dimanche 1 septembre 2024

Peter FROMM – Indian Creek – Gallmeister Totem n°72 - 2024

 

L'histoire

Alors qu'il est étudiant en biologie à l'université de Missoula, Peter Fromm accepte sur un coup de tête et bercé par les livres des grands aventuriers un poste de garde-champètre à Indian Creek . Pendant 7 mois, il vivra seul dans une tente et son travail consistera à surveiller un élevage d'alevins de saumons, notamment à déneiger car les hivers sont rudes dans ce coin perdu entre le Montana et l'Idaho. De cette aventure il en fera un livre qui sera un best-seller aux USA.


Mon avis

En 1978, alors qu'il n'a que 19 ans, Pete Fromm s'engage dans des études de biologie à l'Université de Missoula dans le Montana. Mais les études le passionne moins que lire les récits des grands aventuriers.

Sans aucune formation spécifique, il se porte volontaire pour un poste de garde-champètre dans une région perdue de l'Idaho. Son rôle est de surveiller que les jeunes saumons se portent bien. Pour cela, il a juste à déneiger le bout de rivière où vivent les alevins et bien sur survivre dans ce milieu hostile. D'autant que ce n'est pas un quatre étoiles qui l'attend mais une tente d'environ 20m2, où il doit vivre. Il emporte avec lui un camion de nourriture (boites de conserves, riz, légumineuses, oignons, pommes de terre,mais aussi quelques cahiers, des guides de survie, un fusil de chasse (pourtant interdit). Sa priorité, avant que l'hiver neigeux et glacial n'arrive est de débiter assez de bois pour se chauffer (il lui faut 11 cordées de bois), de mettre à l'abri ses légumes en creusant dans la terre et en installant un système qui empêchera la glace de tout recouvrir. Il a à sa disposition un vieux camion (dont il faut ôter la batterie l'hiver pour éviter le gel), des raquettes, un poste de téléphone. Le premier habitat en dur, alimenté au gaz est à environ à 30 km, et une ligne téléphonique qui peut tomber en panne est à 500 m.

Avec pour seule compagnie une petite chienne Boones, Peter commence à ressentir très vite la solitude. Certes à la fin de l'automne, les chasseurs et les randonneurs sont passés le voir, lui ont offerts nourritures et quelques indispensables. Pour compenser sa solitude, le jeune homme commence à chasser des grouses (espèce endémique de très gros oiseaux dont le poids est celui d'un gros poulet) et des écureuils. Il pose aussi quelques pièges de trappeurs mais cela ne lui convient pas. Une fois tous les 2 mois environs, un ranger (garde-chasse officiel) lui apporte son courrier et s'assure que tout va bien). Mais ces visites rapides ne l'intéressent pas. En toute illégalité, il réussit à tuer un élan, et doit ramener des kilos et kilos de viande, non sans difficultés.

Ainsi continue ce récit et de cette étonnante aventure, il rédigera ce livre qui le fera connaître comme écrivain.

L'écriture est simple et réveille en nous notre petit coté globe trotter. On se délecte des petites mésaventures du héros, comme de sa ténacité. Car vivre par moins 40° en hiver, avec le gel et la neige demande un sacré courage. Quelques photos en milieu de livre (dans cette réédition) nous donne un aperçu des paysages grandioses et montagneux, ainsi que la simplicité de la tente. Un récit parfait pour la rentrée et pour prolonger encore un peu des vacances bien originales.


Extraits

  • Après le départ des gardes, la tente que nous avions dressée me parut encore plus petite. Je me tenais devant elle, et un frisson que je croyais dû à une bourrasque me parcourut le cou. Allais-je vraiment vivre là-dedans désormais ? Serait-ce là mon foyer pour les sept mois à venir ? Seul, durant tout un hiver ? Je jetai un coup d’œil vers la rivière sinueuse, entre les parois sombres et accidentées du canyon qui découpaient déjà le soleil de ce milieu d’après-midi. Il n’y avait rien au-delà de ces murs de pierre et de verdure, si ce n’est les étendues sauvages de la Selway-Bitterroot, à l’infini. J’étais seul, au cœur même de la solitude.

  • Il faisait toujours nuit noire à Magruder lorsque je me réveillai. J’allai à la porte pour juger du temps. Le ciel était si proche, si clair que les étoiles semblaient à portée de main. Mais je ne levai pas le bras. On aurait dit que les étoiles étaient l’essence même du froid, qu’elles pouvaient vider la moindre trace de chaleur de toute chose vivante.

  • De la mi-octobre à la mi-juin, j’allais être responsable de deux millions et demi d’oeufs de saumon implantés dans un bras entre deux rivières. La route la plus proche se trouvait à quarante miles, l’être humain le plus proche à soixante miles. Si j’étais intéressé, précisa-t-il, je n’aurais que deux semaines pour me préparer.
    J’entendais de moins en moins ce qu’il disait. Tout me semblait parfait. J’allais enfin découvrir le monde sauvage. Film ou réalité ? Galère ou liberté sans limite ? Mais, de toute manière, peu importe ce que j’allais découvrir, j’aurais une histoire à raconter plus tard, mon histoire.Je dis au garde que tout cela me semblait très intéressant. Si j’avais été plus attentif, j’aurais sans doute pu l’entendre secouer la tête. — Et le salaire, ça ne vous intéresse pas ? demanda-t-il.Je lui répondis que si, bien sûr, même si je n’y avais pas songé.— Deux cents dollars par mois, lança-t-il. — D’accord, répondis-je. C’était trop beau pour être vrai. Être payé, en plus. Il me conseilla d’y réfléchir et de le rappeler le lendemain.— Entendu, fis-je. Une formalité. Ma décision était prise.

  • Quand je montais assez haut, je me retrouvai à l’intérieur même des nuages, et la distance se transformait alors en un gris de néant, la pluie laissant sur mes vêtements détrempés de minuscules perles de cristal.

  • Chaque décision me plongeait dans une agitation extrême, car je savais qu'il fallait faire les bons choix, mais en même temps je commençais à deviner que tâcher de rester occupé allait sans doute devenir la plus importante de mes occupations.

  • En acceptant de venir ici, j'avais dans la tête une vague idée de liberté : n'obéir à personne, ne faire que ce que je voulais. Il me semblait maintenant avoir négligé le fait tout simple que, même si je pouvais faire tout ce qui me chantait, et à n'importe quel moment,  il n'y avait rien à faire.

  • Je souris en imaginant la bagarre frénétique des coyotes, tirant à hue et à dia, jusqu'au plouf final. Et voilà six coyotes, soudain silencieux, sondant les flots et regardant fixement l'endroit où avait glissé leur proie. J'imitai ce que j'imaginais être leur expression stupéfaite et rageuse, me tordant le visage en tous sens avant de prononcer : ''Dommage.'' Je partis d'un grand éclat de rire. Voilà qu'avaient disparu les dernières traces du lynx et du cerf, de l'aigle et des corbeaux. Si j'avais quitté Indian Creek, voilà ce que j'aurais manqué.

  • Je m 'assis et ouvris la trousse de secours pour lire les consignes à suivre en cas d'engelures, tout en me demandant si, dans les heures qui suivraient, je trouverais le moyen de faire encore quelques bonnes bêtises ou si j'avais épuisé tout mon potentiel.

  • Je m'arrêtai au poteau téléphonique dont le garde m'avait assuré qu'il serait mon seul lien avec le monde extérieur. Nous avions découvert la veille que le téléphone ne fonctionnait pas. Je le décrochai tout de même. J'écoutai son silence sourd, la voix du reste du monde.

  • Je plaçai la peau au centre du cadre et m’installai devant, armé d’une grosse pelote de ficelle. Avec mon couteau Green River, je me mis à faire des trous tout autour de la robe, en utilisant un bâton comme support. je la cousis au cadre, ma brochure sur le « Tannage par la cervelle à la manière des Sioux » posée près de moi dans la neige. Le paragraphe sur la quantité de cervelle à utiliser me fit éclater de rire. «Chaque animal dispose d’assez de cervelle pour permettre son propre tannage » précisait le guide. « Et le tanneur, lui, il en a assez ? » me demandais-je.

  • Pour autant, cette même neige qui poussait les écureuils à s'enterrer faisait aussi sortir des montagnes, là où les chasseurs l'avaient acculé, le gros gibier. Un matin, en ouvrant le rabat de la porte d'entrée de ma tente, je me trouvai nez à nez avec une harde d'environ soixante cerfs en train de souffler de l'air chaud sur la prairie. Ils m'avaient repéré les premiers, et ce jour-là, portant mon lourd fusil, je découvris la capacité du gros gibier à disparaître. Nouvel épisode humiliant.

  • La maximale était de moins vingt, et la minimale, la nuit dernière, indiquait moins trente- cinq degrés.

  • Je me glissai dans une baignoire en fer galvanisé et, armé d'un pichet, j'écopai l'eau chaude et la versai sur ma tête. Je me lavai rapidement les cheveux , et utilisai comme je pouvais l'eau qui descendait le long de mon corps pour laver le reste. Je ne disposais que d'une dizaine de litres d'eau chaude, et je finis par y mélanger de l'eau froide afin de pouvoir me rincer. Toute l'affaire fut précipitée et maladroite, et finalement peu agréable.

  • Le soir, pourtant, une fois le courrier relu si souvent que le charme en était rompu, l’excitation retomba et je sentis combien tous ces gens me manquaient. La soirée fut mélancolique. Mais déjà, après deux mois passés ici, ce sentiment s’était atténué et la solitude désespérée du début, cette solitude qui me prenait à la gorge, s’était muée en une émotion lancinante que je savourais presque.

