L'histoire
Joseph Knox se met en scène lui même dans son dernier roman. Auteur de polars confirmé, il fait la connaissance d'Evelyn Mitchell, une autrice débutante dans le polar. Elle souhaite écrire sur la disparition d'une jeune fille de 19 ans, Zoé Nolan, et envoie régulièrement des mails à l'auteur, mais celui-ci ne semble pas s'y intéresser, lui même pris par l'écriture de son prochain roman. Mais quand à son tour Evelyn disparaît, il relit les mails et décide de continuer l'enquête.
Mon avis
Il y a des livres avec lesquels on accroche de suite. Et puis il y a les autres qui malgré une couverture alléchante sont des déceptions. Ce livre en est une.
L’écrivaine Evelyn Mitchell se passionne pour un fait divers survenu 7 ans plus tôt, la disparition jamais expliquée d'une jeune fille de 19 ans, Zoé Nolan, étudiante à l'université de Manchester, et pour retracer l'histoire et tenter de trouver un coupable, elle interroge tous les amis de l'époque de la jeune fille, ainsi que les parents et l'enquêtrice.
L'auteur adopte pour une forme littéraire de « narrative non fiction ». Après une fausse préface, le roman n'est constitué que des paroles recueillies par Evelyn, auprès des principaux témoins de l'époque. Ainsi, au cours d'un même chapitre nous entendons la parole des principaux témoins de l'époque, telle qu'elle est retransmise dans les mails qu'envoie Evelyn. C'est une succession de témoignages, surtout des amis proches de Zoé. Cette forme littéraire, sur 415 pages devient très vite pénible. Il n'y a pas de vraie lisibilité, même si on comprend que chacun des témoins avaient un motif pour en vouloir à Zoé, que chacun voit à sa manière. Sa sœur jumelle Kimberley souffre de l'attention constante focalisée sur sa sœur, bien plus jolie et talentueuse. Son ex petit ami, Andrew, estime plutôt que c'est une fille banale, sans talents, mais qui sait attirer l'attention sur elle.
Sur le fond, l'auteur se donne beaucoup de mal pour faire passer cette fiction pour une réalité, et l'intrigue en elle-même n'est pas très passionnante. Le coupable sera identifié certes, mais on ne retrouvera jamais Zoé, ce qui correspond à l'idée du fait divers sordide dont les médias nous font part. On pense aux affaires de disparitions inexpliquées, mais dans le cas de Zoé, une disparition volontaire semble totalement exclue. Tout tourne autour de Zoé, si aimée et pourtant si détestée selon les témoignages, pour aboutir à un coupable, et une non-fin, ce qui en soit n'est pas gênant.
Si l'auteur a voulu pasticher les faits divers relatés par la presse, c'est raté. Le manque de structure est évident, puisque dans le même chapitre nous lisons les témoignages des 6 amis et parents de Zoé, qui répondent sans logique, et avec des souvenirs qui varient, selon ce que la mémoire a voulu retenir ou pas. Mais ce sujet de la mémoire, si bien abordé dans une autre polar (l’île aux souvenirs) n'est pas le propos de ce roman, qui ne tient ni par son style, ni par son intrigue. C'est lent et long, et on se demande ce qu'on vient faire là. Il y aurait pu avoir un effet de style pur chacun des protagonistes par exemple, mais non, ils parlent tous dans le même style littéraire, et finalement parlent surtout d'eux-même, pour se valoriser d'une façon ou d'une autre, ou pour se faire disculper car il se pourrait bien que l'un d'eux s'en soit pris à Zoé. Et puis, erreur grossière, la disparition d'Evelyn Mitchell n'intervient qu'en fin de roman, ce qui rend peu crédible l'histoire racontée avant, et les justifications de l'auteur en postface n'y feront rien. Cela aurait pu être un bon polar. Sauf que ce n'est ni addictif ni passionnant.
Extraits
Pour un auteur de romans policiers tel que moi, des filles qui disparaissaient, c’était plus ou moins une spécialité. Je crois que, habité par un goût morbide, je m’attendais toujours à voir réapparaître Zoe quelque part, pas forcément vivante, au moins sous forme de cadavre. Peut-être qu’une mort presque emblématique viendrait accompagner sa photo de personne disparue, quasi emblématique elle aussi.
