L'histoire
Gabrielle de Saint-Geniez, issue d'une famille bourgeoise toulousaine, aurait du épouser un mari bien loti et bien plus âgé qu'elle. Mais sa bonne fée, une archéologue qui connaît aussi bien le tout Paris et le tout Toulouse de la Belle Époque, en a décidé autrement. Très influente au sein de la famille Saint-Geniez, elle lui trouve un poste de journaliste à la Dépêche (future Dépêche du Midi). En fait de journalisme, en tant que femme, on lui refile les « chiens écrasés » ou la rédaction des annonces publicitaires. Irréprochable, Gabrielle s'exécute. Mais une fois de plus, Jane Dieulafoy, sa bonne marraine, intercède auprès des autorités et du journal et l'on confie à Gabrielle la chance de sa vie : accompagner en tant que reporter pour la Dépêche (et d'ailleurs comme seule journaliste à bord) le transfert de la France vers l'Amérique de la Statue de la Liberté, pièce monumentale que la France offre aux États-Unis construite par le sculpteur Bartholdi. Une épopée historique d'où naît l'émancipation d'une femme.
Mon avis
Le deuxième roman d'Audrey Marty, historienne d'art, qui mêle fiction et réalité historique.
Gabrielle, une jeune femme ambitieuse, très bien élevée a surtout la chance d'avoir pour marraine Jane, un archéologue qui travaille avec son mari, mais qui est connue dans le Paris mondain de cette « Belle Époque » où Haussmann reconfigure la capitale, et où commence l'ère de l’industrialisation.
Tout d'abord journaliste à la Dépêche, Gabrielle, au prix d'un petit mensonge, va se rendre en Grande Bretagne où elle est accueillie chaleureusement pour un congrès de celles qu'on surnomme les suffragettes. Elle y fait la connaissance de la première femme chirurgienne d'Angleterre Elizabeth Garrett Anderson. Elle écoute les discours de ces femmes qui veulent faire reconnaître leurs droits civiques et est convaincue par leurs idées, leurs conseils et leurs gentillesses à son égard.
De retour en France, toujours avec l'appui de sa marraine, une femme aussi indépendante, elle est envoyée sur l'Isère, la frégate de renom de l'époque qui doit transporter les 210 caisses qui composent la statue monumentale dite Lady Liberty et qui doit être acheminée vers la Baie d'Hudson. Départ le 21 mai 1885. Et voilà la jeune femme, la seule femme sur le navire, qui commence un périple non sans difficulté. La pluie et les orages se succèdent. Elle succombe au mal de mer, mais finalement s'y habitue et se lie d'amitiés avec les officiers, dont un est chargé de sa sécurité ? Dès qu'elle le peut, elle envoie le compte-rendu de la traversée au journal, où elle fait la Une. On se passionne pour ce nouveau monde, que l'on trouve très moderne. Malgré des avaries et une pose aux Açores, le navire est accueilli dans la liesse par la population. Puis il faut remonter la statue. Gabrielle profite de son séjour à New-York, ville qui l'éblouit par ces gratte-ciels pour rencontrer Mary-Louise Booth, la rédactrice en chef du Harper’s Bazaar, Joseph Pulitzer, le patron de presse à l’origine du Prix du même nom, Calamity Jane, l’héroïne du Far West et bien d’autres…
Sous forme de road-movie,
facile à lire, car l'écriture ne cherche pas à imiter le style un
peu « redondante» du 19ème siècle, on lit avec plaisir ce
livre qui mélange histoire et fiction. La première femme
journaliste à la Dépêche ne sera embauchée qu'en 1913. On suit
avec joie les aventures de cette jeune femme qui reviendra en France
auréolée de gloire. Un livre passionnant qui nous éclaire à la
fois sur la vie des femmes bourgeoises (dévouées à leurs familles
et époux) et sur les velléités d'une indépendance féminine qui
ira crescendo.
Extraits
Dans cette partie du pays, le réseau ferroviaire s’étendait sur près de cinq cents kilomètres. De nombreuses compagnies de chemin de fer se disputaient le monopole de son exploitation. En quelques années, les ingénieurs avaient su développer sur tout le territoire un maillage tentaculaire de voies ferrées, accomplissant de mon point de vue, un travail de Titans. Mary-Louise tempéra mon enthousiasme vis-à-vis de ces constructeurs de l’extrême. Le déploiement des axes de circulation s’était fait au détriment des populations indiennes que l’on avait expropriées de leurs terres, sans parler de la déviation des cours d’eau et du dynamitage des montagnes, qui avaient engendré des dégâts irrémédiables. C’était la rançon du progrès, songeai-je tristement.
Biographie
Historienne de l'art et
archiviste, Audrey Marty se passionne pour les personnalités
féminines oubliées. Son premier livre, une biographie, est paru en
2020 chez Le Papillon rouge éditeur. "Le destin fabuleux de
Jane Dieulafoy, de Toulouse à Persépolis, l'aventure au féminin"
retrace le parcours de vie atypique de cette Toulousaine, qui fut la
première archéologue française. Cette pionnière de l'archéologie
portait les cheveux courts et un pantalon et fut l'une des première
françaises à recevoir la Légion d'Honneur. Ce livre a reçu le
Prix du Lions club du Sud 2021.
Après avoir réalisé deux
ouvrages de commande pour son éditeur Le Papillon rouge, "Le
grand Toulouse et ses peintres" et "Peintres et couleurs
d'Occitanie", elle a publié une nouvelle biographie.
"Nouma
Hawa, reine des fauves, la véritable histoire de la première
dompteuse du monde" est paru en 2023 aux Editions
Métropolis.
Cet ouvrage dresse le portrait d'une lingère
ardéchoise, qui deviendra la dompteuse de lions la plus populaire de
la Belle Epoque. Elle fut l'une des rares femmes à posséder sa
propre ménagerie. Plus qu'une biographie, ce livre nous plonge dans
l'univers forain et nous permet de découvrir les premiers pas du
cirque moderne et du cinématographe, les seuls grands
divertissements que les classes populaires étaient en mesure de
s'offrir à la toute fin du XIXème siècle.
Son site :
https://www.audrey-marty.com/
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