L'histoire
L'adolescence de Sorb, un jeune d'origine arménienne, qui vit avec sa bande ? Nous sommes en 1962. Les gamins ne sont pas des gros voyous, ils ne dealent pas, juste quelques vols de voitures ou petits larcins, surtout du à l'ennui. Sorb lui veut être journaliste, et se fait embaucher par un journaliste indépendant un peu tordu. Puis, à la suite d'un meurtre qu'il n'a pas commis, il part en Afrique Noire quelques temps. Revenu en France, protégé par un commissaire de police, il se met à travailler pour e Figaro. Alors que la guerre d'Algérie bat son plein, les soucis de la petite bande sont bien éloignés d'une guerre qu'ils ne comprennent pas.
Mon avis
J'adore Ian Manook dans ses polars ethniques et j'avais adoré la série des Yeruldegger, en Mongolie, puis Askja dans les steppes de Mongolie, entre grands espaces et jolie intrigues.
Là, il signe un roman aux tendance autobiographiques. Bien sur en bon auteur, il adopte un langage un peu « titi parisien » voir argotique pour une histoire de petits voyous qui pourtant vont commettre des grosses bêtises. Bien sur il y a une visite des lieux oubliés de Paris, qui n'existent plus aujourd'hui, les boites échangistes où se fait la politique et cette mystérieuse guerre d'Algérie à laquelle la petite bande ne comprend pas grand chose et qui a d'autres soucis en tête. Des histoires d'amour et de vengeance, des rivalités avec des bandes de jeunes des cités voisines. Mais c'est surtout l'ennui de ces jeunes, dans ces tous nouveaux HLM, sans verdure, sans commerce, ni activités sportives qui pousse les jeunes à faire des «conneries ». Pourtant Sorb est un garçon intelligent qui suit tant bien que mal des études supérieures ce qui en fera le premier diplôme de sa famille qui s'en réjouit.
C'est l'histoire d'un
homme en devenir qui se cherche, qui se perd. Un roman d'initiation,
à la vie, à l'amour, aux valeurs. Écrit à la première personne,
cette quête de sens fait vibrer ce passé, dans un texte où
l'écrivain a sûrement mis beaucoup de lui pour retrouver cette
France d'avant 68. Beaucoup de souvenirs, à n'en pas douter, pour
ce premier texte en terre française d'un auteur voyageur.
Sorb,
surnom pour Sorbonne parce qu'il est celui qui fait des études dans
cette bande, avait pourtant tout pour construire une existence toute
tracée. Des parents aimants qui l'aident à se lancer, une belle
intelligence, une relation torride avec sa petite amie. Mais il ne
voit pas les signes, ne se rend pas compte de l'importance de ce
qu'il reçoit ni de ce qu'il peut en faire. Phénomène de groupe, le
clan va de dérapage en dérapage, jusqu'à se morceler quand tout
ira trop loin.
Pourtant, ce ne sont pas vraiment de sales
gars, mais de ceux qui ne trouvent pas leurs places dans la société,
dans une France qui se débat avec les soubresauts de la guerre
d'Algérie. Avec Sorb, en pleine désillusion, qui côtoie deux
mondes, entre sa copine friquée et le monde ouvrier dans lequel il
grandit. Mais à mon avis, il manque de la hauteur à ce roman, avec
des personnages un peu cliché comme cet inspecteur à la Audiard, ou
la fiancée riche mais contestataire en rébellion contre sa famille
friquée. On a bien sur de l'humour assez corrosif, des passages
tristes mais des belles échappées dans un Paris qui n'existe plus.
Pas assez pour en faire un chef d’œuvre à mon avis, on n'y
retrouve pas le souffle dynamique des romans voyageurs. Mais un
retour sur un passé qui trouve des échos aujourd'hui dans ce qu'on
appelle les « quartiers ».
