dimanche 29 mai 2022

Corinne ROYER- Ce qui nous revient – Actes Sud - 2019

 

L'histoire

A 10 ans, Elena Gorki quitte le domicile familial pour avorter d'un enfant trisomique.

Elle ne reviendra jamais. Sa fille Louisa, passionnée de sciences, a du mal à comprendre ce départ.La jeune femme fait des études de médecine et travaille avec Marthe Gautier, celle qui a découvert le chromosome surnuméraire de la trisomie 21, et que l'histoire n'a pas reconnue.


Mon avis

Un livre magnifique qui mêle la fiction à la véritable histoire de Marthe Gautier (1925 - 2022). Marthe Gautier qui a d'ailleurs été consultée pour ce roman est décédée le 30 avril dernier. Chercheuse à l'INSERM, spécialisée en cardiopédiatrie qui a joué un rôle essentiel dans la découverte, en 1959, du chromosome surnuméraire responsable de la trisomie 21 en collaboration avec le professeur Jérôme Lejeune, lequel s'est approprié ses recherches. Elle sera réhabilitée en 2014 et recevra des récompenses pour ses recherches. A la retraite dans sa maison dans l'Orne, elle se passionnera pour la botanique.

Corinne Boyer a effectué de nombreuses recherches sur les travaux de Marthe Gautier et nous livre une histoire passionnante entre 2 femmes, sœurs de cœur qui doivent affronter les préjugés masculins. Racontée par les voix de Louisa, sa mère Elena et Marthe, ce roman est couronné par une écriture qui sait se faire poétique ou cinglante. Plus que la réhabilitation d'une grande chercheuse, c'est aussi le combat de deux femmes pour leur indépendance, leur amitié indéfectible faite de résiliences, de pertes et qui décrit parfaitement le monde machiste qui règne encore peut-être un peu sur le domaine de la recherche. Un livre à lire pour le sujet, pour l'écriture somptueuse, pour que les enfants atteints de trisomie ne soient plus jamais considérés comme des débiles.


Extraits :

  • Sitôt que les Gorki quittent la Maison du Poète et s'installent rue des Convalescents, les facultés de Nicolaï à appréhender le présent et toute incursion dans l'avenir se dissolvent dans une addiction cinéphile. (...)
    Les histoires jouées sur l'écran l'inféodent désormais à une sorte de déni de réalité, vivant toutes les existences de ces personnages joyeusement fantasques ou furieusement déboussolés, héros titanesques ou déshérités esseulés au milieu du néant. Vivant toutes les existences mais se tenant obstinément en dehors de la sienne.

  • Elle se remémore ces mots de Victor Hugo, "Prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu'elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête."
    Louisa tient bon
    Louisa tient tête.

  • L'enfance est le lieu de tous les possibles. Ensuite on ne fait que refermer des portes, verrouiller des cadenas. Toute notre vie, il nous faut hanter ces lieux-là, les lieux des années premières que, selon les circonstances, nous avons lâchement ou courageusement désertés.

  • Il faut vous remémorer cette phrase que je vous ai dite et que vous avez dû noter quelque part au sujet des enfants porteurs de trisomie 21 : ces enfants ont quelque chose en plus, cessons de croire qu'ils ont quelque chose en moins ou même quelque chose en trop.


Biographie :

Née en 1967, Corinne Boyer vit entre Saint-Étienne, Paris et Uzès.. Elle intervient en tant que rédactrice indépendante pour plusieurs magazines. Elle collabore également avec des artistes à l'édition d'une collection intitulée "Résidence en résonance". Ce qui nous revient est son quatrième roman.


En savoir plus :

Sur Marthe Gaultier : - https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/video-j-ai-ete-degoutee-comment-marthe-gautier-la-decouvreuse-de-la-trisomie-21-a-ete-effacee-de-l-histoire_4658037.html


Gabino IGLESIAS – Santa Muerte – Poche 10/18 - 2021

 

L'histoire

Fernando, mexicain sans papiers réfugié à Austin Texas, travaille comme dealer pour une organisation maffieuse latino. Et lorsque celle-ci se voit menacée par un gang de tatoués, il faudra au moins les forces conjuguées d'un tueur à gage russe, d'un chanteur portoricain un peu barge et d'une prêtresse de la Santeria. Mais plus que tout, Santa Muerte (Déesse de la mort, très respectée au Mexique).


Mon avis

Un polar hilarant ou pour reprendre les mots de François Busnel (La Grande Librairie), la rencontre de Tarantino dans le barrio (quartier en espagnol). On s'amuse beaucoup avec ce petit livre qui mélange polar, fantastique et religion. Iglésias, dont c'est le premier roman traduit en français s'amuse avec les codes de polars qu'il emporte dans les croyances populaires. Mais aussi des jolies pages sur ce qu'est être émigré latino aux USA, où tu as le choix entre femme de ménage, prostitution ou servir le banditisme local. Un petit bijou d'humour qui se lit facilement et bien sur au 2ème degré. On pense aux livres d'A. Nonymous dans le genre faux gore et personnages improbables.


Extraits :

  • Quand on t'enlève un être cher, non seulement l'illusion s'effondre, mais c'est comme si tu te retrouvais soudain jeté dans un cachot, entouré de murs oppressants. La haine devient un cancer qui te ronge de l'intérieur et le seul remède est la vengeance. Le sang. L'action. Les gens disent tout un tas de conneries sur la vengeance, mais comment quelque chose qui paraît si bon, si libérateur, et si légitime pourrait-il être mauvais ?

  • Le rêve américain. Mais c' est des conneries, tout ça. Le rêve américain est aussi factice que le steak dans ton burger à un dollar et que les rires préenregistrés des sitcoms. Et pour toi, c' est encore pire. Tu n' as pas de diplôme, Tu n' as pas de qualifications, Tu n'as rien. Tu es un problème. Un sans-papiers de plus. Un bouffeur de haricots. Un clando. Un sujet de blagues. Tu es une question sur laquelle débattent les hommes politiques blancs dans le confort de leurs bureaux. Et quand tu en prends conscience, n'importe quelle offre devient alors synonyme de salut, la décision la plus désespérée se transforme en solution idéale, l'idée la plus pourrie te redonne un peu d' espoir.

  • Quand tu te retrouves nez à nez avec le canon d’un flingue, ça remet en cause tout ce que tu pensais savoir. Ça brise des trucs en toi, ça chamboule des convictions que tu pensais inébranlables.
    Le solide devient liquide et tout se met à couler comme de l’eau. Les choses prennent la consistance mouvante des ombres qu’on voit dans les rêves.

Biographie :

Gabino Iglesias est un écrivain, professeur, journaliste et critique littéraire d’origine portoricaine. Après la publication de son premier roman, Gutmouth, en 2012, il s’essaye à son genre de prédilection : le roman noir. Mais il ne souhaite pas se laisser enfermer dans des normes génériques, et Santa Muerte (Zero Saints) naît de cette volonté de s’affranchir des codes de la littérature de genre. Parmi les thèmes chers à l'auteur, on relève l’altérité, la frontière, ainsi que le mal du pays.

