L'histoire
Qui connaît aujourd'hui Trotula Ruggério, fille d'un médecin dit « El médico » et d'une femme sage-femme ? Pas grand monde, alors que cette dame hors du commun fut officiellement la première femme médecin d'Italie, dont les découvertes sont aujourd’hui parmi les bases de la médecine. C'est ce destin incroyable que nous raconte H. Chardak qui s'est longuement documentée avant d'écrire ce livre passionnant.
Mon avis
L’Histoire, influencée par les religions, a souvent omis ou oublié certaines femmes de grands talents. Et parmi elles, on trouve une certaine Trotula (petite truite en italien) née en 1050 à Salerne (actuellement en Campanie). A cette époque où l »Italie n'était pas un pays unifié, mais divisé en une dizaine d'états, qui étaient en guerre les uns contre les autres, sans parler de la main-mise voulue par le « Norrois Robert, Salerne jouissait d'un statut particulier. C'était une capitale intellectuelle, mais surtout renommée pour son école de médecine où l'on coutoyait des experts venus des pays méditerranéens, des philosophes, et l'on parlait plusieurs langues, le latin, mais aussi le persan, l'hébreu et autres langues.
Très jeune Trotula se décida à devenir médecin. L'école de médecine n'acceptait pas de femmes, à moins qu'elles ne soient mariées et de bonne famille. La jeune femme épousa un jeune homme lui même médecin-urologue qui l'encouragea dans ses études. On ne délivrait pas de diplômes mais juste le droit d’exercer.
Très vite Trotula s'intéressa à la gynécologie. A cette époque, l'accouchement n'était pas une partie de plaisir, et de plus beaucoup de femmes mettaient au monde des morts-nés ou des enfants difformes qui ne survivaient pas longtemps. Trotula comprit assez vite que ces naissances mauvaises étaient dues à la mauvaise hygiène de vie des patientes, à l'abus d'alcool et de nourritures trop riches et grasses. Elle mis au point des onguents pour facilité l'accouchement et des anesthésiants issus de plantes, dont elle avait compris les pouvoirs et qui font aujourd’hui partie de nos pharmacies (où imitées par la chimie plus rentable). On sait que le thym est un anti-biotique naturel, associé au citron et au miel. Comme la sauge est une plante qui aide les femmes dans les douleurs des menstrues, ou la reine des prés favorise l'élimination. Tout est bien sur une notion de posologie que la jeune médecin appris à doser. On dit aussi qu'elle mis fin à des grossesses non désirées par injection de plantes (comme l'armoise) sans triturer le corps.
Avant tout, elle prônait une hygiène de vie comme la propreté aussi bien au foyer que pour les individus. Elle préparait des savons, des onguents pour assouplir la peau et la rendre plus belle, diminuer l'acné ou les varices.
Féministe avant l'heure, elle revendiqua toute sa vie son statut de médecin, faisant fi des commérages et ne fut jamais inquiétée, là où quelques siècles plus tard on brûlait vive les « sorcières ». D'ailleurs elle refusait le patriarcat et ne se maria qu'avec un homme qui la traitait en égale mais l'aidait dans ses recherches.
Présenté sous forme de mémoires à ses futures élèves, l'histoire personnelle de Troubla se mêle aussi avec la grande histoire. Heureusement Falerne fut épargnée par les conflits tant sa renommée dans le monde était respectée. Ce qui ne l'empêchait pas de soigner tous les blessés de guerre, les pauvres comme les riches, en ne faisant pas payer les plus pauvres, tous étant égaux. Des encarts insérés par l'autrice nous donnent les preuves scientifiques de certaines plantes utilisées par Troubla. Jamais elle ne pratiqua de césarienne « à vif » mais toujours à l'aide de plantes anesthésiantes savamment dosées, ni aucun acte nécessitant le scalpel sans tout faire pour atténuer les douleurs. Sa renommée grandit et des femmes venues des autres états italiens mais aussi de pays plus lointains la consultèrent, et furent soignées ou soulagées. Déjà à l'époque on avait identifier certains cancers (on ôtait les tumeurs) mais il n'y avait pas de traitement de fond comme les chimiothérapies. Troubla trouva quand même de remèdes pour soulager la douleur, et parfois soigner à base de cataplasmes les tumeurs les moins avancées.
Troubla écrivit aussi des traités (traduits du latin à l'italien).
En France, il fallut attendre 1759 pour qu'Angélique de Coudrai fasse paraître un ouvrage « l'abrégé des accouchements », puis que Marie-Louis Dugès-Lachapelle ouvrit dans la foulée la première école de sages-femmes où elle forma près de 20 000 femmes, soit plus que les médecins à la même époque. Il fallut encore attendre la fin du 19ème siècle pour que les femmes soient admises à l'école de médecine.
Le livre donne une liste impressionnantes des documents consultés par l'autrice, ainsi que les noms français et latins des ingrédients utilisés dans la pharmacopée de l'époque.
Notons aussi que la philosophie de Trotula De Ruggério a toujours plaidé pour une vie saine : hygiène rigoureuse, nourritures saines et sans abondance (elle limitait l'usage de la viande rouge à une fois par semaine . Étrangement, l'OMS a récemment publié une recommandation estimant que la consommation de viande rouge 2 à 3 fois par semaine. Elle prônait aussi des promenades quotidiennes au bon air.
Ce gros ouvrage de 524 pages, hors les notes de l'autrice est captivant. Il ne nous donne pas de recettes pour nous soigner, laissons faire les spécialistes, mais retrace une époque où les femmes aussi avaient du talent.
Il nous permet surtout de comprendre comment notre corps de femme réagit de façon globale et nous propose une immersion dans un monde lointain et pourtant proche, tant les découvertes de Trotula font écho à notre contemporain.
Extraits
je vous propose cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=4inI6ShdsTI&t=6s
Biographie
Diplômée du
conservatoire de musique de Besançon et de l'école de journalisme
de Strasbourg, Henriette Chardak est journaliste, réalisatrice de
documentaire et auteur. Elle est également licenciée en
journalisme, presse écrite et audiovisuelle, techniques de
l’information et anglais de l'université de Strasbourg.
Elle
débute aux Dernières Nouvelles d'Alsace comme journaliste et
dessinatrice. Elle publie également dans Le Point et Ciel et
Espace.
Elle participe aux débuts de Radio Nova, et chronique
également sur Ici et Maintenant !.
Elle rencontre ensuite le
réalisateur Ken Russell, qu'elle suit en Angleterre. Elle fait
également la connaissance de Roger Daltrey, de The Who.
Voulant
devenir assistante à la réalisation, elle est finalement embauchée
à Antenne 2 par Armand Jammot. Elle devient également scénariste
pour la chaîne et réalise de nombreuses productions.
Henriette
Chardak diversifie son parcours et devient aussi peintre,
auteur-compositeur, metteur en scène, photographe et scénariste.
En tant qu'écrivain, elle a publié Élisée Reclus, l’homme
qui aimait la Terre (Stock, 1997) et de Tycho Brahé, l'homme au nez
d'or et Johannes Kepler, le visionnaire de Prague, les deux premiers
volets de la collection "Les rêveurs du ciel " (Presses de
la Renaissance, 2004).
En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henriette_Chardak
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