L'histoire
Tup
et Doris tiennent une ferme laitière dans le Maine. Même aucun des
deux n'avaient la vocation de devenir fermier, ils ont repris la
ferme familiale de Tup, l'on réaménagée et y vivent avec leurs
trois enfants que Doris couve. Les 3 enfants travaillent aussi à la
ferme selon leurs capacités. Sunny l'aîné de 14 ans semble déjà
aimer cet endroit, vaste, longé par un ruisseau. Sa sœur 11 ans,
aime lire et aide déjà sa mère aux plantations. Puis le petit
dernier Beston, joue tranquillement, dans cette ambiance bucolique et
protégée.
Mais un jour, alors que les 3 enfants jouent avec un
vieux pistolet qu'on croyait rouillé et sans cartouche, Sunny est
tué par une balle perdue sans que personne ne sache vraiment qui a
tiré. Pour Doris qui avait donné le revolver aux enfants c'est la
lente et sombre descente vers la dépression, le mutisme. C'est Dodie
et Beston qui font tourner la ferme, aidé par le père Tup qui a
trouvé un refuge en ville dans les bras d'une femme à laquelle il
fait une fille. Le chemin de la reconstruction est difficile et il
faudra du temps, beaucoup de temps pour retrouver un semblant de
normalité.
Mon avis
Incroyable succès de libraire pour ce premier roman de Meredith Hall, ce que j'ai un peu de mal à comprendre.
L'histoire s'étale sur 30 ans, et est racontée tour à tour par les différents membres de la famille, surtout Tup, le père, un homme qui s'imagine droit, mais qui est incapable de comprendre le chagrin infini de sa femme. Doris en effet, ne sort pas de sa chambre pendant plusieurs mois, puis devient mutique. Elle ne s’occupe pas des deux autres enfants, et n'aide pas à la ferme. Elle refuse toute thérapie, se sentant coupable, et revient très longtemps à un semblant de vie : préparer les repas, et aider Dodie qui a pris en charge tout le monde. Le personnage emblématique de ce roman, cette enfant qui devient femme élève son petit frère, tente de soutenir sa mère, tout en étant une excellente élève. Et l'on s'aperçoit que le travail dans une ferme familiale dans les années 40/50 n'est pas de tout repos. Il faut sortir les vaches puis les traire, castrer les veaux pour rester dans un équilibre de production. Mais il faut aussi laver le poulailler, couper les herbes pour en faire du foin, couper le bois de chauffe pour l'hiver, faire les semis selon les saisons, puis enrichir la terre du fumier conservé, entretenir cette vieille bâtisse.
Mais sur l'intrigue franchement il n'y a pas de quoi s'extasier. C'est mignon, triste, bucolique, mais l'autrice n'a pas su trouver la force des mots pour expliquer la douleur du deuil, ni faire monter en tension le malaise qui s’accroît entre Tup et sa femme. Certes quelques engueulades où les mots qu'on aurait pas du dire sont sortis sans intention de les dire, mais le tout bien enrobé de cette gentillesse et de cette fausse politesse qui baigne le roman. Ici on croit en Dieu, on récite la prière avant le repas. Doris, cette femme faible, ne cherche pas à sortir de ce chagrin, ne s'émancipe pas du tout, tout comme sa fille Dodie qui aurait pu et du faire des études supérieures et avoir un métier plus épanouissant que traire les vaches. Le père tout puissant trompe sa femme qui se refuse à lui, mais certain de son bon droit, et ne reconnaît pas plus l'enfant qu'il a fait à sa maîtresse que de s'occuper de l'éducation des enfants qui restent, qui eux aussi vivent dans le chagrin. Certes nous sommes en 1950, et les droits de femme ne sont pas bien grands, surtout dans ce milieu rural qui vit en vase clos, où la gentillesse des habitants est aussi proportionnelle aux ragots discrets. Bref nous ne sommes pas dans la force d'un roman comme Betty de Tiffany Mc Daniel dont l'écriture forte et l'engagement ne laissent planer aucun doute.
Ce genre littéraire, qui tourne un peu en rond sur lui-même peu plaire par son coté bucolique et suranné, qui renvoie à l'Amérique profonde et bien lissée par l'autrice. Mais pour moi cela ne suffit pas. Et si la famille finit par se retrouver dans un happy end évident, il manque ce souffle et cette pulsion qui nous entraîne dans une lecture appétissante.
Extraits
Autrefois, je croyais au bonheur. Je n'avais pas compris que nous ne parvenons jamais totalement jusqu'à cet univers-là. Nous le visitons lors de moments miraculeux, puis nous voyageons dans d'autres univers et, si nous avons un tant soit peu de sagesse, nous refusons l'amertume ou le regret quand le bonheur s'en va.
J'avais imaginé des vies de bonheur pour mes enfants, des vies dépourvues de toute appréhension de chagrin. Les leur avais-je promises ? J'espère que non. Petits, ils ont connu le bonheur, le vrai bonheur. La joie au quotidien. Ont-ils mal compris, pensant que cette joie les accompagnerait toute leur vie.