En plus de son activité d’écrivain, Gabino Iglesias est rédacteur en chef des critiques littéraires pour le magazine Pank et journaliste pour LitReactor. Il est également professeur au lycée et enseigne la littérature en ligne dans le cadre du Master de création littéraire proposé par l’université Southern New Hampshire.
Gabino Iglesias vit à Austin, au Texas.


En savoir plus :

vendredi 27 mai 2022

Joël DICKER – l'énigme de la chambre 622 – Editons Rosie Wolfe – 2020


 

L'histoire

En 2001, un banquier est assassiné dans un palace des Alpes Suisses. L'enquête de police n'aboutit pas à confondre un suspect. En 2018, alors qu'il est très affecté par la mort de son éditeur (Bernard de Fallois) et la rupture avec sa petite amie, l'auteur se voit proposer d'élucider ce nouveau mystère et de remonter le temps. Qui a tué ce banquier et pourquoi ? Une machination implacable va alors être démontée.


Mon avis

Après avoir lu le dernier roman de Dicker (L(affaire Alaska Sanders), j'ai décidé de lire d'autres livres de Dicker. Celui-ci ne m'a pas déçu. Ce 5ème roman se passe dans sa ville natale, Genève et une station touristique cotée. Il y a du Agatha Christie dans ce roman, et comme toujours avec Dicker, un rebondissement à chaque chapitre, le tout assez clairement identifié, comme il en a l'habitude.

De plus il rend un hommage à son éditeur, un homme cultivé et sage qui le guidera jusqu'à son décès.

Le mécanisme du pouvoir est assez bien démontré, tout comme un amour passionnel fait de ruptures et de retrouvailles.

Mais Dicker interroge aussi sur la filiation, ce que l'on lègue. Et sur les 3 personnages principaux, l'héritage moral n'est pas brillant : un père banquier qui pense que son fils est un imbécile et le renvoie à l'échec. Une mère, comtesse déchue qui tient d'une main de fer ses filles qui doivent se marier avec un homme riche et puissant. Un comédien raté qui s »oppose au carriérisme de son fils. Tous ces troubles semés à l'adolescence vont engendrer un mal de livre des protagonistes qu'ils traîneront comme un boulet et qu'ils auront du mal à surmonter. Car à Genève, dans la haute société suisse, la réussite doit se faire à tout « prix ». On note aussi la persistance d'un anti-sémitisme notoire dans ce joli monde.

Par ailleurs le roman fait référence au roman policier classique (référence à Agatha Christie, mais aussi à Gaston Leroux. Il emprunte aussi les codes du théâtre de boulevards dans des passages irrésistiblement drôles, et des « feuilletons populaires » du 19ème siècle.

Mais comme à son habitude malicieuse, le roman s'écrit sous nous yeux, l'écrivain se fait appeler Joël, et le roman est écrit parfois au « je » quand il s'agit de l'enquête menée par l'écrivain et sa complice, et au « il/elle) quand il s'agit des récits ou témoignages recueillis. Sur ce cold case, il y a sans cesse des retours au passé.

Extraits :

  • Le plus important n’est donc pas comment notre histoire s’achève, mais comment nous en remplissons les pages. Car la vie, comme un roman, doit être une aventure.

  • La vie est un roman dont on sait déjà comment il se termine: à la fin, le héros meurt. Le plus important n’est donc pas comment notre histoire s’achève, mais comment nous en remplissons les pages. Car la vie, comme un roman, doit être une aventure. Et les aventures, ce sont les vacances de la vie.

  • Transmission mon fils, très important la transmission. C'est comme ça que les gens ne meurent jamais vraiment : quand bien même leur corps peut être rongé par les vers de terre, leur esprit survit au travers de quelqu'un d'autre. Et ainsi de suite.

  • -Quand rentrez vous à Londres ?demandai-je à Scarlet.
    -Lundi prochain, dans huit jours. Et vous ?
    -Je ne sais pas très bien. Je n'ai personne qui m'attende à Genève. Certains appellent ça la liberté, moi j'appelle ça la solitude.

  • Le paradis, c'était d'un ennui mortel à la longue. Si Eve avait fini par bouffer cette pomme, c'était parce qu'elle cherchait une bonne excuse pour ficher le camp !

  • Le rire constitue une forme de perfection inaltérable. On ne le regrette jamais, on le vit toujours pleinement.


Biographie :

Né en 1985 à Genève, après une formation en droit et une année au cours Florent à Paris, Joël Dicker publie quelques nouvelles puis en 2012 « la vérité sur l'affaire Harry Québert » qui en fait une star du polar.

Bernard de Fallois (1926 – 2018) fonde en 1987 sa propre maison d'éditions, de taille réduite pour échapper aux contraintes des grands groupes financiers. Son catalogue édite Marcel Pagnol, Robert Merle, Françoise Chandernagor, Raymond Aron. Connu pour ses goûts simples et vivant de façon modeste, ce grand éditeur est passé par les grandes maisons d'éditions dont il a enrichit les catalogues.


 

lundi 23 mai 2022

Rebecca WATSON – Sous la peau – Editions Grasset - 2021

 

L'histoire

Un traumatisme dont on ne se remet pas. Une jeune femme qui chaque jour a sa routine quotidienne qui se résume à métro-boulot-dodo et surtout des terribles crises d'angoisses qui la font se g atter jusqu'au sang, lui donne des envies de suicide. Et surtout chaque jour la peur de se retrouver face à son agresseur.

Mon avis

Raconter les conséquences d'un viol et la peur de recroiser son agresseur, ce n'est pas une histoire nouvelle. Depuis le mouvement « Me too », nous sommes habituées à ce sujet douloureux et de nombreuses figures de la littérature féminine s'en sont fait écho du sujet. L'américaine Rebecca Watson ne réussit pourtant pas son pari de nous émouvoir ou de nous alerter à cause d'une narration totalement illisible. Tout le monde n'est pas Marguerite Duras, ou Georges Perec ou Cortazar. Le récit est du coup brouillé, le message aussi. Une écriture plus simple, sans pathos, aurait à mon avis été bien plus efficace que ce récit sans ponctuation, avec des mots qui se juxtaposent, pour enchaîner 2 actions (la pensée mentale envahissante et les tâches quotidiennes).

Bref je n'ai pas aimé du tout cette forme sans formes justement, qui ne structurent pas le récit. L'auteure a voulu rendre compte d'un quotidien bouleversé en jetant les mots qui viennent instinctivement mais du coup on se perd dans cette avalanche. C'est très certainement voulu et des critiques ont adoré ce livre. Mais , je ne trouve rien de percutant et de fort dans ce qui aurait pu être un très grand livre, débarrassé de ces mots trop vite jetés.


Extraits :

- Je traverse, dépassant mes propres vaisseaux, des lignes rouges

qui se précipitent, encore plus de rouge, des cavernes autour

de moi comme des fraises équeutées, je sens une douleur dans

mon corps (dans lequel je suis, que je traverse), sourde puis

aiguë, comme une scie qui se déplace à l’intérieur de moi,

régulière, d’avant en arrière, raclant tandis que je voyage, et qui

commence à émettre un son mélodique

qui résonne

qui chante? est-ce mon corps (ça racle) ça s’élève

qui chante? est-ce dans mes veines?

le son devient plus fort (ça racle) ça s’élève

tandis que je continue

à voyager, à rougir (ça racle) ça s’élève

dépassant à toute allure une autre voie, portant ainsi davantage

de sang et cela tout en tombant à travers mon corps jusqu’à

ce que

lumière !

