L'histoire
Celian, 7 ans s'ennuie à l'école et décroche. Sa mère Mary vit de son coté une difficile rupture sentimentale. Réalisant que ni elle, ni son fils ne vont bien, elle décide de le déscolariser et de l'emmener pour un voyage de quelques mois sur l'île de Ven au large de la Suède dans l’océan arctique. Une île mythique pour y avoir hébergé en son temps, l'astronome Tycho Brahe . Un voyage réconciliateur.
Mon avis
Si vous aimez les contes pour grands enfants, avec un zeste d'érudition ce livre est pour vous. En plus sa couverture est magnifique, ce qui en fait aussi un bel ouvrage.
C'est un récit à 2 voix. Celle du petit Celian, un enfant curieux de nature, mais qui s'ennuie à l'école et qui est traité de paresseux par une maîtresse aussi peu aimable que sachant s'y prendre avec les enfants différents (il est probable que Celian soit un enfant surdoué). Non pas que Celian souffre d'une quelconque maladie, mais l'école l'ennuie profondément et ce qu'il aime c'est découvrir la nature. Il se plaît chez sa grand-mère dans le Morvan où il peut cavaler à sa guise. Mary, sa mère, se remet difficilement d'une rupture amoureuse. Décidée à reprendre en main son destin et l'avenir de son fils,, cette femme passionnée d'astronomie, ce qu'elle partage avec Celian, elle décide de partir en Suède. Plus précisément sur l’île de Ven, où Tycho Brahe, astronome au destin étrange peut y installer un laboratoire et une maison.
C'est non seulement l'occasion pour la mère et le fils de partir sur les traces d'un des savants les plus étranges du xvième siècle. Il va cartographier pour la première fois l'Univers, et positionner Mars. Pourtant Brahe niera les observations de Copernic, mais posera les bases de l'astronomie moderne, relayé par son ami et disciple Kepler. Ayant beaucoup étudié en Allemagne, Brahe se voit allouer une importante dotation par le roi de Danemark qui lui cède l’île de Ven où il construira un laboratoire d'analyse et un palais nommé Uraniborg, somptueusement décoré, mais aussi comportant une bibliothèque importante et des instruments de mesures créés par l'astronome. L’île de Ven fut un temps considéré comme un centre universitaire important dans la recherche astronomique et scientifique de l'époque. Il cartographiera de manière très précise l'Univers, repérera une super nova et une comète. Ses travaux seront publiés par Kepler. Malheureusement, après être tombé en disgrâce auprès du royaume danois, Brahe retourne à Prague où il meurt dans des circonstances non-expliquées (empoisonnement ou calculs rénaux). C'est Kepler son disciple et ami qui prolongera ses travaux et posera les bases de l'astronomie moderne. Kepler suit les idées de Copernic et les cartographies de Brahe pour calculer la rotation des planètes. Il délaissera aussi les sextants et autres objets pour créer des outils d’observation comme les lunettes optiques, ancêtres de nos télescopes. On considère aussi que le personnage de Tycho Brahe aurait pu inspirer Hamlet à Shakespeare, selon ce qu’affirme l'écrivaine.
Mais pour en revenir au roman, il s'agit non seulement de la découverte d'une île et de ses habitants mais aussi de trouver des vocations. Pour Celian, passionné par la nature et les animaux ce sera photographe animalier. Pour Mary, réconciliée avec l'amour, ce sera l'écriture. La très jolie écriture, l'atmosphère un peu mystérieuse et enchanteresse de ce petit livre nous s offre une pause, sur une île lointaine, en compagnie de personnages simples et sympathiques ou érudits qui vont combler les lacunes de la mère et du fils. Voilà de quoi vous intéresser à l'astronomie, à Shakespeare, mais aussi à renouer avec Borges, Rainer Marie Rilke et autres auteurs célèbres. Maud Simmonot cite ses sources en fin de livres.
On appréciera l'écriture délicate, poétique, les émotions comme l'abandon, la différence, la solitude mais aussi la quête de quiétude et la sensibilité à fleur de peau de Mary.
Extraits :
Le temps est différent ici, il glisse. Dans le hall de la pension, il y a une horloge en bois. Je touche le balancier en cachette à chaque fois que je passe devant. ça me rappelle une histoire de Maman sur une horloge magique qui sonne une treizième heure après minuit...
Depuis que nous sommes sur l'île je découvre la patience de mon fils, capable de rester des heures appuyés sur les coudes pour tenir ses jumelles, et tout ça parce qu'il espère l'apparition d'un animal dont rien ne garantir la venue. Cela fait plusieurs jours qu'il a ainsi repéré le manège d'un oiseau inconnu, volant des brindilles dans un champ voisin. Cette fois-ci il voudrait le prendre en photo pour l'identifier, si nous avons la chance de le voir réapparaître. Quand nous nous arrêtons, il murmure :" Des tas d'animaux nous regardent en ce moment-même."
