L'histoire
Relire en 2024 le plus célèbre roman de Jane Austen nous permet de mesurer le chemin accompli par les femmes pour être égales aux hommes (et encore).
La famille Bennet vit dans une grande maison à Longbourn. Elle est composé d'un père, homme nonchalant qui se réfugie dans sa bibliothèque pour échapper à sa femme, sotte et caractérielle. Celle-ci n'a qu'une obsession : marier ses 5 filles, et si possible conclure de beaux mariages. Cette famille appartient à la « gentry », ses propriétaires rentiers qui vivent en général de revenus du fermage. Jane l'aînée est une jeune fille pudique, réputée pour sa beauté. Élisabeth, dite Lizzie brille pour son intelligence, ses remarques parfois acerbes. Les 3 autres sœurs, Marie qui préfère la solitude, la lecture et le piano apparaît peu. Les deux dernières Kitty et Lydia ont hérité de leur mère de la frivolité, d'un manque de retenue et d'une éducation solide.
Alors quand on apprend qu'un jeune homme riche vient s'installer dans la propriété voisine, Madame Bennet n'a qu'une idée en tête : marier l'une de ses filles, Jane, la plus joli à l'héritier. Celui est accompagné d'un jeune homme hautain, Monsieur Darcy, extrêmement fortuné, qui se moque sans nuance de ce petit monde provincial, un peu vulgaire et peu éduqué. Lizzie surprend une conversation où elle est traitée d'insignifiante par ce Monsieur Darcy dont l'orgueil l'horripile. D'autant que celui-ci, conquis par l’intelligence de la jeune femme lui fait une demande en mariage maladroite que Lizzie ne peut accepter. Toutes fois, lors d'un voyage avec sa tante et son oncle dans le Derbyshire (plus au nord), elle visite la magnifique demeure de Pemberley et est accueillie avec une grande politesse par ce même Monsieur Darcy qui fait preuve d'une grande diligence à son égard.
Mon avis
Jane Austen est réputée pour être l'une des plus grandes romancières anglaises de son temps et jouit encore aujourd'hui d'un grand prestige. Cette jeune femme née d'un pasteur mènera une existence tranquille, mais écrira 7 romans qui feront tous l'objet d'adaptation cinématographiques ou télévisuelle.
En fin psychologue, Austen travaille ses personnages, quitte à les pousser un peu dans l'extrême comme pour Madame Bennet ou le prétentieux et obséquieux révérend Collins. Mais ici, ce sont les femmes qui ont la parole. Tout le roman est vu du point de vue de Lizzie, et les scènes qui se jouent hors de sa vue lui sont racontées sous forme de lettres. On écrivait beaucoup dans cette Angleterre frappée par des guerres contre la France, et ne pouvant se rendre à l'étranger, comme il était coutume pour parfaire l'éducation des jeunes femmes, on redécouvrait le pays. Mais le charme bucolique ne l'intéresse pas. En quelques phrases, elle décrit l'environnement, mais ne s'y attache que lorsqu'il sert l'action. Lizzie ne tombe-t-elle par amoureuse de Darcy après sa visite dans l'immense demeure de Pemberley ?
Il y a 3 mariages dans cette histoire : le triste mariage entre Lydia et un soldat Wickham qui se révèle un parfait voyou, ce que Lydia, tellement fière d'être mariée, sans se rendre compte qu'elle a déshonoré sa famille en s'enfuyant d'abord avec le jeune homme, ne voit pas. Si on apprend les méfaits de cet homme aussi menteur qu'intéressé par l'argent lors de la lettre qu'envoie Darcy à Élisabeth après le refus cinglant qu'elle lui oppose, c'est encore Darcy qui règle le problème du mariage forcé avec Lydia et règle les dettes importantes de l'homme.
Mais cela Lizzie ne l'apprend que par une bourde de sa sœur stupide et prétentieuse. Elle remet alors en question ces propres préjugés à l'égard d'un homme qui confessera n'avoir pas été corrigé dans son éducation à son orgueil. Mais l'orgueil Elisabeth en a aussi, tout comme Darcy des préjugés. Si tous les deux sont lucides au sujet du manque de politesse de Madame Bennet et de sa mauvaise influence sur ces deux cadettes, eux aussi ont leurs défauts, mais l'honneur de savoir les reconnaître. L'autrice ne donne aucune précision sur l'avenir de ce couple : Lizzie saura-t-elle gérer un domaine comme Pemberley, sans lasser son époux ? Le dernier couple formé par Jane et Bingley, l'ami de Darcy, influençable et flanqué d'une sœur rancunière saura-t-il préserver sa fortune, tous deux ayant le cœur sur la main.
