L'histoire
Sous le titre principal, se trouve une annotation « 100 contes vrais et autres histoires de la vie ordinaire ». Un charmant livre où ici sont rassemblées les petites histoires dont on ne parle jamais, qui ne font pas la Une des journaux. Des petites vies du quotidien avec pourtant ce qu'elles ont de magnifique.
Mon avis
Voilà un livre délicat qui pourra se retrouver sous le sapin de Noël, tant il est agréable à lire, et qui peut se lire un peu comme on veut. Par petits chapitres ou tout d'un seul, ce sera le choix de chacun.
Simplement structuré en 4 saisons , puis par les mois qui composent les dites saisons, avec minutie, l'autrice a recueilli des petites histoires pas banales vécues réellement par des personnes tout à fait ordinaires. Un travail de fourmi, pour retrouver ses anonymes qui n'ont pas découvert la théorie de la relativité ou l'Intelligence Artificielle, mais qui ont eu des vies ou des petits moments de vie extraordinaires.
Avec finesse, sans mots superflus, nous faisons un tour du monde de ces petites gens qui eux aussi ont fait des travaux de fourmi. Comme ce musicien à la mémoire infaillible qui a recueilli les chants et poèmes des personnes détenues dans les camps de concentration pour les écrire plus tard et leur rendre hommage. Voilà cette chinoise, épouse, mère de plusieurs enfants, maltraitée par son mari qui un jour, après avoir économisé sous après sous, décide de tout plaquer et faire le tour du monde d'abord dans sa petite voiture, puis l'histoire s'étant répandue (le sort des femmes en Chine au milieu du siècle dernier n'était guère enviable) a pu s'offrir un camping car, puis divorcer de son époux malsain.
Un banc public qui raconte son utilité dans les rencontres sociales ou solitaires de qui mange son repas de midi, qui lit ou fait la sieste au soleil. Au total 100 histoires tout à fait réelles qu'il a fallu découvrir dans des archives de presse ou d'autres romans.
Un vrai régal de poésie, de loufoquerie où les petits riens sont sublimés, et où on prend le temps d'avoir le temps. Et de tacler toute en finesse cette société où tout va trop vite, où tout est marchandise et où il faut toujours avoir une occupation.
Le livre est joliment illustré par Laura Francese (en noir et blanc).Ici on aime les fleurs qui poussent dans les interstices des routes, le temps qui s'arrête un instant. Émotions garanties, ce livre est un recueil spécial qui nous invite aussi à écrire nos petits moments de gloire ou nos actions amusantes, poétiques ou loufoques ? J'ai adoré.
Extraits
En août 1929, à la fois pour permettre aux usines de tourner en permanence et pour diminuer l'emprise de la religion sur les esprits et sur les vies, l'économiste soviểtique Yuri Larin invente la« semaine de travail continue» et convainc Staline de l'adopter. La semaine n'est pas seulement continue. Elle se compose de cycles de cinq jours : quatre jours de travail, un jour de repos. La main-d'æuvre est répartie en équipes de cinq personnes, chacune ayant une journée de relâche différente. Ce dont le prolétariat ne tarde pas à se plaindre:« Que voulez-vous qu'on fasse à la maison si nos femmes sont à l'usine, nos enfants à l'école et que personne ne peut nous rendre visite ? Quel genre de vie est-ce, que de se reposer par roulement et pas ensemble, comme un prolétariat uni. Ce n'est pas congé, si on est seul', » Cette réforme qui abolissait le dimanche ne dura donc pas. Mais l'idéologie insista un peu et, de 1931 à 1940, I'Union soviétique adopta la semaine de six jours, toujours pour abolir le dimanche. Mais cette fois, tout le monde eut le même jour de pause.
La carte postale a quelque chose d'un texto avec de la texture. Le grain du papier. Les pleins et les déliés de l'écriture manuscrite. Parfois, les cicatrices glanées en route, surtout quand elle fut longue. Le destinataire se surprend alors à refaire son parcours, de la boite au sac, du sac au centre de tri, du centre de tri à d'autres centres de tri et de là au sac et du sac à la boîte, la sienne, le tout effectué å pied, à cheval, à bicyclette, en voiture, en camion, en avion, allez savoir ; peut-être est-elle passée des 50°C d'un désert aux 7°C de la soute ; peut-être a-t-elle entendu parler trois, quatre, cinq langues ; peut-être a-t-elle traversé des rivières, des lacs, des mers, des océans. Et l'on imagine, enchanté, sa marche lente.
Chaque année, en mars, les autorités de Genėve surveillent comme le lait sur le feu les branches du marronnier officiel de la ville : son premier bourgeon marque symboliquement l'arrivée du printemps. Car depuis 1818, Genève entretient la traditíon qui consiste à noter sur un même parchemin la date d'éclosion de la première feuille de l'arbre (nous en sommes au quatriême marronnier officiel), Aujourd'hui, cette suite de micro-événements constitue un document précieux sur l'évolution du climat.
Quand elle visite I'Iran en 2013-2014 (à moto), l'écrívaine-voyageuse Lois Pryce constate à son tour qu'à ce hobby pourtant so british, les Iraniens, ces pique-niqueurs " forcenés", battent « à plates coutures » les sujets de Sa Majesté :« Je pensais que nous, joyeux Anglais, écrasions tout avec nos plaids écossais de voyage et nos paniers en osier, mais vous n'avez rien vu si vous n'avez pas vu un pique-nique iranien. Avec, étalée sur un tapis persan plastifié facile à nettoyer, une débauche de matériel pour le thé, des minarets de Tupperware, des pyramides de grenades et des gâteaux et des confiseries et des chichas... » Sans oublier ce qu'il faut de riz aux épices, d'herbes, de yogourts, de pastèques, de pain frais... On ne pique-nique pas, on gueuletonne.
Toutes les vies comptent, tout le temps.
La poche est le soldat inconnu de la guerre pour la libération du vestiaire des femmes.
Grandma Moses fut de ces mouflettes qui ne renoncent jamais à leur tasse aux étoiles : la vie au grand air, la contemplation des paysages vallonnés, ses préférés, et surtout, surtout, la petite robe rouge que son père lui avait promise enfant, quil n'avait pu acheter car les magasins étaient fermés le jour dit et qui s'était transformée sous l'influence de sa mère conventionnelle en terrible robe rouille. L'adulte n'avait jamais transgressé l'éducation ainsi reçue, mais dans son tableau "Sugaring Time", elle s'était représentée vêtue de la robe rouge de ses rêves.
Tant que l'homme n'est pas mort, il n'a pas fini d'être créé (proverbe peul)
En ce début de la saison des asperges, rappelons la ténacité de sa réputation aphrodisiaque. Au XIX° siècle, le pharmacien et gastronome Stanislas Martin estimait encore dans sa "Physiologie des substances alimentaires" que l'odeur particulière des urines produites après avoir mangé le divin légume trahissait régulièrement la liaison adultère.
Biographie
Sandrine Tolotti est
journaliste, créatrice de la newsletter « L'Intimiste ».
Elle a
été rédactrice en chef de la revue Books.
Elle est basée dans
la région Auvergne-Rhône-Alpes.
En savoir plus ici : http://www.premierparallele.fr/auteur/sandrine-tolotti
Son Facebook :https://www.facebook.com/p/Sandrine-Tolotti-100012416588409/
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