ses quartiers riches aux plus mal famés. Et interroge sur le désir d'indépendance d'un pays déjà multi-culturel, entre les hindous, les népalais, les parsi, les tamouls.
Le tout avec un humour décapant et une intrigue bien ficelée, alliant des rebondissements au fil des pages qui vont rendent vite accro. Pour ce 3ème opus de la série Wyndham, l'auteur anglais est vraiment en grande verve.
Extraits
Je l'ai rencontré une fois, le prince Edward Albert Saxe-Cobourg Windsor, ou quel que soit son nom, dans les tranchées en 1916. A l'époque, comme maintenant, ils l'avaient envoyé pour nous remonter le moral. J'ai eu du mal à comprendre que la poignée de main d'un prince qui ne connaîtrait jamais les horreurs de la guerre puisse remonter le moral d'hommes dont l'existence consistait essentiellement à attendre la balle qui leur était destinée.
Le mort était probablement un fantassin d’un des gangs de l’opium en lutte permanente pour le contrôle de Chinatown : très certainement le Green Gang ou le Red Gang. Après tout, ce sont les plus gros acteurs du marché de l’opium chinois. Tous les deux sont basés à Shangaï, et Calcutta, porte d’entrée de leur drogue, est un bien précieux pour lequel ils sont prêts à verser le sang. Nous sommes parvenus à contenir leur querelle par le passé, mais aujourd’hui, avec le manque d’hommes, d’autres sujets sont devenus prioritaires, et les gangs en ont aussitôt profité pour se disputer le droit de remplir le vide que nous avons laissé.
Une des constantes de la vie ici est la bataille interminable contre les moustiques. Quelqu'un a décidé que c'était une bonne idée de construire une ville sur un marais, scellant ainsi le destin de Calcutta.
Nous ne pouvons dominer l'Inde que par la force des armes, mais la force est inefficace contre un peuple qui ne contre-attaque pas ; parce que vous ne pouvez pas tuer sans tuer aussi une part de vous-même.
Car trois choses allaient toujours se combiner contre elle : elle était pauvre, elle était indigène et c’était une femme. En Inde cela signifie que sa vie comptait peu, et qu’à moins de s’insérer dans une histoire plus vaste sa mort compte encore moins.
J'envisage de tout dire. Il paraît que la confession fait du bien à l'âme, mais en réalité tout dépend du confesseur.
Quand il me sert le verre je me félicite de ma fermeté. C'est typique de l'addiction et du deni: une petite victoire ici et là peut aider à camoufler les grandes défaites.
L'homme, dont le visage en sueur est déformé dans une grimace qui pourrait faire honneur à la scène du Theatre Royal, débite ses mots au rythme d'une mitrailleuse Gatling avec des gestes pleins d'emphase et en pointant un index boudiné vers le ciel. Un style oratoire souvent adopté par ceux qui ont très peu de choses à dire mais qui tiennent quand même à les faire avaler par tout le monde : un style bourré de slogans destinés à exciter la foule et écraser tout débat. Et malheureusement, c'est efficace.
Car ce que l'Englishman, ses lecteurs et le vice-roi n'ont pas saisi c'est que la menace ne vient ni du parti du Congrès, ni de ses Volontaires. Le véritable danger ce sont les millions d'opprimés muets qui constituent l'Inde réelle. Pour la première fois ces masses pauvres, illettrées, sans voix, qui représentent les neuf dixièmes de la population de ce pays sont en marche, et je ne doute pas, si on les met en colère, que leur seul nombre puisse balayer Gurkhas et Britanniques de la face de cette terre comme Gulliver s'est libéré des chaînes des Lilliputiens.
La première bouffée de la première pipe a été une délivrance. Avec la deuxième, les tremblements ont cessé, et avec la troisième mes nerfs se sont détendus. J’en ai demandé une quatrième. Si les trois premières répondaient à une nécessité médicale, la dernière serait pour le plaisir, en me mettant sur la voie de ce que les Bengalis appellent nirbon – nirvana.
Biographie
Né à Londres en 1974,
Abir Mukherjee a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une
famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis
l’adolescence, il a décidé́ de situer son premier roman à une
période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de
l’entre-deux-guerres.
Premier d’une série qui compte déjà̀
quatre titres, "A Rising Man" (L’attaque du
Calcutta-Darjeeling) a été́ traduit dans neuf pays.
En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abir_Mukherjee