  • Tuer un animal ne me dérangeait pas, à condition de ne pas gaspiller ensuite la viande.

  • Pendant tout ce temps passé à regretter ce que je manquais dans l'autre monde, jamais je ne m'étais rendu compte de ce que je manquerais en quittant Indian Creek. [...] Il me restait toute une vie à vivre dans la civilisation, mais à peine quelques mois à vivre ici.



Biographie

Pete Fromm est un écrivain américain, nouvelliste et romancier né en 1958 dans le Wisconsin
Après des études secondaires à Milwaukee, il étudie la biologie animale à l'Université de Montana. Il vient d'avoir 19 ans lorsque, fasciné par les récits des vies de trappeurs, il accepte un emploi de l'office de réglementation de la chasse et de la pêche de l'Idaho consistant à passer l'hiver à Indian Creek, dans les montagnes de l'Idaho, en plein cœur de l'aire naturelle protégée de Selway-Bitterroot, pour surveiller la réimplantation d'œufs de saumons dans la rivière, d'octobre 1978 à juin 1979. Cette saison passée en solitaire au cœur de la nature sauvage bouleversera sa vie.

À son retour à l'université, il supporte mal sa vie d'étudiant et part barouder en Australie. Poussé par ses parents à terminer ses études, il s'inscrit au cours d'écriture créative de Bill Kittredge - pour la simple et bonne raison que ce cours du soir est le seul compatible avec l'emploi du temps qui lui permettrait d'achever son cursus le plus tôt possible.
C'est dans ce cadre qu'il rédige sa première nouvelle et découvre sa vocation. Son diplôme obtenu, il devient ranger dans le parc national de Grand Teton, au Wyoming et commence chacune de ses journées par plusieurs heures d'écriture. Après avoir jonglé entre son activité d'écrivain et les différents métiers qu'il cumule, dont celui de maître-nageur à Lake Mead (Nevada), il décide finalement de se consacrer à plein temps à la littérature.
Il rencontre un modeste succès avec son premier recueil de nouvelles "The Tall Uncut" (1992). La reconnaissance médiatique vient avec ses chroniques d'"Indian Creek" ("Indian Creek Chronicles", 1993), un récit autobiographique où il relate son expérience au cœur des Rocheuses, à l'endroit éponyme Indian Creek, en hiver 1978-1979.
Aujourd'hui, Pete Fromm a publié plusieurs romans et recueils de nouvelles qui ont remporté de nombreux prix et ont été vivement salués par la critique. Il est notamment le seul auteur à avoir remporté cinq fois le prix littéraire de la PNBA (l'association des libraires indépendants du Nord-Ouest Pacifique), notamment pour "Indian Creek" en 1994, "Chinook" ("Dry Rain", 1997) en 1998, "Comment tout a commencé" ("How All This Started", 2000) en 2001, "Lucy in the Sky" ("As Cool As I Am", 2003) en 2004 et "Mon désir le plus ardent" ("If Not for This", 2014) en 2015. Il vit à Great Falls dans le Montana.

samedi 31 août 2024

Ivy POCHODA – Ces femmes-là – Editions Globe 2023

 


L'histoire

West Adams était autrefois un quartier chic de Los Angeles. Déserté pour des habitations plus luxueuses, il est traversé par une autoroute reliant le centre à la mer. Déjà éprouvé par des émeutes raciales en 1992, ce quartier est habité par des familles noires, souvent en grandes difficultés. Les filles à peine majeures se prostituent et de se drogue. En 1999, un tueur en série a égorgé 13 prostituées, sans aucune enquête sérieuse de la police. Et voilà qu'en 2014, le tueur (ou un autre) récidive en tuant à nouveau 4 jeunes femmes. Mais l'inspectrice Esmeralda Perry, une femme blanche, à bien l'intention d'aider ses femmes et d'arrêter le tueur.





Mon avis

Voilà un polar singulier, dont l'histoire est racontée par les victimes. Un polar qui dérange nos certitudes. On savait que le sort des femmes aux USA ne fait qu'empirer avec les restrictions sur le droit à l'avortement et le racisme qui a donné lieu au mouvement BML (Black Matter lives). Mais le roman d'Ivy Pochada a été publié en 2014, avant d'être traduit en français presque 10 ans plus tard.

A West Adams, au sud de Los Angeles, il ne fait pas bon vivre. Outre les fumées de l'autoroute, le vent chaud et les écarts de températures, la population est composée essentiellement de familles noires ou d'origines latino-américaines. Dorian y gère un petit stand de fritures (poissons et poulets panés) et nourrit presque gratuitement les « filles », ces jeunes femmes à peine majeures, juchées sur des talons improbables, maquillées à outrance et peu vêtues. Elles sont des prostituées qui travaillent soit comme « danseuses » dans des bars miteux, soit sur le trottoir. Dorian y a perdu sa fille Lecia, assassinée, il y a 15 ans, qui n'était ni prostituée ni mal habillée. De plus Dorian qui aime la nature et les oiseaux, trouve régulièrement des martinets empoisonnés dans son jardin. Elle décide de porter plainte à la police, mais sans grand espoir. Ils n'ont fait aucune enquête sérieuse lors de la mort atroce de sa fille. Mais la jeune inspectrice qui la reçoit semble lui prêter une attention particulière.

D'autant que quelques temps plus tard, une vieille prostituée Kathy est retrouvée assassinée, la gorge tranchée et la tête enveloppée dans un sac plastique. Puis c'est au tour de Julianna, que Dorian a pourtant chercher par tous les moyens de réinsérer dans une vie plus normal. Au total 4 femmes seront victimes d'un sérial killer en 18 mois.

Aucun misérabilisme, aucune compassion sous l'écriture sèche de l'autrice. Ce n'est pas spolier que de dire que le tueur est motivé par un racisme horrible, se souvenant du quartier d'autrefois avec ses belles propriétés immaculées, ces blancs de bonne lignée, et d'un prestige disparu. Les belles propriétés ne sont pas entretenues, elles hébergent des familles noires ou des constructions de fortune, des commerces peu chers et peu propres, et des bars qui ont leur petits salons privés pour les plus jolies prostituées qui peuvent s'offrir les services dédiés d'un videur pour clients indélicats ou violents.

Ici ce sont les victimes qui racontent, sans employer le « je ». On suit ainsi les tristes histoires de Dorian, Kathy, Feelia, Essie, Julianna, Marella qui vivent en marge d'une société où la justice et la police sont absentes, tout comme le peu de services sociaux. C'est un monde clos, qui ne sort pas de ce quartier misérable, qui tente de survivre, alcools et drogues aidant.

Des histoires comme celles-là, vous me direz que vous en avez déjà lu (comme « Arpenter la nuit » de la toute jeune Leila Motley qui, elle, s'inspirait d'un fait divers). Mais c'est nier les mots et le travail d'Ivy Pochoda qui sait décrire avec émotions mais sans aucune complaisance un monde qui doit forcément encore exister, sans le prétexte du polar. Donner la parole aux victimes, à leur chagrin, à leur solitude dans le deuil, que seule la jeune policière Perry est bien la seule à intéresser, elle-même victime d'un lourd passé. C'est mettre les points sur les i de l'indifférence de la société qui n'a que faire de ces femmes « qui ne sont que des petites putes » et qui sont réduites au silence (de la mort cruelle ou de l'indifférence), et de la destruction des corps (prostitution, mort affreuses).

C’est un ouvrage dur, fort, puissant, qui enfin réhabilite ces femmes oubliées. Ce livre a été classé parmi les meilleurs thrillers de 2020 par le New York Times.


Extraits

  • J'avais toujours peur pour elle. Des garçons. De la drogue. Des voitures. Des gangs. De la police. Elle traînait ses emmerdes derrière elle et elle ramenait tout ici dès qu'elle passait la porte. Je les vois, les filles comme elle dans la rue, dans le bus, qui changent tout le temps d'endroit, des filles avec des tatouages et des tenues moulantes, avec leur maquillage et leur coiffures. Des filles qui boivent, des filles qui fument, des filles qui se baladent avec des mecs qui pourraient être leur grand-père. Et je me dis, heureusement que c'est pas ma fille. Mais en fait si. C'est ma fille qui est couverte de tatouages. C'est ma fille qui fume comme un pompier. C'est ma fille qui sent l'herbe. C'est ma fille qui pue le sexe et pire encore.

  • On dit que t’as du pot si un mec ralentit à ton niveau. Du pot si on te laisse te pencher à la fenêtre d’une bagnole. Du pot si on t’emmène faire un tour – dans une des impasses crades près de Western Avenue ou dans les petites ruelles de Jefferson Park. Encore plus si tu vas à l’hôtel. Et encore plus si t’en sors indemne. J’ai du pot. Je connais la rue. Enfin, c’est ce que je croyais. Je vais te dire un truc : faut être vigilant. C’est un grand mot. Dur à prononcer. Mais ça vaut le coup de le connaître. Vigilante. Si je me retrouve encore en cloque, c’est comme ça que j’appellerai ma fille – Vigilante. Vigilante Jefferies. Mais putain, j’aurais jamais cru qu’il fallait être vigilante en dehors du taf. Quand j’étais pénarde au supermarché de la 65e en train de choper un quart de Hennessy et des Pall Mall. Même pas en train de taffer. Juste tranquille là, au coin de la rue, en train de cloper, de kiffer ma race, tu vois. Parce qu’il faisait frais pour une fois. Si ça, c’est pas un putain de miracle. Une journée fraîche, une nuit fraîche. Du vent dans les arbres, tu vois de quoi je parle ? Du vent qui fait danser les arbres. C’est beau à voir, ça

  • Il ne s’agit pas de résoudre des meurtres commis il y a plus de dix ans. Il s’agit de réparer une injustice.
    Sa voix est forte, rageuse et ferme. Elle ébranle Anneke.
    – Il s’agit de comprendre pourquoi l’assassin de nos filles a été en liberté pendant toutes ces années, pourquoi la police n’a rien fait à propos de la mort de nos filles. Pourquoi ils s’en fichaient. Pourquoi ils ont regardé ailleurs. Il s’agit de comprendre pourquoi la police pense que nos filles n’en valent pas la peine. Dorian tient un poster montrant le visage de sa fille.