******************************

- non non pas maintenant non non

loin de ça pas cette partie-là

concentre-toi sur l’après, l’après, même si ça ne peut pas

avoir été juste après, je dois louper quelque chose ici, quelque

chose manque, parce que la suite dont je me souviens a lieu

dehors, dehors quand je sens ce gel étrange, cette brûlure, une

douleur chaude et pourtant glacée le choc de ça

mon dieu

mon dieu

fêter un autre putain de matin en se réveillant comme ça

combien maintenant? des douzaines? ramper éveillée

maintenant

bien plus que ça réveillée pour de bon

maintenant, se lever

pour de bon maintenant

*******************

- ça résonne fort et, attends ça s’élève ça s’élève ça racle

attends

non les ongles dans ma peau

non! une alarme qui résonne

non! putain de rêve qui me pousse à gratter ma putain de peau!

merde!

ma tête! un poids lourd sur mes yeux la tête tendue

glissant dedans et dehors elle s’arrête l’alarme!

pianoter sur le téléphone

la bouche sèche


Biographie :

Née en 1980, Rebecca Watson a publié dans plusieurs revues prestigieuses comme le Times Literary Supplement ou The White Review. Grand espoir des lettres britanniques à tout juste 25 ans, elle est également critique littéraire pour le Financial Times. Sous la peau, est son premier roman.


samedi 21 mai 2022

Isabelle FLATEN – Triste Boomer – Poche Points - 2022

L'histoire

John, PDG d'une importante firme se retrouve à la retraite. Et bien seul. A part des amis d'enfance vivant loin de Paris, il n'a aucune énergie, ressasse le passé et ne mène aucun des projets qu'il s'était fixé. Mais surtout ce célibataire arrogant manque cruellement d'amour. Il se met alors à rechercher sur internet ces anciennes petites amies et surtout Salomé, la femme de sa vie qu'il n'a pas su écouter.


Mon avis

Hilarant, ce petit livre n'est sans doute pas un chef d’œuvre de la littérature française, mais il est des plus réjouissant. Car si l'histoire en elle-même est banale, c'est la façon de la raconter qui est originale. Le propre PC portable de John nous éclaire sur sa vie, pc en révolte contre les smartphones par ailleurs et qui se reboute quand il n'est pas content. Deux voisines commères à souhait commentent aussi la vie de John. Quant à Salomé, c'est par les trait d'un vieux portait du grand-père du Manoir dont elle a hérité qui commente ses choix, sa vie et le bon vieux temps où les femmes étaient juste bonnes à assure la reproduction de l'espèce et où les enfants se prenaient des coups de ceinture ou des fessées pour remettre tout ce beau monde en marche.Et de temps en temps un narrateur intervient quand le PC est éteint ou le tableau hors de vue.

Isabelle Platen fait passer l'air de rien des messages féministes et une critique de la société des bobos, de la culture New-age et de la société de consommation. De plus elle cite des philosophes comme Platon, Nietzsche reconnu pour sa misogynie ou Kierkegaard, pas tendre non plus.


Extraits :

  • Les littératures de tout temps, des Liaisons dangereuses au Rouge et le Noir, en passant par La Dame aux camélias, regorgent de désillusions amoureuses. Certaines midinettes contemporaines exploitent le filon sans scrupules, flouent les lecteurs naïfs en concluant la romance par une happy end dans le but de les fidéliser. Et ça fonctionne, il suffit de regarder les ventes de Barbara Cartland ou des titres de la collection Harlequin. (le Marquis du tableau)

  • Le coup de la panne est ma blague favorite, je suis taquin de nature. Un brin tordu aussi. Pour l’agacer je buggais. Ça me prenait toujours quand il ne le fallait surtout pas, au moment où, entre deux calls, il rédigeait un mail à son dircom pour formaliser les next steps business et upgrader le benchmark avant le meeting du lendemain. Furieux, John m’assommait le clavier d’une main rageuse à la recherche d’une touche magique qui lui restituerait ses données asap. En vain. Il tentait alors la méthode douce, me caressait le pavé tactile d’un doigté de plume. Ça me rendait tout chose, je cédais et nous reprenions le business as usual. E crainte qu’il me remplace par un collaborateur sans humour, je n’abusais pas de la plaisanterie. Nous étions en osmose, j’étais sa moelle, il était mon sang et nous turbinions à l’unisson. Chaque clic nous précipitait au cœur des choses. Nous étions suspendus à la pulsation de la messagerie, inscrits dans le vorace tourbillon de affaires comme dans la plénitude de l’existence. C’était le bon temps. Mais depuis que John a vendu sa start-up, il me délaisse. Du big boss tout feu tout flamme qui me sautait dessus dès l’aurore afin que j’illumine son réveil de mon écran, seule subsiste l’ombre. Je passe la plupart de mon temps sur off. Un moribond. Réfugié sur le cloud, je revisite ma mémoire, ce puits sans fond des jours heureux, le lieu de ma nostalgie, et me creuse le disque dur dans l’espoir d’y piocher un élément qui permettrait la résurrection de notre duo. (Le PC)

  • La voisine : T’as vu les volets de Johnny sont fermés ?
    L’autre voisine : Oui j’ai vu. Donc ça y est, il se met en ménage ou quoi ?
    La voisine : Tu veux vraiment le savoir ?
    L’autre voisine : Oh il peut courir tous les jupons qu’il voudra, je m’en fiche, il ne me fait plus rêver. Et tiens-toi les côtes, je lui ai piqué l’idée.
    La voisine : Qu’est-ce que tu veux dire ?
    L’autre voisine : J’ai fait comme lui, je suis partie à la chasse aux ex mais en plus moderne, sur les réseaux sociaux. Pour le moment j’ai trouvé deux morts, quatre vieux cons et depuis hier je tchatche avec Roland, un type avec qui j’avais couché le temps d’un été et qui se souvient très bien de moi. J’y passe mes soirées, c’est dingue tout ce que j’avais oublié. Passe tout à l’heure, je te montrerai à quoi il ressemble.

  • Les W, comme on appelle les jumeaux, poussent et s’épanouissent comme des fleurs, arrosés chaque jour par un entourage béat d’admiration qui applaudit des deux mains chacune de leurs galipettes et chacune de leurs apparitions dans une pièce. Ce sont des mioches on ne peut plus ordinaires mais je me tais pour ne pas briser leurs illusions. Le jour où je les ai surpris en train de barbouiller la tapisserie d’Aubusson du grand salon, j’ai cru que j’allais sortir de mon cadre pour leur en coller une. (le Marquis)


Biographie :

Née à Strasbourg en 1957, Isabelle Flaten s'est mise à l'écriture dans la seconde moitié de sa vie. Elle vit à Nancy et a déjà publié 11 romans.


