L'histoire
La narratrice est embauchée par un éminent professeur de mathématique qui a malheureusement perdu la mémoire. Celle ci ne fonctionne que 80 minutes par jour. A force d'attention et de gentillesse, des liens affectueux se tissent entre cette femme, son fils et le mathématicien qui lorsqu'il s'agit de calculs savants n'a jamais perdu la forme.
Mon avis
plein d'humour et de délicatesse, ce petit roman nous offre un conte merveilleux à travers les chiffres (vous comprendrez sans aucun problème et cela sera même pour vous l'occasion d'apprendre ou de réviser quelques notions de base).
Racontée avec la subtilité que l'on connaît aux grandes écrivaines nippones, vous rentrerez dans un univers poétique, car oui, les chiffres cela peut être magique et totalement original.
La douce relation qui se noue entre l'aide-ménagère (la narratrice), son fils de 10 ans, écolier un peu récalcitrant, mais passionné de base-ball, nous montre tous les possibles de la filiation et d'une famille recomposée. De plus plein de petits exercices bien expliqués pourraient bien vous faire passer pour un génie des maths !
C'est drôle, c'est tendre, c'est instructif. Une ode aussi à la solitude, la vieillesse et le handicap, ici formidablement accompagnée par la gentillesse d'une maman et de son fils. Et aussi une autre façon d'aborder les maths, matière souvent complexe qui rebute. Parce que nous n'avons pas un charmant professeur et la ténacité d'une jeune femme au cœur immense.
A offrir aux adolescents ou à s'offrir.
Extraits :
Les nombres existaient déjà avant l'apparition de l'homme, que dis-je, avant celle du monde. [...]- Aah, vraiment ? Je pensais que c'étaient les hommes qui avaient découvert les chiffres. - Non, c'est faux. Si c'étaient eux personne ne ferait autant d'efforts et on n'aurait pas besoin des mathématiciens. Personne n'a été témoin de leur processus d'apparition. Quand on les a remarqués, ils étaient déjà là.
On peut exprimer les nombres parfaits comme la somme d'une suite de nombres naturels.6=1+2+3 – 28=1+2+3+4+5+6+7 – 496=1+2+3+4+5+6+7+8+9+10+11+12+13+14+15+16+17+18+19+20+21+22+23+24+25+26+27+28+29+30+31. Il tendait son bras au maximum pour écrire la longue addition. La ligne s'étirait, simple et conforme aux règles. Il n'y avait aucun gaspillage, elle débordait d'un tension aiguisée et pure qui engourdissait. Les formules obscures de la conjecture d'Artin et l'addition qui suivait les diviseurs de 28, le tout fondu ensemble nous encerclait. Chaque chiffre formait un des points qui, reliés l'un à l'autre, constituaient la délicate dentelle qui nous entourait. Je n'osais pas bouger, de peur qu'un mouvement d'inattention de mes pieds n'effaçât un seul de ces chiffres.
On aurait dit alors, que le secret de l'univers se révélait à nos yeux. Le carnet de Dieu était ouvert à nos pieds.Une autre merveille de l’enseignement du professeur était l’utilisation généreuse qu’il faisait de l’expression ne pas savoir. Ne pas savoir n’était pas honteux car cela permettait d’aller dans une autre direction à la recherche de la vérité. Et pour lui, enseigner la réalité qu’il y avait là des possibilités intactes était presque aussi important que d’enseigner des théorèmes déjà démontrés.
Si l’on additionnait 1 à e élevé à la puissance du produit de pi et i, cela faisait 0. J’ai regardé à nouveau la note du professeur. Un nombre qui jusqu’au bout reste périodique et un chiffre vague qui ne montrait jamais sa nature véritable arrivaient à un point après une trajectoire concise.
Comme les nombres sont infinis, ils doivent donner naissance à autant de nombres premiers qu'on veut...- C'est vrai... Mais avec les grands nombres... Il arrive qu'on se perde dans une zone désertique... On a beau avancer, on n'aperçoit pas l'ombre d'un nombre premier. C'est une mer de sable à perte de vue...On croit apercevoir un nombre premier, on se précipite mais ce n'était qu'un mirage...Jusqu'à ce qu'on aperçoive, au delà de l'horizon, remplie d'eau pure, l'oasis des nombres premiers.