  • Mais cette policière n’y va pas de main morte. On dirait qu’elle essaie d’être quelqu’un d’autre, avec son maquillage et ses cheveux faits pour un autre type de peau. Et pourtant, elle est flic. D’après l’expérience de Dorian, un flic n’essaie pas d’être quelqu’un d’autre. Un flic se contente d’être flic.

  • Au fil du temps, on apprend à lâcher prise. C’est comme ça. On arrête de faire du bruit. Sinon, on n’est plus que ça. Du bruit. Une plaie. Un problème. Rien que de la colère inutile. 

  • S’il y a bien un truc dont je suis sûre, c’est que le mec était pas noir. Les flics m’ont regardée comme si, pendant que mon sang s’écoulait de mon cou, ma cervelle s’était taillée avec.

  • Je vais ouvrir la fenêtre. Ça pue la mort ici alors qu’ils sont censés nous maintenir en vie. Putain, si ça c’est pas – comment on dit déjà ? ironique. C’est ça. C’est ça, ouais. Je vais ouvrir la fenêtre. Et je te préviens, je vais fumer. Y a plus qu’à espérer que t’aies pas une saloperie aux poumons ou un truc dans le genre. Y a plus qu’à espérer. Enfin, c’est pas un peu de fumée de clope qui va te tuer. Maintenant que t’es là.

  • Elle avait pris l’habitude d’être ignorée. Mais elle parlait quand même, d’une voix agressive et insistante. Sa fureur l’énervait elle-même. On aurait dit que sa voix appartenait à une autre femme. Elle détestait prononcer le prénom de sa fille dans leurs locaux infects. Elle détestait convoquer le souvenir de Lecia sous les néons froids, par-dessus les parasites des radios et le vacarme des téléphones.

  • J’ai toujours été intéressée par la destruction du corps féminin. Ou plutôt par la façon dont le monde s’acharne à le détruire. Selon moi, il est le seul à subir une telle violence, à la fois physique, psychologique et émotionnelle.

  • On dirait un décor de cinéma, avec tous les ingrédients du vieux film d’horreur : murs en pierre délabrés, ailes à l’abandon, tours branlantes, baies vitrées et carreaux cassés. D’un côté de la maison se dresse un porche voûté. Le long de la façade, il y a aussi tout un fatras d’échafaudages et Julianna ne saurait dire s’ils ont été installés pour rénover le bâtiment ou le maintenir debout.

  • Julianna sait à quoi ressemble un vrai restaurant classe, elle sait que là-bas, les menus ne sont pas glissés dans des pochettes en plastique, qu’on ne sert pas l’eau dans des verres de cantine, que la moitié des plats ne sont pas frits, que le vin ne sort pas d’un cubi et que les nappes ne sont pas imperméables.

  • Elle vieillira, perdra sa beauté, deviendra flasque et lourde à force de consommer de l’alcool et de la mauvaise bouffe. Elle ne bossera jamais dans la rue, mais elle devra compter sur des types comme son père pour passer du bon temps. Bientôt, elle les attendra, les espérera, guettera leur appel.

  • Le truc, c’est que les mecs veulent toujours tout avoir, même s’ils ne le savent pas eux-mêmes. Il faut les guider, les instruire, les amener à ouvrir grand leur portefeuille.

  • Qui n’aurait pas le cerveau niqué à force de faire ce qu’on fait, de voir ce qu’on voit ? De se défoncer en faisant semblant qu’on n’a rien à foutre de rien. De faire comme s’il n’y avait aucune différence entre nous et les petites étudiantes friquées qui viennent faire la fête dans les baraques du quartier en se croyant chez elles partout.

  • Elles savent très bien que c’est des conneries. Parce que le salaire de merde et les pourboires pourris des mecs qui préfèrent garder leurs biftons pour les vraies attractions du club ne sont rien comparés au fric qu’on peut se faire dans les salons privés. Avec les lap dance et tout le reste.

  • Kathy est comme un serpent qui mue ou dont la peau durcit à mesure qu’elle s’éloigne du restaurant. Sa voix change, devient plus sèche, plus froide tandis qu’elle s’arme pour la nuit. Elle jauge une femme postée à un coin où elle n’a rien à faire, insulte un automobiliste au regard insistant. Martèle le trottoir de ses talons et toise les passants.

  • On peut faire confiance à personne dans ce monde. C’est la vérité. À rien ni à personne. C’est ça qui est terrible.




Biographie

Ivy Claire Pochoda est une romancière et une ancienne joueuse professionnelle de squash née en 1977 à New-York.
Elle est titulaire d'un BA en littérature grecque classique de Harvard College (1998) et d'un MFA en écriture de Bennington College (2011).
"L'autre côté des docks" (Visitation Street, 2013), son deuxième roman, a été salué par la critique (américaine et française) et lauréat du Prix Page-America 2015. "Route 62" (Wonder Valley, 2017) a obtenu le Strand Magazine Critics Award for Best Novel.
Elle enseigne l'écriture créative à Lamp Arts Studio à Skid Row. Elle vit à Los Angeles avec son mari et sa fille.
Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ivy_Pochoda

son site : https://www.ivypochoda.com/


jeudi 29 août 2024

Jane EYRE – Orgueil et préjugés – publié en 1813 – Livre de Poche dans la traduction de Sophie Chiari

 

L'histoire

Relire en 2024 le plus célèbre roman de Jane Austen nous permet de mesurer le chemin accompli par les femmes pour être égales aux hommes (et encore).

La famille Bennet vit dans une grande maison à Longbourn. Elle est composé d'un père, homme nonchalant qui se réfugie dans sa bibliothèque pour échapper à sa femme, sotte et caractérielle. Celle-ci n'a qu'une obsession : marier ses 5 filles, et si possible conclure de beaux mariages. Cette famille appartient à la « gentry », ses propriétaires rentiers qui vivent en général de revenus du fermage. Jane l'aînée est une jeune fille pudique, réputée pour sa beauté. Élisabeth, dite Lizzie brille pour son intelligence, ses remarques parfois acerbes. Les 3 autres sœurs, Marie qui préfère la solitude, la lecture et le piano apparaît peu. Les deux dernières Kitty et Lydia ont hérité de leur mère de la frivolité, d'un manque de retenue et d'une éducation solide.

Alors quand on apprend qu'un jeune homme riche vient s'installer dans la propriété voisine, Madame Bennet n'a qu'une idée en tête : marier l'une de ses filles, Jane, la plus joli à l'héritier. Celui est accompagné d'un jeune homme hautain, Monsieur Darcy, extrêmement fortuné, qui se moque sans nuance de ce petit monde provincial, un peu vulgaire et peu éduqué. Lizzie surprend une conversation où elle est traitée d'insignifiante par ce Monsieur Darcy dont l'orgueil l'horripile. D'autant que celui-ci, conquis par l’intelligence de la jeune femme lui fait une demande en mariage maladroite que Lizzie ne peut accepter. Toutes fois, lors d'un voyage avec sa tante et son oncle dans le Derbyshire (plus au nord), elle visite la magnifique demeure de Pemberley et est accueillie avec une grande politesse par ce même Monsieur Darcy qui fait preuve d'une grande diligence à son égard.


Mon avis

Jane Austen est réputée pour être l'une des plus grandes romancières anglaises de son temps et jouit encore aujourd'hui d'un grand prestige. Cette jeune femme née d'un pasteur mènera une existence tranquille, mais écrira 7 romans qui feront tous l'objet d'adaptation cinématographiques ou télévisuelle.

En fin psychologue, Austen travaille ses personnages, quitte à les pousser un peu dans l'extrême comme pour Madame Bennet ou le prétentieux et obséquieux révérend Collins. Mais ici, ce sont les femmes qui ont la parole. Tout le roman est vu du point de vue de Lizzie, et les scènes qui se jouent hors de sa vue lui sont racontées sous forme de lettres. On écrivait beaucoup dans cette Angleterre frappée par des guerres contre la France, et ne pouvant se rendre à l'étranger, comme il était coutume pour parfaire l'éducation des jeunes femmes, on redécouvrait le pays. Mais le charme bucolique ne l'intéresse pas. En quelques phrases, elle décrit l'environnement, mais ne s'y attache que lorsqu'il sert l'action. Lizzie ne tombe-t-elle par amoureuse de Darcy après sa visite dans l'immense demeure de Pemberley ?

Il y a 3 mariages dans cette histoire : le triste mariage entre Lydia et un soldat Wickham qui se révèle un parfait voyou, ce que Lydia, tellement fière d'être mariée, sans se rendre compte qu'elle a déshonoré sa famille en s'enfuyant d'abord avec le jeune homme, ne voit pas. Si on apprend les méfaits de cet homme aussi menteur qu'intéressé par l'argent lors de la lettre qu'envoie Darcy à Élisabeth après le refus cinglant qu'elle lui oppose, c'est encore Darcy qui règle le problème du mariage forcé avec Lydia et règle les dettes importantes de l'homme.