Mais surtout Austen revendique les mariages d'amour et non de convenances. Hors pour les jeunes femmes issus de la « gentry » ou la petite bourgeoisie, seul l'avenir ne pouvait être assuré par un mariage digne. C'est d'ailleurs pour cette raison que Charlotte, l'amie de Lizzie finit par épouser le pasteur Collins qu'elle n'aime pas, tant le personnage est obséquieux, même si il traite avec respect sa femme. Les femmes pauvres étaient obligées de travailler, et dans la grande aristocratie des Lords, les mariages étaient aussi arrangés pour accroître le patrimoine commun.
Hors Lizzie ne veut pas épouser un homme qu'elle n'aimerait pas et qui lui déplairait. De plus son impertinence, et ses petites taquineries en font une femme peu banale, mais qui reste attachée à son sens de l'honneur.
Quelques années plus tard, Charlotte Brontë, avec Jane Eyre poussera encore plus loin cette idée d'une femme indépendante, qui préfère gagner sa vie que de se soumettre.
Mais nous relisons ce livre en 2024 où les droits de femmes se sont améliorés par rapport à l'époque où fut publié le livre. Par le romantisme de ses histoires d'amour, il est fort à parier que peu de lecteurs ou de lectrices (le livre fut un véritable succès d'autant qu'il fut publié sous pseudonyme) ont compris le message. Car Austen procède par petites touches, comme dans un tableau impressionniste. Les impertinences de Lizzy ou l'orgueil de Darcy sont très vite contrebalancés par de bonnes actions. De plus l'autrice ne se prive pas elle-même d'humour, dans certaines phrases qu'elle fait dire à ses personnages.
N'oublions pas aussi le courage de Miss Austen car une femme écrivain était très mal vu à l'époque et c'est sur l’insistance de son frère que le roman paru en 1817 sous le nom de sa seur.
Des nombreuses adaptations cinématographiques ou télévisuelles, on retiendra la version de la BBC de 1995 qui fit de l'acteur anglais Colin Firth une star Outre-manche, dans une adaptation jugée comme la meilleure.
Extraits
Le ciel m’en préserve! J’en serais au désespoir. Peut-on trouver aimable un homme qu’on veut détester? Ne me souhaitez pas pareil tourment.
Vous êtes trop généreuse pour vous jouer de moi ; si vos sentiments sont encore ce qu’ils étaient au mois d’avril dernier, dites-le-moi franchement ; mes désirs, mes affections n’ont point changé, mais un mot de vous les forcera pour jamais au silence. » Sentant tout ce qu’avait de pénible et d’embarrassant la position de Darcy, elle sut vaincre son émotion, et aussitôt, quoique avec hésitation, elle lui donna à entendre que depuis l’époque qu’il désignait, ses sentiments avaient éprouvé un changement suffisant, pour lui faire recevoir, avec reconnaissance et avec plaisir, les vœux qu’il lui adressait. Réponse délicieuse qui le combla d’une joie telle, que sans doute il n’en avait jamais éprouvé de pareille : aussi l’exprima-t-il avec une chaleur, une sensibilité qui ne sauraient être bien comprises que par celui-là seul qui a sincèrement aimé. Si Élisabeth avait pu lever ses regards sur les siens, elle aurait vu combien cette douce expression de bonheur, répandue dans tous ses traits, en tempérait agréablement la dignité ; mais si elle ne put le regarder, du moins elle savait l’écouter, et il l’entretenait de sentiments, qui, en prouvant combien elle lui était chère, rendaient à chaque instant son attachement plus précieux.
Depuis le commencement, je pourrais dire dès le premier instant où je vous ai vu, j’ai été frappée par votre fierté, votre orgueil et votre mépris égoïste de sentiments d’autrui. Il n’y avait pas un mois que je vous connaissais et déjà je sentais que vous étiez le dernier homme du monde que je consentirais à épouser.
Je lui aurais volontiers pardonné son orgueil s'il n'avait tant mortifié le mien
Je n'aime véritablement que peu de gens et en estime moins encore. Plus je connais le monde et moins j'en suis satisfaite. Chaque jour appuie ma conviction de l'inconséquence de tous les hommes et du peu de confiance qu'on peut accorder aux apparences du mérite et du bon sens.
Mon caractère, je ne saurais m'en porter garant. Je crois qu'il manque de souplesse. Il est sans doute trop rigide, en tout cas au goût des gens que je fréquente. Je ne parviens pas à oublier les folies et les vices d'autrui aussi vite qu'il le faudrait, ni les torts qu'ils m'ont fait subir. On ne réussit pas à m'influencer chaque fois que l'on me flatte. Je suis d'une humeur qu'on pourrait qualifier de rancunière. Quand je retire mon estime, c'est pour toujours.
Lettre de Mr. Bennet à Mr. Collins : « Cher Monsieur,
Je vais vous obliger encore une fois à m'envoyer des félicitations. Elizabeth sera bientôt la femme de Mr. Darcy. Consolez de votre mieux lady Catherine ; mais, à votre place, je prendrais le parti du neveu : des deux, c'est le plus riche.
