L'histoire
La narratrice, 47 ans, quitte la ville pour s'installer dans un coin isolé de la mer Baltique, un polder. Elle trouve une petite maison, et va travailler comme serveuse pour son frère qui possède un café sur le port. Isolée, elle se lie d'amitié avec la trop exubérante Mimi et entame une relation avec le frère de celle-ci.
Mon avis
Judith Hermann, écrivaine allemande a comme thèmes de prédilection la solitude et le chemin de vie. Ce dernier roman abord le thème de refaire sa vie à 50 ans. Pour la narratrice, il s'agit d'aller s'installer dans un milieu hostile, en bord de mer baltique. Un lieu qui vit surtout l'été grâce aux touristes, mais qui reste le plus souvent isolé et voué à l'ennui.
Si elle reste très attachée à son ex-mari avec lequel elle entretient une correspondance régulière, elle ne voit pas souvent sa fille, partie à 18 ans faire une sorte de tour du monde. Sur place, elle fait la connaissance de Mimi, sa voisine, artiste peintre à la fois exubérante et ayant un avis sur tout, ce qui laisse d'ailleurs la narratrice de marbre. Son frère Sasha est reconnu pour être un peu flemmard et il vient de tomber follement amoureux de Nike, une jeune femme de 20 ans qui a subi les mauvais traitements de sa mère, semble se prostituer et porte en permanence des talons très haut et beaucoup de maquillage. Et puis il y a Alrid, le frère de Mimi qui gère seul une ferme de 1 000 cochons, un homme taciturne qui ne pose pas de questions et ne se livre pas. N'importe qui aurait envie de fuir cet univers triste, aux étés chauds mais aux hivers très froids et surtout qui subit une sécheresse qui affecte les récoltes.
Mais la narratrice semble s’accommoder de cet univers. Elle aime la solitude, et cela depuis longtemps. Elle lit, commence par s'occuper du jardin puis laisse tomber. Car mine de rien, entre le travail exigeant du bar-petite restauration du frère, les balades avec Mimi, les visites chez Arild et chez les parents chaleureux de celui-ci, finalement les journées sont occupées.
Mais il y a un indicible sentiment d'angoisse latente, dans ce paysage monotone. On sent bien que chaque personnage est ici parce que c'est comme cela et qu'il n'a pas voulu ou pu changer de destin. Et le cas tragique de Nike, cette jeune femme tellement maltraitée dans l'enfance (sa mère l'enfermait dans une caisse et la frappait), qui a perdu ses dents et qui aurait plus sa place dans un hôpital psychiatrique que sous la houlette de Sasha qui en est fou amoureux. Triste destin de ces femmes oubliées au bout du monde ! Et puis ce paysage de mer, mais une mer peu engageante, remplie d'algues et de vase, puisque l'endroit se situe dans un polder et où on vit aux rythmes des marées. Les maisons sont simples et peu meublées, et l'on mange du hareng, et des légumes racines, des tartines de pain noir, et on boit du thé chaud ou glacé.
Déroutant roman, sublimé par l'écriture toute en douceur de l'autrice, ce roman parle de l'enfermement, et de la solitude choisie ou subie, dans un univers particulier. Il ne nous explique pas le choix de la narratrice, et dépeint la vie quotidienne de celle-ci qui repense à son passé, un passé morne (elle était ouvrière dans une usine de cigarettes), un mari gentil mais limite survivaliste qui entasse des tas de choses dans son appartement et une fille, élevée de façon libre qui donne peu de nouvelles depuis qu'elle a quitté le foyer, juste ses coordonnées GPS.
Soit on adorera ce monde où il ne se passe rien, malgré l'allusion au dérèglement climatique et le sort de ces femmes qui n'ont pas trouvé l'amour véritable ou un sens à leurs vies, soit on sera rebuté d'emblée de jeu par le style concis mais sans aucune révélations. A lire entre les lignes.
Biographie
Judith Hermann est une
écrivaine allemande née en 1970 à Berlin.
En 1998, alors
qu'elle est journaliste, elle publie un recueil de nouvelles intitulé
Maison d'été, plus tard qui connaît un grand succès dans son pays
(vendu à plus de cent mille exemplaires). Traduit dans de nombreuses
langues, ce premier livre rassemble des histoires reflétant la vie
quotidienne des jeunes adultes à la fin des années 1990.
En 2003
paraît son second recueil Rien que des fantômes dont les histoires
ont pour cadre les pays qu'elle a eu l'occasion de visiter. Il est
adapté au cinéma en 2006 par Martin Gypkens.
En 2010 (traduit en
2012 en français), elle publie Alice.
En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Judith_Hermann et ici https://www.judithhermann.de/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.