Mais cela Lizzie ne l'apprend que par une bourde de sa sœur stupide et prétentieuse. Elle remet alors en question ces propres préjugés à l'égard d'un homme qui confessera n'avoir pas été corrigé dans son éducation à son orgueil. Mais l'orgueil Elisabeth en a aussi, tout comme Darcy des préjugés. Si tous les deux sont lucides au sujet du manque de politesse de Madame Bennet et de sa mauvaise influence sur ces deux cadettes, eux aussi ont leurs défauts, mais l'honneur de savoir les reconnaître. L'autrice ne donne aucune précision sur l'avenir de ce couple : Lizzie saura-t-elle gérer un domaine comme Pemberley, sans lasser son époux ? Le dernier couple formé par Jane et Bingley, l'ami de Darcy, influençable et flanqué d'une sœur rancunière saura-t-il préserver sa fortune, tous deux ayant le cœur sur la main.

Mais surtout Austen revendique les mariages d'amour et non de convenances. Hors pour les jeunes femmes issus de la « gentry » ou la petite bourgeoisie, seul l'avenir ne pouvait être assuré par un mariage digne. C'est d'ailleurs pour cette raison que Charlotte, l'amie de Lizzie finit par épouser le pasteur Collins qu'elle n'aime pas, tant le personnage est obséquieux, même si il traite avec respect sa femme. Les femmes pauvres étaient obligées de travailler, et dans la grande aristocratie des Lords, les mariages étaient aussi arrangés pour accroître le patrimoine commun.

Hors Lizzie ne veut pas épouser un homme qu'elle n'aimerait pas et qui lui déplairait. De plus son impertinence, et ses petites taquineries en font une femme peu banale, mais qui reste attachée à son sens de l'honneur.

Quelques années plus tard, Charlotte Brontë, avec Jane Eyre poussera encore plus loin cette idée d'une femme indépendante, qui préfère gagner sa vie que de se soumettre.

Mais nous relisons ce livre en 2024 où les droits de femmes se sont améliorés par rapport à l'époque où fut publié le livre. Par le romantisme de ses histoires d'amour, il est fort à parier que peu de lecteurs ou de lectrices (le livre fut un véritable succès d'autant qu'il fut publié sous pseudonyme) ont compris le message. Car Austen procède par petites touches, comme dans un tableau impressionniste. Les impertinences de Lizzy ou l'orgueil de Darcy sont très vite contrebalancés par de bonnes actions. De plus l'autrice ne se prive pas elle-même d'humour, dans certaines phrases qu'elle fait dire à ses personnages.

N'oublions pas aussi le courage de Miss Austen car une femme écrivain était très mal vu à l'époque et c'est sur l’insistance de son frère que le roman paru en 1817 sous le nom de sa seur.

Des nombreuses adaptations cinématographiques ou télévisuelles, on retiendra la version de la BBC de 1995 qui fit de l'acteur anglais Colin Firth une star Outre-manche, dans une adaptation jugée comme la meilleure.


Extraits

  • Le ciel m’en préserve! J’en serais au désespoir. Peut-on trouver aimable un homme qu’on veut détester? Ne me souhaitez pas pareil tourment.

  • Vous êtes trop généreuse pour vous jouer de moi ; si vos sentiments sont encore ce qu’ils étaient au mois d’avril dernier, dites-le-moi franchement ; mes désirs, mes affections n’ont point changé, mais un mot de vous les forcera pour jamais au silence. » Sentant tout ce qu’avait de pénible et d’embarrassant la position de Darcy, elle sut vaincre son émotion, et aussitôt, quoique avec hésitation, elle lui donna à entendre que depuis l’époque qu’il désignait, ses sentiments avaient éprouvé un changement suffisant, pour lui faire recevoir, avec reconnaissance et avec plaisir, les vœux qu’il lui adressait. Réponse délicieuse qui le combla d’une joie telle, que sans doute il n’en avait jamais éprouvé de pareille : aussi l’exprima-t-il avec une chaleur, une sensibilité qui ne sauraient être bien comprises que par celui-là seul qui a sincèrement aimé. Si Élisabeth avait pu lever ses regards sur les siens, elle aurait vu combien cette douce expression de bonheur, répandue dans tous ses traits, en tempérait agréablement la dignité ; mais si elle ne put le regarder, du moins elle savait l’écouter, et il l’entretenait de sentiments, qui, en prouvant combien elle lui était chère, rendaient à chaque instant son attachement plus précieux.

  • Depuis le commencement, je pourrais dire dès le premier instant où je vous ai vu, j’ai été frappée par votre fierté, votre orgueil et votre mépris égoïste de sentiments d’autrui. Il n’y avait pas un mois que je vous connaissais et déjà je sentais que vous étiez le dernier homme du monde que je consentirais à épouser.

  • Je lui aurais volontiers pardonné son orgueil s'il n'avait tant mortifié le mien

  • Je n'aime véritablement que peu de gens et en estime moins encore. Plus je connais le monde et moins j'en suis satisfaite. Chaque jour appuie ma conviction de l'inconséquence de tous les hommes et du peu de confiance qu'on peut accorder aux apparences du mérite et du bon sens.

  • Mon caractère, je ne saurais m'en porter garant. Je crois qu'il manque de souplesse. Il est sans doute trop rigide, en tout cas au goût des gens que je fréquente. Je ne parviens pas à oublier les folies et les vices d'autrui aussi vite qu'il le faudrait, ni les torts qu'ils m'ont fait subir. On ne réussit pas à m'influencer chaque fois que l'on me flatte. Je suis d'une humeur qu'on pourrait qualifier de rancunière. Quand je retire mon estime, c'est pour toujours.

  • Lettre de Mr. Bennet à Mr. Collins : « Cher Monsieur,
    Je vais vous obliger encore une fois à m'envoyer des félicitations. Elizabeth sera bientôt la femme de Mr. Darcy. Consolez de votre mieux lady Catherine ; mais, à votre place, je prendrais le parti du neveu : des deux, c'est le plus riche.
    Tout à vous. Bennet. »

  • La vanité et l'orgueil sont deux choses bien distinctes, bien que les mots soient souvent utilisés l'un pour l'autre. On peut être orgueilleux sans être vain. L'orgueil a trait davantage à l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes, la vanité à ce que nous voudrions que les autres pussent penser de nous.

  • C'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit avoir envie de se marier, et, si peu que l'on sache de son sentiment à cet égard, lorsqu'il arrive dans une nouvelle résidence, cette idée est si bien fixée dans l'esprit de ses voisins qu'ils le considèrent sur-le-champ comme la propriété légitime de l'une ou l'autre de leurs filles.

  • L'imagination des femmes court vite et saute en un clin d'oeil de l'admiration à l'amour et de l'amour au mariage.

  • Oh ! Mr. Bennet, parler ainsi de ses propres filles !... Mais vous prenez toujours plaisir à me vexer ; vous n'avez aucune pitié pour mes pauvres nerfs !
    - Vous vous trompez, ma chère ! J'ai pour vos nerfs le plus grand respect. Ce sont de vieux amis : voilà plus de vingt ans que je vous entends parler d'eux avec considération.

  • Quel joli divertissement pour la jeunesse que la danse, Mr. Darcy ! À mon avis, c’est le plaisir le plus raffiné des sociétés civilisées. – Certainement, monsieur, et il a l’avantage d’être également en faveur parmi les sociétés les moins civilisées : tous les sauvages dansent.

  • Il aimait la campagne, les livres, et de ces goûts avait tiré ses principales satisfactions. À sa femme il n'était guère redevable que, pour son ignorance et sa sottise, d'une part de son amusement. Ce n'est pas le genre de contentement qu'en général un mari souhaite devoir à une épouse. Mais, lorsque font défaut d'autres moyens de se procurer de la distraction, le véritable philosophe se satisfait de ceux qui lui sont offerts.

  • M. Collins assurément n'avait ni jugement ni charme ; sa compagnie déplaisait, et son attachement devait être imaginaire. Il n'en resterait pas moins son mari. Sans se faire une haute idée des hommes ou de la vie conjugale, elle s'était toujours fixé pour but le mariage. C'était la seule ressource honorable laissée aux jeunes femmes de bonne éducation et de maigre fortune et, malgré l'incertitude du bonheur qu'il offrait, nul autre moyen plus attrayant n'existait pour elles de se préserver du besoin. Cette garantie, elle la possédait maintenant et, à l'âge de vingt-sept ans, n'ayant jamais été belle, elle se rendait parfaitement compte de sa chance.

  • Vanity and pride are different things, though the words are often used synonymously. A person may be proud without being vain. Pride relates more to our opinion of ourselves, vanity to what we would have others think of us.

  • From the very beginning— from the first moment, I may almost say— of my acquaintance with you, your manners, impressing me with the fullest belief of your arrogance, your conceit, and your selfish disdain of the feelings of others, were such as to form the groundwork of disapprobation on which succeeding events have built so immovable a dislike; and I had not known you a month before I felt that you were the last man in the world whom I could ever be prevailed on to marry.

  • Obstinate, headstrong girl! I am ashamed of you! Is this your gratitude for my attentions to you last spring? Is nothing due to me on that score? Let us sit down. You are to understand, Miss Bennet, that I came here with the determined resolution of carrying my purpose; nor will I be dissuaded from it. I have not been used to submit to any person's whims. I have not been in the habit of brooking disappointment.


Biographie

Née à Steventon, Hampshire , le 16/12/1775 et décédée à Winchester, Hampshire , le 18/07/1817, Jane Austen est une femme de lettres anglaise.
Elle fait partie d'une fratrie de huit enfants. Son père, George Austen, est pasteur ; sa mère, Cassandra Austen (née Leigh), compte parmi ses ancêtres sir Thomas Leigh, qui fut lord-maire sous le règne de la reine Elisabeth.