En savoir plus :


 

jeudi 19 mai 2022

Joël Dicker – L'affaire Alaska Sanders – Rosie Wolfe éditions - 2022

 

L'histoire

En 1999, le corps sans vie de la jeune mannequin Alaska Sanders est retrouvé abandonné sur une plage en bord d'un lac. La petite ville (fictive) de Mount Pleasant, dans le New Hampshire est bouleversée. Très vite, les enquêteurs arrêtent 2 jeunes du village, preuves ADN à l'appui. Le meurtrier présumé se suicide dans le commissariat, son complice qui plaide son innocence est condamné à perpétuité. Mais 11 ans plus tard, l'affaire rebondit. Une preuve de l'innocence du condamné arrive et l'enquêteur Gahalowood aidé de son ami le célèbre écrivain Marcus Goldman reprend l'enquête. Les langues se délient, et petit à petit, un horrible machination est dévoilée. Qui était vraiment Alaska Sanders ?


Mon avis

Enfin un bon polar ! Une enquête passionnante qui va vous tenir en haleine jusqu'à la dernière page et le dernier mot.

Comme souvent avec Dicker, le roman est très bien structuré. Ici c'est l'écrivain qui raconte, entrecoupé de chapitre sur les interrogatoires de la police, les témoignages des témoins, chaque chapitre identifie parfaitement où nous nous situons. De plus le style est assez humoristique et avec beaucoup d'auto-dérision, en fait le livre s'écrit sous nos yeux.

L'intrigue est passionnante, justement parce que nous assistons à une vraie enquête. Ici pas de policier « héros maudit », pas de clichés traditionnels. Nous sommes les témoins de l'action précise et concise (même si le roman fait 570 pages) tant il y a des rebondissements.

Par ailleurs, Dicker nous montre le fonctionnement d'une petite ville, en apparence tranquille, mais où les jeunes n'ont pas un avenir des plus prometteurs (il faut des prêts étudiants très onéreux à rembourser ou alors avoir la chance d'être remarqué dans un sport par exemple). Mais aussi les non-dits, les commérages, la police trop pressée par son procureur de trouver les meurtriers.

Ce roman est une suite des romans de l'auteur suisse « L'affaire Harry Quebert » paru en 2012 et du « livre du Baltimore » publié en 2015 (en poche). Mais vous pouvez très bien lire ce roman sans avoir lu les 2 premiers.


Biographie

Joël Kicker est né en 1985 à Genève où il vit toujours. Après divers emplois, il se consacre à l'écriture de polars qui sont en général de grands succès littéraires. Depuis 2021, il dirige sa propre maison d'éditions « Rosie Golfe ». Il a écrit 5 romans. 

https://www.joeldicker.com/


Extraits :

  • Un couple ne coule des jours heureux que l'espace de quelques mois. Ensuite, c'est du travail, des compromis, de la frustration, des larmes. Mais ça en vaut la peine, parce que le résultat est une unité qui n'est pas due à de la chimie ou de la magie, cette unité, vous l'avez construite. L'amour n'existe pas par lui-même, il se bâtit.

  • Nous avons tous une mouette en nous, cette tentation de fainéantise et de facilité. souvenez-vous de toujours la combattre, Marcus. La majorité de l'humanité est grégaire, mais vous êtes différent. Parce que vous êtes écrivain. Et les écrivains sont des êtres à part. Ne l'oubliez jamais.

  • La nostalgie est notre capacité à nous convaincre que notre passé a été pour l'essentiel heureux, et que par conséquent nos choix ont été les bons.

  • Sergent, votre femme est merveilleuse. Son seul défaut est de s'être mariée avec vous.

  • La stupidité de rester au bureau jusqu'à pas d'heure. Ce sont les Américains qui ont inventé ça. Prouver sa valeur au travail en restant au bureau plus tard que les autres, en envoyant des e-mails en pleine nuit et pendant le week-end. Ça n’a aucun sens. En réalité, si vous devez faire des heures supplémentaires, c’est parce que vous n'avez pas réussi à accomplir le travail demandé pendant le temps imparti et qu'il faut donc vous virer.

  • Le piège de l'argent, Marcus, c'est qu'il peut acheter toutes les sensations, mais jamais de véritable sentiment. Il peut donner l'illusion d'être heureux sans l'être vraiment, d'être aimé sans l'être réellement. L'argent peut acheter un toit, mais pas la sérénité d'un chez-soi.


dimanche 15 mai 2022

Véronique OLMI – Bakhita – livre de poche ou Albin Michel.

 

Véronique Olmi romance la vie de Sainte Bakhita, la première femme noire à être canonisée par Jean-Paul II en 2000, et s'attache sur les ¾ du livre à nous raconter son enfance.


L'histoire

Petite fille de 7 ans (elle serait née en 1869) la petite Bakhita vit dans un petit village du Darfour (Soudan). Alors qu'elle joue seule aux abords du village elle est enlevée par des mercenaires négriers. Elle va alors passer de maîtres en maîtres, certains cruels. Ainsi elle sera scarifiée « parce que c'est plus joli », puis violée, puis soumises à des durs travaux de servitude. L'auteure ne nous épargne pas cette enfance écorchée, rendue encore un peu humaine par des amitiés de passage avec d'autres fillettes. Elle sillonne ainsi l’Éthiopie, car les esclaves se vendent et se revendent.

Elle est finalement rachetée par un consul italien qui l'emmène en Vénétie. Elle sera tout d'&abord employée par une famille avec laquelle la toute jeune femme (19 ans) liera un lien fort avec la petite fille qu'elle seule sait apaisée. Puis affranchie à 21 ans, celle qui a du subir aussi les regards mauvais (on la surnomme la Moretta, la noiraude) elle dévide d'entrer au couvent à Venise, puis finir sa vie en tant que religieuse pour l'orphelinat de Schio à Vicence. Très malade et affaiblie par les tortures dont elle a été victime pendant 13 ans, Sœur Gioseffa Margherita Fortunata Maria Bakhita meurt en paix en 1947.


Mon avis

Certains critiques littéraires ont trouvé que Véronique Olmi avait fait quelques écarts historiques avec la vraie vie de Bakhita (mais le livre est un roman, pas une biographie).

Le livre est une dénonciation de l'esclavage souvent par des commerçants arabes dans cette région de l'Afrique de l'Est. Parce qu’elle nous détaille, mais sans pathos, toute l’enfance de cette petite fille dont on dit qu'elle a été vendue de 7 à 12 fois, nous prenons la mesure de ce qu'on pu vivre les femmes africaine dans cette période tourmentée.

Nous pouvons aussi y lire une critique du Mussolinisme, qui se sont servis de la vie de Bakhita pour se déculpabiliser de leur idéologie malsaine.

Bakhita n'aura jamais reçu d'instruction. Les mauvais traitements et les traumatismes qui en ont découlé sont si violents qu'elle en oubliera même son nom de naissance et celui de sa famille et sa langue natale. D'ailleurs elle ne parlera jamais très bien italien mais une langue où se mélange des mots arabes, africains. Du plus, si l'entrée en religion est le seul choix possible pour cette jeune femme, l'auteure n'est pas persuadée de sa foi profonde en ce catholicisme qui ne peut en rien répondre à la vie volée de la petite fille.

L'écriture est pourtant douce, surtout dans la partie italienne du livre. Car, autant son enfance a été tragique, autant Bakhita a un don inné avec les enfants qu'elle aime comme une mère, et qu'elle sait apaiser. Un don de résilience qui devrait nous faire méditer aussi, face à nos petites épreuves de la vie.