Tout à vous. Bennet. »La vanité et l'orgueil sont deux choses bien distinctes, bien que les mots soient souvent utilisés l'un pour l'autre. On peut être orgueilleux sans être vain. L'orgueil a trait davantage à l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes, la vanité à ce que nous voudrions que les autres pussent penser de nous.
C'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l'on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu'il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l'esprit de ses voisins qu'ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l'une ou l'autre de leurs filles.
L'imagination des femmes court vite et saute en un clin d'oeil de l'admiration à l'amour et de l'amour au mariage.
Oh ! Mr. Bennet, parler ainsi de ses propres filles !... Mais vous prenez toujours plaisir à me vexer ; vous n'avez aucune pitié pour mes pauvres nerfs !
- Vous vous trompez, ma chère ! J'ai pour vos nerfs le plus grand respect. Ce sont de vieux amis : voilà plus de vingt ans que je vous entends parler d'eux avec considération.Quel joli divertissement pour la jeunesse que la danse, Mr. Darcy ! À mon avis, c’est le plaisir le plus raffiné des sociétés civilisées. – Certainement, monsieur, et il a l’avantage d’être également en faveur parmi les sociétés les moins civilisées : tous les sauvages dansent.
Il aimait la campagne, les livres, et de ces goûts avait tiré ses principales satisfactions. À sa femme il n'était guère redevable que, pour son ignorance et sa sottise, d'une part de son amusement. Ce n'est pas le genre de contentement qu'en général un mari souhaite devoir à une épouse. Mais, lorsque font défaut d'autres moyens de se procurer de la distraction, le véritable philosophe se satisfait de ceux qui lui sont offerts.
M. Collins assurément n'avait ni jugement ni charme ; sa compagnie déplaisait, et son attachement devait être imaginaire. Il n'en resterait pas moins son mari. Sans se faire une haute idée des hommes ou de la vie conjugale, elle s'était toujours fixé pour but le mariage. C'était la seule ressource honorable laissée aux jeunes femmes de bonne éducation et de maigre fortune et, malgré l'incertitude du bonheur qu'il offrait, nul autre moyen plus attrayant n'existait pour elles de se préserver du besoin. Cette garantie, elle la possédait maintenant et, à l'âge de vingt-sept ans, n'ayant jamais été belle, elle se rendait parfaitement compte de sa chance.
Vanity and pride are different things, though the words are often used synonymously. A person may be proud without being vain. Pride relates more to our opinion of ourselves, vanity to what we would have others think of us.
From the very beginning— from the first moment, I may almost say— of my acquaintance with you, your manners, impressing me with the fullest belief of your arrogance, your conceit, and your selfish disdain of the feelings of others, were such as to form the groundwork of disapprobation on which succeeding events have built so immovable a dislike; and I had not known you a month before I felt that you were the last man in the world whom I could ever be prevailed on to marry.
Obstinate, headstrong girl! I am ashamed of you! Is this your gratitude for my attentions to you last spring? Is nothing due to me on that score? Let us sit down. You are to understand, Miss Bennet, that I came here with the determined resolution of carrying my purpose; nor will I be dissuaded from it. I have not been used to submit to any person's whims. I have not been in the habit of brooking disappointment.
Biographie
Née à Steventon,
Hampshire , le 16/12/1775 et décédée à Winchester, Hampshire ,
le 18/07/1817, Jane Austen est une femme de lettres anglaise.
Elle
fait partie d'une fratrie de huit enfants. Son père, George Austen,
est pasteur ; sa mère, Cassandra Austen (née Leigh), compte parmi
ses ancêtres sir Thomas Leigh, qui fut lord-maire sous le règne de
la reine Elisabeth.
Les revenus de la famille Austen sont
modestes mais confortables. En 1782, Jane et Cassandra, sa sœur,
sont envoyées à l'école à Oxford, puis à Southampton et à
l'Abbey School de Reading.
Après une éducation brève, qu'elle
complète grâce à la bibliothèque paternelle et aux conversations
familiales, Jane commence à écrire. Elle va travailler avec
acharnement (pratiquement jusqu'à sa fin prématurée), malgré une
relation amoureuse douloureuse, la mort de son père et la maladie,
dont elle va mourir à quarante-deux ans.
Parmi ses romans les
plus célèbres, on cite : "Raison et Sentiments" (1811),
"Orgueil et Préjugés" (1813), "Mansfield Park"
(1814), "Emma" (1815), "Northanger Abbey" (1818)
et "Persuasion" (1818).
Ses romans sont devenus de
grands classiques de la littératures anglo-saxonne et romantique.
Nous restent également ses "Juvenilia" ainsi que sa
correspondance avec ses sœurs et nièces.
En Angleterre, le
succès de Jane Austen est tel qu'en 2017 elle est la deuxième
femme, après la reine d'Angleterre, à figurer sur les billets de
banque.
En savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Austen
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