Extraits
M’man, la plupart de ces hommes ont un travail et gagnent leur vie. Ils ont un salaire. Une voiture même, souvent. – Mais alors pourquoi vivent-ils dans de telles conditions ? – Parce que, malgré leur salaire, on ne leur donne pas de logement. – Mais pourquoi, Mathieu, pourquoi ? – Parce qu’ils sont Arabes, m’man.
Les crimes ne résultent pas que de la confrontation des individus. Ils sont la conséquence de ce que la société fait de nous tous. Assassins ou victimes, ils le doivent aussi à leur éducation, à la morale ambiante, à leur situation sociale et économique, au regard de la société sur ce qu’ils sont, et au hasard. L’imparable faute à pas de chance. Le célèbre mauvais endroit au mauvais moment. Sans sa morne vie de prolo qui l’échoue chaque soir dans sa solitude, abruti de fatigue et de solitude, Laurent n’aurait pas eu besoin de se trouver une bande, il ne t’aurait pas connu, il ne t’aurait pas rejoint au Baltimore, et il ne serait pas devenu le poing du destin pour cette pauvre femme.
Le sexe est l’expression ultime du pouvoir. Les partouzes, les ballets roses, la pédophilie, c’est l’ultime arrogance de ceux qui croient tout avoir et en veulent plus encore. Et tu sais pourquoi ? – C’est vous le professeur en saloperies…– Parce que c’est l’avilissement de l’autre, l’affirmation de sa victoire contre la morale, contre l’humanité, l’accession au parterre des dieux, pour disposer comme eux des pauvres humains qui ne peuvent que subir. Baiser dans ces conditions, c’est tuer. C’est poignarder avec son sexe. Il n’y a pas de pouvoir sans sexe. Jamais !
Je fréquente la bande parce qu'en dehors de la fac, je n'ai rien d'autre à faire et que je m'ennuie dans le HLM blême de mes parents au milieu de ma cité dortoir... Le petit bourge futé d'urbaniste qui a imaginé la cité où nous vivons n'a prévu aucun bar. Zéro troquet. Dix mille nouveaux habitants et pas un rade ! Cité prolo, qu'ils ont dit. Métro, boulot, dodo. Pas bistro.
Le ciel bas est laineux. De chaque côté de la rue, des champs de boue le brisent en reflets mats dans des flaques et des ornières. Tout est sinistre et miséreux soudain. C’est une morne plaine qui s’étend jusqu’à l’horizon, jonchée d’immeubles tristes et géométriques au milieu de terrains vagues morcelés de chantiers et de cabanons. Et pour seuls arbres, des grues squelettiques qui construisent d’autres clapiers démesurés.
Écrire, s'évoquer des sentiments universel à travers des destins individuels.
L’enfance ne fait pas de nous ce que nous devenons, mais c’est ce que nous devenons qui tue notre enfance. Après, il ne reste plus que l’idée que nous nous en faisons.
Ce type ne sait pas mentir. Même sans rien dire, il a l'air coupable de ce qu'il cache. Martineau le salue de la tête. Les rares habitués sont partis. Il ne reste que la bande autour de la table. Ceux qui jouent et ceux qui regardent en attendant le massacre. Seule Annie navigue ailleurs, toute seule devant le juke-box, les yeux au plafond, et rêve qu'elle s'appelle Daniela et que l'amour d'Eddy Mitchell n'est qu'un jeu pour elle.
Quoi que tu écrives, souviens-toi bien de ça, quelqu'un se sert de toi, un autre te ment, un troisième t'édulcore, et un dernier te lit en ne comprenant que ce qu'il veut bien comprendre.
S’aimer, vivre ensemble, se marier… – Ah, ce genre de choses. – Oui, ce genre de choses. Je savais bien que nous en arriverions là un jour. Je ne pensais pas que cela arriverait alors que nous serions nus dans la paille de la galerie abandonnée de l’orangerie du château de Meudon.
Je m’appelle Sorb. Je n’ai pas choisi. C’est le diminutif de Sorbonne. Ceux de la bande m’ont donné ce surnom parce qu’ils me trouvent plus instruit qu’eux.