J’ai lu ce livre avec passion. Passion pour cette histoire que je ne connaissais pas, passion pour cette héroïne hors du commun, et passion pour l'écriture qui sait se faire poétique et pour les messages universels qu'il transmet. Au-delà de l'horreur, il y a la rédemption, non pas au sens religieux du terme mais au sens de donner une voix à sa vie.


Biographie

Véronique Olmi est née en 1969 à Nice. Elle a écrit 16 romans à ce jour. Elle écrit aussi pour le théâtre. Elle a obtenu des prix littéraires dont pour Bakhita, le Prix du roman Fnac 217 et le prix Patrimoine BPE 2017.


Extraits :

  • Tout est concentré sur la marche et le courage qu'il faut pour la faire. Mais cette envie de vivre qui la saisit là, dans cette captivité où elle est moins considérée qu'un âne, est comme une promesse qu'elle se fait : elle veut vivre. Cette pensée est à elle. Personne ne peut la lui prendre. Elle a vu les esclaves abandonnés aux vautours et aux hyènes. Elle a vu les esclaves invendables, et ceux bradés aux miséreux. Elle ne sait pas si elle vaut de l'argent, une chèvre, quatre poules, du sel, des bassines en cuivre, des colliers, des pagnes, une dette, une taxe, elle ne comprend pas contre quoi on l'échange, mais elle sait une chose : elle ne veut pas mourir abandonnée au bout de la route. Alors elle obéit. Elle marche. Elle se concentre sur l'effort. Elle est avec Binah, sauvée de la bergerie et du berger. Elle marche. Et elle a une amie. Une autre vie que la sienne, à laquelle elle tient aussi fort qu'à la sienne.

  • Elle se tait et elle sourit. Elle attend. Elle sait très bien attendre. Elle a eu tant de maîtres, elle a reçu tant d'ordres fous, elle sait que se taire est souvent la plus prudente des attitudes.

  • Esclave, elle ne sait pas ce que c'est exactement. C'est le mot de l'absence, du village en feu, le mot après lequel il n'y a plus rien.

  • Elle sait qu’il ne faut s’attacher à personne, qu’à Dieu. C’est ce qu’ils disent, mais elle n’y croit pas. Ce qu’elle croit, c’est qu’il faut aimer au-delà de ses forces, et elle ne craint pas les séparations, elle qui a quitté tant de personnes, elle est remplie d’absences de de solitudes

  • Et c'est comme ça que dorénavant elle avancera dans la vie. Reliée aux autres par l'intuition, ce qui émane d'eux elle le sentira par la voix, le pas, le regard, un geste parfois.

  • Cet amour"immense", cet amour du jour qui se lève et du jour qui se couche, cet amour de tout ce qui vit, de tout ce qui est, cet amour...
    Ça n'est pas supportable. On lui a creusé la poitrine jusqu'au cœur, on le lui a arraché, et maintenant elle voit. De quoi il est plein.

    En savoir plus :

    - https://www.youtube.com/watch?v=6A_EdcyHNbA

    - https://www.youtube.com/watch?v=AX2UeK4YKJA

    -https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-1ere-partie/veronique-olmi-une-sainte-se-raconte-1122480

    - https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-du-mardi-08-fevrier-2022

samedi 14 mai 2022

Arttu Tuominem – Le Serment – Editions de la Martinière - 2021

 

Trois jeunes garçons finnois se jurent un pacte d'amitié et de loyauté, un serment fort qui les unit. 27 ans plus tard les 3 hommes se retrouvent dans des circonstances inattendues : un cadavre, son meurtrier supposé les mains ensanglantées, et celui qui est devenu inspecteur de police chargé de l'enquête.

Mais face à ce serment de jadis, les choses vont être plus compliquées que prévues.Que s'est-il donc passé dans l'enfance des trois personnages.

Mon avis

Si la facture polar est bien présente, l'originalité du roman tient dans les aller-retours avec le passé de chacun de personnages, dans les décors somptueux mais parfois hostiles des steppes finlandaise. Ici ce n'est pas tellement l'enquête qui compte, assez classique dans le genre, le policier alcoolique et cabossés par la vie mais la façon dont Paliviita, l'inspecteur va devoir jongler entre sa morale et le serment du passé.

Bien sur la critique sociale est sous-jacente : Dans cette belle Finlande, tout n’est pas rose : la violence, l’alcool, les mauvais traitements, les jeunes qui ramassent et tournent mal.

Ceci dit, malgré à mon avis quelques pages en trop, cela reste un bon polar qui se laisse lire.


Extraits :

  • Depuis l'arrivée de l'informatique, la quantité de papier avait décuplé alors que ç'aurait dû être l'inverse.

  • Au milieu de la prairie se dresse une maison abandonnée à la peinture totalement écaillée. (...) L'endroit est aussi fréquenté par des adolescents plus âgés qui viennent y boire de la bière et 'baiser des filles', comme A. prétend l'avoir vu une fois, bien que J. doute que ce soit vrai. Il a parfois l'impression que son copain voit presque tous les jours des nibards et des exhibitionnistes.

  • Ce n'était que le regard vide d'un homme dont l'alcool avait rongé le cerveau, comme il en avait vu des centaines. Des yeux qui n'avaient soif que d'une chose. Du prochain verre qui aiderait leur propriétaire à oublier tous les précédents qui l'avaient mis dans cet état.

  • Un homme avait étranglé sa petite amie avec la ceinture de son peignoir et tenté de dissoudre le corps dans sa baignoire en versant dessus cent litres de déboucheur Mr Muscle qu’il avait acheté par cartons entiers, vidant les rayons des supérettes du quartier. Mais il n’avait bien sûr pas réussi. La soude avait percé les canalisations de l’immeuble et coulé dans l’appartement du dessous.

  • Il pleure comme jamais il ne se rappelle l'avoir fait. (...) Il pleure, mais pas de douleur. Ses larmes viennent de beaucoup plus profond. Il ne sait pas exactement d'où, mais il est conscient que c'est bien pire.


Biographie

Arttu Tuominen, est ingénieur environnemental. Il habite au bord de la mer, à Pori, au sud-ouest de la Finlande, où il situe l’action de son cinquième roman, "Le Serment", mais seulement le premier traduit en français. Il a été récompensé en 2020 du Prix Johtolanka, prix du meilleur roman policier finlandais.L'auteur vit à Pori avec sa femme et ses trois enfants.

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Karla Suarez – La voyageuse – Editions Métaillé - 2005

 

Circé et Lucia sont deux jeunes filles cubaines qui partent ensemble étudier au Brésil. Mais à la fin de leurs études, elles décident de ne pas rentrer à Cuba, non pas pour des raisons politiques mais pour vivre leur vie.

Si la sage Lucia épouse un homme d'affaires italien et vit à Rome, Circé curieuse du monde va faire son tour du monde Sao Paulo, Madrid, Barcelone, Rome. Autant d'endroits que de rencontres.Mais les deux amies ne se sont jamais éloignées et se retrouvent quand Circé décide de se poser à Rome « avec son fils et son bonzaï ».