En travaillant, j'ai découvert que ce qui ressemblait au départ à une digression à travers les vies secrètes d'autres gens était en réalité une carte routière menaçante qui conduisait directement à la destruction de quelque chose de bien.
Que deviennent ces filles qui disparaissent ? Que deviennent les Zoe Nolan du monde entier ? […] Ce livre est dédié à Evelyn Mitchell - et à Zoe Nolan -, et à toutes celles, à tous ceux, qui ne sont jamais rentrés chez eux.
Je lisais des articles sur moi, sur des choses que j'avais vues, et je pensais : ce n'est pas du tout comme ça. Alors j'ai commencé à douter de moi-même, et de tout le monde. J'avais de plus en plus l'impression qu'il n'existait aucune vérité.
Depuis toujours le chant était sa grande passion et elle s’était installée à Manchester afin d’étudier sérieusement la musique, étonnée de se découvrir aussi populaire parmi ses camarades de classe, et sur le campus de manière générale. Son entourage était impressionné par son talent et sa persévérance, et elle ne tarda pas à rencontrer le jeune homme qui deviendrait son premier petit ami sérieux.
Aujourd’hui, je pense qu’on qualifierait leur relation de toxique. Un couple comme une sorte de composé chimique dangereux. Genre, la seule solution possible pour les deux parties, c’était l’extraction. Je suis sûre que Zoe était bouleversée de le voir partir : elle se tenait toujours pour responsable quand les choses tournaient mal.
C’est triste à dire, mais je crois que, déjà à cette époque, Jai était un mec torturé. Je pense qu’il avait toujours le sentiment d’être à l’écart. Alors que moi, je fais partie de ces personnes plutôt à l’aise qui parlent à n’importe qui, à n’importe quel niveau, c’est très Vierge ça, Jai, lui, il affichait sa couleur de peau.
Quelqu’un qui charmait sans peine toutes les personnes qu’elle rencontrait. Je pense qu’on ramerait tous si on devait affronter ça.
Certains chapitres étaient déjà achevés, comme elle aurait aimé qu’on les lise ; pour d’autres, j’ai dû éplucher et assembler moi-même ses plans grossièrement esquissés.
Dans le monde de l’édition, comme dans le monde en général, on se noie sous les filles mortes, et je crains que les filles disparues, ce ne soit pas suffisant. Evelyn avait raison lors de notre première rencontre. Nos centres d’intérêt tournent autour des meurtriers, pas des victimes.
Toutes les incohérences, toutes les liaisons amoureuses, toutes les sextapes, tous les secrets et les mensonges ne signifiaient rien s’il n’y avait pas de fin. Tant qu’on ne retrouvait pas Zoe Nolan, il n’y avait pas de livre.
Evelyn défendait l’idée d’un livre qui mettrait tout à nu, reproduirait les mots sans fard des personnes concernées, y compris les contradictions et le reste, l’histoire se dévoilant peu à peu aux yeux des lecteurs comme elle s’était dévoilée à elle, de révélation en révélation.
J’ai toujours trouvé cette ville frappante en ce qu’elle était un ensemble de choses très différentes, certaines bonnes, certaines mauvaises, mais ne vous y trompez pas, cette ville me frappait sans cesse d’une manière ou d’une autre. Résultat, il me reste aujourd’hui beaucoup de zones floues.
Biographie
Né en 1986, Joseph
Knox est un écrivain, auteur de roman policier anglais.
Après
avoir travaillé comme barman et libraire dans une boutique de la
chaîne Waterstones, il s’est installé à Londres où il est
devenu acheteur de polars pour cette même chaîne en 2009.
Il
est l'auteur d'une trilogie qui met en scène le jeune inspecteur
Aidan Waits, composé de "Sirènes" ("Sirens",
2014), le premier tome et son premier roman, "Chambre 413"
("The Smiling Man", 2018) et "Somnambule" ("The
Sleepwalker", 2019), qui ont été des best-sellers.
Suite à
ce succès, Joseph Knox a quitté son travail pour se consacrer
entièrement à l’écriture.
En 2021, il revient avec "True
Crime Story".
Son site : https://www.josephknox.co.uk/