Kya
a 6 ans quand sa mère quitte le foyer, une cabane dans la zone
marécageuse de Caroline du Nord (USA). A cause d'un père violent et
alcoolique qui tyrannise sa femme et ses ses 5 enfants, les aînés
partent à leur tour e l'héroïne se trouve bien seule. Et puis un
jour son père disparaît aussi.
A
10 ans, elle ne sait ni lire ni écrire et échappe aux services
sociaux. Elle survit en vendant des moules à son ami noir Jumping
qui tient une épicerie et sa femme l'habille et l'aide. Mais la
ségrégation est encore de mise dans les années 50 et « la
fille du marais » a mauvaise réputation.
Grâce
à un ami de son frère, Tite, un jeune homme brillant et
respectueux, Kay va apprendre à lire, et s'intéresser à la faune
et la flore du marais. Elle publiera des livres qu'elle illustre
elle-même et de poèmes. Mais la vie de Kya est pleine de surprise.
Le
livre aux 4 millions d’exemplaires vendus aux USA est devenu un
phénomène littéraire. D'une part parce que l'on y trouve une
intrigue à l'issue incertaine mais Délia Owens fait revivre la vie
des années 1950/1970 et cette vie sauvage dans les marais où se
réfugient des évadés de prisons, des noirs fuyant la ségrégation.
On y vit de la pêche et notamment de la pèche aux crevettes. Les
plus aisés vivent dans des jolies maisons mais les plus pauvres dans
des cabanes bricolées dans les bois.
Solitude
et Multitude
Kya
est une jeune fille farouche, qui a peur du monde mais qui redoute
encore plus la solitude, ce qui l'amènera a une l'histoire
entremêlée dont je ne vais rien vous dire.
Mais
Kya est aussi envahie par la multitude, celle de la nature de ces
marais. Elle est amie avec les oiseaux qu'elle va nourrir, connaît
chaque coquillage, chaque herbe, chaque recoin de son aire bien à
elle. Toute la flore et la faune sont étudiées par la jeune femme,
qui possède un savoir incomparable, et finit par devenir une
spécialiste de cette région.
Elle
est aussi seule contre tous, victimes des préjugés, et à part la
famille noire et Tate
celui
qu'elle aime et celui sur lequel elle pense pouvoir compter. L'amour
pour Kya relève de méfiance et sentiment d’abandons qu'elle
ressent dans sa chair.
L'écriture
poétique
Delia
Owens n'a pas son pareil pour décrire cette nature spécifique sans
jamais lasser le lecteur. Elle y incorpore des poèmes (Emily
Dickinson par exemple) et aussi ceux que compose Kya sous un
pseudonyme qui reflètent ses états d'âme. Même si ce n'est pas un
génie de la poésie(ce qui est voulu par l'auteure), cela apporte un
certain charme au roman comme des petites pauses dans ce tourbillon
de plumes, de coquillages, d'herbes, de marécages.
Un
roman engagé
J'ai
lu des critiques qui reprochaient le coté « passif » de
Kya et le coté pygmalion de Tate ? Il n'en est rien. Kya sait
assurer sa sécurité, même si ce personnage si sensible a des
rancœurs tenaces. Face à elle, les autres femmes que l'on croise
dans le roman ne sont que des exemples des femmes de la société de
l'époque. Puritaines, racistes, incapables de tolérer la moindre
différence. Le soutien sans faille de Jumping puis de Jacob,
personnes de couleurs préfigurent la lutte pour l'égalité des
noirs, et Kya ne se pose pas la question. Ce sont des amis, ceux qui
l'aident vraiment quand tout le visage médit sur celle qui va
devenir une très belle femme. Par son autonomie, sa liberté de
jugement, sa vie active à une époque où les braves dames ne
travaillent pas, c'est révolutionnaire. N'oublions pas que le roman
se situe en Caroline du Nord état sécessionniste où le drapeau
trône encore à la mairie. C'est aussi une critique sociale :
les pauvres, les riches sans aucune solidarité, ceux qui ont et
prennent et ceux qui n'ont rien et tombent dans le banditisme ou les
petits trafics même si l'auteure ne s'attardent pas sur ces faits.
C'est d'emblée de jeu au premier chapitre.
Extraits :
Pour
Kya, il était suffisant de faire partie de cette suite naturelle
d’événements, rythmée par la même régularité que les marées.
Elle se sentait attachée à sa planète d’une façon que peu de
gens connaissent. Elle était enracinée dans la terre. Elle lui
devait la vie.
Au
point le plus vulnérable de sa vie, elle se tournait vers le seul
gilet de sauvetage qu'elle connaissait : elle-même.
Les
visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux
demeurent une fenêtre ouverte sur le passé.
C'est
exactement ce que personne ne comprend à mon sujet.
D'une voix
de plus en plus forte, elle poursuivit :
Moi, je n'ai jamais
détesté les gens. c'est eux qui m'ont haïe. Eux qui se sont
moqués de moi. eux qui m'ont quittée. Qui m'ont harcelée. Eux qui
m'ont agressée. C'est vrai, j'ai appris à vivre sans eux. Sans
toi. Sans Ma! Sans personne!
Ô
lune qui décrois,
Éclaire et suis mes pas
Dissipe de ta
lumière
Les ombres de la Terre
Viens éveiller mes
sens
Pénétrés de silence
Tu sais comme le temps
Étire
les moments
Jusqu'à l'autre rivage
Quand nul ne les
partage
Le ciel n'est qu'un soupir
Quand le temps se
retire...
Sur le sable mouvant.
Un
marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de
lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse
dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil
jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce
inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre
les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des
neiges.
Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais
marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis
dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute
la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est
sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît
moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits,
bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux
parce que c’est au cœur des cellules que se produit le travail de
désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle
redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la
vie.
Les
feuilles d'automne ne tombent pas, elles volent. Elles prennent leur
temps, errent un moment, car c'est leur seule chance de jamais
s'élever dans les airs. Reflétant la lumière du soleil, elles
tourbillonnèrent, voguèrent et voletèrent dans les courants.
Bibliographie
Née
en 1949, Delia Owens est une écrivaine et
une zoologiste américaine.
Diplômée en zoologie et biologie
de l'Université de Géorgie, elle est titulaire d'un doctorat en
comportement animal de l'Université de Californie à Davis. En 1971,
elle rencontre Mark Owens, chercheur et biologiste comme elle. Ils se
marient en 1972 et déménagent dans l'Oregon.
Elle part
s’installer avec son mari au Botswana en 1974. Ensemble, ils
étudient les différentes espèces de mammifères de la région. De
1986 à 1997, Delia et son mari vivent au parc national de Luangwa
Nord en Zambie où ils étudient les éléphants.
Grâce à cette
incroyable expérience au Kalahari puis en Zambie, ils publient trois
livres de non-fiction, tous bestsellers aux USA : "Le cri du
Kalahari" ("Cry of Kalahary", 1984), qui obtient la
Médaille John Burroughs 1985, "The Eye of the Elephant"
(1992) et "Secrets of the Savanna" (2006).
Delia Owens
publie également de nombreux articles scientifiques dans Nature,
Natural History, Animal Behavior, Journal of Mammalogy, en menant ses
recherches sur les espèces animales en danger et elle monte des
projets de sauvegarde de grande ampleur. Elle a vécu pendant 23 ans
en Afrique.
"Là où chantent les écrevisses" ("Where
the Crawdads Sing", 2018) est son premier roman. Il a été
adapté au cinéma.
En savoir plus :
Son site :
son site : https://www.deliaowens.com
https://www.youtube.com/watch?v=tjPEL-A5RYQ