Nous avions échangé la promesse, Root et moi que, même si le professeur nous posait plusieurs fois la même question, même si nous étions obligés de lui fournir plusieurs fois la même réponse, nous ne lui montrerions jamais notre lassitude.
Elle était combative, et détestait plus que tout que l'on me considère, moi sa fille, comme issue d'une famille pauvre où il n'y avait pas de père. Même si nous étions vraiment pauvres, elle faisait de son mieux pour que nous puissions être riches d'apparence et de cœur.
Quelle était la pureté de cette résolution à laquelle j'étais enfin parvenue après le chaos où je m'étais égaré? C'est comme si j'avais extrait un éclat de diamant au fond d'une caverne sur une lande déserte. Et personne ne pouvait nier l'existence de ce cristal, ni l'abîmer. Je m'adressais des louanges, riant discrètement, en proportion inverse des félicitations que le professeur ne m'avait pas adressées.
Les recherches sur les ellipses ont donné les orbites des planètes, la géométrie non euclidienne a produit les formes de l’univers selon Einstein. Les nombres premiers ont même participé à la guerre en servant de base aux codes secrets. C’est laid. Mais ce n’est pas le but des mathématiques. Le but des mathématiques est uniquement de faire apparaître la vérité.
Mais cette fois-ci, ses larmes étaient différentes de celles que j'avais connues jusqu'alors.J'avais beau tendre la main, elles coulaient dans un endroit où je ne pouvais pas les essuyer.
Le professeur resta seul , immobile au milieu du bac à sable . Incapable de lui venir en aide , je me contentai de regarder son dos . Les pétales des cerisiers tombaient en voltigeant , qui ajoutèrent de nouveaux motifs aux secrets de l'univers.
Dieu existe. Parce qu'il n'y a pas de contradiction dans les mathématiques. Et le diable existe également. Parce qu'on ne peut pas le démontrer.
Bibliographie
Née en 1963 a
Okayma, Yōko Ogawa est une écrivaine japonaise.
Diplômée de la
prestigieuse Université Waseda, elle est auteure de nombreux romans
- courts jusqu'en 1996 - ainsi que de nouvelles et d'essais.
Elle
a remporté le prestigieux Prix Akutagawa pour "La Grossesse"
en 1991, et également le Prix Tanizaki 2006 pour "La Marche de
Mina", le Prix Kyōka Izumi 2004, le Prix Yomiuri 2004 pour "La
Formule préférée du professeur", et le Prix Kaien 1988 pour
son premier court roman, "La désagrégation du papillon"
("Agehachō ga kowareru toki").
Ses romans sont
caractérisés par une obsession du classement, de la volonté de
garder la trace des souvenirs ou du passé ("L'Annulaire",
1994 ; "Le Musée du Silence", 2000 ; "Cristallisation
Secrète", 1994), cette volonté conjuguée à l'analyse
minutieuse de la narratrice (ou, moins fréquemment, du narrateur) de
ses propres sentiments et motivations (qui viennent souvent de très
loin) débouchant fréquemment sur des déviations et des perversions
hors du commun, le tout écrit avec des mots simples qui accentuent
la force du récit.D'autres thèmes sont abordés par l'auteure dans
ses livres, comme la nostalgie, le deuil ou l'abandon, la folie
ordinaire qui prend ses personnages pendant un instant.
Au Japon,
"La Formule préférée du professeur" ("Hakase no
aishita sūshiki") a été récompensé du Prix Yomiuri 2003 et
y est également sorti en film (2005), en bande dessinée (2006) et
en CD audio (2006).
Yōko Ogawa vit à Ashiya, Hyōgo, avec son
mari et son fils.
Voir également :
En savoir Plus :
Sur le roman
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Formule_pr%C3%A9f%C3%A9r%C3%A9e_du_professeur
https://www.facebook.com/watch/?v=529772424569370
Sur les mathématiques
https://ecolebranchee.com/lorsque-genie-mathematique-rencontre-genie-artistique/
https://www.decideo.fr/datavisual/La-beaute-graphique-des-chiffres_a27.html
https://www.quebecscience.qc.ca/sciences/beaute-nombres-parfaits/
https://www.radiofrance.fr/franceculture/les-mathematiques-objet-de-fascination-7370086
https://www.superprof.fr/blog/enigmes-equations-et-chiffres-fascinants/
https://www.monlivre.net/mathematiques-et-litterature-une-fascination-reciproque/
-
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.