Pour tout, désormais, il y a un avant et un après. L'avant s'apparente à un rêve, le maintenant et l'après exigent quelque chose que nous ne possédons pas encore.
J’ai toujours cru que l’amour était joie. Que si l’amour nous lie, nous sommes assurés de toucher la grâce. L’amour nous lie, nous les Senter. Mais il ne nous a assurés de rien d’autre que de lui-même. Nous nous aimons. Tout peut arriver.
Doris a toujours dit que je vivais trop dans ma tête. Désormais, ce n'est plus un sanctuaire. Tout ce qui peut nous aider, c'est trouver un moyen de laisser le passé et ma terrible défaillance suivre le cours de cette rivière impitoyable.
Papa dit que nous oublierons certaines choses, que l'oubli est une bénédiction cachée à l'intérieur des mauvaises choses.(…) J'ignore où est la différence entre oublier et se souvenir
Aujourd'hui, les ormes surplombent la maison, et l'été ils la préservent du soleil. J'ai toujours dit aux enfants qu'ils étaient comme des gardiens qui nous protégeaient du mal. Pour autant, elles sont nombreuses, ces fermes protégées par de vieux ormes, où les fils et les maris ne sont jamais rentrés de la guerre - rien probablement ne peut nous épargner ce genre de malheur. Mon esprit n'est pas capable d'élaborer de telles pensées.
Ma ferme et toutes les promesses qu'elle recelait étaient nichées à l'intérieur de l'espace délimité par nos clôtures.
J'aime beaucoup la couture, surtout le bourdonnement paisible de la machine qui tire son fil dans du tissu de qualité. J'aime sentir la présence de Best et de Papa dans mon dos, occupés à lire, le bruissement doux et mesuré de ma couture comblant tous les nouveaux silences de cette vieille maison, les respirations de la machine à coudre dans cette pièce où tant de silence est retenu.
Personne ne peut savoir ce qui va arriver. Vous rencontrez un homme, vous l’épousez, et vous découvrez si vous avez fait ou non le bon choix. Si c’est le cas, vous vous aimez et vous travaillez dur, puis vous avez votre premier bébé, et tout ce dont vous avez rêvé change dès l’instant où vous le tenez dans vos bras, où vous lui donnez à manger et le voyez scruter votre visage. J’avais dix-neuf ans à la naissance de Sonny est né, puis Dodie et plus tard Beston, j’étais disposée à renoncer à la vie que nous avions, Tup et moi, et à laisser mes enfants prendre cette place. Je le suis plus que jamais.
Je sais que mes enfants et mon mari m’appellent à l’aide. J’entends leurs voix, faibles et indistinctes, depuis une rive lointaine. J’aimerais répondre. Le vent et les remous du courant me portent loin d’eux. Quand je me tourne pour leur répondre, tous, nous n’entendons que le rugissement de la tempête.
Dieu est avec nous à chaque instant, Dodie, quoi qu'il se passe. Il est là dans ce que nous aimons, dans ce que nous trouvons beau et bon, et Il est là aussi dans chaque chose difficile et terrible. Dans tout cela, il y a Dieu.
Comme il est agréable, chaque jour au réveil, de se lever et de poser les yeux sur cette terre. Certains matins d'été, quand le brouillard au sol étreint la terre chaude, les arbres bordant les prés de fauche prennent des allures spectrales. Puis, lentement, le brouillard se lève et se dissipe, de sorte qu'au moment où je m'attelle à la vaisselle du petit déjeuner, le soleil façonne les ombres vives de la clôture barbelée, comme de longs points de couture bien nets qui nous attachent à cet endroit.
Personne ne prétend que Daniel sert de remplaçant. Mais c’est un garçon gentil et affectueux, très intelligent, aux yeux gris, doux et attentifs. Il était l’ami de Sonny, et sur certains plans il lui ressemble. Les jours où il se joint à nous à table, Beston et moi sommes entraînés dans des conversations avec mon père. L’atmosphère se détend. Il nous aide, Beston et moi, à laver la vaisselle, et ces soirs-là, ma mère ne sort pas, elle reste assisse sur sa chaise, nous écoute parler, et mon père reste boire son café.
Daniel est un garçon très sérieux. Nous n’avons jamais reparlé une seule fois de ce jour-là. Mais il lui arrive parfois de prononcer le nom de Sonny, lorsqu’il évoque une histoire ou un souvenir. Au début, nous nous raidissions sous l’effet de … quoi ? La peur ? La honte ? D’un chagrin si vaste qu’aucun mot ne peut le circonscrire ? Mais Daniel avait persisté, factuel, et peu à peu, nous nous étions habitués à ce que notre fils, notre frère, vive de nouveau dans notre mémoire partagée.
Biographie
Meredith Hall, née en 1949, est une
écrivaine et professeur émérite à l'Université du New Hampshire.
En 2007, elle publie ses mémoires, Without a Map, immédiatement
reconnus outre-Atlantique comme un classique du genre. Elle collabore
régulièrement avec Five Points, The Gettysburg Review, The Kenyon
Review, ou encore The New York Times. "Plus grands que le monde"
est son premier roman.
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