Les revenus de la famille Austen sont modestes mais confortables. En 1782, Jane et Cassandra, sa sœur, sont envoyées à l'école à Oxford, puis à Southampton et à l'Abbey School de Reading.
Après une éducation brève, qu'elle complète grâce à la bibliothèque paternelle et aux conversations familiales, Jane commence à écrire. Elle va travailler avec acharnement (pratiquement jusqu'à sa fin prématurée), malgré une relation amoureuse douloureuse, la mort de son père et la maladie, dont elle va mourir à quarante-deux ans.

Parmi ses romans les plus célèbres, on cite : "Raison et Sentiments" (1811), "Orgueil et Préjugés" (1813), "Mansfield Park" (1814), "Emma" (1815), "Northanger Abbey" (1818) et "Persuasion" (1818).
Ses romans sont devenus de grands classiques de la littératures anglo-saxonne et romantique. Nous restent également ses "Juvenilia" ainsi que sa correspondance avec ses sœurs et nièces.
En Angleterre, le succès de Jane Austen est tel qu'en 2017 elle est la deuxième femme, après la reine d'Angleterre, à figurer sur les billets de banque.

En savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Austen



mardi 20 août 2024

Terri JANKE – La chanson du papillon – Editions Au vent des îles – 2009

 

 

L'histoire

En Australie à Sydney, Tarena, une jeune femme aborigène noire, a bien du mal à terminer ses études de droit. Elle veut devenir avocate, mais elle sait que ce métier est difficile et qu'elle n'a pas beaucoup d'atouts en raison de sa couleur de peau. Néanmoins, alors qu'elle attend les résultats de son examen, sa mère lui demande de récupérer un papillon sculpté dans la nacre, qui appartenait à sa propre mère, et qui doit être mis en vente dans une boutique de ventes aux enchères. Une première affaire qui va plonger la jeune femme dans les souvenirs de sa famille.


Mon avis

Après les tahitiens, les maoris de Nouvelle-Zélande, nous continuons notre voyage vers l'Australie coté des aborigènes. On sait que les colons européens et surtout les anglais ont commis des massacres pour chasser ces populations natives et s'accaparer leurs terres. Il faut attendre 1960 pour que les indigènes et aborigènes aient le droit de vote, puis la citoyenneté australienne. Depuis 1976, des terres sont rendues notamment les terres sacrées. Depuis le début du 21ème siècle, les relations semblent s'améliorer, même si les aborigènes restent pauvres et encore victimes du racisme de certains blancs.

Tarena est une indigène née à Cairns (une ville qui regroupe beaucoup d'aborigènes) et se destine à des études de droit, sans trop bien savoir si elle fait le bon choix. Elle passe quand même ses examens, sa mère Lilian, ne tolérant pas que sa fille soit réduite à des emplois de misère.

Mais un jour, dans un journal, la mère découvre la vente aux enchères d'un papillon sculpté dans la nacre. C'est son père Kit, plongeur à la recherche de perles qui l'avait sculpté pour en faire un pendentif à la femme qu'il a toujours aimé, la grand-mère Francesca. Fatigué par ce métier difficile et le peu de scrupules de ses patrons, il décide de s'installer à Cairns, quittant ainsi le détroit de Torrès et Thursday Island, et vivant de la coupe de la canne à sucre. Décédé prématurément, Francesca élève du mieux qu'elle peut ses deux enfants : Lilian (Lily) et Tally. Quand elle doit partir pour l'hôpital alors qu'elle est mourante, elle emporte avec elle le précieux papillon, qui n'a jamais été retrouvé dans le peu de biens qu'elle avait sur elle.

Immédiatement, Lily charge sa future avocate de fille de faire tout pour récupérer le papillon. S'ensuit une enquête minutieuse pour prouver que le papillon était un bien de la famille.

Au passage, Tarena, invitée dans la Thirsday Island, fait la connaissance de toute une famille et un clan. Mais elle en profite aussi pour en apprendre plus sur ses grands-parents maternels qu'elle n'a jamais connu. La structure du livre alterne donc le présent et les passés des principaux protagonistes. On y lit le dédain et le racisme des blancs vis-à-vis des aborigènes, dont Tarena à la peau noire est aussi victime, dans ce qui reste d'un apartheid qui ne dit pas son nom. Mais elle encaisse Tarena, elle est solide malgré ses doutes, et puis il y a aussi le soutien de ses amies, et même de professeurs qui ont reconnu sa capacité d'apprendre et son intelligence. C'est aussi pour l'autrice l'occasion de faire un point sur la situation par encore tout à fait réglée des populations de couleurs, la proposition de leur donner les mêmes droits que les blancs restant encore peu tranchée en 2023.

L'écriture de Terri Janke est simple mais aussi poétique. Il y a cette « chanson du papillon » écrite par Kit et qui est reprise par beaucoup de groupes de musique.

Un excellent roman pour voir la double face de ce grand pays qui n'en a pas fini avec son histoire et la fin d'une ségrégation.

 

Extraits

  • Après un temps qui nous a semblé interminable, papa réapparaît et nous appelle. En montant l'allée, je distingue une femme devant la porte d'entrée. Ses cheveux noirs et crépus me font penser à la laine d'un mouton noir, la couleur de sa peau, à du café instantané. Elle a le visage tanné et sa grande talle m'impressionne au point que je me sens encore plus petite. Je baisse les yeux, n'osant pas croiser son regard. Un petit terrier brun jappe autour de ses grands pieds nus. Je remarque la corne qu'elle a sur le gros orteil.
    Les jappements se calment, j'entends une radio qui diffuse quelque part. Papa nous présente.
    - Voici mes enfants.

  • On raconte que si lon vit trop longtemps sur une île, on se fond en elle. Les os se transforment en sable, le sang en océan. Vous, et ceux qui viendront après vous, en feront à jamais partie. Tarena Shaw vient de terminer ses études de Droit, mais nest pas certaine de vouloir devenir avocate, après tout. A quelle place peut prétendre une avocate noire dans un système judiciaire fait pour les blancs ? Est-ce que tous les habitants de Sydney se sentent aussi comme des tortues dépouillées de leur carapace ? Débarquant pour la première fois à Thursday Island, où ont vécu ses grands-parents, Tarena se laisse convaincre par sa famille de relever le défi de sa première affaire. Parmi les preuves, un homme jouant de la guitare, et une étonnante chanson...


Biographie

Née à Cairns dans le Queensland, Terri Janke est une écrivaine, poète et avocate australienne. D'origine mériam, un peuple affilié aux aborigène vivant dans le détroit de Torrès, elle vit aujourd'hui à Sydney en compagnie de son mari et de ses enfants. Elle dirige un cabinet d'avocats spécialisé dans les affaires de propriétés intellectuelle et culturelle des aborigènes. La chanson du papillon est son premier roman. Elle publie aussi de nombreux articles dans des revues spécialisées.

Voir ici : https://en.wikipedia.org/wiki/Terri_Janke

Sur la culture et le destin des aborigènes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Aborig%C3%A8nes_d%27Australie#





vendredi 16 août 2024

Patricia GRACE – Potiki – Editions « Au vent des Iles » - 2021

 

 

L'histoire

Nouvelle-Zélande, de nos jours, un petit village maori est implanté entre une plage et des collines. Y vivent notamment Roimata et son mari Hemi, leurs 3 enfants James, Tangimaana leur fille, le petit dernier Manu et l'enfant probablement née d'un viol commis sur Mary, la sœur de Hemi, handicapée mentale mais au grand-coeur, le petit Tokowaru qui en plus est difforme. Mais toute la famille et le clan qu habite ce bord de mer tranquille est soudée. L'entraide, la croyance à l'âme des esprits, la langue et les coutumes maories sont respectées et notamment la maison communale où on prend parfois les repas ensemble tout comme les décisions.

Mais cet endroit idéal attire très vite un promoteur près à tout pour expulser ces « gens-là » et construire un palace et un endroit de rêve pour touristes.


Mon avis

Les Éditions « Au vent des îles » proposent un catalogue d'auteurs et d'autrices vivant sur des îles. Que ce soit en Polynésie, en Océanie, dans les îles atlantiques, le choix est vaste et leur catalogue s'enrichit toujours. Je n'ai jamais été déçue par un de leur livre. Comme Celestine Hitiura Vaite et ses chroniques de Tahiti.


Ici, nous passons en Nouvelle-Zélande, dans un village maori, une petite communauté qui vit en harmonie avec ses croyances et sa culture. Y viennent aussi des pêcheurs amicaux ou quelques rares touristes qui sont bien accueillis. Des 4 enfants du couple, seule Tangi la fille est destinée à faire des études supérieures, elle veut devenir avocate. Hemi trouve des emplois en ville, James s'occupe du jardin. Le petit Manu, pourtant très intelligent ne va pas à l'école où son statut de maori lui fait subir des discriminations. Roimata, qui a un diplôme d'institutrice, instruit les enfants du village. On vit de peu, mais on vit dans l'amour, dans le respect que l'on doit aux ancêtres et à la Terre nourricière dont personne n'abuse des ressources.

Mais voilà, l'endroit est charmant et un groupe de promoteurs s'intéresse à ce lieu peu connu. Déjà par le passé, pendant la 2ème guerre mondiale, un village maori avait été rasé (et les habitants relogés dans des hlm) pour construire une piste d'atterrissage pour les avions, puis un terrain de sport. La lutte pour récupérer les terres n'avait pas abouti à la restitution totale.

Les promoteurs font des offres alléchantes qui sont toutes déclinées par le village. Il y ont leur maison commune très importante pour la communauté, le cimetière qui est une terre sacrée et ils vivent là depuis toujours.

