L'histoire
Stella, une jeune prostituée, a un don miraculeux. Elle guérit des malades incurables juste en couchant avec eux. Un don qu'elle n'a pas demandé, elle qui vit en compagnie d'une troupe d'un petit cirque un peu miteux il faut bien le dire. Mais sa réputation commence à s'étendre et atteint les pieuses oreilles du Vatican. Une sainte d'accord, mais le modus operandi est totalement inconcevable. Aussi lors d'une réunion des cardinaux, il s'agit de faire basculer la sainte à martyre, autrement dit la tuer. La mission est confiée au cardinal américain Carter, qui rêve d'être pape un jour. Et il confie la mission à une agence tenue par une femme qui envoie illico ces deux meilleurs tueurs sur le coup. Mais c'est sans compter sur l'aide que reçoit notre jeune sainte, dans un road movie totalement déjanté !
Mon avis
Joseph Incardona, plutôt réputé pour ses analyses de nos sociétés a décidé de s'amuser et de nous faire plaisir aussi, dans ce petit livre de 210 pages. Totalement hilarant, on se croirait dans un film de Tarantino ou des frères Cohen. A la fois polar et road movie, vous allez croiser des drôles de personnages. Hormis Stella qui ne comprend pas du tout pourquoi elle a ce don, alors qu'elle vivait très bien dans sa petite caravane, avec ses amis circassiens, vous allez croiser dans un inventaire à la Prévert : un prêtre qui est un ancien de l'US Navy et qui vole au secours de la jeune fille, deux frères tueurs dont l'un est féru de philosophie, aussi stupides que méchants, une patronne d'agence lesbienne, un cardinal affairiste ne dédaignant pas les plaisirs de la chair, un journaliste hondurien qui rêve d'un prix Pulitzer sans oublier une bande de motards qui sait aussi se venger.
Et puis l'auteur lui même qui a son mot à dire, en faisant mine que ces personnages lui échappent ou jugent de leur décision. Bref un cocktail hilarant, qui tourne en dérision l'Eglise catholique romaine, et qui est très « page turner ». On ne s'ennuie pas dans ce voyage bien déjanté dans l'Amérique avec une fin tout aussi surprenante que le livre.
Çà se lit tout seul, ce n'est pas un chef d’œuvre mais on passe un bon moments avec ces déjantés tout bord. Surtout on sent le plaisir de l'écriture et de sortir des sentiers battus pour l'auteur suisse dont on ignorait ce genre de registre. Même si il met toujours en avant les démunis . Bref un bon moment de lecture.
Extraits
Dites trente-trois et toussez fort. C’est un peu le hasard qui veut ça, mais ça tombe précisément au début de ce chapitre, et dans un léger accès de dépression, où les mots sont à la fois vains et apparaissent comme l’ultime rempart à la déroute; ce moment où j'aurais envie de m'en foutre de l'histoire tout en continuant à l’écrire. Ce qui ne serait pas par manque d'imagination, mais par simple inertie, le confort de l'art pour l’art, un roman qui perdrait petit à petit son intrigue, lâche parce qu'éminemment littéraire. Mais il y a Sandmann Johnny. Il y a le jazz, la malice et le sel de la vie qui, parfois, devient sucre sur la langue.
Le dogme est une vérité incontestable. Vous êtes une sorte de Vierge à l'envers, Stella. Vous comprenez? Votre simple présence remet deux mille ans d'histoire en question.
Grand, massif, cheveux gris taillés en brosse et une gueule estampillée "j'ai vécu", le père Brown était le genre de caricature ayant connu une autre vie avant de se réfugier dans l'ascèse. Dire qu'il avait vu pas mal des saloperies dont est capable l'âme humaine serait un euphémisme.
Et si, pour aller plus vite et plus efficacement dans la description du personnage, on voulait emprunter à l'imagerie du cinéma, on penserait à Robert Mitchum dans "La nuit du chasseur". Les phalanges tatouées des lettres L.O.V.E. et H.A.T.E. en moins, le dilemme shakespearien qui le tourmentait en plus.
Santa Muerte et sa boule de cristal, elle qui voit loin, elle qui, en réalité, ne lit pas dans les mains ni dans les cartes, mais dans les craquelures des rides et les yeux meurtris. Santa qui lit dans la souffrance et l'espoir qui s'amenuise.