L'originalité de ce deuxième roman de la cubaine Karla Suarez est qu'il est construit comme un carnet de bord, qui fait lire Ciré à son amie. On y découvre un personnage de femme à la fois fragile et pleine d'ironie et une amitié dans un tourbillon de vie entre danse et musique. Mine de rien, c'est aussi une ode à Cuba dans son mode de vie joyeux. Le style simple et parfois impertinent de l'auteure nous donne envie de voyages, mais sans oublier la nostalgie de l'exil et de trouver son lieu de vie. Les deux héroïnes sont à la fois touchantes et drôles. On y parle aussi beaucoup d'amour (et son cortège d'illusions).

Un petit livre réjouissant qui se lira facilement et qui sait, vous donnera des envies de voyage.

Extraits :

  • L'amour est ainsi : il arrive ou pas. On ne peut pas l'inventer, le temps le détériore ou l'enrichit, mais on s'appuie sur son existence, ou pas.
    Toutes les choses sont là, l'essentiel est d'être capable de les reconnaître, sinon le train file et on se retrouve à la gare suivante.

 

Bibliographie

Née en 1969, Karla Suarez est romancière et nouvelliste. Elle a publié 4 romans traduits en français, des recueils de nouvelles, et des récits de voyage. Elle est aussi la réalisatrice d'un documentaire « 24 heures dans la vie d'une femme cubaine »

Elle a donné des ateliers d’écriture littéraire en Italie et en France. Elle a écrit pour le journal El Pais

En 2012, son roman La Havane, année zéro a gagné le Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-monde et le Grand Prix du Livre insulaire en France2.

Après avoir vécu quelques années à Rome, puis à Paris, elle réside actuellement à . Lisbonne . Elle est de plus professeur d’écriture de l’Escuela de Escritores a Madrid.



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vendredi 13 mai 2022

Boris QUERCIA– Les rêves qui nous restent – Éditions Asphalte 2021

 

Natalio, policier de catégorie 5 (la pire des catégories) se voit confier une enquête par une des plus grosses sociétés de la City, le siège absolu d'un univers totalitaire. Il est aidé par son éléctroquant (son robot andoïde) qui se relève plus surprenant que prévu.

Ce cours roman à l'univers très « Blade Runner », fait son boulot de petit roman SF/Polar facile à lire. Très classique on retrouve l'enquêteur tourmenté qui n'a plus rien à perdre et originalité, un androïde capable de conscience et une amitié entre l'humain et la machine. Comme toujours les ultra-riches peuvent se permettre un coin de nature réelle, sinon on vous propose de plonger dans un univers de rêves artificiels très très particulier.

Facile à lire, il vous replongera dans l'univers de Philip K. Dick. De plus une play list vous est proposée en fin de roman afin d'accompagner votre lecture. Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=IXdNnw99-Ic&t=131s

Extraits

  • Mon électroquant se vide de son sang.
    Le liquide de refroidissement forme une grande mare autour de son corps, et de minuscules ruisseaux vaporeux s'écoulent dans les rainures des dalles de béton jusqu'à la plaque de métal sur laquelle je me tiens. C'est comme si cette humeur chaude et visqueuse, qui s'échappe de sa tête fracassée, était autonome et cherchait à s'infiltrer dans le sous-sol pour dégouliner sur les dissidents et se venger.
    Tout s'est passé très vite.

  • Enfants, nous voulons tous devenir des super-héros. Mais quand vient la chute, il faut savoir accepter de se fracturer les genoux en tombant. Et ça ne sert à rien de pleurer, il y a toujours quelqu'un encore plus bas que toi dans la fosse et c'est lui qui recevra toute ta merde.

  • Pourquoi mettre la douleur sur le tapis ? S'il y a une chose que les électros ne connaissent pas, c'est bien ça. La douleur, c'est nous qui l'avons conservée. Ils nous ont pris tout le reste, à commencer par la raison, mais chacun de nous, comme si nous ramassions les dernières miettes d'un banquet auquel nous n'étions même pas conviés, a pris sa douleur, la garde depuis au fond de sa poche et la traîne toujours avec soi.

Bibliographie : 

Boris Quercia est né à Santiago du Chili en 1967. Acteur, réalisateur, scénariste, producteur et écrivain, il travaille à la fois pour le cinéma et la télévision.

L’écriture de polars reste son jardin secret. "Les Rues de Santiago", son premier roman, sort en 2014. Suivra, l'année suivante, "Tant de chiens" puis « la légende de Santiago ».

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jeudi 12 mai 2022

Edouardo Fernando VARELA – Patagonie route 303 – Éditions Métaillé - 2020

 

Parker, un camionneur parcourt les routes secondaires de la Patagonie, pour livrer des marchandises dont quelques unes douteuses. On imagine un passé compliqué. Dans cette grande région (au su de l'Argentine et du Chili, on rencontre une drôle de faune : un journaliste qui recherche des sous-marins nazis, un garagiste des plus flemmards, une trop jolie caissière d'une miteuse fête foraine, d'autres camionneurs qui ne pensent qu'à boire et à se bagarrer, mais aussi des évangélises boliviens, une tribu d' indiens anthropophages qui ne le sont pas.. Cet inventaire à la Prévert donne lieu a des situations cocasses, qui ont le chic d'énerver ou d'amuser le héros.

Mon avis  

Plus que tout ce livre est un hommage à la Patagonie, avec ses déserts, ses vents violents, ou sa chaleur excessive. Évidemment les rencontres sont cocasses, parfois dangereuses, comme si ce monde là ne tournait pas rond.

L'écriture de ce premier roman, façon « road trip » est très spontanée et parfois très drôle, avec ce personnage principal à la fois désabusé, amoureux, colérique mais toujours avec un certain humour. Car si les lieux ont des noms improbables (Mule Morte, Jardin épineux), selon les vents les endroits changent et s'orienter dans ces paysage mutants est aussi difficile que de trouver un sens à sa vie.

On s'amuse beaucoup, tout en imaginant des lieux aussi divers qu'improbables. Bien sur le second degré est de mise, et en fait un drôle de roman, savoureux à souhait, entre la bière (« meilleure boisson du monde »), les querelles et quelques réflexions philosophiques sur l'existence. Pari réussi pour ce livre qui vous amusera et qui vous donnera envie d'aller vous promener dans les steppes argentines.

Extraits :

  • Cette nuit-là, Parker dormit dans la cabine pour gagner du temps, une sensation de hâte le dominait depuis le moment où il avait décidé de revoir cette femme. “Maytén”, répétait-il dans sa tête. Le son de ce prénom évoquait la terre et le paysage, les lacs bleutés de la cordillère, la brise tiède du printemps qui caressait les corps ; il produisait un écho fragile et cristallin, un accent, un final sans voyelle, ce qui ajoutait une grâce subtile, vaporeuse. Plus Parker se répétait ce prénom dans la pénombre du camion immobile sous les étoiles, plus il prenait de significations, jusqu’à devenir magique et parfumer l’aube.