Posée là toute la journée derrière la fenêtre de ma chambre en compagnie d'un vieux chat, le regard perdu au-delà des collines bleues de mon enfance, je ne ressentais que l'appel du vide et une extrême fatigue. Mon existence était une eau qui coule entre les mains. Je désirais dormir, oublier et être oubliée. Ne plus jamais avoir mal...
J’aurais dû m’y attendre, je connaissais le discours freudien - « votre expérience amoureuse désastreuse s’explique par une enfance dysfonctionnelle, une psyché insuffisamment consciente d’elle-même... », cette obsession à vouloir dénicher une origine dans le passé, comme si en plus de sa peine il fallait encore chercher en quoi on était responsable de son malheur.
La maison, construite sur une lande entre la mer et la forêt, est encore plus belle que nous l’avions espéré. Une grande bâtisse en bois, deux étages au plafond bas dont les pièces déclinent des camaïeux de gris et de verts. Des tonalités douces, assourdies, reposantes.
Ce que je ne lui dirai pas, pas tant qu’il sera enfant, c’est combien je peux le comprendre et me retrouver en lui. Moi à qui on reprochait d’être trop exaltée, trop sensible, et d’absorber comme une éponge les émotions, les bruits, les variations de la lumière. Je connais cette démarcation invisible qui sépare toujours des autres
Si pour les sciences modernes la construction d’Uraniborg a été d’une importance capitale, pour les paysans et les pêcheurs de Ven l’arrivée de l’astronome a signifié le début de vingt années de bagne.
« Transparent », « cristal », « céleste », l’harmonie de ces mots à chaque fois me frappe. On peut concevoir que pour les observateurs de l’Antiquité, les étoiles devaient forcément résider dans un monde parfait et éternel.
Quelles qu’aient été la complexité de Brahe et les brumes recouvrant son halo glorieux, il restera cet homme qui un jour a demandé une île en cadeau pour mener la vie qu’il voulait.
L'aventure,plus qu'une interruption du cour des évènements ou un voyage vers un ailleurs inconnu et exaltant,est surtout une disposition à être dans le temps.
Voir l'invisible... J'ai passé des années à rêver à la destinée dramatique de Tycho Brahe, des journées entières à pédaler à la recherche de ces trésors et de ces débris que laissent derrière eux les hommes, de sorte que son nom sera toujours lié à l'esprit des lieux, aux forêts s'étendant à perte de vue dans la lumière de Ven, et à cet été en compagnie de Célian. Mais c'est en le regardant à l'affût, lisant l'immobilité apparente du paysage comme je serais incapable de le faire, que j'ai enfin saisi ce qui m'avait fascinée dans l'histoire de Tycho Brahe, plus encore que l'incroyable château, le nez en or ou ses découvertes scientifiques: il a su voir dans le Ciel ce que personne n'avait vu. Et je l'imagine à nouveau, ce grand Danois de trente ans réfugié en haut d’une tour, une chevêchette sur l'épaule, observant une étoile bleutée que nul n'avait jamais remarquée, calculant son emplacement exact avant de l'inscrire sur le globe céleste auquel il dédierait sa vie. Avec son visage défiguré et cette brèche en lui tout aussi béante, mieux que personne il savait que «ce sont les étoiles, les étoiles tout là-haut qui gouvernent notre existence.
Célian, allongé sur le dos à côté de moi, semble absorbé par la Voie Lactée. J'évoque ces mondes flottants qui gravitent en silence, le mouvement à la fois apparent et inimaginable de cette nuit infinie, son architecture secrète, et ces astres morts dont l brillance nous éblouit encore. Il me répond que ce qui le fascine le plus ce ne sont pas les étoiles scintillantes mais le noir entre lumières.
Biographie
Née en 1979 en Bourgogne, Maud Simmonot fut d'abord une éditrice pour Gallimard. Ayant fait des études littérraires, elle a vécu plusieurs années à Oslo. Elle s'est mise à l'écriture en 2017.
Son premier roman « L'enfant céleste » paru en 2020 a reçu d'excellentes critiques. Depuis 2023, elle travaille pour les Editions du Seuil
En savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maud_Simonnot
**************************************************
Je vous conseille de lire l'article de Wiki sur Tycho Brahe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tycho_Brahe
Mais aussi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ven_(%C3%AEle)
https://www.liberation.fr/societe/2010/11/15/etre-ou-ne-pas-etre-empoisonne_693570/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.