Les menaces arrivent alors : un incendie qui se déclare dans un champs, puis le mari de Roimata est tué lors d'insurrections entre les partisans pour le maintien du village, soutenus par les écologistes et une large partie de l'opinion publique et les forces de l'ordre, alors qu'une route commence à être construite contre l'avis des villageois. L'histoire pourrait apparaître simple : ethnie maorie ostracisée contre le pouvoir des blancs, mais c'est sans oublier le talent de conteuse et la poésie qui émane de ce livre hors-normes, parce qu'une pincée de magie vient illuminer le tout. Celle d'une bonne étoile qui brille et qui permet à un peuple de ne pas se perdre, de ne pas oublier ses racines, sa langue, ses coutumes et ses valeurs simples mais belles.

Il aura fallu deux traductrices pour restituer le texte de Patricia Grace qui utilise le maori et l'anglais, mais qui livre ici un roman choral. Car dans la grande ligne du roman s'insèrent les récits individuels des principaux protagonistes, des chants traditionnels, des légendes et contes. D'ailleurs le livre en lui-même est un conte philosophique, donc plusieurs phrases sont des méditations, des « mantras » je dirais pour nous faire réfléchir à nos vraies valeurs, le poids de notre vie, notre destin, et surtout retrouver une connexion qui ne soit pas d'opportunité avec notre mère nourricière, notre planète Terre qui si on sait y accorder un regard bienveillant nous offre tant et tant de beauté.

Un livre philosophique et une très belle couverture signée d'un artiste local qui en fait un très bel ouvrage. Un glossaire en fin de livre nous aide à comprendre les termes maoris utilisés. A noter que le livre était déjà paru en 1986, mais les éditions « Au vent des Iles » ont demandé une traduction plus juste pour nous permettre de mieux entrer dans l'univers de l'autrice.


Extraits

  • Au fil des ans, ils avaient dû faire attention et être prudents. La famille avait reçu des demandes de vente de terrains à l'arrière, et on avait fait pression sur eux pour qu'ils ouvrent la route le long de la plage. Mais ils avaient tous résisté de pied ferme pendant pendant plusieurs années. Tant mieux.
    Désormais les gens se tournaient davantage vers leurs terres. Pas seulement leurs terres, mais aussi ce qui leur était propre. Ils devaient le faire s'ils ne voulaient pas être effacés de la surface du globe. Il y avait plus de détermination, maintenant, une détermination qui avait créé l'espoir, et l'espoir à son tour avait créé la confiance et l'énergie. Les choses bougeaient, à tel point que des gens se battaient pour conserver une langue qui risquait de se perdre, et que d'autres luttaient pour récupérer des terres qui leur avaient été retirées des années auparavant. Les gens de Te Ope en étaient un exemple et cela se présentait bien pour eux dorénavant.

  • C'était une vieille histoire, une histoire ancienne, sauf que maintenant elle avait une nouvelle phase, une vieille histoire qui commence avec la graine qui est un arbre. Mais ce n'était pas là le véritable début. L'histoire venait, comme toutes les histoires, d'avant le temps du souvenir qui se trouve au temps où il n'y avait que l'obscurité généreuse et aimante. Rien ne s'y faisait voir ni entendre, et il n'y avait aucun mouvement. Il n'y avait rien de vivant, seulement le potentiel _ qui est devenu la conception. C'est une histoire qui s'est ouverte et qui a planté sa graine dans le temps du souvenir. Elle est devenue une histoire du peuple exprimée par le bois, peuple et bois ayant été engendrés par le ciel et la terre de sorte que bois et peuple ne font qu'un, le peuple étant le whãnau* de l'arbre.

  • Et pourtant, parce que c'est un vide, un espace neutre - ni terre ni mer -, la liberté est là, sur le rivage, et le repos. La liberté est là, de chercher dans le vide, dans le tas de mauvaises herbes, parmi les morceaux de vieux bois, le coquillage vide, le crâne de poisson, en quête de la particule du commencement - ou de la fin qui est le commencement. L'espoir et le désir peuvent s'y attarder, les pensées et les sentiments se déplacer avec les grains de sable tamisés par l'eau et le vent. Un soir, j'y ai posé mon sac et je me suis reposée, ouvrant la voie au vide, ce vide qui peut évoluer en étincelle, en petit mouvement. J'ai sorti de mon sac des vêtements chauds et j'ai attendu toute la nuit le matin qui allait devenir un recommencement.

  • Il y avait dans la maison de réunion un silence de bois.
    C'est le silence des arbres qui ont été apportés à l'intérieur, hors du vent, et dont les branches fraîchement révélées s'étendent, non pas vers le ciel, mais vers les gens. C'est l'altérité calme et immobile des arbres perçue par celui qui sculpte, qui façonne, qui fait. C'est un silence de veille, car les arbres aux nouvelles branches ont été dotés d'yeux pour voir. C'est un silence d'attente, de cette attente toujours patiente que possède le bois, une patience qui n'a pas changé depuis l'autre vie de l'arbre. Mais ce silence de l'arbre n'est qu'un silence extérieur, car dans cette altérité il y a une résonance, un tintement, un battement, un épanchement, plus grands que ce que l'arbre a jamais connu auparavant.

  • La chair de l'anguille était dorée et sentait la mer et les arbres. Nous voulions en manger tout de suite, mais Hemi était un peu en colère contre nous et nous a dit qu'on ne mangeait pas de nourriture avant qu'elle n'ai été partagée, surtout si elle venait de la mer. « Notre famille est nombreuse, a-t-il dit, il faut toujours se le rappeler. »

  • Je vous dis que si nous vous vendons, nous serons poussière. Dans le vent. Je dois dire que j'ai du mal à raisonner...(Nous l'avons remarqué). Un souffle de vent et c'est tout. Et qui est le premier à pointer du doigt notre peuple quand il est brisé et sans espoir ? Quand tout le monde est bouleversé...

  • Mary aussi nous racontait ses hstoires, qui n'étaient pas toujours exactement les mêmes si on écoutait très attentivement, des histoires d'homme-bavard, d'épouse-colère,, d'homme rusé et de fille chanteuse, d'homme-joli et de mère-battante, et personne pour l'homme-amour avec son grand, grand marteau.

  • Car bientôt il n'y aurait plus de poissons, seulement des poissons de compagnie que l'on allait voir dans des tunnels souterrains éclairés à l'heure du epas des requins, ou quand on le voulait. À condition de payer. Eh bien, nous voulions que les poissons soient dans la mer comme des poissons ordinaires, que les raies pastenagues errent le soir comme elles le font toujours. Nous voulions que nos yeux connaissent l'endroit où elles rencontreraient la marée, qu'elle soit basse ou haute.

  • Le jour se transformait en nuit, et la nuit était comme un papier de chocolat que tu as lissé avec l'ongle de ton pouce. Je ne me suis pas senti petit cette nuit-là, comme la mer peut parfois te faire sentir petit.

  • Du centre,
    Du vide,
    Du non-vu,
    Du non-entendu,

    Il vient
    Un geste,
    Un mouvement,
    Un rampement,

    Il vient
    Un déploiement,
    Un bondissement,
    Vers un cercle extérieur,

    Il vient
    Une inspiration
    Un souffle -
    Tihei Mauriora (Litt « éternue, âme vivante » ; expression utilisée pour célébrer la vie)



Biographie

Née en 1937 à Welligton, Patricia Grace est romancière et nouvelliste, elle est l’une des voix contemporaines les plus respectées de la Nouvelle-Zélande. Elle fut, dans les années 70, l’une des instigatrices du débat idéologique qui anima l’arène politique, artistique et littéraire de son pays. Accompagnée d’artistes et d’écrivains, elle revendiqua à cette époque le caractère légitime et nécessaire de l’empreinte créatrice maorie au sein d’une littérature nationale émergente. Elle signa « Waiariki » en 1975, ouvrage qui fit date puisqu’il marquait la toute première publication par une femme d’origine maorie d’un recueil de nouvelles. Sans nostalgie ni sentimentalisme, elle s’attache à brosser le portrait d’une grande variété de personnages fictifs issus d’une société qu’elle connaît de façon intime et dont la langue et la culture furent longtemps ignorées. Patricia Grace décroche le Prix Neustadt, que l’on surnomme le petit Nobel… Reconnaissance internationale pour cette écrivaine maorie, fer de lance des littératures du Pacifique.
Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Patricia_Grace


vendredi 9 août 2024

Célestine ITIURA VAHITE – L'arbre à pain – Chroniques de Tahiti – Tome 1 sur 3 – Poche 10/18 - 2020

 

 

L'histoire

A FAA'A, banlieue pauvre de Papeete, vivent Materna, Pito et toute la famille élargie, cousins, cousines, oncles, tantes, amis. Materna a eu trois enfants de Pito dont l'aîné à 11 ans. Mais ce qui préoccupe cette mère de famille « femme de ménage professionnelle » c'est l'envie d'un beau mariage avec son tàne, son compagnon. Celui-ci y fait des allusions surtout quand il a bu une bière de trop ou que l'équipe locale de foot a cartonné. Si elle anticipe déjà, une jolie robe, une liste de mariage, une chose nouvelle arrivée à Tahiti avec les français, rien n'est gagné.


Mon avis

Voilà donc le premier tome des fameuses « Chroniques de Tahiti » traduites en 27 langues et qui ont un succès fou en librairie. J'ai lu les tomes 2 et 3, donc dans le désordre, mais rassurez-vous, vous ne perdrez rien au change, avec une Materena plus en forme que jamais.