  • Parker se dirigea vers le centre du bourg sans saluer les divinités, il remonta une longue avenue déserte et se gara près d'une placette au centre de laquelle se dressaient le mât du drapeau national et une fontaine à sec, pleine de terre, au pied d'une statue équestre du lieutenant homonyme, couvert d'un poncho et armé d'un fusil : un obscur héros de la conquête du désert, qui devait sa célébrité aux massacres d'Indiens, présentés comme des batailles pour le progrès, tué à son tour par ceux-ci au cours d'un raid. Une plaque commémorait ses hauts faits et incitait les générations futures à suivre l'exemple de cet illustre soldat., mais aux pieds du cheval les autorités locales, dans un geste de réconciliation nationale, avaient ajouté la statue d'un Indien aux cheveux longs et en pagne qui, soumis et penaud, marchait à ses côtés comme un fidèle écuyer.

  • Bon, alors prenez la 210 jusqu’à trouver un arbre abattu. Si vous dépassez les trois jours, revenez en arrière, parce que vous serez allé trop loin. Au croisement, prenez à gauche, c’est l’affaire d’un jour et demi, deux s’il pleut.

  • L’écriture est une maladie compliquée. Vous savez quel est son seul remède ? .......
    -Le seul remède, dit-il enfin, c’est de continuer à écrire.

Bibliographie : 

Né en 1960 à Buenos Aires, Eduardo Fernando VARELA vit entre Buenos Aires, où il écrit des scénarios pour le cinéma et la télévision, et Venise. Il a étudié le journalisme, la photographie et l’écriture audiovisuelle."Patagonie route 203" est son premier roman. Il a obtenu le prix Casa de las Americas 2019.

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lundi 9 mai 2022

Monica OJEDA – Mâchoires – Gallimard « du monde entier » - 2022

 

L'histoire  

Fernanda, une belle et insolente lycéenne passionnée de littérature et de films d’horreur, se réveille pieds et poings liés dans une cabane au milieu de la forêt équatorienne. Sa kidnappeuse n’est pourtant pas une inconnue : il s’agit de sa professeure de lettres, Miss Clara, une femme hantée par le souvenir de sa mère et harcelée depuis des mois par ses élèves dans un établissement catholique de l’Opus Dei, réservé aux élites de Guayaquil.

Fernanda et ses amies se veulent des filles libres, non soumises aux codes moraux de la société, et passionnées par les films d'horreur et le « creepypastas » ces légendes urbaines, elles vont aller jusqu'aux confins des relations amicales, sexuelles et machiavéliques. A leur dépens.


Mon avis

Le premier roman de la Monica Ojeda (Équateur) ne fait pas dans la dentelle, avec une construction de son roman variant selon les époques. D'un coté cette bande d'adolescentes qui vont toujours plus loin dans des délires. Totalement féminin, l'auteure explore les relations filles/mères, avec Clara, cette professeure encore sous l'égide de sa mère décédée, et cible des élèves, mais aussi la dynamique d'un groupe d'adolescentes qui passent de la tendresse à la perversité et à la trahison.

La plume de Monica est à la fois poétique, précise et audacieuse, car très imagée. A titre d’exemple, Anelise appelle l’adolescence « l’âge blanc ».

L’auteure élabore un thriller horrifique et psychologique, minutieusement construit, énigmatique et bouleversant. Un roman explorant le côté sombre de la féminité, où les hommes sont absents, ou presque. Grâce à un fort pouvoir de suggestion, mélangeant volontiers délire et réalité, utilisant la terreur cosmique dans le plus pur style de Lovecraft,  Monica dépeint les peurs et les réactions de ces adolescentes, occupées à se construire, grandir et apprendre. On retrouve même une référence au body horror, de manière subtile, avec la maladie dont souffrait la mère de Clara.

 Mâchoires » joue avec l’esprit du lecteur, brouillant son environnement. C’est extrêmement dérangeant, ce qui en fait un excellent roman d’horreur psychologique. Atypique et envoûtant à la fois. Et puis il y a aussi en miroir un amour passionné pour la littérature et la poésie, avec des références à des grands écrivains ou poêtes.



Extraits

  • En ce sens, le fait que le Lycée ne soit pas ouvert aux garçons était est un facteur clé car cela modifiait les relations entre les filles ainsi que l’organisation sociale des classes. Dans un groupe mixte, par exemple, l’élément le plus turbulent - celui qui faisait le malin et se faisait mettre à la porte - était en général un garçon. Il y avait aussi cette éternel flirt entre garçons et filles d’une même classe, qui fonctionnait par contraste : plus ils étaient provocateurs et violents, plus elles étaient sages et responsables - ou du moins faisaient semblant de l’être car ce n’était qu’un masque pour attirer leur proie. Il y avait, bien sûr, des exceptions : des gamines qui enfreignaient les règles, abusaient de la patience de leurs professeurs et frappaient leurs camarades, mais en général les filles se construisaient en opposition à ce genre de comportements qu’elles voyaient chez les autres et qu’elles associaient à une masculinité qui leur était interdite.

  • Une fille ne se rend jamais compte qu'un jour il lui faudra être la mère à la mâchoire. Mais tu es comme ma fille parce que tu es mon élève. Je me rends responsable de tout le mal que tu fais .Ouvre toi bien .On va éteindre ensemble les lumières pour qu'apparaisse le Dieu blanc de ta pensée. L'immense vérité du néant. Tu le sais, non?Bien sûr que oui.Bien sûr que tu le sais.Tu sais bien que les filles qui ont trop d'imagination finissent tarées, mais à présent tu vas apprendre quelque chose d'important .Réjouis-toi.Voici la couleur de la peur .Le blanc du lait.Le blanc de la mort.Crane enneigé de Dieu.Bienvenue dans la mâchoire volcanique.Bienvenue chez moi.Entrons.(Page 315/316).

  • Être la fille, avait-elle compris avec le temps, revenait à être la mort de sa mère–tout le monde engendre son assassin, pensa-t-elle, mais seules les femmes en accouchent–et cette mort, elle l’emporte comme une graine dans sa profession, dans sa coiffure, dans ses vêtements et même dans ses gestes…

  • Parce que la nature des filles, disait le credo, c'était de sauter sur la langue maternelle main dans la main; survivre à la mâchoire pour devenir ma mâchoire, prendre la place du monstre, c'est à dire celle de la mère Dieu qui donnait naissance au monde du désir.

  • Son imagination est musculaire, elle est comme attachée à son squelette, et elle est, je ne sais pas, réelle. C’est quelque chose qui bouge.



Bigraphie

Monica Ojeda est née en 1988 en Équateur. Monica Ojeda Franco est une écrivaine équatorienne, poétesse, nouvelliste et romancière.Elle a obtenu son baccalauréat universitaire à l'Université catholique de Santiago de Guayaquil, suivi d'un master de l'Université Pompeu Fabra de Barcelone. Elle prépare son doctorat à Madrid.

Elle est l'autrice des romans "La desfiguración Silva" (Prix Alba, 2014) et "Nefando" (2016), ainsi que du recueil de nouvelles "Las voladoras" (2020) et du recueil de poèmes "El ciclo de las piedras" (Prix National de Poésie 2015).
En 2017, elle a été considérée comme l'une des 39 meilleurs écrivains latino-américains de fiction de moins de 40 ans.
Avec la publication de "Mâchoires" ("Mandíbula", 2018), Ojeda est devenue l’une des autrices de langue espagnole avec la plus grande perspective internationale.
Elle vit et travaille à Madrid depuis 2016
. Mâchoires est son premier roman traduit en français.