Ce n'est pas grand-chose, mais ça peut suffire à distraire les habitants de Fernandina Beach, un samedi après-midi. Dans les rafales de vent brûlant et la poussière qui tourbillonne et prend à la gorge. Car, aujourd'hui, c'est un vent soufflant de terre, et les yeux sont rouges. De mauvais alcool et de mauvais sang, la mémoire est fatiguée, c'est jour de paie et c'est un peu celui de l'oubli: un samedi après-midi dans la grande Amérique qui se meurt. Et puisqu'elle meurt, c'est nous aussi qui mourrons un peu avec elle. Parce qu'elle portait pour nous ses promesses d'un ailleurs, d'un renouveau, et il ne faut pas trop lui en vouloir de nous avoir trahis, elle et son drapeau qui se mouche dans les étoiles.Ainsi, mathématiquement : si une personne emmerde six autres personnes qui, à leur tour, emmerdent six autres personnes (et ainsi de suite), on constate qu’au palier quatorze le nombre de gens impliqués dépasse la population mondiale. Donc : faire chier le monde est chose aisée. CQFD.
Vous avez remarqué ? Les questions fondamentales n’ont jamais de réponse.
Dans le classement personnel des frères Bronsky, les stars du showbiz venaient en numéro 2 des clients les plus chiants. En première position, il y avait les hommes politiques, difficiles à éliminer à cause de leurs gardes du corps. Mais aussi parce qu'ils n'arrêtaient pas de supplier pour qu'on leur laisse la vie sauve. Au seuil de la souffrance et de la mort, ils promettaient généralement n'importe quoi, comme dans leur programmes électoraux.
C'est que, ma foi, les gens ont besoin d'espoir, et puis quand l'espoir les abandonne, il leur faut du mensonge, c'est une autre façon de tenir le coup.
Arriver trop tard - ça, c’est un truc, dans la vie, à vous donner des regrets. Pire que de ne pas arriver du tout. L’ironie qui vous fait mesurer ce que vous avez manqué. Et il vous reste les yeux pour pleurer.
Et lorsque Stella ouvrit la porte de son camping-car, ils étaient déjà là à l’attendre. Ils soulevèrent leur peine, leurs visages lourds d’espérance maintenant qu’elle était apparue. Des hommes. Meurtris, diminués, laids. Qui voulaient vivre sans le poids honteux de la dégradation qui leur refusait la condition élémentaire d’un corps en bonne santé. Une douzaine d’hommes, phtisiques, paraplégiques, aveugles, diversement malades ou handicapés.
Le petit cul de la Daihatsu se déhanche en faisant crisser les pneus, Molina se penche et ouvre la portière, se démène pour abaisser le siège passager, s'emberlificote dans la ceinture de sécurité, pas du tout un modèle convenant à l'urgence de la situation. Mais quand on commence à écrire une histoire, on ne sait pas forcément ce qui va se passer plus tard, on pense plutôt qu'au moment du happy end on ferait coller par Maria Molina l'autocollant «bébé à bord» sur la vitre arrière de cette même voiture.
l'époque était à cheval entre l'analogique et le numérique, on ignorait encore si ce qui viendrait nous rendrait plus libres ou si ce serait pire. En revanche, il resterait une certitude : la bonne vieille gueule de bois traverserait les âges.
Le Saint-Siège avait mis près de deux mille ans à asseoir son mythe. La religion catholique romaine était devenue un Etat, elle avait ses employés, sa police secrète, ses intellectuels et ses gardes suisses. Elle avait ses banques, ses hommes d'affaires, ses investisseurs, sa presse, ses éditions et ses entreprises. Une multinationale gérant plus d'un milliard trois cents millions d'individus.
Pas mal pour un jeune chevelu mort à 33 ans, vêtu d'une simple tunique et de sandales en cuir avec, pour seul outil, le verbe.
Biographie
Né
à Lausanne , le 11/02/1969, Joseph Incardona est un écrivain,
scénariste et réalisateur suisse. Né d'un père italien et d'une
mère suisse, il a vLe dogme est une vérité
incontestable. Vous êtes une sorte de Vierge à l'envers, Stella.
Vous comprenez? Votre simple présence remet deux mille ans
d'histoire en question. écu
notamment à Paris et Bordeaux avant de s'installer à Genève.
Riche de sa culture suisse et italienne, admirateur de la
vitalité des écrivains de la péninsule, il puise ses références
dans le roman noir - "roman social" par excellence - et la
littérature américaine du XXe siècle (John Fante, Jack Kerouac,
James Lee Burke, Charles Bukowski.).
Auteur d’une dizaine de
romans et de deux pièces de théâtre, il est également scénariste
de bande dessinée et réalisateur d’un long métrage "Milky
Way" (prix du public au festival international du film policier
de Liège en 2014).
En 2008, il obtient le 2ème Prix de la
Cinémathèque suisse pour son court métrage, "Annonciation".
"Lonely Betty" paru en 2010 chez Finitude, éditeur
bordelais, a obtenu le Grand Prix du Roman Noir au Festival de Beaune
en 2011.En 2015, son roman "Derrière les panneaux il y a des
hommes", publié aux Éditions Finitude, remporte le Grand prix
de littérature policière du meilleur roman en français. En 2018,
"Permis C" (BSN Press, 2016) obtient le Prix du Roman des
Romands.
En savoir plus ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Incardona
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