Pas de carte postale des plages sous les cocotiers. Nous sommes dans les quartiers pauvres de Papeete, là où les logements sont construits en bois et tôle. Même si Materena tente de rendre sa maison accueillante et jolie, en récupérant ici ou là des objets, sa préoccupation principale est le mariage avec Pito, son amoureux de toujours, qui travaille dans une scierie et va boire quelques pintes de bière au pub du coin après le travail avec ses acolytes. Hors Pito évoque plusieurs fois le mariage mais sans faire de demande officielle. Il n'en faut pas plus à sa jolie femme pour immédiatement se faire des films ! Elle se voit déjà en robe de mariée, avec la foule familiale, mais surtout, découvre, grâce à une vendeuse d'un grand magasin de meubles, la possibilité d'une liste de mariage. Car il y a ce lit king-size bien confortable mais onéreux sur lequel la jeune femme fantasme. Et que les invités pourraient financer. Elle sonde donc son entourage. Mais les gens ici ne sont pas riches, ils ont des petits boulots, quand ils en ont, et la vie est chère.

Alors mariage ou pas ?

En tout cas nous visitons un autre Tahiti, avec son franc-parler, ses expressions purement tahitiennes (un lexique en fin de livre nous aide à comprendre), les petits drames et les petites joies du quotidien. Un joli voyage exotique, plein d'humour, et de tendresse. Un régal, et si possible lisez les 3 tomes dans l'ordre, même si chacun peut se lire indépendamment des autres. On adore ce petit peuple de braves gens, leurs coups de gueule, leurs histoires à n'en plus finir, le tout sous le regard bienveillant de « Notre Dame-qui-comprend-tout ».



Extraits

  • Mama Roti préfère aussi que les gosses jouent dehors parce que, de son point de vue, les gosses ne devraient pas être à l'intérieur quand le soleil brille.
    Autrefois, elle ne permettait jamais à ses enfants de traîner dans la maison quand le soleil brillait dehors, ce qui explique peut-être pourquoi, aujourd'hui, Pito peut passer une journée entière vautré sur le canapé quand le soleil brille dehors.

  • Loana dit que maintenant elle est fiu (fatiguée) des hommes et bien contente comme ça. Elle va où elle veut aller, pas besoin d'autorisation, de permis de sortie, personne l'embête, personne lui demande où tu vas, quand tu reviens, avec qui tu sors, et patati et patata. D'ailleurs elle ne sort pas. Elle aime bien rester dans sa maison.

  • A ia ia, les enfants, on croit que quand ils sont grands, c'est fini les soucis, mais les soucis, c'est jamais fini

  • C'est bien d' être enterré à côté de sa mère, dit Loana. Tout le monde a envie d'être enterré à côté de sa mère."" Et si Pito veut qu'on m'enterre à côté de lui à Punaauia ? "Loana lâche la main de sa fille et sa réponse claque : " Tu fais comme tu veux, c'est ton cadavre après tout."

  • Quand Mori s'est fait tatouer sur la poitrine ce dragon rouge et vert qui crache le feu, sa maman a fait une crise. Elle trouvait que ça donnait à Mori l'air de sortir de prison, ce qui était le cas, mais c'était pas la peine de faire savoir à tout le monde.

  • En fait, Materena prie seulement Notre-Dame-Qui-Comprend-Tout. Sa prière la plus fréquente est de ne pas survivre à ses enfants parce que les enfants, c'est pas comme les hommes, on ne peut pas les remplacer.

  • La couleur est un peu bizarre, dit Materena. Enfin, je veux dire - pour une moquette. - Ah oui, maintenant que tu le dis. Cette moquette-là, on dirait un peu de l'herbe, hein ? - Mais quand on donne quelque chose cadeau, faut pas se plaindre de la couleur. - Ah oui alors, c'est vrai ça. On fait pas attention la couleur. On prend seulement.

  • Loana a été amoureuse plein de fois, et deux de ses amants lui ont donné des enfants. Un, c'était un militaire "farani" ( français) qui est rentré dans son pays et l'autre un tahitien qui est rentré chez sa femme.

  • D'après Rita, quand un homme et une femme se mettent ensemble, il faut acheter un matelas 'api, parce que le matelas, c'est vraiment important. Le matelas, c'est pour faire l'amour, le matelas, c'est pour les mots d'amour - le matelas, c'est l'intimité.

  • Mama Roti, qui assistait à la scène, a bien vu qu'elle était déçue. Elle a secoué la tête et marmonné "Qu'est-ce qu'un homme peut bien faire, de nos jours, pour rendre sa femme heureuse ?" Elle a levé les yeux au ciel et n'a pas arrêté de dire que le cadeau de son fils était bien choisi - une femme a toujours besoin d'une poêle à frire. Mama Rôti a inspecté la poêle en hochant la tête. Elle a tapé dessus du bout des doigts et déclaré : "ça, c'est pas de la camelote, c'est une poêle à frire de bonne qualité. Pas trop grande, pas trop petite, moyenne, bien, quoi."

  • Le problème dans les maisons tahitiennes, c'est que les autres de la famille sont libres de venir téléphoner chez toi, passer des heures devant ta télé, manger tout ce qu'il y a dans ton frigidaire, boire tout ton Coca, laver leurs linges dans ta machine, prendre tes linges dans le placard. C'est mal élevé de fermer la maison à clé. Parce que, si un autre de la famille il a vraiment besoin d'emprunter quelque chose et tu n'es pas là et c'est urgent, hein ? Mais ensuite, résultat : il n'y a plus de sous pour payer les factures. - Le problème avec les Tahitiens , c'est qu'on a trop de cousins qui n'ont pas de travail. Le problème avec les Tahitiens, c'est qu'on a trop de cousins, point final. - C'est quand même bien d'avoir de la famille" finit par dire Teva. - Des fois, oui, dit l'électricien. Mais pas tout le temps...

  • Mais Materena se met à penser au mariage. Elle se dit que ça serait bien d'être mariée-mariée. Elle joint ses mains nues et imagine une alliance en or à son doigt. Elle voit le certificat de mariage encadré sur le mur du salon. Elle s'entend dire aux gens : "Mme Tehana, c'est moi."

  • Il y a très longtemps, commence Loana, il y avait Ta’aroa. Il s’était créé tout seul et il vivait dans une coquille. Cette coquille ressemblait à un œuf. Cet œuf était dans l’espace et il n’y avait pas de ciel, pas de terre, pas de lune, pas de soleil, pas d’étoiles. Il n’y avait rien, ma fille. Ta’aroa s’ennuyait un peu dans sa coquille, alors un jour il l’a cassée et il est sorti pour voir ce qu’il y avait dehors. Dehors, c’était noir, dehors il n’y avait rien. Alors là, Ta’aroa s’est rendu compte qu’il était seul, tout seul.  Il a brisé sa coquille en morceaux et il a créé les rochers et le sable. Avec ses vertèbres il a créé les montagnes. Les océans, les lacs et les rivières sont venus avec ses larmes. Il a fait les écailles des poissons et des tortues avec ses ongles. Avec ses plumes il a fait les arbres et la brousse. Et Ta’aroa a fait l’arc-en-ciel avec son propre sang. Puis Ta’aroa a décidé de créer l’homme. La voix de Loana n’est plus qu’un murmure. - En tout cas, c’est ce que raconte la légende, dit Loana en regardant les statues de la Vierge Marie qui ornent son salon. Mais ça ne veut pas dire que l’histoire d’Adam et Ève est une histoire inventée. 

  • Les films d'amour chavirent le coeur de Materena et il lui arrive même d'imaginer qu'elle est l'héroïne.

  • Loana avait prévenu Materena que si jamais elle avait un tane sans lui dire, et qu'elle l'apprenait par radio-cocotier, elle aurait droit à des bonbons caramel - c'est-à-dire une bonne paire de gifles.

  • Ma fille, attendre un homme, c'est comme attendre le jour où les poules auront des dents.


Biographie

Célestine Hitiura Vaite est une écrivaine polynésienne , née à Papeete, en Polynésie française, en 1966 qui vit en Australie.

Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9lestine_Hitiura_Vaite

mardi 6 août 2024

Bernadine EVARISTO – Femme, fille, autre – Poche Pocket 2023

 

 

L'histoire

Elles sont 12 femmes, noires, qui vivent en Angleterre. De toutes les générations confondues, elles ont chacune une histoire personnelle à raconter. Elles sont reliées par des liens d'amitiés ou de famille, ou de rencontres. Elles sont en lutte pour leur liberté, pour trouver un but à leur vie. Elles sont très riches ou très pauvres, elles ont subi des violences racistes. Mais elles sont liées par un même lien : s'en sortir !


Mon avis

Voilà un roman original, sans ponctuation, mais tout à fait lisible, qui va vous entraîner dans la vie de 12 femmes noires, soit venues en Grande Bretagne (à Londres essentiellement) soit nées dans ce pays.

Elles revendiquent leur double liberté : celles d'être femmes, celles d'être noires. La plus âgée à 93 ans et la plus jeune 17, et les réalités sont différentes. Certaines sont nées sous la bonne fortune de l'argent, d'autres moins chanceuses ont subi des viols ou des brimades racistes. Autour d'Amma, autrice de pièce de théâtre, lesbienne assumée mais ayant quand même eu une fille avec un homme gay et ami, elle motive ses amies, pour toujours lutter contre leurs doubles libertés : féministe et exclusion raciales. Beaucoup sont lesbiennes, mais d'autres ont des petits amis. Certaines ont abandonné le foyer en raison d'un mari violent ou alcoolique et par un système d'entraide, elles sont hébergées chez les unes ou les autres. Car toutes ses femmes sont reliées par des liens amicaux ou familiaux ou de rencontres amicales ou amoureuses.