En savoir plus :

vendredi 6 mai 2022

Délia OWENS – Là où chantent les écrevisses – Poche Point - 2021

 

Kya a 6 ans quand sa mère quitte le foyer, une cabane dans la zone marécageuse de Caroline du Nord (USA). A cause d'un père violent et alcoolique qui tyrannise sa femme et ses ses 5 enfants, les aînés partent à leur tour e l'héroïne se trouve bien seule. Et puis un jour son père disparaît aussi.

A 10 ans, elle ne sait ni lire ni écrire et échappe aux services sociaux. Elle survit en vendant des moules à son ami noir Jumping qui tient une épicerie et sa femme l'habille et l'aide. Mais la ségrégation est encore de mise dans les années 50 et « la fille du marais » a mauvaise réputation.

Grâce à un ami de son frère, Tite, un jeune homme brillant et respectueux, Kay va apprendre à lire, et s'intéresser à la faune et la flore du marais. Elle publiera des livres qu'elle illustre elle-même et de poèmes. Mais la vie de Kya est pleine de surprise.

Le livre aux 4 millions d’exemplaires vendus aux USA est devenu un phénomène littéraire. D'une part parce que l'on y trouve une intrigue à l'issue incertaine mais Délia Owens fait revivre la vie des années 1950/1970 et cette vie sauvage dans les marais où se réfugient des évadés de prisons, des noirs fuyant la ségrégation. On y vit de la pêche et notamment de la pèche aux crevettes. Les plus aisés vivent dans des jolies maisons mais les plus pauvres dans des cabanes bricolées dans les bois.

Solitude et Multitude

Kya est une jeune fille farouche, qui a peur du monde mais qui redoute encore plus la solitude, ce qui l'amènera a une l'histoire entremêlée dont je ne vais rien vous dire.

Mais Kya est aussi envahie par la multitude, celle de la nature de ces marais. Elle est amie avec les oiseaux qu'elle va nourrir, connaît chaque coquillage, chaque herbe, chaque recoin de son aire bien à elle. Toute la flore et la faune sont étudiées par la jeune femme, qui possède un savoir incomparable, et finit par devenir une spécialiste de cette région.

Elle est aussi seule contre tous, victimes des préjugés, et à part la famille noire et Tate

celui qu'elle aime et celui sur lequel elle pense pouvoir compter. L'amour pour Kya relève de méfiance et sentiment d’abandons qu'elle ressent dans sa chair.

L'écriture poétique

Delia Owens n'a pas son pareil pour décrire cette nature spécifique sans jamais lasser le lecteur. Elle y incorpore des poèmes (Emily Dickinson par exemple) et aussi ceux que compose Kya sous un pseudonyme qui reflètent ses états d'âme. Même si ce n'est pas un génie de la poésie(ce qui est voulu par l'auteure), cela apporte un certain charme au roman comme des petites pauses dans ce tourbillon de plumes, de coquillages, d'herbes, de marécages.

Un roman engagé

J'ai lu des critiques qui reprochaient le coté « passif » de Kya et le coté pygmalion de Tate ? Il n'en est rien. Kya sait assurer sa sécurité, même si ce personnage si sensible a des rancœurs tenaces. Face à elle, les autres femmes que l'on croise dans le roman ne sont que des exemples des femmes de la société de l'époque. Puritaines, racistes, incapables de tolérer la moindre différence. Le soutien sans faille de Jumping puis de Jacob, personnes de couleurs préfigurent la lutte pour l'égalité des noirs, et Kya ne se pose pas la question. Ce sont des amis, ceux qui l'aident vraiment quand tout le visage médit sur celle qui va devenir une très belle femme. Par son autonomie, sa liberté de jugement, sa vie active à une époque où les braves dames ne travaillent pas, c'est révolutionnaire. N'oublions pas que le roman se situe en Caroline du Nord état sécessionniste où le drapeau trône encore à la mairie. C'est aussi une critique sociale : les pauvres, les riches sans aucune solidarité, ceux qui ont et prennent et ceux qui n'ont rien et tombent dans le banditisme ou les petits trafics même si l'auteure ne s'attardent pas sur ces faits. C'est d'emblée de jeu au premier chapitre.

Extraits :

  • Pour Kya, il était suffisant de faire partie de cette suite naturelle d’événements, rythmée par la même régularité que les marées. Elle se sentait attachée à sa planète d’une façon que peu de gens connaissent. Elle était enracinée dans la terre. Elle lui devait la vie.

  • Au point le plus vulnérable de sa vie, elle se tournait vers le seul gilet de sauvetage qu'elle connaissait : elle-même.

  • Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé.

  • C'est exactement ce que personne ne comprend à mon sujet.
    D'une voix de plus en plus forte, elle poursuivit :
    Moi, je n'ai jamais détesté les gens. c'est eux qui m'ont haïe. Eux qui se sont moqués de moi. eux qui m'ont quittée. Qui m'ont harcelée. Eux qui m'ont agressée. C'est vrai, j'ai appris à vivre sans eux. Sans toi. Sans Ma! Sans personne!

  • Ô lune qui décrois,
    Éclaire et suis mes pas
    Dissipe de ta lumière
    Les ombres de la Terre
    Viens éveiller mes sens
    Pénétrés de silence
    Tu sais comme le temps
    Étire les moments
    Jusqu'à l'autre rivage
    Quand nul ne les partage
    Le ciel n'est qu'un soupir
    Quand le temps se retire...
    Sur le sable mouvant.

  • Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges.
    Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c’est au cœur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie.

  • Les feuilles d'automne ne tombent pas, elles volent. Elles prennent leur temps, errent un moment, car c'est leur seule chance de jamais s'élever dans les airs. Reflétant la lumière du soleil, elles tourbillonnèrent, voguèrent et voletèrent dans les courants.


Bibliographie

Née en 1949, Delia Owens est une écrivaine et une zoologiste américaine.

Diplômée en zoologie et biologie de l'Université de Géorgie, elle est titulaire d'un doctorat en comportement animal de l'Université de Californie à Davis. En 1971, elle rencontre Mark Owens, chercheur et biologiste comme elle. Ils se marient en 1972 et déménagent dans l'Oregon.
Elle part s’installer avec son mari au Botswana en 1974. Ensemble, ils étudient les différentes espèces de mammifères de la région. De 1986 à 1997, Delia et son mari vivent au parc national de Luangwa Nord en Zambie où ils étudient les éléphants.
Grâce à cette incroyable expérience au Kalahari puis en Zambie, ils publient trois livres de non-fiction, tous bestsellers aux USA : "Le cri du Kalahari" ("Cry of Kalahary", 1984), qui obtient la Médaille John Burroughs 1985, "The Eye of the Elephant" (1992) et "Secrets of the Savanna" (2006).
Delia Owens publie également de nombreux articles scientifiques dans Nature, Natural History, Animal Behavior, Journal of Mammalogy, en menant ses recherches sur les espèces animales en danger et elle monte des projets de sauvegarde de grande ampleur. Elle a vécu pendant 23 ans en Afrique.
"Là où chantent les écrevisses" ("Where the Crawdads Sing", 2018) est son premier roman. Il a été adapté au cinéma.

En savoir plus :

    Son site : son site : https://www.deliaowens.com

     https://www.youtube.com/watch?v=tjPEL-A5RYQ