Il y a encore plus malheureux que le prolétariat relogé des cités. Il y a le populo abandonné de tous, celui des quartiers insalubres. Les moins que rien. Les sans nom. Les sans dents. Les miséreux. Ceux dont on attend qu'ils s'éteignent d'eux- mêmes, comme un feu qui couve et qu'on ne daigne même pas noyer, attendant qu'il s'étouffe...
Dehors, sous le grand cèdre. Nous regardons le trafic basculer dans la cuvette d'Anthony. C'est un déversoir. Un flot ininterrompu de feux arrière qui disparaissent dans le trou béant de la nuit en ensanglantant le paysage. Un fleuve de sang lumineux. Plus loin c'est Fresnes, et la bifurcation vers Paris, ce halo orangé et hypnotique là-bas, dans le fond. Comme une cloche en verre qui nous l'interdit et nous tente à la fois.
Des mecs de Meudon-la-Forêt, c’est tout. On zone, on fout la pagaille dans les Prisus, on choure deux ou trois trucs dans les Félix Potin, des quarante-cinq tours chez les disquaires, rien de méchant. On siffle les filles et on se tire en ricanant. Rien de grave. Quelques caisses aussi, bien sûr.
On écoute du rock américain. Dick Rivers et Richard Anthony aussi. Moi j’écoute Charles Aznavour en douce, parce que mon père est Arménien.
Biographie
Né à Meudon, le
13/08/1949, Journaliste, éditeur et écrivain dont le vrai nom est
Patrick Manoukian. Il a écrit sous les pseudonymes de Manook, Paul
Eyghar, Ian Manook et Roy Braverman. Il signe également, avec Gérard
Coquet, sous le pseudonyme collectif de Page Comann.
Grand
voyageur, dès l’âge de 16 ans, il parcourt les États-Unis et le
Canada, pendant 2 ans, sur 40 000 km en autostop. Après des études
en droit européen et en sciences politiques à la Sorbonne, puis de
journalisme à l’Institut Français de Presse, il entreprend un
grand voyage en Islande et au Belize, pendant quatorze mois, puis au
Brésil où il séjournera treize mois de plus.
De retour en
France au milieu des années 1970, il devient journaliste indépendant
et collabore à Vacances Magazine et Partir, ainsi qu’à la
rubrique tourisme du Figaro. Journaliste à Télémagazine et Top
Télé, il anime également des rubriques "voyage" auprès
de Patrice Laffont sur Antenne 2 et de Gérard Klein sur Europe 1. Il
devient ensuite rédacteur en chef des éditions Télé Guide pour
lesquelles il édite, en plus de leur hebdomadaire, tous les titres
jeunesse dérivés des programmes télévisés : Goldorak, Candy,
Ulysse 31. Patrick Manoukian écrit en 1978 pour les éditions
Beauval deux récits de voyage : "D’Islande en Belize" et
"Pantanal".
En 1987, il crée deux sociétés :
Manook, agence d’édition spécialisée dans la communication
autour du voyage, et les Éditions de Tournon qui prolongent son
activité d’éditeur pour la jeunesse (Denver, Tortues Ninja,
Beverly Hill, X-Files…).
De 2003 à 2011, il signe les scenarii
de plusieurs bandes dessinées humoristiques. Son roman pour la
jeunesse "Les Bertignac : L'homme à l’œil de diamant"
(2011), obtient le Prix Gulli 2012.
En 2013, il publie un roman
policier intitulé "Yeruldelgger". Les aventures du
commissaire mongol éponyme lui ont valu pas moins de seize prix dont
le Prix SNCF du polar 2014. Lesdites aventures se poursuivent dans
"Les temps sauvages" (2015) récompensé par un nouveau
prix et "La mort nomade" (2016).
Son roman "Hunter"
(2018) est suivi de "Crow" (2019) , deuxième titre d'une
trilogie qui attend sa conclusion.
Voir ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_Manoukian
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