Ici, on dit les choses comme on le pense. Arrivés récemment au Royaume Uni ou pas. A l'intersection de cette caractéristique, ils sont majoritairement femmes. Et subissent les violences symboliques ou physiques qu’entraîne ce sexe. Ils sont quelques-uns à venir de quartiers populaires, à lutter pour récupérer le capital culturel qui leur faisait défaut en naissant là. Nés aux Antilles ou à la Barbade, en Écosse de parents noirs, expatriés en Amérique ou en venant tout juste. Mais ils sont aussi propriétaire terrier, entrepreneur, érudit, directeur de banque. Bref, ça foisonne et rien ne semble pouvoir contenir le flot puissant de ces volontés, de ces identités qui ne se réduisent jamais aux assignations que l'on plaque sur elles.

Sans la focale d'un personnage principal sagement identifié, sans le recours à des péripéties bien calibrées, sans unité spatio-temporelle, il fallait une sacrée armature à ce roman pour que, de force majestueuse, il ne se transforme pas en chaos illisible. Et l'armature, elle est là. le travail de fond est colossal. L'enchaînement des chapitres ne souffre quasi aucune longueur. Les personnages sont discrètement reliés les uns aux autres. Pas à tous, ç’aurait été détruire l'illusion d'une exhaustive représentation de ces voix multiples, mais selon deux ou trois nébuleuses qui cadrent l'attention du lecteur.

Et puis surtout, il y a une énergie, une dérision, un humour qui traversent le livre et l'unifient mieux que tout.Ce roman, c'est un rire, rauque et profond, c'est le triomphe des paroles qu'aucun barrage n'arrête, qui proclament sa propre puissance à être, magistralement. Un best-seller déjà en Grande Bretagne et aux États-Unis. Unique, superbe, un livre aussi émouvant que drôle, à lire absolument.


Extraits

  • Et n’allez pas croire que l’enfant qu’elle a élevée est du genre à s’affirmer féministe plus tard" Le féminisme c’est tellement grégaire, lui a dit Yazz, franchement, même être une femme c’est dépassé aujourd’hui, à la fac nous avions une activiste non-binaire, Morgan Malenga, qui m’a ouvert les yeux, je pense que nous serons tous non-binaires à l’avenir, ni males ni femelles, qui sont d’ailleurs des prestations sexo-spécifistes, ce qui signifie que ta politique « féminine », m’man, deviendra obsolète, et tant que j’y suis, que je te dise, je suis humanitaire, ce qui se situe à un niveau beaucoup plus élevé que le féminisme. As-tu une idée de ce que ça signifie ?

  • je dis toujours à Mum qu’elle a épousé un patriarche. regarde les choses autrement, Amma, me répond-elle, ton père est né homme au Ghana dans les années 1920 et toi femme à Londres dans les années 1960. et alors ? tu ne peux pas attendre de lui qu’il « te pige » comme tu dis. je lui répète qu’elle fait l’apologie du patriarcat et se rend complice d’un système qui oppresse les femmes.elle répond que les êtres humains sont complexes. je lui dis de ne pas le prendre de haut

  • quand elle quitteront l'université avec une énorme dette sur le dos et la perspective de la course délirante aux boulots, et le prix scandaleux des loyers qui signifie que leur génération devra retourner habiter chez ses parents pour l'éternité, ce qui les poussera à désespérer encore plus de l'avenir sans compter la merde de cette planète avec le Royaume-Uni qui va se séparer de l'Europe qui elle-même dévale la voie de la réaction et redonne du lustre au fascisme et tout ça est si cinglé que l'ignoble milliardaire éternellement bronzé a tellement abaissé le niveau intellectuel et moral en devenant président des Américains et fondamentalement tout ça veut dire que l'ancienne génération TOUT DETRUIT et que la nôtre est condamnée, à moins qu'on arrache aux aînés leur autorité intellectuelle. Le plus tôt sera le mieux.

  • Mum travaillait huit heures par jour comme salariée, a élevé quatre enfants, tenu son foyer, veillant à ce que le diner du patriarche soit sur la table tous les soirs et ses chemises repassées tous les matins. Pendant ce temps il était dehors en train de sauver le monde, et sa seule tâche ménagère consistant à acheter la viande du déjeuner du dimanche chez le boucher - variation banlieusarde du chasseur-cueilleur.

  • L'enfant qui quitta l'appartement en larmes ce matin-là, remerciant Mama de s'être remise à lui parler parce que, dit-elle, quand ta propre mère veut faire croire que tu n'existes plus, c'est comme si tu étais morte.

  • le feminisme a besoin de plaques tectoniques pour changer, pas d'un relooking branché

  • une fille blanche qui marche à côté d'une fille noire passe toujours pour aimer les hommes noirs

  • elle court pour vivre parce que rester plantée c’est commencer à glisser le long de la pente qui mène à l’échec, à l’inertie, à l’apitoiement sur soi, cet épisode de son existence qui s’immisce toujours dans sa mémoire quand elle s’y attend le moins

  • ces temps-ci elle est une joueuse d’orchestre enthousiaste au milieu de la cacophonie de la gare la plus animée de Londres, que foulent près de cent cinquante millions de paires de pieds chaque année, convergence de banlieusards génétiquement identiques à 99,9 %, peu importe l’emballage extérieur, peu importe leur câblage psychique – que les fils soient tordus, enchevêtrés, raccourcis. Tous ces gens si posés, si équilibrés et maîtres d’eux-mêmes, préparés à assumer publiquement leur rôle de membres raisonnables de la société en ce lundi matin où tous les drames sont intériorisés

  • Roxanne Gay, répondit Courtney, nous a mis en garde contre l’idée d’« une vie de privilèges » et a écrit dans Bad Feminist que les privilèges sont relatifs et contextuels, et je suis d’accord, Yazz, finalement à quoi ça rime ? Est-ce qu’Obama est moins privilégié qu’un péquenaud blanc élevé dans une caravane avec une mère junkie célibataire et un père taulard récidiviste ? Est-ce qu’une personne gravement handicapée est plus privilégiée qu’un demandeur d’asile syrien qui a été torturé ? Roxane affirme que nous devons trouver un nouveau discours pour définir l’inégalité. Yazz reste bouche bée, quand Courtney a-t-elle lu Roxane Gay – qui est ab-so-lu-ment stupéfiante ? Est-on en présence d’une étudiante plus maligne que le professeur ?  #filleblancheéclipsefillenoire

  • On a tous une âme soeur dans ce monde

  • she's the one who's made it, not her older brothers
    who didn't have to do any housework or even wash their own clothes, whereas she had to spend her Saturdays mornings doing both
    who were given first helpings at meals they never had to cook, and extra portions because they were growing lads, including mega-helpings of the most desirable desserts who weren't punished for speaking their mind, whereas she was sent to her room at the slightest sign of insurrection, keep your thoughts to yourself, Shirl

  • Gotcha, so here goes: women are designed to have babies, not to play with dolls, and why shouldn’t women sit with their legs wide open (if they’re wearing trousers, obv) and what does mannish or manly mean anyway? walking with long strides? being assertive? taking charge? wearing ‘male’ clothes? not wearing make-up? unshaved legs? shaved head (lol), drinking pints instead of wine? preferring football to online make-up tutorials (yawn), and traditionally men wear make-up and skirts in parts of the world so why not in ours without being accused of being ‘effeminate’? what does effeminate actually mean when you break it down?

  • it's easy to forget that England is made up of many Englands

  • Megan was part Ethiopian, part African-American, part Malawian, and part English which felt weird when you broke it down like that because essentially she was just a complete human being



Biographie

Professeur d'écriture créative à l'Université Brunel de Londres et écrivaine, née en 1989 à Londres, d'une mère anglaise et d'un père nigérian.
Quatrième de huit frères et soeurs, elle a été élevée à Woolwich, dans le sud de Londres, et a suivi une formation d'actrice. Elle a travaillé dans le théâtre. Elle est l'auteur de deux romans en vers appréciés par la critique: Lara (1997), qui retrace les racines d'une famille métisse anglo-nigériane-brésilienne-irlandaise de plus de 150 ans, trois continents et sept générations; et The Emperor's Babe (2001), l'histoire tragi-comique révolutionnaire de Zuleika, une fille de parents soudanais, qui a grandi à Londres il y a 1800 ans et qui entretient une liaison avec l'empereur romain Septimius Severus. Son roman, Soul Tourists (2005), parle d'un voyage en voiture en Europe mettant en vedette un couple mal assorti, Stanley et Jessie, avec des apparitions de fantômes de couleurs de l'histoire européenne, tels que Pushkin, Alessandro de Medici et Mary Seacole. Son roman Blonde Roots a été publié en 2008 et en 2010, elle a écrit le roman Quick Reads, Hello Mum. Son dernier roman, M. Loverman (2014), parle d'un homme londonien des Caraïbes âgé de 74 ans, homosexuel caché.
Bernardine a également écrit pour le théâtre, la radio, la presse écrite et pour une collaboration multimédia. Cityscapes avec le saxophoniste Andy Sheppard et la pianiste Joanna MacGregor pour le festival de la ville de Londres en 2003.

Depuis 1997, elle a effectué plus de 50 tournées internationales, allant de lectures d'une nuit à des séjours d'enseignement de trois mois. Elle a été professeur invité au Barnard College / Columbia University à New York, écrivain en résidence à l'université de Western Cape, au Cap, et écrivain associée à l'université d'East Anglia. Elle a également représenté la Grande-Bretagne auprès du romancier Glenn Patterson à Literaturexpress Europa 2000, qui a amené 105 écrivains européens dans 11 pays européens pendant six semaines en train, voyageant du Portugal à Berlin en passant par la Belgique, les pays baltes et la Russie. Elle est membre de la Royal Society of Literature et de la Royal Society of Arts et a reçu un MBE en 2009.